L’Orient biblique au temps de Patriarches Voir Atlas 32 Gr. patriarkhês de patria = descendance, et arkheïn =être le premier. Mot employé dans le Nouveau Testament pour désigner les douze fils de Jacob (Actes 7.8), Abraham (Hébreux 7.4), David (Actes 2.29). On le retrouve dans 4 Macchabées 7.19 ; 4 Macchabées 16.25 pour caractériser Abraham, Isaac et Jacob. D’une façon générale, patriarche désigne dans le langage religieux, au sens strict, les ancêtres d’Israël, depuis Abraham jusqu’au séjour en Égypte, et, au sens large, la série des personnages à longévité fabuleuse par qui P, dans ses généalogies (Genèse 5 à Genèse 11), rattache le peuple élu aux origines de l’humanité : « le patriarche Hénoc », etc.
La science n’a pas eu de peine à se rendre compte que ces listes d’ancêtres ont été inspirées bien moins par des renseignements historiques que par des préoccupations ethniques et des intentions apologétiques, et peut-être aussi des calculs astrologiques, comme c’est le cas chez des peuples voisins. On a retrouvé des listes analogues dans d’autres religions de l’Orient, notamment dans les traditions sumériennes (voir Noé). Déclarer tout net qu’aucune de ces personnalités n’a eu de réalité dans l’histoire, serait mettre ici le scepticisme à la place de l’esprit scientifique. En effet, les récentes découvertes sur territoire sumérien ont révélé que la 1ère dynastie d’Ur, la troisième après le déluge, que l’on croyait fabuleuse, a parfaitement existé et qu’elle a laissé des monuments après elle, « ce qui permet de soupçonner un substratum de faits sous les dates fantaisistes et les noms divins de la période préhistorique » (Woolley, Les Sumériens, p. 38).
Les patriarches de la Genèse qui ont le plus marqué dans le souvenir des hommes sont : Noé, Sem dont le nom est resté pour caractériser une famille humaine, les Sémites (cf. Genèse 10.21 et suivants), Jacob-Israël, d’où la qualification d’Israélite donnée à la nation juive, et surtout Abraham, l’aïeul de Jacob. Sans doute, l’histoire d’Abraham provient de plusieurs sources de valeur historique inégale et dont les plus anciennes sont postérieures de mille à douze cents ans aux faits qu’elles racontent. Par là, nous ne pouvons traiter sa biographie avec les méthodes utilisées aujourd’hui en pareille matière.
Qu’il y ait là, comme dans les récits relatifs à Isaac, Jacob, Ésaü, Joseph, des éléments ethniques, des transpositions d’aventures, des amplifications, des tentatives d’expliquer des événements postérieurs relatifs à la tribu par un acte ou une parole qui seraient censés remonter aux grands ancêtres, on ne saurait le contester, et, de ce chef, la plus grande prudence s’impose, pour ce qui est du détail, dans l’usage des récits de la période patriarcale ; ce ne sont point là des archives ordinaires. Mais, dans l’impossibilité où nous sommes d’indiquer les moyens qui ont permis à la Bible de conserver ces traditions anciennes, nous n’avons aucune obligation scientifique de douter de l’historicité des patriarches dont les personnalités ressortent avec un relief qui s’impose et dont bien des traits caractéristiques demeurent rebelles à toute explication ethnique, géographique, cultuelle ou astrale. Le patriarche Abraham, en particulier, se dresse devant nous comme une des figures essentielles de la religion biblique, laquelle est une religion avant tout fondée sur l’histoire.
Bien que le mot « patriarche » ne se retrouve pas dans l’Ancien Testament, l’histoire, tant politique que religieuse, renfermée dans l’Ancien Testament ne se comprendrait plus si l’on supprimait de ses livres les pages qui en appellent aux temps patriarcaux (Exode 3.6 ; Exode 15.16 ; Exode 32.13 ; Exode 33.1 ; Nombres 32.11 ; Deutéronome 1.8 ; Deutéronome 6.10 ; Deutéronome 30.20, Psaumes 47.9 ; Psaumes 105.9 ; Psaumes 105.42 ; Ésaïe 29.22 ; Ésaïe 63.16 ; Michée 7.20 ; Ézéchiel 33.24, etc. ; — cf. Matthieu 3.9 ; Matthieu 8.11; Luc 13.28 ; Luc 19.9 ; Jean 8.37 et suivants, Actes 13.26, et passage dans Romains, Galates, Hébreux). Neuf cents ans avant Jésus-Christ, les sources primitives de l’histoire patriarcale racontaient que Dieu avait annoncé à Abraham qu’en récompense de sa foi, l’humanité serait bénie en lui et que sa postérité deviendrait aussi nombreuse que les étoiles (Genèse 12.2-3 ; Genèse 22.17 ; Genèse 22.18).
Aujourd’hui, alors que tous les personnages de ce lointain passé ont cessé depuis des millénaires d’exercer une action quelconque sur les préoccupations des hommes, Abraham est honoré comme le père des croyants par la majorité du genre humain (juifs, chrétiens, musulmans). Voir Térach, Abraham, Isaac, Jacob, Joseph.
Alexandre Westphal
Numérisation : Yves Petrakian