Comme pour la Genèse et l’Exode, le nom du 3e livre du Pentateuque lui est venu du texte grec des LXX, en passant par la Vulgate latine. Ce nom ne signifie pas que le livre qui le porte va s’occuper des Lévites proprement dits, de leurs fonctions et prérogatives, car les Lévites, au sens strict de ce mot, n’y sont nommés qu’une seule fois (Lévitique 25.32), et le livre ne s’occupe que de la classe supérieure des prêtres ; il ne porte ce nom que dans le sens où l’épître aux Hébreux (Hébreux 7.11) emploie l’adjectif lévitique, et il est, en somme, l’équivalent de sacerdotal. Les Juifs le désignent par le terme Vayyiqrâ, premier mot de Lévitique 1.1 : « il appela », ou par l’expression Thôrath kôhanîm = loi des prêtres.
Bien que Lévitique présente, à première vue, une certaine unité extérieure, on y reconnaît facilement 5 parties principales distinctes :
Lévitique 27 est un appendice ajouté à l’ensemble de ces différents groupes et contenant des règles sur le rachat des offrandes votives, des premiers-nés et des dîmes. On le rattache parfois au groupe précédent.
Avant d’étudier les caractères propres à ces divers groupes et le rapport qui les relie les uns aux autres, il faut relever le fait que, pour Lévitique, la question chronologique ne Joue aucun rôle, car il ne renferme sur ce point qu’une seule indication, d’ailleurs incomplète : « le 8e jour, Moïse appela Aaron… » (Lévitique 9.1) ; il s’agit sans doute du 8e jour du 1er mois de la 2e année de la sortie d’Égypte (cf. Exode 40.2 ; Exode 40.17). Toutes les lois de Le sont donc censées appartenir à cette époque-là. On pourrait toutefois croire qu’il existe une contradiction entre deux textes, quant au lieu de la promulgation de ces lois, Lévitique 1.1 parlant de la tente du Rendez-vous, tandis que Lévitique 7.38 parle du Sinaï comme du lieu où les lois sur les sacrifices (Lévitique 1-7) auraient été données à Moïse. Mais l’opinion généralement admise est que les mots de Lévitique 1.1 : « de la tente du Rendez-vous », proviennent du rédacteur qui a inséré Lévitique 1-7 dans Lévitique et qui voulait faire cadrer ces chapitres avec la situation décrite Exode 40.34 et suivants
Pour Lévitique, la question des documents ayant servi à le composer se pose d’une façon beaucoup plus simple que pour Genèse, Exode et Nombres En effet, on n’y trouve aucune trace des documents J, E et D ; il a été tout entier emprunté aux diverses couches du document P. Rappelons ici brièvement (pour les détails, voir Pentateuque) que ce dernier document a pris naissance dans les milieux sacerdotaux, dont il reflète les préoccupations de l’ordre rituel et juridique. Le but de ceux qui en ont composé les diverses parties a été de tracer une histoire des institutions religieuses et des rites de l’ancien Israël. Partout on retrouve le même style, le même fonds d’expressions et de particularités de langage, les mêmes idées. Mais son unité d’inspiration, quelque remarquable qu’elle soit, ne constitue pas une unité de l’ordre littéraire, et nombreuses sont les preuves de la multiplicité des mains qui ont travaillé à la rédaction de ce document, dont la composition s’étend sur une période de deux siècles, puisque certains critiques font même remonter jusqu’à la période antédeutéronomique les parties les plus anciennes du Code de Sainteté, Lévitique 17-26 et qu’on doit descendre jusqu’à la deuxième moitié du Ve siècle pour en fixer la rédaction dernière. Pour se représenter le mode de formation de P, on peut dire que : autour d’un premier noyau Pg (g = l’allemand Grundschrift =écrit fondamental) composé de récits et de lois et rédigé vers 500 avant Jésus-Christ, sont venus se grouper divers éléments, les uns plus anciens, les autres plus récents ; de leur combinaison est résulté le document P. Mais il faut admettre en outre que, à des époques plus récentes encore, il a été fait soit des adjonctions, soit des retouches à cette première grande rédaction.
Les divers groupes de lois dans Lévitique. Quels sont, dans Lévitique, les groupes de lois qui sont venus se fondre dans P, après avoir constitué d’abord de petits codes ou recueils isolés ?
Les chapitres 1-7 forment un petit code à part, désigné par P° (o = offrande) ; voyez l’introduction spéciale, Lévitique 1.1-2. Il est de date plus récente que la partie principale de P, bien qu’il réserve encore au seul grand-prêtre l’onction sacerdotale (Lévitique 4.3) ; il connaît, d’autre part, l’existence de l’autel des parfums (Lévitique 4.7 ; Lévitique 4.18) qui ne paraît que dans les parties tardives de P, et il mentionne le double holocauste journalier (Lévitique 6.8 et suivants), indice de date également récente. Ces lois de 1-7, bien qu’introduites ici à une époque postérieure, reposent néanmoins sur un fond de thôrôth (lois, instructions sacerdotales) plus anciennes, auxquelles on aura fait subir des additions et retouches successives.
D’ailleurs, P° ne forme pas un tout unique ; il comporte deux subdivisions distinctes : chapitres 1-5 et chapitres 6-7 ; l’ordre dans lequel les lois y sont indiquées (le sacrifice de paix précédant, dans 1-5, et suivant, dans 6-7, les sacrifices pour le péché et de réparation), des différences dans la façon de formuler les lois et, enfin, la clausule Lévitique 7.37, qui ne se rapporte qu’aux chapitres 6-7, montrent bien que ces deux derniers chapitres forment un tout à part. Il faut donc distinguer :
Lévitique 1-5, prescriptions adressées à l’ensemble de la communauté. Lévitique 2 n’est pas à sa place dans le texte actuel, car il rompt la liaison entre Lévitique 1 (rituel de l’holocauste) et Lévitique 3 (rituel du sacrifice de paix), en intercalant entre les deux la loi de l’offrande végétale.
Lévitique 6-7 s’adressent aux prêtres et reprennent en partie les sujets traités par Lévitique 1-5. Le texte hébreu rattache, avec raison, au chapitre 5 les versets 1,5 du chapitre 6 dans nos versions. Ce groupe, Lévitique 1-7, sépare actuellement deux textes dont l’un, chapitres 8-10, est la suite régulière de Exode 40. Ce dernier, en effet (Exode 40.12-15), a l’ordre donné à Moïse de consacrer comme prêtres Aaron et ses fils, et cet ordre est précisément celui dont Lévitique 8 raconte l’exécution. On s’explique d’ailleurs la raison pour laquelle un compilateur postérieur a cru devoir insérer ici les chapitres 1-7 : il estima logique de faire précéder le récit de la consécration des prêtres par l’indication du rituel des sacrifices que ces prêtres allaient avoir à suivre dans l’exercice de leurs fonctions.
Lévitique 8-10. Le rapport de ces chapitres avec P apparaît nettement dans le fait qu’ils sont la suite directe du récit de l’établissement de la Tente du Rendez-vous ou Tabernacle (cf. les dates, Exode 40.17 et Lévitique 9.1) et qu’ils ont la même terminologie. Cependant, de même que les chapitres Exode 35ss sont apparus comme étant d’origine postérieure par rapport à Exode 25 à Exode 30 (voir Exode), il faut admettre aussi que Lévitique 8-10 appartenaient à une couche secondaire de P, plutôt qu’à Psaume même. En effet, Exode 29 n’avait pas prescrit l’onction du Tabernacle et de ses ustensiles, qui est racontée dans Lévitique 8.10 et suivants, et certains traits de la cérémonie de consécration, dans Lévitique 8.16-20 ; Lévitique 8.26, paraissent rappeler, non pas Exode 29, mais plutôt les prescriptions plus tardives de Lévitique 1-7. D’autre part, comme Lévitique 8 ne connaît pas encore l’autel des parfums, il faudrait en conclure qu’il appartient à une des couches secondaires de P les moins récentes.
Lois sur la distinction du Pur et de l’Impur (voir article) : Lévitique 11-15 :
Ce code, qu’on désigne par les lettres Pp (p = purification, ou pureté), a dû avoir, à l’origine, une existence indépendante. Il ne présente pas une unité littéraire complète : il renferme des textes sortis de leur place naturelle et des marques de rédactions successives. Ainsi dans Lévitique 11, le passage Lévitique 11.24 ; Lévitique 11.40 (souillure par contact du cadavre d’un animal) interrompent la liste des animaux comestibles, Lévitique 11.1-23 41-47. En outre, la clausule Lévitique 11.47 n’y fait aucune allusion ; ils ont été insérés postérieurement et sont de Pg. Dans Lévitique 13, les versets Lévitique 13.47-59, qui traitent de la lèpre des étoffes et des cuirs, ont été intercalés ici postérieurement, car Lévitique 14.1 est la suite régulière de Lévitique 13.46, et ces 2 chapitres traitent exclusivement de la lèpre chez l’homme et de la purification du lépreux.
Enfin, l’unité n’existe pas dans Lévitique 14.1 ; Lévitique 14.32 ; on y trouve décrites deux cérémonies de purification, Lévitique 14.1 ; Lévitique 14.8 9-20, qui pourraient avoir constitué, à l’origine, deux rituels différents, dont Lévitique 14.1 ; Lévitique 14.8 paraît être le plus ancien. Il est probable, en outre, que Lévitique 14.21-32 constitue une adjonction récente, ce que semble indiquer la clausule spéciale de Lévitique 14.32, qui ne se rapporte qu’à ces versets.
Lévitique 16 décrit le rituel du Jour des Expiations. La place qu’il occupe ici se justifie pleinement, car « le rituel si impressif de ce Jour forme le point culminant et le couronnement des rites de purification de l’ancienne alliance » (A.R.S. Kennedy, Commentaire sur Lévitique et Nombres). Il a été souvent considéré comme se rattachant à Lévitique 10.1 et suivant, récit de la mort de Nadab et d’Abihu, parce que, dans Lévitique 16.1, il est fait allusion à cet événement. Ces chapitres 10 et 16 auraient donc été séparés postérieurement, d’une façon tout extérieure, par l’insertion des chapitres 11-15. Comme les précédents, le chapitre 16 présente des indices positifs du travail de plusieurs mains ; on y rencontre plusieurs données à double, et l’opinion dominante admet que ce chapitre est le résultat de la combinaison d’au moins 2 documents distincts, et que les versets 1,3,4, qui servent d’introduction à ce chapitre, contiendraient une formule de transition s’appuyant sur 10.1 et suivant (histoire de Nadab et d’Abihu) et qui aurait fourni l’occasion de donner au grand-prêtre des instructions sur le moment et la manière de se présenter devant Dieu dans le Lieu Très-Saint. Les sources mises en œuvre dans le chapitre 16 seraient :
Enfin, les versets Lévitique 16.29-34 (a), qui indiquent la date du jour des Expiations (10e jour du 7e mois), seraient la partie la plus récente, puisqu’à l’époque d’Esdras cette fête n’existait pas encore, du moins à la date et sous la forme que Lévitique 16 lui assigne.
Le Code dit de Sainteté, chapitres 17 à 26 :
Le groupe des chapitres 17 à 26 doit retenir tout particulièrement l’attention du lecteur. Actuellement incorporé dans P, avec lequel il présente un certain nombre de points de ressemblance, il s’en distingue néanmoins par sa terminologie spéciale, par le fait que ses lois se rapportent, non pas à la période du désert, mais à celle du séjour en Canaan (Lévitique 19.23 ; Lévitique 23.10 ; Lévitique 25.2) ; par la présence, non seulement de règles relatives au culte, mais par celle de préceptes de morale, de droit civil et criminel ; par le fait que ces chapitres s’adressent plus habituellement au peuple, alors que P s’adresse aux prêtres.
On a souvent relevé les rapports qui existent entre ce groupe, le Code de l’Alliance (Exode 20 ; Exode 21 ; Exode 22 ; Exode 23) et le Code deutéronomique ; tous trois présentent une même ordonnance générale ; ils commencent par parler du lieu de culte ; ils renferment des séries de règles de l’ordre religieux, civil et moral, et tous trois se terminent par un discours exhortatif (Lévitique 26 ; Exode 23.2-33 ; Deutéronome 28). Quelques critiques (Ewald, Nöldeke, Schrader, Graf, Klostermann), se fondant sur le fait que les signes caractéristiques de ce groupe apparaissent tout d’abord dans l’introduction à Lévitique 18.2 ; Lévitique 18.5, voyaient dans ce chapitre le début du groupe en question ; les critiques plus récents le font commencer déjà avec le chapitre 17 (Knobel, Wellhausen, Horst, Gautier, Trabaud, Steuernagel, etc.). Depuis les travaux de Klostermann (1877), qui lui assigna un nom distinct très heureusement choisi, on a pris l’habitude de nommer ce groupe « Code de Sainteté » et de le désigner par la lettre H (Heilig, Saint). En effet, on y trouve (surtout dans Lévitique 21 et Lévitique 22) l’accent mis constamment sur le motif de la Sainteté de Yahvé, attribut suprême de la divinité et qui doit devenir pour Israël, s’il veut atteindre à l’idéal moral qui lui est proposé, le principe inspirateur de sa conduite ; voyez l’emploi de phrases comme celles-ci : « Car je suis saint, moi Yahvé qui vous sanctifie », ou « Je suis Yahvé votre Dieu qui vous sanctifie », ou encore « Je suis Yahvé qui vous ai séparés des peuples », ou enfin la simple déclaration qui vient sceller les ordres divins « Je suis Yahvé » ou « Je suis votre Dieu ». Lévitique 19.2 résume cette affirmation de la sainteté divine du Dieu d’Israël sous cette forme solennelle : « Soyez saints, car je suis saint, moi Yahvé votre Dieu ». Un examen détaillé des chapitres 17-26 montre que H actuel n’est pas homogène dans toutes ses parties ; c’est un ensemble composite qui repose évidemment sur des travaux et des groupements antérieurs ; il lui a été fait des adjonctions diverses, surtout à l’époque où il a été réuni à P par le rédacteur, qu’on désigne sous la forme Rp, et qui fit son travail en se plaçant au point de vue de Pg ; c’est ainsi que la plupart des suscriptions et formules d’introduction du discours dateraient de cette époque. En outre, H ne paraît pas avoir été transmis tout entier dans Lévitique 17 à Lévitique 26, car on en retrouve des fragments ailleurs (ainsi dans Lévitique 11.43-45 ; Exode 31.13-14 ; Nombres 15.37 ; Nombres 15.41, peut-être aussi, d’après Driver, dans Exode 6.6 ; Exode 6.8 ; Exode 12.12 et suivant, Lévitique 10.9-10 et suivant). Enfin, H pourrait être considéré comme provenant de la combinaison de deux séries de textes juridiques distincts : on s’en rend compte par la présence de répétitions telles que : Lévitique 17.10-14 et Lévitique 19.26 ; Lévitique 19.19 ; Lévitique 19.23 ; Lévitique 19.30 ; Lévitique 26.2 ; Lévitique 26.1. Indiquons ici quelques-uns des chapitres qui composent cet ensemble. Les chapitres 18-20 présentent très marqués les signes caractéristiques de H. Lévitique 18 renferme les lois concernant les unions illicites, mais sans indiquer les sanctions pénales qui doivent frapper les coupables, sanctions qui sont indiquées en partie dans Lévitique 20 (Il manque celles qui concernaient les infractions aux lois de Lévitique 18.7 ; Lévitique 18.10 ; Lévitique 18.17 ; Lévitique 18.18). Cependant, ces deux chapitres ne doivent pas être de la même main, car l’ordre d’énumération et la terminologie diffèrent ; on ne comprendrait pas non plus, si chapitres 18 et 20 étaient du même rédacteur, pourquoi le texte aurait traité distinctement les infractions au chapitre 18, et les sanctions pénales au chapitre 20. Quant à Lévitique 19, il renferme, selon la très juste observation de Moore, « un bref manuel d’instruction morale qui fait de lui le représentant peut-être le meilleur de la morale d’Israël » (EB, article Lévitique). C’est là qu’on trouve les deux grands préceptes : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (verset 18), et : « tu aimeras l’étranger comme toi-même » (verset 34). Plusieurs critiques ont établi un rapprochement entre les versets 3 et suivant et la première table du Décalogue, tandis que verset 11, 18 rappelleraient la deuxième. Lévitique 23 renferme les prescriptions concernant les Fêtes (voir ce mot), ou « Saintes Convocations » (Sabbat, Pâque, Pains sans levain, Fête des Semaines, Nouvel An, Jour des Expiations, Tabernacles). Dans ce Calendrier des Fêtes, on retrouve la combinaison d’au moins deux lois sur le sujet. La majeure partie du chapitre provient de P, dont on retrouve les signes caractéristiques dans verset 1, 8, 21-23, 38, 44, tandis que versets 9-20, 22, 39, 40-43 présentent ceux de H. Sous sa forme actuelle, ce Calendrier résulte donc de la réunion des données de P et de H, auxquelles le rédacteur (Rp) a ajouté un certain nombre d’éléments de date plus récente. On a remarqué que, comme dans les plus anciens documents, les fêtes sont encore mises, par la tradition de H, en relation avec la vie agricole (récolte des céréales et des fruits du sol) ; seulement, ici, les sacrifices offerts le sont par la collectivité et non plus par les individus ; en outre, aucune date fixe n’est prescrite. Dans la série des fêtes de P, au contraire, la corrélation de ces fêtes avec l’année agricole n’est plus marquée, elles ont pris une signification nettement religieuse, et on doit les célébrer à des époques fixes. Enfin, dans la série de P, on a même discerné un groupe plus récent, versets 23-32, qui, à la liste des trois grandes fêtes anciennes, ajoute celle du Nouvel-An et (verset 3) le Sabbat.
Lévitique 25 ne paraît pas non plus former un tout homogène, ce qu’indiquent déjà les changements de nombre (singulier et pluriel) qu’on observe ici. Il présente de nombreuses difficultés de l’ordre littéraire et archéologique dans le détail desquelles on ne peut entrer ici (voyez les Commentaires de Baentsch, Kennedy, etc.). Il semble que l’on soit en présence de deux parties qui, primitivement, étaient distinctes : l’une ne contenait que la loi sur l’année sabbatique et un ensemble de prescriptions de portée humanitaire ; l’autre avait trait à l’année jubilaire. Une main plus récente aura constitué, de ces deux parties, un tout unique, et établi le rapport entre l’année du Jubilé et les prescriptions humanitaires en question. Ce qui concerne l’année sabbatique proviendrait de H (2-7, 14, 17-25.35-40, 43, 47, 53, 55) et ce qui a trait à l’année du Jubilé, en y comprenant les adjonctions du rédacteur qui a uni les deux groupes (8-12.15s.26-34, 40b, 44-46, 48-52.54) de Psaume c’est-à-dire une couche secondaire de P.
Enfin, Lévitique 26. Cette conclusion exhortative de H se compose de cinq bénédictions et cinq malédictions. Elle paraît être du même auteur qui a compilé le Code de Sainteté en y incorporant les divers groupes de thôrôth plus anciennes qui le composent. Pour l’analyse critique détaillée de H, voyez H. Trabaud, L’introduction à l’Ancien Testament dans sa phase actuelle, 1911, p. 109ss, et Steuernagel, Lehrb. der Einleit. 8n das Ancien Testament, 1912, p. 163ss. La fixation de la date à laquelle il convient d’assigner H dans ses parties les plus anciennes, les thôrôth ou décisions juridiques que rendaient les prêtres sur les questions soumises à leur jugement, et celle de la date à laquelle il faut fixer la rédaction du Code de Sainteté sous sa forme actuelle, dépendent de la solution qu’on croira devoir donner à un problème qui a frappé depuis longtemps les critiques : les ressemblances très marquées qui existent entre le livre d’Ézéchiel et le Code H. Le prophète et H sont inspirés par le même esprit ; ils poursuivent le même but et, de l’un à l’autre, les analogies de pensée et d’expression sont frappantes ; tel chapitre de H (ainsi le chapitre 26) est tout rempli d’expressions qu’on retrouve dans Ézéchiel. Ces constatations mettent les critiques en face de deux suppositions possibles :
Si l’on s’en tenait à la rédaction de H telle que nous la possédons aujourd’hui, dans laquelle sont entrés bien des éléments tardifs empruntés aux diverses couches de P, on serait tenté de souscrire à la première de ces suppositions. Mais, d’autre part, s’il existe de nombreuses ressemblances, il y a aussi des différences non moins marquées entre l’un et l’autre, et les raisons qui militent en faveur de l’antériorité de H paraissent l’emporter sur la conclusion contraire. Citons, par exemple, le fait que H ne connaît pas la distinction établie par Ézéchiel entre prêtres et lévites ; la classification des sacrifices est plus minutieuse dans Ézéchiel et rapproche ces derniers des lois de P ; les prescriptions de H concernant « le prêtre qui est plus grand que ses frères » (Lévitique 21.10) montrent qu’il existait alors un prêtre qui était considéré comme le primus inter pares, comme l’indiquent plusieurs passages des livres historiques ; mais ce n’était pas encore le grand-prêtre tel que P le représentera plus tard et qu’Ézéchiel ne connaît pas encore. On remarquera aussi que Lévitique 26, le discours parénétique qui termine H et qui, selon l’expression de L. Gautier, « fourmille » d’expressions qu’on retrouve dans Ézéchiel, produit une impression de vigueur et d’originalité que ne produirait pas une composition littéraire, laquelle n’aurait consisté qu’en pièces et morceaux empruntés à Ézéchiel. Klostermann, comparant H et Ézéchiel dans le détail, a montré que souvent le prophète paraît développer ou accentuer les données d’un original plus simple qu’il aurait sous les yeux ; d’autres, tels que Wellhausen et Kuenen, ont relevé un certain nombre de différences qui paraissent exclure nettement l’autoricité d’Ézéchiel en ce qui concerne H (voyez cette question exposée par Driver, Introduction Old Testament, 9 th édition 1913, pages 145-151).
On pourrait aboutir aux conclusions suivantes, quant à la date de H :
Enfin, Lévitique 27. Cet appendice, qui connaît l’année du Jubilé (Lévitique 27.17 ; Lévitique 27.24), qui exige la dîme du bétail (Lévitique 27.32 et suivant) que P ignore encore dans Nombres 18.21 et suivant, et qui range les objets voués à Yahvé parmi les choses « très saintes » (Nombres 18.28), et non pas seulement « saintes » (comme Nombres 18.14), appartient à une couche récente de P. Il est évident que, comparé, par exemple, au livre qui le précède dans le Pentateuque, à l’Exode, avec les multiples questions que ce livre soulève (caractère historique du séjour des tribus en Égypte, de leur sortie de ce pays et des premières étapes au désert ; question du séjour au Sinaï et du Sinaï lui-même ; historicité et vocation de Moïse ; origine du culte de Yahvé ; examen des questions de date des premiers codes des lois attribués par la tradition à cette époque, etc.), l’intérêt du Lévitique apparaît, à première vue, un peu terne et bien restreint. Ce sont les prescriptions tardives de P sur le rituel des diverses espèces de sacrifices, les règles concernant la distinction du Pur et de l’Impur, les lois relatives aux fêtes et à diverses questions d’hygiène domestique, qui remplissent les pages de ce livre. Cependant, il serait aussi faux qu’injuste d’en déprécier la valeur et de lui refuser, au point de vue de l’évolution religieuse qui s’est produite dans l’Israël des époques tardives et qui s’est poursuivie dans les premiers temps de l’histoire du christianisme, une importance et un intérêt qui ne sont pas à sous-estimer. Comment, en effet, oublier que, au moment où Jésus paraît, l’atmosphère juive de son temps est tout imprégnée des idées religieuses et cultuelles qu’on voit inspirer le Lévitique, la vie juive tout entière dominée par les conceptions formalistes que le monde rabbinique du temps n’a fait qu’exagérer, que développer dans le sens parfois le plus puéril ? La lutte que Jésus doit soutenir contre le sacerdoce et les scribes de son temps n’a-t-elle pas pour but d’élever ses contemporains au-dessus de la lettre d’une loi à laquelle on avait cru devoir se tenir servilement, pour les amener à en dégager l’esprit et la portée supérieure ? Pour se faire comprendre d’eux, et des disciples auxquels il confiait la mission de continuer son œuvre, Jésus a employé les termes et les images auxquels ceux-ci étaient habitués par le fait de leur éducation judaïque et du milieu dans lequel leur mentalité s’était formée.
Comme on l’a observé très justement, lorsque, dans l’institution solennelle du repas sacré de la Cène, Jésus dit à ses disciples : (Matthieu 26.26 ; Matthieu 26.29) « Ceci est mon corps… ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés », n’applique-t-il pas à sa personne et à son œuvre rédemptrice les images et les expressions du rituel des sacrifices qui étaient familières à ses futurs apôtres (Gayford, dans À new Commentary on Holy Scripture, page 100) ? Et après lui, ces derniers, habitués qu’ils étaient, de par leur première éducation religieuse, aux notions et à la terminologie des anciennes lois rituelles de leur race, n’ont-ils pas présenté les doctrines essentielles du péché et de l’expiation en prenant leur point de départ dans les pages de la loi ancienne qui traitent de l’institution du sacrifice et de la signification cultuelle du sang ?
Qu’on prenne l’épître aux Hébreux, et en particulier toute sa partie centrale (Hébreux 4.14 à Hébreux 10.18) où l’auteur établit le rôle de type, assigné à la personne du grand-prêtre de l’ancienne alliance, et où il fait ressortir d’une façon si frappante la différence qui existe entre ce dernier et Christ « le Grand-Prêtre des biens à venir » (Hébreux 9.11), « le Médiateur d’une nouvelle Alliance » (Hébreux 9.15), et où il montre l’impuissance et l’inutilité du sacerdoce lévitique, et l’on se rendra compte de l’importance et de l’intérêt que présente encore, sous une forme à première vue bien aride, le livre du rituel des sacrifices pour ceux qui aujourd’hui veulent arriver à pénétrer la pensée des plus anciens écrivains de l’Église chrétienne et à en dégager la portée religieuse.
Ancien Testament-J. B.
Numérisation : Yves Petrakian