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Témoin
Dictionnaire Biblique Westphal Calmet

(hébreu éd ; grec martus, d’où martyr). Personne, objet ou fait qui garantit la vérité d’un événement, d’une parole, d’une action.

1. Témoins inanimés

Ce sont les preuves ou indices d’ordre matériel. Jacob élève un tas de pierres qui sera témoin de l’alliance contractée entre lui et Laban (Genèse 31.45). Moïse fait placer un rouleau de la loi à côté de l’arche de l’alliance pour qu’il soit témoin contre Israël révolté (Deutéronome 31.26). L’arche elle-même, témoin de la présence de Jéhovah au sein de son peuple, est appelée l’arche du Témoignage (Exode 25.22 etc.). Josué fait dresser une pierre, afin qu’ayant entendu toutes les paroles de l’Éternel, elle serve de témoin contre le peuple pour l’empêcher d’être infidèle à son Dieu (Josué 24.27). Parfois le ciel et la terre sont pris pour témoins, mais ils représentent en réalité l’ensemble de tout ce qui vit et pense (Deutéronome 4.26 ; comparez, dans le même sens, Ésaïe 1.2). De même, dans le Nouveau Testament, la prédication de la bonne nouvelle du Royaume à travers le monde entier témoignera de sa valeur unique (Matthieu 24.14). L’offrande portée au sacrificateur par le lépreux guéri est un témoignage de sa guérison (Matthieu 8.4). La poussière que les Douze secoueront de leurs pieds en quittant la maison qui ne les recevra pas témoignera de sa résistance (Marc 6.11). L’or et l’argent témoignent contre les riches de leur corruption (Jacques 5.3). Les saisons fertiles sont des témoignages des bienfaits de Dieu (Actes 14.17). Tous ces témoignages matériels sont comme autant de pièces à conviction.

2. Témoins passifs

Le peuple, une assemblée, un auditoire peuvent être pris, comme témoins d’une déclaration, d’un engagement, sans pourtant que la responsabilité des individus soit engagée par là : Josué (Josué 24.22) prend le peuple à témoin de ses propres engagements à servir Dieu. Timothée fait sa confession de foi devant de nombreux témoins (1 Timothée 6.13).

3. Témoins juridiques

Le rôle et la responsabilité des personnes qui déposent en justice sont très soigneusement définis dans l’Ancien Testament. Le témoin était mis sous serment en présence de Jéhovah représenté par ses prêtres (Deutéronome 19.17), et devait dire tout ce qu’il savait (Lévitique 5.1). Un seul témoin n’était pas suffisant pour décider d’une condamnation, il en fallait deux ou trois au moins pour justifier une peine capitale (Deutéronome 17.6). Aux temps évangéliques, plusieurs témoins étaient requis pour toute espèce de condamnation (Matthieu 18.16). Comp, l’adage de l’ancienne jurisprudence : testis unus, teslis nullus. Les témoins étaient les premiers à lever la main pour exécuter la sentence (Deutéronome 17.7 ; Actes 7.58). Tout le monde ne pouvait pas être témoin : étaient exclus les femmes, les esclaves, les mineurs, les proches, les sourds, les muets et ceux qui avaient été condamnés comme faux témoins. Celui qui avait déposé en faveur d’un accusé ne pouvait ensuite déposer contre lui. Au contraire, un témoin à charge pouvait ensuite témoigner à décharge. Les contrats, ventes, achats se faisaient devant témoins (Ésaïe 8.2 ; Jérémie 32.10). À certains contrats tout le peuple ou l’assemblée des anciens pouvaient être témoins (Ruth 4.9 ; Ésaïe 44.8 et suivant). En l’absence de témoins on avait recours dans l’ancien Israël à diverses épreuves ; dans le cas d’adultère, par exemple, on recourait à l’eau de la jalousie (Nombres 5.13 et suivants). Les faux témoins encouraient la peine qu’ils voulaient faire subir à leurs victimes (Deutéronome 19.18). Le nombre des passages qui les dénoncent, en particulier Proverbes 6.19 ; Proverbes 12.17 ; Proverbes 14.5 ; Proverbes 25.18, prouve à la fois que la chose était fréquente et qu’elle était en horreur à Israël. Le Décalogue lui consacrait un commandement particulier (Exode 20.16 ; Deutéronome 5.20). Les trois cas principaux de faux témoignages en justice, dans la Bible, contribuent à provoquer le crime judiciaire : condamnation à mort de Naboth (1 Rois 21.10), du Christ (Matthieu 26.59 et parallèle), d’Étienne (Actes 6.11 ; Actes 6.13). Voir Justice rendue. Dérivée du sens juridique du mot témoin, nous avons l’expression fréquente dans l’Ancien Testament et le Nouveau Testament : Dieu m’est témoin (Romains 1.9 ; 2 Corinthiens 1.23), car il voit et sait toutes choses. Sans doute il n’interviendrait pas dans un débat, mais on sait qu’on ne l’invoquerait pas en vain si l’on proférait des mensonges (voir Serment).

4. Témoins du Christ

En un sens purement objectif, furent témoins du Christ ceux qui l’avaient vu et entendu, avaient constaté les faits de sa vie, sans pour cela jouer aucun rôle pour ou contre lui : tels, les témoins cités par Luc 1.2 comme garants de sa narration. Un témoin peut rester muet ou inactif ; ce fut le cas sans doute de bien des spectateurs du drame évangélique ; ce fut le cas de Saul assistant au martyre d’Étienne (après avoir pris parti, toutefois, en faveur de son supplice : Actes 8.1).

Mais la plupart du temps le titre de témoin revêt un sens actif : il suppose qu’on témoigne volontairement au service d’une cause devenue chère. Quand Jésus dit à ses disciples : « Vous serez mes témoins » (Actes 1.8), c’est à l’action qu’il les appelle, et souvent au sacrifice, à la lutte et à la souffrance ; pour les leur rendre possibles, c’est-à-dire pour qu’ils soient des témoins fidèles, Jésus promet de leur envoyer une force spéciale (Luc 24.48). Lorsque Pierre dit aux Onze que, pour remplacer Judas, il en faut un parmi ceux qui ont « vu » qui « devienne » témoin (Actes 1.22), il indique par là toute la différence qu’il y a entre le témoin oculaire ou auriculaire et le confesseur de la foi nouvelle. Les événements ont d’ailleurs bientôt attaché au nom de témoin l’idée de souffrance, et le martyr fut le plus souvent celui qui souffre jusqu’à la mort pour rendre son témoignage devant des auditeurs hostiles jusqu’au crime. Exemples : Antipas, le « fidèle témoin » du Seigneur à Pergame (Apocalypse 2.13), et tous ceux auxquels fait allusion l’Apocalypse (Apocalypse 6.9 etc.). C’est cette destinée même que représente l’expression familière à ce même ouvrage : « le témoignage de Jésus » (Apocalypse 1.9 ; Apocalypse 12.17 ; Apocalypse 17.6 ; Apocalypse 19.10 ; Apocalypse 20.4).

Dans le langage religieux, le chrétien est « témoin » et « rend son témoignage », en parlant des expériences qu’il a faites, des sentiments qu’il a éprouvés, c’est-à-dire de faits psychologiques lui permettant d’affirmer telle ou telle vérité d’ordre moral ou spirituel (voir en particulier 2 Timothée 1.8 ; Hébreux 3.5). Les hommes sont témoins, pour en avoir éprouvé les effets, de la puissance de Dieu, de son amour, du salut qui est en Jésus-Christ, et ils n’ont de repos qu’ils n’aient proclamé ces bienfaits infinis dont ils sont les témoins. Dans un sens analogue, pour Hébreux 12.1 les témoins sont tous ceux qui ont souffert pour leur foi et par là ont fourni aux hommes de nouveaux faits à l’appui de la révélation sur Dieu ; ces témoins entourent de leur exemple et de leur sympathie leurs frères appelés à leur tour à de terribles combats.

5. Le témoignage de Dieu

En même temps que les hommes, mais sans erreur possible de sa part, Dieu peut être témoin de faits et de paroles, pour ou contre les uns ou les autres (Job 16.19 ; Jérémie 29.23 etc.). « L’Éternel est témoin…  » devient même une formule consacrée d’affirmation solennelle (1 Samuel 12.5 ; Michée 1.2 ; Jérémie 42.5 ; Malachie 2.14) ; elle est reprise par saint Paul : « Dieu m’est témoin que…  » (1 Thessaloniciens 2.5-10 ; 2 Corinthiens 1.23 ; Romains 1.9 ; Philippiens 1.8). Il faut noter aussi la signification du terme Témoignage (hébreu édèth ou édoùth) appliqué par les textes sacerdotaux du Pentateuque à la Loi de Dieu solennellement attestée, c’est-à-dire au Décalogue dont les tables de la Loi sont placées dans l’arche (Exode 16.34 ; Exode 25.16 ; Exode 25.21 ; Exode 40.20 ; Lévitique 16.13 ; Nombres 1.50 etc.). D’une façon plus générale, le témoignage de l’Éternel porte sur sa Loi tout entière (Psaumes 78.5 ; Psaumes 93.5, Segond) ; le même terme, au pluriel, est employé comme synonyme de Lois, Préceptes, Commandements, Ordonnances, et traduit aujourd’hui par l’un ou l’autre de ces mots de préférence à celui de : Témoignages, que conservaient nos anciennes versions. Ésaïe appelle « témoignage » la révélation donnée à Israël tout le long de son histoire, et plus spécialement l’enseignement qu’il a lui-même apporté au nom de Jéhovah (Ésaïe 8.16 ; Ésaïe 8.20, cf. Ésaïe 19.20 ; Ésaïe 30.8).

6. Le témoignage de Jésus-Christ

Dans Jean 3.32 ; Jean 18.37 ; Apocalypse 1.5, à rapprocher de Ésaïe 55.4, Jésus est considéré comme témoin des choses du ciel, que sa mission est de nous révéler. On s’est beaucoup attaché à mettre en relief ce rôle de témoin qu’a rempli le Christ (voir en particulier les études d’Ern. Naville). Il y a là pour l’apologétique une source nouvelle d’arguments.

7. Les deux témoins de l’Apocalypse

« Je donnerai une mission à mes deux témoins », dit le voyant de l’Apocalypse (Apocalypse 11.3 et suivants) ; « ils prophétiseront, auront tous pouvoirs, puis seront mis à mort par la bête ». On a beaucoup cherché quels pouvaient être ces témoins ; aucune des interprétations données ne paraît complètement satisfaisante. On y a vu Hénoc et Élie, les deux seuls croyants qui n’eussent pas passé par la mort et que Dieu, d’après la tradition, réservait pour le jugement aux derniers jours. On y voit plutôt Moïse et Élie, d’après les actes qui sont attendus d’eux et qui rappellent leurs exploits de l’ancienne alliance (verset 6) ; c’étaient les deux compagnons de Jésus lors de la transfiguration (Marc 9.4) ; ils représentaient la loi et les prophètes. On y a vu aussi, allégoriquement, l’Église rendant témoignage pendant toute la durée des persécutions : sa fidélité est représentée par deux témoins qui affrontent la mort ; la puissance et la fidélité de Jésus-Christ sont représentées par la résurrection des témoins. Ils sont deux parce que, nous l’avons vu, le témoignage d’un seul n’est pas suffisant (Deutéronome 19.15) et parce que le Seigneur envoie ses serviteurs deux par deux : Moïse et Aaron, Élie et Élisée, etc.

8. Le passage dit des « trois témoins »

On appelle ainsi en critique du Nouveau Testament une addition qui pénétra tardivement (on n’en connaît pas de trace antérieure au IVe siècle) dans le développement de 1 Jean 5.6 ; 1 Jean 5.12, entre le verset 7 et le verset 9. L’auteur avait dit que l’œuvre de Jésus-Christ est l’objet d’un triple témoignage : celui de l’Esprit, celui de l’eau (le baptême) et celui du sang (le sacrifice), triple témoignage se ramenant en définitive à un seul : l’Esprit (verset 6 et suivant). L’interpolation tardive ajouta ici un triple témoignage céleste : « le Père, le Fils, le Saint-Esprit, et ces trois-là sont un ». Or il n’y a pas parallélisme entre les témoins d’abord mentionnés et ces trois témoins du ciel, qui apparaissent comme une formule trinitaire (voir Trinité) absolument étrangère à ce passage. Il s’agit là du témoignage que Dieu rend directement à Jésus-Christ : si le témoignage des hommes est acceptable, à combien plus forte raison le témoignage de Dieu, lequel consiste en ceci : il nous donne la vie éternelle en son Fils !

On remarquera que nos derniers alinéas nous mettent en présence de textes johanniques : les termes et la notion de témoin et de témoignage sont en effet particulièrement familiers au johannisme (voir ce mot). Et l’on pourrait citer encore, à l’appui de cette observation, bien des textes qui nous reporteraient à l’un ou l’autre des paragraphes de cet article (Jean 1.7 ; Jean 1.15 ; Jean 1.19 ; Jean 1.32 ; Jean 1.34 ; Jean 3.28 ; Jean 5.31-40 ; Jean 8.13 ; Jean 8.17 ; 1 Jean 1.2 ; 1 Jean 3.1 ; 1 Jean 4.14 ; 3 Jean 1.3 ; 3 Jean 1.6 ; 3 Jean 1.12 ; Apocalypse 1.2 ; Apocalypse 3.14 ; Apocalypse 12.11 etc.).

Er. B. et Jn L.


Numérisation : Yves Petrakian