Signifiant : juste. Surnom latin porté par trois personnages du Nouveau Testament
Joseph Barsabas, l’un des premiers adeptes de l’Évangile, qui accompagna les apôtres « pendant tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu » et qui fut témoin avec eux de sa résurrection (Actes 1 : et suivant). Nous ne savons qu’une chose de ce disciple, c’est qu’il fut l’un des deux candidats du fameux tirage au sort auquel les Onze eurent recours pour nommer le successeur de Judas. Deux noms en effet étaient mis en avant : Matthias et Justus. Le sort tomba sur Matthias (Actes 1.26). Saint Jérôme s’inquiète de savoir si Justus ne fut pas affecté par son échec. La question, pour nous, n’est pas là. Elle est de savoir si, en choisissant eux-mêmes deux hommes, selon leur sagesse charnelle, et en limitant à ces deux le choix qu’ils imploraient de Jésus par le sort, les apôtres n’ont pas dépassé leurs attributions.
Sans doute, l’usage du sort pour soustraire une décision au libre choix et la faire dépendre d’une puissance supérieure — dieux ou destin — dirigeant le hasard, existait en Israël (voir Éphod, Sort). On s’en servit pour partager entre les tribus le sol de Canaan (Nombres 26.55 ; Nombres 33.54 ; Josué 14.2 ; Josué 18.6), pour désigner les villes lévitiques (Josué 21.4 et suivants), pour fixer la population de Jérusalem au retour de l’exil (Néhémie 11.1) ; on y avait recours pour répartir entre les vainqueurs le butin ou les prisonniers (Abdias 1.11; Joël 3.3, Nahum 3.10). Le Nouveau Testament nous donne un exemple de tirage au sort resté célèbre : celui que les soldats romains firent au Calvaire pour savoir à qui reviendrait la tunique sans couture de Jésus-Christ. Mais, en faisant appel au sort pour régler une affaire concernant l’ordre nouveau que Jésus venait de fonder sur la terre, les Onze ne se sont-ils pas écartés des mœurs que leur Maître voulait leur donner par le règne de l’Esprit ?
Remarquons d’abord que Jésus avait recommandé aux Onze d’attendre, pour agir, qu’ils eussent été revêtus de la puissance d’En-haut (Actes 14). Simon Pierre, avec la précipitation qui, si souvent déjà, lui avait valu les avertissements du Maître qu’il aimait (Marc 8.33 ; Matthieu 14.31; Luc 22.33 et suivant, Jean 18.11), n’attend pas la Pentecôte et prend une initiative. L’intention est touchante : « Il faut », déclare-t-il, que les Onze s’adjoignent un douzième témoin pour remplacer le traître. Il fixe lui-même les conditions qui doivent présider à ce choix. Était-il bien sûr que ce fussent là les conditions que Jésus — qui avait choisi directement ses douze apôtres — estimait nécessaires au choix du treizième ? Était-il certain que Jésus avait besoin de l’intervention de ses disciples pour remplacer Judas ? L’élection de Saul de Tarse, faite directement par Jésus sur le chemin de Damas, va bientôt lui apprendre que non. Et tandis que Matthias ne reparaît plus dans le Nouveau Testament, celui-ci est tout rempli de l’activité de Paul, qui s’intitule « apôtre, non par les hommes, mais par Dieu » (Galates 1.1), et qui pourra dire un jour : « J’ai plus travaillé que tous les autres » (1 Corinthiens 15.10).
Sans vouloir insister ici, ni surtout jeter un blâme sur un acte accompli en toute sincérité de cœur dans un milieu dont la piété nous domine, disons seulement que le tirage au sort — dont le Nouveau Testament n’offre plus d’autre exemple et dans la voie duquel l’esprit chrétien n’a pas persisté — ne nous semble pas approprié aux affaires du Royaume de Dieu. Ceci pour la raison que Jésus a donné à l’Église, par la prière en son nom, une source d’informations qui devait faire disparaître tous les moyens de discernement plus ou moins apparentés à la superstition, à la divination païenne et au simple hasard. Si l’on objecte que, précisément, la prière accompagnant le tirage au sort en exclut l’élément de superstition ou de hasard, nous répondrons qu’il y a encore au tirage au sort un autre inconvénient : celui de réduire les possibilités de Dieu à une alternative qui lui est présentée par des calculs humains et qui limite ainsi son intervention au choix que l’homme lui propose. Jésus, en envoyant le Saint-Esprit à l’Église, ne lui a pas seulement envoyé un consolateur, mais aussi un conseiller, désormais son seul légitime inspirateur. Qui dira les ressources que Dieu peut faire intervenir en faveur de celui qui le prie pour obtenir les lumières de son Esprit (Cf. Romains 11.33) ? C’est par cette prière que l’enfant de Dieu dispose son cœur à l’illumination intérieure qui emporte la conviction et détermine l’action.
La prière au nom de Jésus ne doit pas être une mise en demeure pour Dieu de sanctionner une initiative humaine. Dieu ne doit pas être mis devant le fait accompli, comme il le fut par le choix préalable de Justus et de Matthias, entre lesquels seuls on le priait de décider. Dieu demande à diriger, non seulement le dénouement, mais les initiatives ; et jamais, dans l’activité de l’Église, les initiatives ne doivent précéder l’effusion de l’Esprit. Que d’erreurs, que de crimes, auraient été épargnés au peuple de Dieu si ses chefs avaient toujours su s’abstenir de prononcer des « il faut » avant d’avoir reçu les directions célestes.
Cela dit, nous ne voulons point nier que Dieu puisse se servir en certaines occurrences d’une circonstance fortuite, d’un verset biblique mis soudainement sous nos yeux pour nous instruire, nous avertir, nous consoler. L’histoire de l’Église nous montre des communautés, des chrétiens éprouvés, se servant de moyens fort proches du tirage au sort pour obtenir de Dieu une réponse — telle Dorothée Trudel à Maennedorf tirant d’une cassette remplie de passages de la Bible la parole que Dieu lui donnait à l’instant même pour texte d’une exhortation ; mais ce sont là des procédés exceptionnels qui supposent chez ceux qui les emploient un tempérament spécial, une vocation particulière. Ils ne doivent être employés qu’avec une grande prudence et ne sauraient être généralisés sans faire courir un danger certain à l’Église de Jésus-Christ.
Alexandre Westphal
Titius ou Titus, prosélyte de la synagogue de Corinthe, qui ouvrit à saint Paul sa maison, contiguë à cette synagogue (Actes 18.7).
Jésus, compagnon de travail de l’apôtre, qui envoie ses salutations à l’Église de Colosses (Colossiens 4.11)
De ces trois personnages, tous devenus chrétiens, 1 et 3 étaient Juifs et, comme beaucoup de leurs compatriotes, avaient ajouté à leur nom sémitique un surnom gréco-romain lui ressemblant plus ou moins (voir Deissmann, BS, page 184). Le № 2 était d’origine païenne, et son nom est romain comme son surnom.
Numérisation : Yves Petrakian