(Hébreu ôphan, racine tourner ? ; galgal, racine rouler ; grec trokhos, racine courir.). La Bible désigne indifféremment par ces termes plusieurs sortes de roues.
(voir ce mot). Les plus souvent mentionnées sont celles des chars de guerre (Exode 14.25 ; Ésaïe 5.28 ; Jérémie 47.3 ; Ézéchiel 26.10, Nahum 3.2) et des chariots de l’agriculture (Ésaïe 28.27 et suivant). À leur fabrication est comparée celle des « socles », d’airain et de métal fondu, destinés à porter les cuves dans le Temple de Salomon (1 Rois 7.30 ; 1 Rois 7.32 et suivant) ; ces roues, « faites comme celles d’un char », se composaient d’un essieu (le sens du terme hébreu est douteux), de rais ou rayons, fixés au moyeu et à la jante, sans doute au nombre de six ou de huit comme pour les chars de guerre d’Égypte et d’Assyrie (voir tome I, figure 16 et 32). Il s’agit ici, d’ailleurs, de roues perfectionnées, car les chariots primitifs ont toujours eu d’abord des roues pleines, simples sections de troncs d’arbres (voir Gens et Choses de Pal., figure 49).
On peut citer encore : les roues ou poulies, facilitant le transport des seaux et godets des citernes ou des puits (voir Citerne, 2) ; qu’elle soit petite et tournée à la main, comme celle qu’on voit aujourd’hui au puits de Jacob, près de Naplouse, ou à l’un des puits de Béer-Séba, ou qu’elle soit grande et déplacée par une bête de somme, âne ou chameau, si la roue se casse l’eau n’est plus accessible ; (Ecclésiaste 12.8, image de la mort soudaine)
La roue du potier, plus exactement appelée un tour (Jérémie 18.3 ; Siracide 38.29), et décrite dans notre article Poterie. Tous les genres de roues énumérés ici se trouvent mentionnés dans les papyrus d’Égypte, innombrables témoins de la vie publique en Orient quelques siècles avant ou après l’ère chrétienne.
Pour le supplice de la « roue », voir Crimes, délits et peines.
L’emploi des roues du chariot pour fouler le grain en fait un emblème de châtiment et de répression (Proverbes 20.26, cf. Ésaïe 28.27 et suivant).
La roue qui tourne à vide représente l’esprit du sot.
Dans (Siracide 33.5) Jacques 3.6, « le cours de la vie », qu’enflamme la langue, est littéralement « la roue de la naissance » (grec génèseôs). Cette image peu claire « se retrouve chez Anacréon, Hérodote, Platon, Euripide » (Bible du Centenaire) ; un fragment interpolé dans le second Oracle sibyllin dit : « La souffrance est commune à tous, la vie est comme une roue, et le sort est incertain » (II, 87). Aussi a-t-on vu parfois dans ce passage de Jacques une allusion à des successions d’existences, d’après quelque philosophie de métempsycose (cf. la loi hindoue du Karma). Il se peut aussi que l’auteur chrétien d’origine juive pensât plus simplement à la création de la vie d’après la Genèse, et à quelque image de la vie sous la forme d’un char comme le chariot d’Ézéchiel (ci-dessous, paragraphe 2) : les roues, symbole de mouvement et d’activité, s’immobilisent quand le char de la vie a pris feu. Au reste, d’où que provienne l’image, le sens général en est clair : la mauvaise langue met le feu au cours de la vie.
On a indiqué, dans l’article Char, l’idée générale de cette vision symbolique de Ézéchiel 1, reprise en Ézéchiel 10 (voir aussi Chérubin) : descriptions des plus compliquées, de valeur nullement picturale, mais purement idéale, et dont le texte obscur semble être çà et là plus ou moins altéré. L’image du char, constitué par le carré ultra-mobile des « êtres vivants » ailés, ou chérubins (Ézéchiel 1.9 ; Ézéchiel 1.14), évoque logiquement celle des quatre roues (Ézéchiel 1.15 ; Ézéchiel 1.21). Ces deux images doivent probablement être tenues pour successives et non pour juxtaposées : les roues apparaissent comme indépendantes des chérubins (1.15,18), mais en harmonie parfaite avec eux (Ézéchiel 1.19 ; Ézéchiel 1.21 ; Ézéchiel 10.12) par l’animation due au même Esprit (Ézéchiel 1.20 et suivant). Elles ont l’éclat d’une pierre précieuse (la pierre de Tarsis [la topaze ?] était le symbole de la lumière) et une forme mystérieuse de roues entrelacées, sans doute sorte de sphère leur permettant de circuler instantanément dans tous les sens, à la façon du zigzag de l’éclair (cf. Ézéchiel 1.14), sans les détours que les changements de direction imposent à un attelage (Ézéchiel 1.15-17). D’où leur nom : « Tourbillons rapides » (Ézéchiel 10.13). Cette extrême mobilité des roues symbolise l’omniprésence de Dieu ; leur hauteur gigantesque, son omnipotence ; les yeux tout autour de leurs jantes, son omniscience (Ézéchiel 1.18) ; le feu (voir ce mot) et les charbons ardents qui les environnent, sa sainteté (Ézéchiel 10.2 ; Ézéchiel 10.6). C’est cette révélation de Jéhovah, reçue par le jeune Ézéchiel (voir ce mot) dans le pays de l’exil, qui le bouleversa par sa nouveauté et fut le point de départ de sa vocation de prophète (chapitres 1-3) ; c’est la vision significative que le Siracide a retenue de son livre (Siracide 49.8).
Il n’est pas inutile de rappeler ici que la roue à rayons, dans les temps préhistoriques et tout spécialement dans la civilisation suméro-akkadienne, au pays de Babylonie, a été le symbole de la divinité, représentant une sorte d’idéogramme du soleil. Quand on en vint à diviniser les rois à partir du IIIe millénaire, la roue à rayons parut à côté de leur nom comme signe divin (ex. : Naram-Sin d’Akkad au XXVIe siècle et les souverains des XXIe et XXIIe siècles).
Certains éléments de la vision d’Ézéchiel entreront dans celles de Daniel (cf. Daniel 7.9). L’apocalyptique juive plus tardive fera des Roues des personnifications tout à fait distinctes des Chérubins et Séraphins : elles constituent à côté de ceux-ci une classe particulière d’anges dans le livre éthiopien d’Hénoc (61.10 70.7).
Jean Laroche
Numérisation : Yves Petrakian