1 Pour moi, frères, en venant chez vous, je ne suis point venu avec excellence de parole ou de sagesse, vous annoncer le témoignage de Dieu ; 2 car je n’ai pas jugé que je dusse savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. 3 J’ai été moi-même auprès de vous dans la faiblesse, dans la crainte, et dans un grand tremblement ; 4 et ma parole et ma prédication n’ont point consisté dans des discours persuasifs de la sagesse ; mais dans une démonstration d’Esprit et de puissance ; 5 afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. 6 Mais nous prêchons une sagesse entre les parfaits ; sagesse, non de ce siècle, ni des princes de ce siècle, qui vont être anéantis ; 7 mais nous prêchons une sagesse de Dieu, en un mystère, sagesse cachée, que Dieu avait destinée avant les siècles pour notre gloire, 8 et qu’aucun des princes de ce monde n’a connue ; car s’ils l’eussent connue, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire ; 9 mais, comme il est écrit, les choses que l’œil n’avait point vues, que l’oreille n’avait point entendues, qui n’étaient point montées dans le cœur de l’homme, les choses que Dieu avait préparées à ceux qui l’aiment, 10 Dieu nous les a révélées par son Esprit. Car l’Esprit sonde toutes choses, même les profondeurs de Dieu. 11 Car qui est-ce qui sait ce qui est en l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même aussi, personne ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. 12 Or nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu ; afin que nous connaissions les choses qui nous ont été données de Dieu ; 13 lesquelles aussi nous annonçons, non avec des discours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, appropriant les choses spirituelles à ceux qui sont spirituels. 14 Or, l’homme naturel ne reçoit point les choses qui sont de l’Esprit de Dieu ; car elles lui sont une folie, et il ne les peut connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. 15 Mais l’homme spirituel juge de toutes choses, et il n’est lui-même jugé par personne. 16 Car qui a connu la pensée du Seigneur, pour le pouvoir instruire ? Mais nous, nous avons la pensée de Christ.
La prédication de Paul à Corinthe prouve la vérité de ce qu’il vient d’enseigner
Aux discours de la sagesse, il a opposé une seule chose : Christ crucifié (1, 2).
Et bien qu’il parût dans la faiblesse et qu’il n’eût recours à aucune des méthodes de l’éloquence, Dieu accompagna sa prédication de la démonstration la plus puissante, celle de son Esprit (3, 4).
Afin que ce sceau divin fût posé sur la foi de ses auditeurs (5).
« Je n’ai eu recours ni à la sublimité (littéralement élévation, hauteur) de la parole, ni à ce que les hommes estiment comme sagesse » (1 Corinthiens 1.17).
Il a négligé les formes de la science pour proclamer simplement un fait, un fait divin (verset 2), et c’est ce qu’il appelle ici le témoignage de Dieu, c’est-à-dire, de ce que Dieu a fait en Jésus-Christ pour sauver le monde (une variante porte « le mystère de Dieu », mais elle est trop peu autorisée pour être admise).
Grec : « Jésus-Christ et celui-là crucifié », par opposition à un Jésus-Christ revêtu de la gloire du monde. Paul a cherché la puissance de sa prédication dans ce qui était aux Juifs un scandale, aux Grecs une folie, la croix de Christ (1 Corinthiens 1.23 ; 1 Corinthiens 1.24).
La mort expiatoire du Sauveur est la source de laquelle doit découler toute vérité et toute sagesse ; une prédication qui n’envisage pas la croix comme le centre d’où tout dérive, n’est pas apostolique. Ce qui n’empêche pas qu’il ne faille exposer à l’Église toutes les doctrines qui sont les conséquences de cette vérité fondamentale.
Les discours et les lettres des apôtres prouvent assez combien cette première vérité est féconde en sagesse pratique, applicable à tous les besoins de l’âme, à tous les rapports des hommes, soit entre eux, soit avec Dieu ; mais aussi ils prouvent que tous leurs enseignements découlaient de cette source et y ramenaient sans cesse ; leurs exhortations morales elles-mêmes n’ont pas d’autre sanction (voyez en particulier 1 Corinthiens 5.7 ; 1 Corinthiens 6.20 ; 1 Corinthiens 7.23 ; 1 Corinthiens 8.11 ; 2 Corinthiens 5.14 ; 2 Corinthiens 5.15 ; Éphésiens 4.32 ; Philippiens 2.1-8 ; 1 Pierre 1.18-19 ; 1 Pierre 2.18-25).
Ces deux mots crainte et tremblement expriment souvent, dans les lettres de Paul, une profonde et religieuse vénération (2 Corinthiens 7.15 ; Philippiens 2.12 ; Éphésiens 6.5).
Quant à la faiblesse dont il parle ici, on a voulu y voir soit des épreuves intérieures, soit des infirmités corporelles (Galates 4.13 ; Galates 4.14 ; 2 Corinthiens 12.7) ; c’est surtout le sentiment accablant de la sainteté et de la grandeur de sa tâche, qui, dans une ville où il s’attendait à tant de résistance, semble avoir intimidé Paul à son arrivée à Corinthe (comparer 2 Corinthiens 10.1 ; 2 Corinthiens 10.10 ; Actes 18.9-10).
Son action y avait formé un contraste bien frappant avec la bruyante hardiesse des sophistes et des chefs d’école dans les grandes villes de la Grèce et même avec la haute éloquence d’un Apollos. Mais ce qui était pour l’apôtre un opprobre aux yeux du monde, Dieu en tira sa gloire et la confirmation de son Évangile, en accomplissant de si grandes choses par un si faible instrument.
Des discours persuasifs, c’est-à-dire composés et prononcés selon les méthodes captieuses des rhéteurs. Paul a dit déjà (1 Corinthiens 1.17) qu’il répudiait cette sagesse. Le texte reçu porte ici sagesse humaine, épithète empruntée au verset 13.
Il ne faut pas entendre avant tout par cette démonstration d’Esprit et de puissance certains dons miraculeux de l’Esprit de Dieu, mais bien plutôt son action sur les âmes par le moyen de la Parole. Une humiliante conviction de péché (Jean 16.8), la consolation et la paix du pardon, la force nécessaire pour être affranchi de l’esclavage de la corruption et du monde, l’intelligence toute nouvelle de vérités divines dont on n’avait pas même l’idée : telle est la vraie démonstration de l’Évangile que produit l’Esprit de Dieu et que l’apôtre oppose à des discours rendus persuasifs par les artifices d’une éloquence humaine (2 Corinthiens 4.7 ; 1 Thessaloniciens 1.5).
Toutefois, comme saint Paul nous fait connaître lui-même que, précisément à Corinthe, il lui fut donné d’agir par les manifestations de l’Esprit que l’on a coutume d’appeler extraordinaires (1 Corinthiens 14.18 ; 2 Corinthiens 12.12), il ne faut pas les exclure absolument de la démonstration dont il parle ici.
Plus il y avait eu de simplicité dans sa parole, dénuée de tous les artifices persuasifs de la sagesse, plus ses moyens, en général, avaient été faibles aux yeux des hommes (verset 3), plus aussi les immenses résultats de sa prédication étaient évidemment une œuvre de la puissance de Dieu, exercée par son Esprit et qui réside déjà dans la croix (1 Corinthiens 1.18). Et ce n’avait pas été une circonstance déterminée par la nature de ses dons ; mais telle avait été son intention (afin que).
Quand, au contraire, on a recours à des moyens humains de persuasion, il est bien difficile de discerner ce qui, dans les résultats, est un effet passager de la sagesse humaine et ce qui est l’œuvre, seule permanente, de l’Esprit de Dieu.
Nous prêchons cependant une sagesse, mais bien différente de celle des hommes, car c’est la sagesse de Dieu même, cachée en lui, mais dont il nous destinait la révélation (6, 7).
Cette révélation était indispensable ; car, de fait, la sagesse qu’elle manifeste n’a point été connue par les plus hautes intelligences, et, par la nature des choses, elle ne peut l’être (8, 9).
Cette révélation a réellement eu lieu, et cela, par l’Esprit de Dieu, qui seul connaît Dieu, comme l’esprit de l’homme connaît ce qui est en l’homme (10, 11).
Une autre action de cet Esprit de Dieu, si différent de l’esprit du monde, c’est que non seulement il donne une connaissance expérimentale de la vérité divine, mais encore la seule vraie manière de l’enseigner et de traiter spirituellement les choses spirituelles (12, 13).
Le secours de cet Esprit est d’autant plus indispensable, que l’homme qui en est dénué ne comprend rien aux choses spirituelles ; celui-là seul en juge sainement qui est éclairé de sa lumière, car il possède la pensée même de Christ (14-16).
L’apôtre, après avoir opposé le simple Évangile à la sagesse des hommes (1 Corinthiens 1.17-31 ; 1 Corinthiens 2.1-5), montre maintenant que le contenu de sa prédication, compris dans sa vivante profondeur, est pourtant une sagesse.
Ostervald, avec sa négligence ordinaire des particules et des articles, en traduisant ici « la sagesse », met l’apôtre en contradiction avec lui-même, puisqu’il déclare si souvent qu’il ne prêche pas la sagesse.
Paul a bien soin de distinguer celle qu’il prêche de celle dont il a parlé précédemment ; c’est une sagesse, sans doute, mais une sagesse, non de ce siècle, etc. Il lui importe de ne pas laisser planer un malentendu sur son enseignement, comme si l’Évangile était incompatible avec la vraie sagesse, placée si haut déjà dans les livres de l’Ancien Testament.
Mais cette sagesse, quelle est-elle ? Calvin et avec lui plusieurs interprètes, répondent que c’est simplement l’Évangile, tel que Paul le prêchait partout et les parfaits auxquels il propose cette sagesse seraient les hommes intègres, d’un jugement sain et droit, qui reçoivent cet Évangile. Ces vues ne sont pas admissibles (voyez versets 13-15 ; comparez 1 Corinthiens 3.1).
Ce mot : les parfaits ne suppose pas la perfection morale dans toute la rigueur de l’acception, sans doute ; mais bien, selon son sens étymologique en grec, ce qui a grandi, comme un homme fait, ce qui a mûri, comme un fruit, ou encore, ce qui a atteint son but.
Dans son sens moral, appliqué au développement de l’âme, ce mot désigne l’homme qui a, en soi, le principe de la perfection et déjà, jusqu’à un certain degré, la maturité, la stature de l’homme fait (comparer 1 Corinthiens 3.1 ; 1 Corinthiens 14.20, où ce mot est opposé à l’état d’enfance ; Éphésiens 4.13 ; Philippiens 3.15).
Or, à ceux qui ont atteint cette maturité, à ceux qu’il peut appeler des hommes spirituels, parce qu’ils ne sont plus ni « charnels », ni des « enfants en Christ » (1 Corinthiens 3.1), l’apôtre dit qu’il propose l’Évangile, non plus comme « une folie » (ils ne le considèrent plus ainsi), mais comme une sagesse.
Pour eux, en effet, chez qui « la parole de la croix » a vaincu la fausse et orgueilleuse sagesse qui leur faisait voir dans l’Évangile une folie ; pour ces hommes déjà mûris par une expérience personnelle de la vie chrétienne, il est possible, non seulement de proposer la vérité sous d’autres formes, mais de dérouler à leurs yeux les doctrines les plus profondes de la révélation, de leur en faire saisir l’enchaînement (Hébreux 5.12-14 ; Hébreux 6.1).
Au nombre des vérités que l’apôtre appelle « le lait des enfants » sont la repentance, la foi en Jésus-Christ, etc. Parmi les doctrines dont l’étude doit occuper les méditations des chrétiens plus mûrs, on peut nommer : l’enchaînement harmonique des institutions de l’Anc. et du Nouveau Testament pour le salut de l’humanité ; les perspectives du règne de Jésus-Christ dans son accomplissement futur ; la glorification graduelle de Dieu comme Père, Fils et Saint-Esprit dans les révélations divines ; la souveraineté de la grâce de Dieu, manifestée librement en ceux qu’elle appelle et sanctifie pour le salut, sans détruire leur liberté ni leur responsabilité.
Ce sont ces doctrines, en effet, qui font le plus vivement sentir la nécessité et aussi la divine beauté de la révélation. Du reste, ces doctrines de la sagesse chrétienne ne renferment rien qui ne se trouvât en germe dans les premiers éléments de la foi ; les apôtres ne connaissent point de vérités secrètes réservées à des initiés seulement ; il ne s’agit donc ici que de la vérité, saisie avec plus ou moins de profondeur et d’ensemble. Dans les versets suivants, versets 7-12, l’apôtre explique d’ailleurs lui-même ce qu’il entend par la sagesse.
Cette sagesse n’est ni de ce siècle (aïôn, l’économie présente), qui ne peut pas même la reconnaître comme telle, ni des principaux de ce siècle (grec : « archontes »), par où il faut entendre, soit les grands, les puissants, les gouvernants de ce siècle, comme le prouve verset 8 ; soit ceux qui dominent par la sagesse, la science, l’éloquence, etc.
Ces mots qui vont être anéantis (grec : « étant anéantis, abolis, rendus inutiles ») sont employés par l’apôtre au présent, parce qu’il voit ce jugement de Dieu sur les grandeurs de ce siècle déjà exercé, soit par l’Évangile qui « abolit la sagesse des sages », soit par l’action constante du temps sur ce monde qui « passe avec sa convoitise » (comparer 1 Corinthiens 1.28).
La sagesse de Dieu est celle que Dieu possède et qu’il révèle seul à l’homme. Paul l’annonçait en un mystère, c’est-à-dire comme la manifestation d’un mystère qui, jusqu’à l’Évangile, avait été une sagesse cachée.
Ce que l’apôtre appelle un mystère, n’est jamais une chose que l’homme ne puisse absolument pas pénétrer ; c’est plutôt une vérité qu’il ignore à cause de l’incrédulité et de l’aveuglement que produit le péché, mais que Dieu révèle à la foi (verset 9, comparer 1 Corinthiens 4.1 ; 1 Corinthiens 15.51 ; Éphésiens 3.3-4 ; Éphésiens 3.9 ; Colossiens 2.2 ; Colossiens 4.3). De là ; ce mot caché, qui est une explication de l’apôtre (comparer Romains 16.25 ; Colossiens 1.26).
Cette sagesse a été manifestée dans la rédemption du monde par Jésus-Christ ; car c’est là le mystère qui était caché et qui, révélé, est devenu la sagesse et la lumière du monde. Il était même prédéterminé avant les siècles, dans le conseil éternel de Dieu, pour la gloire de ses enfants ; c’est-à-dire que la révélation de ce mystère devait éclairer, régénérer les croyants et les rendre participants de la gloire céleste que Dieu leur destine.
Quelle idée sublime et profonde l’apôtre avait de la rédemption ! Quelle précieuse lumière ces paroles jettent sur la création et sur la chute de l’homme ! Avant l’origine du mal le remède était préparé. En même temps, l’apôtre veut faire sentir par là combien cette sagesse divine est impérissable, puisqu’elle est éternelle comme Dieu.
Quoique tout ce qu’il y avait alors sur la terre de lumière et de sagesse fût réuni dans les princes des Juifs et des païens (verset 6, note) qui prirent une part active à la mort de Christ, ils ne connurent point la sagesse divine manifestée en lui.
Cette ignorance, sans doute, diminue leur crime ; mais comme c’était une ignorance volontaire et coupable, leur péché demeure (comparer Luc 23.34, note).
Comment, en effet, sans cette ignorance relative, auraient-ils pu crucifier le Seigneur de gloire, Celui à qui toute gloire appartient ?
Ces paroles ne se trouvent textuellement dans aucun passage de l’Ancien Testament.
Depuis les Pères de l’Église jusqu’à nos jours, divers interprètes ont cru y voir une citation d’un écrit apocryphe aujourd’hui perdu (l’Apocalypse d’Élie). Mais jamais Paul ne cite avec ces mots : il est écrit, autre chose que l’Écriture sainte.
Ici il a très probablement en vue Ésaïe 64.4 (ou 3), qu’il cite de mémoire, en y mêlant une expression empruntée à Ésaïe 65.17 où il est dit littéralement « (les choses passées) ne monteront plus au cœur ».
Quoi qu’il en soit, il veut établir et généraliser par ces belles paroles le fait exprimé au verset 8. Jamais le génie de l’homme, abandonné à lui-même, n’a connu ce mystère de la sagesse divine. Cela est réservé à ceux qui aiment Dieu. Ici, pour connaître, il faut aimer (voyez le 3e des Discours de Vinet, l’Évangile compris par le cœur).
L’Esprit de Dieu étant Dieu lui-même, est l’unité vivante de l’essence divine (comparer Jean 14.17, note).
Il sonde les profondeurs de Dieu, non pas en passant, comme notre esprit, de l’ignorance à la connaissance, mais en tant que, par lui, Dieu a conscience de lui-même, de sa pensée éternelle. L’Esprit sonde les profondeurs de Dieu, comme Dieu sonde le cœur de l’homme (Psaumes 139.1 ; Romains 8.27 ; Apocalypse 2.23).
Dès lors, l’Esprit seul révèle aux croyants ces choses profondes de Dieu, non pas seulement par une manifestation extérieure, telle qu’elle a eu lieu en Jésus-Christ, ou telle que nous la possédons dans la Parole écrite, mais en rendant vivante en nous cette première révélation, en nous introduisant dans la communion de Dieu, en faisant vivre Dieu en nous.
Ce rapport ineffable de l’essence divine, Dieu se contemplant par l’unité du Saint-Esprit, trouve une faible image dans l’homme et l’apôtre ne craint point d’y avoir recours. L’homme aussi peut se contempler, se sonder, se connaître ; et la conscience qu’il a de lui-même forme le lien d’unité entre le sujet et l’objet, entre le connaissant et le connu.
Mais toute cette activité intérieure est cachée à d’autres, jusqu’à ce que l’esprit de l’homme se communique à eux. Ainsi toute communication directe et vivante de Dieu à l’homme a lieu par le Saint-Esprit, depuis les premiers commencements de la vie intérieure jusqu’à sa perfection. C’est là, selon la pensée générale de Paul, la source de la sagesse qu’il annonce (versets 12 et 13).
On pouvait attendre ici, d’après les versets précédents, cette simple conclusion : « Or, nous avons reçu cet Esprit, donc nous connaissons les choses profondes de Dieu » Au lieu de cela, l’apôtre met encore cet Esprit qui vient de Dieu en opposition avec l’esprit du monde, c’est-à-dire l’esprit de la sagesse mondaine, afin de confondre l’erreur des Corinthiens qui s’imaginaient que cette sagesse divine, don de l’Esprit de Dieu, devait leur être présentée sous les formes brillantes de la sagesse et de l’éloquence de ce monde.
Mais que sont ces formes pour celui à qui ces choses profondes sont données de Dieu et qui les connaît immédiatement par une vivante expérience ?
Le verbe que nous traduisons ici par approprier signifie littéralement juger avec, c’est-à-dire comparer ensemble, pour en déduire un rapport juste et vrai.
Quels sont les deux termes de la comparaison ? Selon l’interprétation ordinaire (que nous avons retenue dans la traduction), c’est, d’une part, les hommes spirituels, les parfaits du verset 6, ceux en qui l’Esprit de Dieu agit avec puissance ; et, d’autre part, les choses spirituelles, c’est-à-dire les vérités et les faits divins que nous a révélés l’Esprit de Dieu.
Or, nous approprions, par un juste discernement, les dernières aux premiers, et cela, encore, non avec les formes, avec l’éloquence qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec les paroles qu’enseigne l’Esprit de Dieu et qui seules sont l’expression adéquate de ces vérités.
Mais on peut entendre aussi les deux fois le mot spirituel comme s’appliquant aux choses et non aux hommes ; et alors l’apôtre veut dire simplement qu’il approprie des paroles et des formes spirituelles aux saintes vérités révélées par l’Esprit de Dieu. Ce sens a, non moins que le premier, une haute importance trop méconnue.
L’homme naturel.
C’est ainsi que Luther traduit une expression qui n’a pas d’équivalent exact dans notre langue. Litt. : « l’homme psychique » (du grec psyché, âme), « l’homme animal » (du latin anima, âme), comme traduisent nos versions ordinaires, l’homme qui n’a que la vie de l’âme.
Selon la psychologie de l’Écriture, il faut distinguer dans l’homme « l’esprit, l’âme et le corps ». Le corps est la matière organisée, l’instrument de l’âme et de l’esprit ; l’âme (psyché) est ce souffle de la vie naturelle ou terrestre que l’homme possède en commun avec tous les êtres vivants de la création et l’esprit cette partie de son être qui le met en relation avec Dieu.
En mettant en parallèle le corps, l’âme et l’esprit, comme les trois objets constants de la sanctification chrétienne (1 Thessaloniciens 5.23), Paul montre qu’à ses yeux ce sont là les trois éléments essentiels de la personne humaine complète. Seulement, avant la venue de l’Esprit divin, l’esprit dans l’homme est plutôt une aspiration, ou, comme dit de Wette, une réceptivité, qu’une puissance et une vie. C’est une virtualité que l’Esprit divin changera en une force réelle et en un nouveau principe de vie quand il viendra à s’en emparer.
À l’origine, c’est-à-dire avant la chute, l’esprit de l’homme, en communion avec l’Esprit de Dieu, devait, d’une part, connaître toujours plus parfaitement, et, d’autre part, élever les affections de son âme à la vie et à l’amour qui viennent de Dieu (1 Corinthiens 15.45) ; ces affections, toujours pures et spirituelles, auraient, à leur tour, maintenu le corps dans sa vraie condition et dominé sur la chair, comme sur la nature.
Mais par la chute et le péché, cet ordre a été renversé : l’esprit de l’homme, privé de l’Esprit de Dieu, a été obscurci par les passions de l’âme désormais sans guide et l’âme elle-même est tombée sous la domination de la chair.
De là vient que pour désigner l’état moral actuel de l’homme, l’Écriture se sert tantôt du mot charnel (c’est le terme le plus fort, désignant la domination de la chair, 1 Corinthiens 3.1-3), tantôt du mot psychique. C’est de ce dernier que se sert ici l’apôtre par opposition à spirituel (1 Corinthiens 15.44), qui désigne l’état de l’homme régénéré par l’Esprit de Dieu. Il faut entendre par ce terme l’homme déchu, tel qu’il naît et grandit sous l’empire de ses affections naturelles, abandonné à ses propres forces, privé de la lumière et des influences sanctifiantes de l’Esprit de Dieu.
Or, l’apôtre déclare que l’homme dans cet état, quelque instruit qu’on le suppose à l’école de la sagesse humaine, ne reçoit point les choses qui sont de l’Esprit de Dieu (le mot grec signifie à la fois comprendre et accepter), qu’il ne peut les connaître (par expérience, seule connaissance vraie), qu’elles lui sont folie (1 Corinthiens 1.23), tout cela par la raison bien simple qu’on ne discerne et ne juge les choses spirituelles qu’à la lumière de l’Esprit de Dieu. Ce n’est pas assez que le soleil resplendisse, il faut des yeux pour le voir.
L’homme spirituel, celui qui est éclairé et régénéré par l’Esprit qui sonde toutes choses (verset 10), ne peut rester dans l’ignorance sur aucun point essentiel de la science du salut ; tout ce qui est nécessaire à la délivrance et à la sanctification de son âme lui est dévoilé par degrés, selon le besoin qu’il en a ; car ici connaître est un acte de la vie, de l’amour, plus encore que de l’intelligence.
De là aussi le discernement qui lui est donné pour juger des choses contraires. Par la même raison, il ne peut, lui, être jugé ni dans ses principes, ni dans sa vie par aucun homme non éclairé du même Esprit. Seulement, il faut bien remarquer que cet Esprit agit et éclaire par la Parole de Dieu, source et juge suprême de la vérité et que, par conséquent, ce serait dans un homme le plus dangereux aveuglement que de vouloir suivre ses propres voies, ses propres inspirations, sous prétexte qu’il est spirituel et que nul ne peut juger de lui.
Il n’y a rien dans la Bible qui justifie ce faux spiritualisme, source de beaucoup d’erreurs et souvent aliment de l’orgueil.
Ou l’intelligence de Christ, par son Esprit.
L’Esprit est l’agent par lequel cette pensée de Dieu est communiquée à l’homme spirituel.
Pour que l’homme naturel pût juger de l’homme spirituel (verset 15), il faudrait qu’il connaisse aussi la pensée du Seigneur et même qu’il pût avoir la prétention de l’instruire, de lui en remontrer, supposition absurde que l’apôtre réfute en citant Ésaïe 40.13.
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