Ville de la Macédoine orientale et jadis de la Thrace (dont il ne reste que des ruines près d’un pauvre village appelé en turc Filibedjik), située sur un promontoire de la chaîne du Pangée, dominant une plaine marécageuse qui s’étend au nord et à l’Ouest, entourée de montagnes et sillonnée par de nombreux ruisseaux (d’où le premier nom donné à la localité : Crénides = Petites Fontaines). Le cours d’eau principal, nommé Gangas ou Gangitès, ou bien encore Angitès (aujourd’hui À ngista), va se décharger dans le fleuve Strymon, à quelques km plus à l’ouest. La ville de Crénides, dont le port, Néapolis (aujourd’hui Cavalla), se trouvait à une douzaine de km au sud, sur la mer Égée, avait été fondée par des habitants de l’île de Thasos accourus dans cette région pour y exploiter des mines d’or. Vers la moitié du IVe siècle avant Jésus-Christ, le roi Philippe II, père d’Alexandre le Grand, ayant annexé à la Macédoine cette contrée jusqu’au fleuve Nestus, rebâtit et fortifia l’ancienne Crénides (qui dès lors prit le nom de Philippes) pour en faire un rempart contre la Thrace et un centre d’exploitation minière. En l’an 168 avant Jésus-Christ, Philippes passa, avec toute la Macédoine, sous la domination romaine. C’est aux portes de cette ville que fut livrée une des batailles les plus importantes de l’histoire du monde : les légions d’Octave et d’Antoine triomphèrent de celles des derniers défenseurs de la république, Brutus et Cassius (42 avant Jésus-Christ). Ce fut la cause d’une splendeur nouvelle pour la ville, car plusieurs vétérans des cohortes prétoriennes du triumvirat s’y établirent (d’où l’inscrption : Cohor. Proe. Phil., trouvée sur des monnaies de Philippes) ; et quelques années plus tard, après la bataille d’Actium (31 avant Jésus-Christ), Octave devenu l’empereur César Auguste (27 avant Jésus-Christ) y cantonna les débris du parti d’Antoine et fit de Philippes une colonie romaine des plus considérables : Colonia Augusta Julia Victrix Philippensium. Chaque colonie romaine était une Rome en miniature. Elle ne dépendait point du gouverneur de la province, étant administrée par des magistrats (duumvirs, préteurs) élus par le sénat de la colonie elle-même et, comme les consuls à Rome, escortés par les licteurs portant le faisceau de verges et la hache (Actes 16.35). Philippes jouissait en outre du droit de cité italienne (jus italicum), qui lui conférait plusieurs privilèges, comme des exemptions d’impôts. Le latin y était la langue commune. Les religions du Latium y avaient été transportées de toutes pièces ; le polythéisme y était moins compliqué et plus moral qu’ailleurs ; les mystères du Bacchus de Thrace recelaient des idées élevées sur l’immortalité, et le culte de Sabazius renfermait des germes de monothéisme : tout cela préparait les voies à la religion chrétienne. Quant aux Juifs, ils étaient si peu nombreux à Philippes qu’ils ne possédaient pas une synagogue proprement dite ; le jour du sabbat ils se réunissaient hors des portes de la ville, sur les bords du Gangitès, pour y faire leurs ablutions rituelles et leurs prières (Actes 16.13) ; peut-être y avaient-ils un oratoire à ciel ouvert (une proseuque ; du grec proseukhè)
Ce fut pendant le second voyage missionnaire de Paul que l’Évangile pénétra pour la première fois en Europe. L’apôtre, obéissant à la vision du Macédonien qui l’appelait au secours (Actes 16.9), allait arriver. Il n’avait cependant pas le sentiment d’aborder un nouveau continent, car la distinction entre Asie et Europe n’existait pas encore : l’Asie, la Macédoine, l’Achaïe n’étaient que des provinces d’un seul immense empire. Pour passer de celle d’Asie à celle de Macédoine, il s’embarqua à Troas, accompagné de Silas, Timothée et Luc ; ce dernier n’est pas nommé explicitement dans le récit des Actes (Actes 16.10 et suivants), mais c’est lui qui s’exprime à la première personne du pluriel (voir Luc, 3 et 4). Débarqués à Néapolis, les missionnaires gagnèrent aussitôt par la voie Egnatienne Philippes, qui, d’après le livre des Actes, était « la ville la plus importante de cette partie de la Macédoine » ; voir (Actes 16.12) Paul (ses voyages), III
La fondation de l’Église est racontée dans le livre des Actes (Actes 16.13 ; Actes 16.40 ; voir Philippiens). L’apôtre ne retourna à Philippes que quelques années plus tard : vers la fin de son séjour à Éphèse, il se rendit en Macédoine à diverses reprises. Sa dernière visite aux chers Philippiens, qu’il appelait « sa joie et sa couronne » (Philippiens 4.1), eut lieu quelques mois avant son arrestation : il passa la semaine de Pâques avec eux (Actes 20.6). Si sa captivité romaine a abouti à la libération (Philippiens 1.25 ; Philippiens 2.24), la supposition qu’il ait encore une fois (en 65) visité la Macédoine et Philippes n’est pas invraisemblable (1 Timothée 1.3). Une quarantaine d’années plus tard, sous le règne de Trajan (98-117), Ignace d’Antioche passa par Philippes, lors de son voyage à Rome où il allait être livré aux bêtes ; les Philippiens entourèrent le vaillant évêque de leurs soins affectueux, et ensuite ils écrivirent, sur sa demande, à l’Église d’Antioche pour la féliciter de la paix recouvrée, et à Polycarpe, évêque de Smyrne, le priant de leur envoyer une copie de toutes les lettres d’Ignace. Polycarpe s’empressa de répondre à leur désir : son épître aux Philippiens a été heureusement conservée, ainsi que sept lettres d’Ignace. Ern. C.
Numérisation : Yves Petrakian