« Il y a un temps pour se taire et un temps pour parler » ; (Ecclésiaste 3.7) il y a donc des silences justifiés et des silences coupables (cf. Siracide 20.5 ; Siracide 20.8).
La Bible nous en montre de fort divers, inspirés par :
La parole est du temps, le silence est de l’éternité. La pensée ne travaille qu’en silence ; la vertu n’agit qu’en secret
Et en effet, les silences de Jésus ont joué un grand rôle dans son œuvre. Le silence des trente ans de sa préparation, y compris celui des quarante jours de sa tentation, puis, dans son ministère de première activité galiléenne, sa recherche de solitude (voir ce mot), ses sévères consignes de silence sur sa personne, ses miracles et sa messianité (Marc 1.25 ; Marc 1.35 ; Marc 1.44 ; Marc 3.12 ; Marc 5.43 ; Marc 6.46 etc.), évoquent l’atmosphère spirituelle d’une vocation, d’une sainteté, d’une communion divine parfaites (cf. Jean 8.16 ; Jean 16.32).
Malheureusement, lorsque les témoins ne nous ont pas conservé leurs propres impressions, nous sommes souvent réduits aux conjectures quant à la signification de scènes où précisément le Seigneur ne se livrait pas en paroles, mais où son silence s’éclairait sans doute par son regard, par l’expression de son visage et de son attitude. Il semble que pour la femme cananéenne (Matthieu 15.23) son silence ait été celui de la mise à l’épreuve, à moins que ce ne fût l’hésitation sur l’opportunité de faire alors son premier miracle au bénéfice de païens.
Devant la femme adultère, sa mystérieuse position courbée, en écrivant avec le doigt sur la terre (Jean 8.6), est généralement expliquée par un mouvement délicat de honte pour la pécheresse et d’indignation pour ses indélicats accusateurs non moins coupables qu’elle : peut-être cachait-il le rouge qui lui montait au front à cause d’elle, et à cause d’eux.
Envers ses trois juges, Jésus garde un silence éloquent, provoqué par la déchéance du grand-prêtre Caïphe, chef suprême de la religion d’Israël (Marc 14.61 ; Matthieu 26.63), par l’indignité d’Hérode Antipas (Luc 23.9), par le scepticisme de Pilate (Jean 19.9). Assurément, le Christ a révélé la plus grande partie de son enseignement par ses paroles ; mais sa révélation de lui-même par son silence pendant sa Passion et le tableau muet de sa mort sur la croix ont été ses appels suprêmes, pénétrant au plus profond des cœurs et des esprits. La sensibilité de Pierre les avait ainsi compris (1 Pierre 2.21 ; 1 Pierre 2.24), l’âme passionnée de Paul les comprendra de même (Galates 3.1 ; Philippiens 2.8) ; la foi, l’amour et la piété de tous les âges seront toujours saisis par la contemplation pure du tragique et céleste silence de la croix (Jean 3.14-16 ; Jean 12.32). Voir Regard.
Jean Laroche
Numérisation : Yves Petrakian