Maints passages de l’Ancien Testament, et même du Nouveau Testament, font allusion à la corruption des mœurs.
La plaie de la prostitution qui, dès les temps les plus reculés, marqua l’humanité de son flétrissant stigmate ne laissa pas indemnes les Israélites (Genèse 38). Ils connurent de bonne heure ces « professionnelles » (hébreu zonâh, nokryyâh ; grec pornè), qui exploitaient l’inconduite comme moyen d’existence et source de profit. Les données bibliques nous renseignent sur leur triste métier. Reconnaissables à leur mise, à leur voile de tête (Genèse 38.15), à l’opulence de leurs habits et de leurs ornements (Ézéchiel 23.26), elles se tenaient tantôt à la porte des agglomérations (Genèse 38.14-21), tantôt sur le seuil de leurs habitations (Proverbes 9.14 ; Proverbes 9.18) interpellant les passants. Ou bien elles parcouraient les rues, sollicitant leur clientèle par des chants (Ésaïe 23.16), des paroles, des regards et des gestes (Proverbes 6.25 ; Proverbes 7.8 ; Proverbes 7.22). Parfois même elles attiraient leurs compagnons de rencontre dans les repaires du banditisme et du vol (Proverbes 7.25 ; Proverbes 7.27). Elles se vendaient pour un salaire (Ézéchiel 16.33; Luc 15.30), qui ne consistait pas nécessairement en argent (Genèse 38.17 ; Juges 15.1). Il arrivait qu’elles habitassent ensemble (1 Rois 3.17), et il est certain que des maisons de débauche existèrent en Israël (Ézéchiel 16.31 ; Ézéchiel 16.39). Peut-être la demeure de Rahab (voir ce mot) était-elle de ce nombre (Josué 6.17). Quelques exégètes expliquent (d’image apocalyptique du vin brûlant de la prostitution » (Apocalypse 14.8 ; Apocalypse 18.3) par « l’existence d’hôtelleries tenues par des prostituées pour les voyageurs » (cf. Bertholet, Histoire de la civilisation d’Israël, p. 260).
La législation hébraïque, si sévère à l’endroit de l’adultère et de la violation des liens conjugaux, réprouvait la prostitution (Lévitique 19.29). Mais, malgré le mépris qui s’attachait à cette scandaleuse pratique et à tout ce qui s’en rapprochait (les enfants de prostituées étaient de véritables « hors la loi », Deutéronome 23.2 ; Juges 11.1 ; Juges 11.3), il semble bien qu’en dehors de l’adultère les relations illicites entre les sexes étaient considérées en Israël comme assez vénielles (Deutéronome 22.28 et suivant), que la prostitution y était plus ou moins tolérée et qu’à part certains cas spéciaux (Lévitique 21.9), aucune pénalité juridique ne la sanctionnait. À toutes les époques, les Hébreux eurent des courtisanes, bayadères, hétaïres (Juges 16.1 ; 1 Rois 3.16 ; Osée 4.14). L’appellation dont on les désignait laisse supposer qu’elles se recrutèrent de plus en plus parmi les « étrangères » (Proverbes 2.16 ; Proverbes 5.3 ; Proverbes 6.24 ; Proverbes 23.27). Condamnées en Israël par les prophètes et les moralistes (Osée 4.11 ; Osée 4.14 ; Ézéchiel 16.15 ; Ézéchiel 23.20; Joël 3.3 ; Siracide 9.3-6 ; Siracide 19.2 ; Siracide 41.17-20 ; 2 Macchabées 6.4), ces malheureuses étaient, à l’époque de Jésus, mises au ban de la société (Matthieu 21.31 et suivant, Luc 7.37).
À côté de cette manifestation habituelle et, si l’on peut dire, profane de l’immoralité, l’Ancien Testament, très spécialement, mentionne une prostitution d’ordre rituel, érigée à la hauteur d’une institution et dérivant de conceptions propres au paganisme ambiant. Les religions cananéennes et syro-phéniciennes (Baals, Astartés, etc.), divinisant les forces créatrices et reproductrices de la nature, avaient pour corollaire un culte à tendance « orgiastique », terriblement licencieux. Sur les hauts-lieux païens (Jérémie 2.20), desservis par un personnel de « mignons et de courtisanes » (kedéchim, kedéchoth), la prostitution sacrée était couramment pratiquée ; hommes et femmes s’y livraient publiquement, échangeant les vêtements respectifs de leur sexe. Les fêtes de l’Astarté barbue de Chypre et du Dionysos de Byblos étaient parmi les plus odieuses du genre. Les fidèles eux-mêmes s’y associaient et versaient au trésor sacré le salaire de leurs débordements (Cf. Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, pages 401, 402 ; Bertholet, ouvrage cité, p. 113). Dans Lettre de Jérémie 43 il s’agit de prostituées d’un culte caldéen ; voir Thammuz.
Ces grossières coutumes, excitatrices de la sensualité, eurent de graves répercussions sur la mentalité et la piété des Hébreux lorsqu’ils eurent pénétré en Canaan (1 Rois 14.23 et suivant, Amos 2.7 ; Osée 4.13). Tous les représentants du spiritualisme jéhoviste, aussi bien les prophètes que les réformateurs deutéronomistes, les combattirent sans relâche (Jérémie 3.2). Elles étaient proscrites de la religion d’Israël (Deutéronome 22.5 ; Deutéronome 23.17), et nul gain de provenance impure ne pouvait être apporté en offrande au revenu du Temple (Deutéronome 23.18). Ce n’est qu’après la longue et douloureuse expérience de l’exil que le peuple élu parvint à se dégager de la funeste emprise de ces aberrations (Ézéchiel 23). Il semble toutefois que cet affranchissement ne fut jamais total à l’endroit de la prostitution elle-même et de l’impureté (Jean 8.7 ; Romains 2.21 ; Romains 2.24).
Lorsque le christianisme naissant et conquérant entra en contact avec la civilisation gréco-romaine décadente, il rencontra sur sa route toutes les manifestations du vice, y compris la prostitution, dans les religions à mystères (voir ce mot) comme dans la société en général ; il s’appliqua à leur opposer une résistance puissante et constante, ainsi qu’en témoignent surtout les écrits de saint Paul (Actes 15.20 ; Actes 15.29 ; Romains 1.24 ; 1 Corinthiens 6.9 ; 1 Corinthiens 6.20 ; Galates 5.19 ; Éphésiens 4.17-24 ; Éphésiens 5.3-13 ; Colossiens 3.5 ; 2 Timothée 3.6 ; 1 Pierre 4.3 ; Apocalypse 2.20 ; Apocalypse 14.8 ; Apocalypse 17.1-6 18). Voir Pureté. Jean R.
Numérisation : Yves Petrakian