1 Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. 2 Et la terre était déserte et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme et l’Esprit de Dieu reposait sur les eaux. 3 Et Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut. 4 Et Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. 5 Et Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut un jour. 6 Et Dieu dit : Qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. 7 Et Dieu fit l’étendue et sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue et les eaux qui sont au-dessus de l’étendue, et cela fut. 8 Et Dieu appela l’étendue cieux. Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le second jour. 9 Et Dieu dit : Que les eaux de dessous les cieux s’amoncellent en un seul lieu et que le sec paraisse. Et cela fut. 10 Et Dieu appela le sec terre et il appela l’amas des eaux mers ; et Dieu vit que cela était bon. 11 Et Dieu dit : Que la terre fasse pousser du gazon, des herbes portant semence, des arbres à fruits produisant, selon leur espèce, du fruit ayant en soi sa semence, sur la terre. Et cela fut. 12 Et la terre fit sortir des plantes, des herbes portant semence selon leur espèce et des arbres produisant selon leur espèce du fruit ayant en soi sa semence ; et Dieu vit que cela était bon. 13 Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le troisième jour. 14 Et Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des cieux pour séparer le jour et la nuit, et qu’ils servent de signes et qu’ils fassent les époques et les jours et années ; 15 et qu’ils servent dans l’étendue des cieux de luminaires pour luire sur la terre. Et cela fut. 16 Et Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour dominer sur le jour et le plus petit pour dominer sur la nuit, et les étoiles. 17 Et Dieu les plaça dans l’étendue des cieux pour luire sur la terre, 18 et pour dominer sur le jour et sur la nuit, et pour séparer la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. 19 Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le quatrième jour. 20 Et Dieu dit : Que les eaux foisonnent d’une multitude d’êtres animés, et que des volatiles volent sur la terre, sur la face de l’étendue des cieux. 21 Et Dieu créa les grandes bêtes aquatiques et tout être animé qui se meut, dont les eaux fourmillent, selon leur espèce, et tout volatile ailé selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. 22 Et Dieu les bénit en disant : Fructifiez et multipliez et remplissez les eaux dans les mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre. 23 Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le cinquième jour 24 Et Dieu dit : Que la terre fasse sortir des êtres inanimés selon leur espèce, le bétail, les reptiles et les animaux terrestres selon leur espèce. Et cela fut. 25 Et Dieu fit des animaux terrestres selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était bon. 26 Et Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel et sur le bétail et sur toute la terre et sur tout reptile qui rampe sur la terre. 27 Et Dieu créa l’homme à son image. Il l’a créé à l’image de Dieu. Il les a créés mâle et femelle. 28 Et Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Fructifiez et multipliez et remplissez la terre et soumettez-la, et assujettissez-vous les poissons de la mer et les oiseaux des cieux et tout animal qui se meut sur la terre. 29 Et Dieu dit : Voici, je vous ai donné toute herbe portant semence qui est sur la face de toute la terre, et tous les arbres qui ont un fruit d’arbre portant semence ; cela vous servira de nourriture. 30 Et à tout animal de la terre et à tout oiseau des cieux et à tout ce qui se meut sur la terre ayant en soi une âme vivante, j’ai donné toute herbe pour nourriture. Et cela fut. 31 Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici c’était très bon. Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le sixième jour.
Ce livre nous fait connaître les origines du monde et de l’humanité, du péché et de la mort, de la promesse du salut, des arts et de la civilisation, de la diversité des peuples et des langues et enfin du peuple de Dieu.
Il se divise naturellement en deux parties : l’une qui se rapporte à l’humanité primitive dans son ensemble (période universaliste) ; l’autre avec laquelle commence l’histoire du peuple de Dieu (période particulariste). La première partie comprend les onze premiers chapitres et la seconde, tout le reste du livre (chapitres 12 à 50).
Nous distinguons dans la première partie quatre périodes principales :
La seconde partie comprend les trois périodes patriarcales :
On a parfois dans ces derniers temps divisé la Genèse d’après les généalogies, au nombre de dix à douze, qui seraient comme les jalons du récit. Ce principe de division ne nous paraît pas fondé, parce qu’il y a des généalogies latérales qui ne rentrent pas dans le cours direct de la narration et qui ne peuvent pas être mises au même rang que celles de la ligne principale, d’Adam à Abraham et d’Abraham aux fils de Jacob ; les généalogies ne peuvent donc avoir fourni le principe de la vision du récit.
Cette première page de nos saints livres a été de tout temps l’objet de l’admiration. Jamais plus de grandeur ne s’unit à plus de simplicité, jamais choses plus graves ne furent dites en moins de mots. L’antique écrivain a atteint, sans le vouloir et sans le savoir, le sublime du langage humain ; et quelles que soient à cette heure nos opinions particulières sur l’autorité et la valeur historique de ce document que l’antiquité hébraïque nous a légué, tous les hommes sérieux seront d’accord pour en reconnaître le caractère complètement unique.
De quelle source provient ce récit ? On a répondu à cette question de plusieurs manières. Les uns ont supposé que les hommes, en contemplant la nature et en réfléchissant sur les êtres qui la composent, avaient cherché à se rendre compte par ces moyens naturels de l’origine du monde ; ces idées auraient été transmises de génération en génération, jusqu’à ce qu’un écrivain les fixât définitivement dans la page que nous avons maintenant sous les yeux.
D’autres, considérant que rien de comparable ne se trouve dans les écrits anciens, ni chez les Hindous, ni chez les Égyptiens, ni chez les Chaldéens, ni chez les Grecs, peuples dont toutes les conceptions sur l’origine du monde sont entachées de polythéisme ou de panthéisme, ont attribué à une révélation spéciale la foi monothéiste et les vérités religieuses qui sont à la base de ce récit ; mais quant aux détails extérieurs de la narration, ils les ont, comme les précédents, attribués à la réflexion humaine.
Des troisièmes enfin, estimant que ce tableau renferme des traits qui dépassent absolument ce que la science humaine pouvait connaître au moment où il a été tracé, croient devoir donner comme objet à la révélation qui en est la base, non seulement son contenu religieux, mais aussi les faits historiques de la narration.
Nous ne nous prononcerons sur ces différentes manières de voir qu’après avoir étudié dans toutes ses parties le récit lui-même. Quoi qu’il en soit, nous sommes profondément convaincus que ce récit n’a pas eu pour but d’augmenter nos connaissances en astronomie, en physique, en géologie, ou en quelque science que ce soit. Son but est absolument religieux, l’auteur s’est proposé de nous inculquer ces trois principes qui appartiennent à l’essence même de la religion monothéiste :
Ces deux versets indiquent l’acte et l’état primitifs qui ont servi de point de départ à l’œuvre ordonnatrice d’où est tiré l’univers tel que nous le contemplons actuellement.
Il n’y a pas de raisons pour admettre la construction d’après laquelle le verset 1 formerait une proposition subordonnée, suivie du verset 2 comme parenthèse et dont la principale se trouverait au verset 3 ; dans ce sens : Au commencement, quand Dieu créa les cieux et la terre (or la terre était déserte et vide…), Dieu dit…
Le style de tout ce document est plus simple et des faits aussi importants que ceux qui sont mentionnés au verset 2 ne pourraient être mis en parenthèse. Le verset 1 forme donc une proposition indépendante.
Le mot Bereschit (Au commencement) n’est pas ici, comme d’ordinaire, suivi d’un complément, parce qu’il désigne le commencement absolu (comparez Jean 1.1). C’est le commencement du temps, aussi bien que de tous les êtres qui se développent dans le temps.
Dieu : en hébreu Elohim, nom dérivé d’une racine arabe, aliah, qui signifie trembler ; c’est donc l’être devant lequel on tremble, l’être souverainement redoutable. Comparez une expression analogue : la frayeur d’Isaac dans Genèse 31.42 et 53. Il ne paraît pas y avoir de rapport entre ce nom et celui de El, qui vient de la racine oul, être fort. Le nom Elohim est le pluriel de Eloah, qui se trouve dans certains morceaux poétiques (Job 12.6 ; Job 35.10 ; Habakuk 1.11 ; Deutéronome 32.15 ; Psaumes 50.22) et dans l’hébreu postérieur (Daniel 11.37-39 ; 2 Chroniques 32.15 ; Néhémie 9.17).
Les pères de l’Église ont vu dans ce pluriel une allusion à la pluralité des personnes divines (comparez verset 26) : mais ce mot est emprunté par l’auteur biblique au langage ordinaire. On pourrait plutôt y voir un vestige du polythéisme régnant ce que confirmeraient deux passages où ce nom est construit avec le verbe au pluriel (Genèse 20.13 et Genèse 35.7). En tout cas, si même cette supposition était fondée, le verbe au singulier (bara ; créa) qui accompagne ici ce sujet, suffirait pour montrer que l’auteur emploie ce terme dans un sens monothéiste et que, s’il attache encore une valeur au nombre pluriel, il l’applique à la pluralité des perfections redoutables de l’Être suprême. Quant à l’idée d’un pluriel de majesté, elle est sans appui dans l’Ancien Testament.
Créa. Le mot hébreu bara, que nous traduisons ainsi, signifie primitivement tailler et n’implique pas nécessairement, comme notre mot créer, l’absence de toute matière déjà existante : mais il faut observer que les idées abstraites ne peuvent être énoncées dans le langage humain qu’au moyen de termes exprimant des notions sensibles ; puis, quand ce verbe désigne une action exercée sur une matière existante, il se met à une autre forme (pihel, béré) et a pour sujet un être humain et pour régime la matière même sur laquelle le travail s’exerce (Josué 17.15), tandis que dans la forme employée ici (kal) il a toujours pour sujet Dieu et pour régime le mot qui désigne le résultat de l’action accomplie (Ésaïe 43.1).
Du reste l’hébreu a d’autres expressions pour désigner l’action de Dieu sur une matière existante : asa, faire (versets 7, 16, etc.), jatsar, former (Genèse 2.7). Sur le rapport entre créer et faire, voir encore à Genèse 2.3. Mis en relation, comme il l’est ici, avec l’idée de commencement, ce mot ne peut désigner que la formation même de la matière ; autrement il faudrait admettre que, dans la pensée de l’auteur, le chaos est apparu de lui-même ou qu’il est éternel, deux suppositions qui seraient évidemment contraires à l’intuition de tout le récit.
Les cieux. Le mot hébreu Schamaïm provient d’une racine arabe désignant l’élévation. Le pluriel fait allusion aux nombreux espaces célestes qui se superposent les uns aux autres (Comparez 1 Rois 8.27, les cieux des cieux ; 2 Corinthiens 12.2, le troisième ciel). Il sera parlé dans ce qui suit du ciel des oiseaux et du ciel des astres, au-dessus desquels Dieu habite dans son ciel invisible. Les cieux et la terre : l’univers. Dieu posa la matière d’où l’univers fut ensuite formé.
On pourrait assez naturellement penser que ce premier verset est le titre de la narration qui va suivre dans ce chapitre. Mais il faudrait dans ce cas donner au mot créer les deux sens simultanés et différents de produire et d’arranger, ce qui n’est pas naturel ; et surtout nous voyons immédiatement après, au verset 2, que la matière terrestre existe déjà réellement, puisque l’Esprit de Dieu agit sur elle ; le fait de sa création doit donc être renfermé dans le verset 1. Cela s’applique non seulement à la matière de la terre, mais aussi à celle des cieux ; car l’œuvre du quatrième jour en suppose également l’existence.
Le verset 1 est donc l’indication d’un fait positif qui a précédé l’organisation progressive de l’univers. Ce fait ne peut être que celui par lequel Dieu a posé la matière d’où sont procédés les cieux et la terre actuels (voir Genèse 2.4).
On a supposé parfois que le verset 1 renfermait l’idée d’une création complète, achevée et parfaite, qui aurait été détruite par un cataclysme résultant de la révolte des anges et auquel aurait succédé le chaos décrit au verset 2. L’œuvre des six jours serait ainsi un travail de restauration, non de création proprement dite. On a allégué en faveur de cette opinion le terme tohou vabohou du verset 2, qui indiquerait un désordre résultant d’une destruction, un état anormal qui, pense-t-on, ne peut être sorti tel quel des mains du Créateur.
Les partisans de cette hypothèse expliquent ainsi les imperfections du monde actuel, qui seraient les restes de ce bouleversement primitif. Nous ne saurions démonter l’impossibilité de cette hypothèse, mais nous ne croyons pourtant pas que le texte conduise naturellement à une telle idée ; la liaison entre les versets 1 et 2 paraît trop immédiate ; le sens naturel est : Dieu créa et de cet acte divin sortit l’état de choses suivant (verset 2). Sur l’argument tiré de tohou vabohou, voir au verset 2.
L’idée d’un commencement du monde exprimée par notre verset est pleinement confirmée par l’étude de la nature, qui prouve qu’il y a eu sur la terre une succession d’êtres allant du plus imparfait au plus parfait et qu’il y a eu même une époque où aucun être organique n’existait. Si le monde n’avait pas eu de commencement, ce progrès ne serait pas possible. Dans un monde éternel il n’y aurait pas de succession : l’univers serait achevé aussitôt que commencé.
La terre. L’auteur isole la terre, comme objet de son récit ; il n’a pas à s’occuper du reste de l’univers ; et s’il parle des cieux au quatrième jour, ce ne sera encore qu’en rapport avec la terre. On peut se demander s’il se représente la terre chaotique comme une masse entièrement aqueuse, ou comme une masse aqueuse à sa surface, mais reposant sur un socle solide. Le verset 9 est plutôt en faveur du second sens et c’est aussi de cette manière que le psalmiste paraît avoir compris notre passage (Psaumes 104.6).
Déserte et vide. C’est là l’indication de la matière primitive ; en hébreu : tohou vabohou. Le premier de ces mots provient de la racine taha, qui signifie être désert ; il s’emploie, par exemple, pour désigner une terre ou une ville dévastée (Job 12.24 ; Job 26.7 ; Ésaïe 24.10). Le second, plus rare, vient d’une racine qui signifie être vide. Ce second terme sert plutôt à renforcer le premier qu’à exprimer une idée nouvelle ; ils forment en hébreu une locution unique dont le sens est absolument vide. Ces deux mots se trouvent aussi réunis dans Jérémie 4.23 pour désigner un manque absolu d’êtres et de lumière (retour au chaos) et dans Ésaïe 34.11 où ils sont le pendant l’un de l’autre dans deux propositions parallèles qui expriment une destruction totale.
Cette expression peut désigner aussi bien une matière non encore organisée qu’un état de choses bouleversé. C’est ici l’état originaire dans lequel aucun être particulier ne se distinguait encore dans l’ensemble. Cet état n’est pas nécessairement mauvais ou anormal ; il est seulement inférieur et susceptible de progrès : et rien n’empêche qu’il ne soit sorti comme tel des mains du Créateur.
Couvraient… reposait. On peut traduire d’après les termes hébreux couvrant, reposant, en ce sens que les expressions employées indiquent moins des faits nouveaux que deux traits caractérisant l’état de choses indiqué plus haut.
Les ténèbres n’impliquent pas nécessairement l’idée de mal (2 Samuel 22.12 ; Jean 9.4) : c’était le point de départ de l’œuvre qui devait suivre.
L’abîme. Ce mot n’est pas pris dans le sens qu’il a fréquemment, celui d’un vaste espace vide, mais dans celui où l’on dit l’abîme en parlant de la mer immense et profonde. Le mot hébreu tehom vient de la racine houm, qui signifie bouillonner en grondant. Ce mot désigne donc la masse des eaux. Ce qui confirme ce sens du mot tehom, c’est qu’il a pour parallèle dans la phrase suivante le mot les eaux. Mais cette nuit silencieuse n’était pas celle de la mort ; c’était la nuit féconde d’où devait sortir la vie : L’Esprit de Dieu planait sur cette vaste étendue d’eau. Le mot rouach, que nous traduisons par esprit, signifie primitivement souffle, vent. On pourrait traduire ici, comme plusieurs commentateurs juifs : un vent puissant. Mais le participe qui suit indique plutôt un état de repos et comme une calme incubation.
Reposait. Le terme merachépheth, que nous traduisons ainsi, désigne, Deutéronome 22.11, le mouvement de l’aigle qui étend ses ailes sur ses petits pour les protéger. Ce n’est pas précisément l’idée de couver, mais celle de planer au-dessus, comme la colombe sur la tête du Sauveur à son baptême.
L’Esprit de Dieu est envisagé ici comme le principe de la vie physique et morale qu’il va communiquer au monde. Nous trouvons dans ce verset les deux principes de l’état primitif : la matière (l’abîme) et la puissance organisatrice ou la force (l’Esprit). Mais de même que dans le premier l’auteur a placé nettement Dieu en dehors et au-dessus du monde, il distingue ici non moins positivement le foyer divin de la vie d’avec la nature elle-même, deux choses qu’identifient les autres cosmogonies.
Les eaux. Ce terme spécifie ce qui avait été exprimé d’une manière abstraite par le mot l’abîme. En raison de ce verset on a attribué à l’auteur la théorie neptunienne exclusive, qui fait sortir la terre de l’eau et qui rejette l’idée de sa formation par le feu. Mais tout ce qui nous est dit sur l’état ici décrit, c’est qu’il est antérieur à la formation des êtres particuliers. Le fait est que la période ignée de notre globe a abouti à une période aqueuse, qui a précédé l’existence actuelle du monde organique.
Tandis que dans toutes les autres cosmogonies le monde est une émanation de l’être ou de la pensée de la divinité, dans le récit de la Genèse il est le produit d’un acte de la volonté de Dieu. C’est ce qu’indique l’expression : Dieu dit, qui revient huit fois dans ce morceau.
Comme c’est la parole qui dans l’homme est la manifestation extérieure de la volonté, l’auteur de notre récit a employé cette image pour définir l’activité créatrice comme un acte de la volonté divine. À cette idée s’ajoute celle de la facilité avec laquelle Dieu exécute l’acte créateur : Il parle et la chose est, il commande et elle existe, Psaumes 33.9, dans ce même psaume, verset 6, la parole est également jointe à l’Esprit comme instrument de l’œuvre créatrice. D’après l’intuition de notre récit, l’Esprit de Dieu planant sur la face de l’abîme sera l’agent tout-puissant qui exécutera au fur et à mesure les ordres énoncés par la parole créatrice.
Que la lumière soit. L’auteur ne peut penser à la lumière solaire qui ne paraît qu’au quatrième jour. Cette lumière, dont l’apparition succède à. l’époque de ténèbres par laquelle la terre vient de passer, n’est point présentée d’ailleurs comme provenant d’un corps extérieur à la terre. Il s’agit donc d’une lumière diffuse avec laquelle les aurores boréales présentent peut-être une analogie éloignée. Cette lumière était une condition de l’œuvre qui allait suivre.
Littéralement : Et Dieu vit la lumière, qu’elle était bonne. L’expression : Dieu vit, accentue fortement le caractère d’indépendance de la chose créée, non vis-à-vis de la volonté divine, mais vis-à-vis de l’être divin ; la matière existe réellement, puisqu’elle est l’objet de la perception divine.
Le jugement que Dieu prononce sur le résultat de son activité créatrice suppose que la causalité divine n’est pas seule à produire les êtres qui se succèdent, mais que les causes secondes ont aussi leur rôle dans cette œuvre. Une fois l’œuvre achevée, Dieu constate que les forces mises en jeu ont bien réalisé sa pensée.
Était bonne. La bonté de cette première œuvre n’est pas de nature morale ; elle consiste dans la parfaite adaptation de la lumière au but que Dieu se propose d’atteindre par son moyen. Dieu ne prononce pas le même jugement sur les ténèbres, qui ne sont là que comme condition négative des œuvres qui vont s’accomplir tandis que la lumière en est un facteur positif.
Et Dieu sépara. Ce que Dieu avait en vue n’était pas un mélange de lumière et d’obscurité, qui n’aurait produit qu’un demi-jour permanent. Au lieu de cela, il établit une alternance régulière de la lumière et de l’obscurité, qui permette à l’une d’être pleinement lumière et à l’autre d’être pleinement obscurité. Zacharie 14.6-7, qui décrit le moment où l’ordre de choses actuel est sur le point de faire place à un monde renouvelé par la venue de l’Éternel, nous montre le mélange se substituant à l’alternance : un jour qui n’est ni jour ni nuit et au soir duquel brille la lumière du matin. À cette crise succède le temps où il n’y a plus de nuit et où la lumière seule demeure à toujours (Apocalypse 21.23-25). C’est le terme vers lequel tend la création, l’antipode du chaos primitif.
Et Dieu appela. Une fois l’alternance de l’obscurité et de la lumière établie, Dieu donne un nom à chacun de ces deux espaces de temps, ce qui signifie qu’ils doivent se succéder désormais d’une manière régulière et irrévocable. L’auteur ne veut donc pas dire que Dieu créa les mots hébreux jour et nuit, mais qu’il fixa d’une manière stable les notions qui en Hébreu, sont exprimées par les mots employés ici.
Et il y eut un soir et il y eut un matin. Quelques interprètes ont pensé que le soir désigne ici tout l’espace éclairé qui s’achève avec le soir et le matin, tout l’espace de temps ténébreux qui s’achève avec le matin ; la journée s’étendrait ainsi de matin à matin. Mais il est difficile de comprendre comment le mot soir pourrait désigner ce que nous appelons le jour et le mot matin ce que nous appelons la nuit ; autant vaudrait dire que le mot la mort peut désigner la vie, parce que la vie aboutit à la mort. D’ailleurs il est constant que les Juifs faisaient commencer leur jour de vingt-quatre heures entre les deux soirs, c’est-à-dire au moment où le jour faisait place à la nuit et que par conséquent la première moitié du jour de vingt-quatre heures était la nuit et la seconde le jour. D’après cela, nous entendons par le soir la nuit chaotique qui a précédé l’apparition de la lumière et par le matin l’apparition de la lumière avec le jour qui l’a suivie. Quoique cette nuit ne corresponde pas exactement à la notion de soir, puisqu’elle n’a pas été précédée d’une période éclairée, elle reçoit cependant ce nom par analogie avec les soirs suivants.
Ces expressions de soir et de matin sont empruntées à la même image générale sur laquelle repose toute cette narration, celle d’une semaine de travail humain, où l’œuvre de chaque jour est suivie du repos de la nuit. Appliqué au travail divin, ce symbole du soir et du matin désigne à chaque fois le développement paisible de l’œuvre précédente et le commencement de l’œuvre nouvelle.
Ce fut un jour. On peut traduire aussi : Ce fut le premier jour. L’adjectif cardinal étant souvent pris dans le sens de l’adjectif ordinal quand il s’agit du jour de la semaine ou du mois. L’auteur a-t-il voulu parler d’un jour de vingt-quatre heures ou d’une période d’une durée incalculable ?
Il paraît bien en raison des six jours de travail, des six nuits de repos qui les séparent et du jour de sabbat qui les termine, que l’auteur a eu devant les yeux comme type une semaine de travail humain ; mais il ne peut avoir oublié que l’ouvrier, ici, c’est Dieu même et qu’un tel ouvrier n’a pas besoin de dormir toutes les douze heures, ni de se reposer tous les sept jours ; or avec la notion de l’ouvrier grandit nécessairement celle de jour de travail.
Comme dans la vision prophétique Daniel voit des semaines qui ne sont pas des semaines de jours, mais des semaines d’années, ainsi, pour l’auteur de la Genèse, nos jours de vingt-quatre heures ne sont que l’image des grandes journées du travail divin. Ces journées, dans sa pensée, ne sauraient être équivalentes aux jours de vingt-quatre heures, d’abord parce que la nuit qui les précède et qui est pour lui le premier soir est par sa nature même d’une durée incalculable ; ensuite parce que le soleil qui, par son lever et son coucher, détermine nos nuits et nos jours de douze heures, n’existait pas encore, ou du moins n’exerçait pas encore son influence périodique sur notre terre. Les trois premiers jours étant par conséquent indépendants de la mesure des vingt-quatre heures, les autres doivent l’être aussi, puisque la semaine créatrice ne peut comprendre que des jours de même nature.
Enfin dans ce récit même (comme dans toute la Bible) le mot jour est employé d’une manière très élastique ; il désigne : 1er le jour de vingt-quatre heures (verset 14) ; 2e la partie éclairée de ce jour, comprenant douze heures (verset 18) ; 3e toute la période de la création (Genèse 2.4).
Nous trouvons de même, dans un passage des Nombres 3.1, le terme de jour appliqué aux six semaines du séjour de Moïse sur le Sinaï. Un jour peut donc désigner une durée indéfinie ayant pour contenu une œuvre unique.
Nous concluons qu’en employant l’image de la semaine, l’auteur n’a pas été dirigé par une idée de durée, mais plutôt par la notion d’une œuvre accomplie graduellement, avec des intervalles de travail et de repos et aboutissant à un état stable et permanent qui en est le terme. De plus il est bien manifeste que ce cadre a été choisi dans le but de faire ressortir la sainteté du sabbat.
Une étendue. Le mot hébreu rakia, de raka, frapper au marteau, étendre en frappant, désigne cette étendue azurée au-dessus de nos têtes, que nous appelons le ciel. On a dit souvent, en pressant le sens étymologique, que l’auteur se représentait cette surface azurée comme une voûte solide dans laquelle les astres seraient cloués. On a tiré cette notion de certaines expressions prises à la lettre chez les écrivains classiques ; mais en tout cas ce n’était pas la pensée de l’auteur sacré, car il connaît les mouvements différents des astres et ne peut par conséquent se les représenter comme cloués à une même voûte solide (verset 44) ; et la comparaison de ce terme avec celui de cieux, qui en est donné comme l’équivalent, montre que l’auteur se représente l’étendue comme les Hébreux se représentaient les cieux, c’est-à-dire comme autant d’espaces superposés les uns aux autres.
Les expressions qui ont donné lieu à ce malentendu (Job 26.11 ; Job 37.18 ; Amos 9.6 ; etc.) se trouvent toutes dans des morceaux poétiques et n’ont pas plus de valeur pour discriminer la nature de l’étendue que lorsque nous parlons par exemple de la voûte céleste ; qui voudrait conclure de cette expression que nous nous représentons le ciel comme une voûte solide ? L’étendue dont parle ici l’auteur désigne donc l’enveloppe atmosphérique de notre terre.
Entre les eaux. Quelques interprètes ont cru devoir donner à ce mot les eaux le sens de fluides gazeux et l’ont appliqué à la matière dont sont formés les astres et les nébuleuses. Ce qui pourrait autoriser ce sens : c’est l’expression du verset 7
Les eaux qui sont au-dessus de l’étendue (des cieux) ; puis le fait qu’une expression analogue se trouve dans la cosmogonie égyptienne. Mais les gaz lumineux dont sont formés les astres pourraient-ils être désignés ici du même nom que les eaux de la mer terrestre ? Si les eaux d’en-bas sont celles dont sont formés les océans, les eaux d’en-haut ne peuvent être que celles qui sont renfermées dans les nuages. Sans doute les nuages ne sont pas au-dessus de l’atmosphère absolument parlant, mais ils flottent en général au-dessus du ciel inférieur, de la portion de l’atmosphère qui enveloppe immédiatement la terre. Comparez versets 20 et Genèse 7.11.
On peut se représenter l’œuvre de ce jour de cette manière : La terre était environnée d’une atmosphère épaisse, lourde, qu’un écrivain récent a comparée à une atmosphère d’usine et de laboratoire enveloppant le globe de ses tourbillons. Le moment arriva où les substances gazeuses dont elle était saturée se déposèrent à l’état liquide ou solide et où le globe ne fut plus entouré que de cette enveloppe transparente et légère que nous appelons l’atmosphère, l’air respirable ; c’est là l’étendue.
Au-dessus de la couche la plus rapprochée de la terre s’élevèrent des vapeurs plus légères que l’air, qui se condensèrent, en arrivant dans une région plus froide, en dais de nuages environnant le globe (les eaux d’en-haut).
Le premier jour a donné naissance à la lumière vivifiante par la séparation de la lumière et des ténèbres, le second à l’atmosphère respirable par la séparation des eaux d’en-haut et des eaux d’en-bas ; dans le troisième nous voyons apparaître le sol habitable par la séparation de l’eau d’avec la terre. Le récit suppose que celle-ci existait déjà et que l’eau, en se retirant, la laisse apparaître. Le psalmiste (Psaumes 104.6-8) développe les intuitions renfermées dans cette expression abrégée.
En un seul lieu : l’Océan, qui forme sur la surface du globe une étendue continue. Que le sec paraisse, littéralement : soit vu.
Et Dieu appela. Encore ici ce nom donné de Dieu implique que la limite entre les deux éléments ainsi signalés ne sera point supprimée, comme le dit poétiquement l’auteur du livre de Job 38.8-11 : Quand je dis à la mer : Tu viendras jusqu’ici et tu n’iras pas au-delà.
Était bon. Les versets suivants, qui décrivent la création des plantes, montrent immédiatement à quoi devait servir ce sol nouvellement apparu.
La formation des continents remplit la première partie du troisième jour ; la création des plantes, qui les revêtent comme une parure, en remplit la seconde moitié. C’est ici le point culminant de la première partie de la semaine créatrice : c’était à ce résultat que tendaient les œuvres précédentes, car la force organique est au-dessus de la matière brute.
L’apparition de ce premier être organisé est attribuée à la puissance divine, Dieu dit, mais aussi à la terre, dont Dieu se sert pour produire cet être nouveau, que la terre fasse pousser. Dieu montre ainsi qu’il a doué la nature d’une force qui lui appartient désormais en propre et qui est comme l’avant-coureur de la liberté chez l’homme.
L’expression employée implique aussi que les plantes ne sont pas apparues toutes formées, mais ont passé de l’état de germes à celui de plantes développées. Les végétaux créés sont divisés en trois classes :
La première est simplement nommée ; la seconde est caractérisée par les mots : portant semence ; la troisième est désignée comme portant fruit et renfermant semence.
L’auteur parle évidemment des plantes telles qu’elles apparaissent au premier regard, sans se préoccuper de les classer scientifiquement ; de là vient qu’il ne parle pas de semence dans la première catégorie. Cette première classe sert de nourriture aux animaux, la seconde en partie aux animaux (verset 30), en partie à l’homme (verset 29) et la troisième plus spécialement à l’homme (verset 29).
Portant semence, produisant du fruit. Encore ici nous voyons la créature douée d’une force qui lui appartiendra en propre : Dieu crée les plantes capables de se reproduire par elles-mêmes.
Selon leur espèce. Ces mots ne sont appliqués qu’à la seconde et à la troisième catégorie de plantes, sans doute parce que l’herbe des prairies ne forme qu’une seule masse dans laquelle la différence des espèces ne frappe pas au premier coup d’œil.
L’auteur, en parlant d’espèces, part de l’état de choses qu’il a sous les yeux, cet état de choses a pour caractère la fixité des espèces avec leurs formes plus ou moins invariables et héréditaires. Si même on admettait que cette multitude de types sont provenus d’une cellule unique, il faudrait toujours reconnaître que cette cellule possédait la prédisposition à, se développer en types permanents et tels que nous les contemplons actuellement dans la nature et par conséquent que cet état de choses exprime la volonté primitive du Créateur.
Il va sans dire qu’en s’exprimant comme il le fait, l’auteur ne parle pas de toutes les espèces que la science botanique a cru pourvoir désigner de ce nom ; des types primitifs peu nombreux ont pu se multiplier indéfiniment.
Que cela était bon. C’est la seconde fois que Dieu prononce ce jugement dans cette troisième journée : le sol cultivable était bon en tant que base de tout travail humain et en tant que condition nécessaire de l’existence des plantes ; les plantes sont bonnes en tant que condition de toute vie animale : ce sont en effet les plantes qui tirent du sol les matières inorganiques et les transforment en matières organiques, seule forme sous laquelle elles puissent servir à l’entretien de la vie animale.
Le règne végétal possède en outre des vertus de toutes sortes pour guérir, vêtir, réjouir l’homme. Il renferme sans doute aussi des plantes vénéneuses, mais elles ont également leur utilité.
Dieu ne donne pas de noms aux plantes, ni même à la plante, comme plus tard il ne donne de noms ni aux astres ni aux animaux ; il laisse aux hommes le soin de le faire, ne désignant lui-même par un nom que les principes constitutifs du monde (versets, 5, 8 et 10).
Ce tableau du troisième jour, qui présente la création végétale comme antérieure à toute création animale, paraît être en désaccord avec les découvertes scientifiques, qui prouvent que l’animalité a existé dans le sein des mers antérieurement à toute végétation terrestre. Mais le récit de la création ne fait ressortir que les traits les plus saillants du développement de la terre, qui ont acheminé, comme des jalons, l’apparition de l’homme.
En parlant des plantes, l’auteur ne fait que mentionner ici leur riche et puissante apparition sur la terre ; or, il est certain qu’un immense développement de végétation a eu lieu dans les premiers âges du globe ; nous en possédons la preuve dans les formations de houille qui se trouvent dans les profondeurs de la terre. Il n’y a donc pas contradiction entre le grand fait que l’auteur signale comme ayant formé la clôture de la première moitié du travail créateur et ce que la science actuelle peut constater. Mais ce qui est bien remarquable, c’est que l’auteur place ici ce développement végétal primitif avant le jour où selon lui, le soleil a commencé à éclairer la terre. Il savait pourtant, aussi bien que nous par l’expérience journalière combien l’action du soleil est nécessaire pour la croissance des plantes. Il faut qu’il se soit représenté la lumière du premier jour comme pouvant remplacer dans ce but celle du soleil et nos connaissances actuelles ne démentent point cette idée, car il est établi qu’il y a d’autres lumières que celle du soleil, la lumière électrique par exemple, qui suffisent à faire croître la plante.
Il faut remarquer aussi que la végétation colossale des terrains houillers n’a point encore ces vives couleurs qui ne peuvent procéder que de la lumière solaire. Comme l’a dit un savant, en contemplant cette végétation on reconnaît que le grand peintre de la nature n’avait point encore promené ses pinceaux sur notre terre.
Ici commence la seconde moitié de la semaine créatrice. Elle correspond exactement à la première ; celle-ci a raconté la formation des éléments du monde, la genèse des préparatifs, comme on l’a dit ; la seconde nous montre la formation des corps constitués ou organisés qui s’y rattachent :
L’homme, dans la seconde partie du sixième jour, correspond à la plante dans la seconde partie du troisième, comme couronnement de la seconde moitié de l’œuvre et de l’œuvre tout entière.
Qu’il y ait des luminaires. La présence et l’action de la lumière sont désormais rattachées à l’apparition des corps célestes, qui lui servent comme de foyers. On pourrait donner à l’ordre de Dieu le sens affaibli : Que les astres paraissent comme luminaires, en supposant qu’ils existaient déjà et que c’est à ce moment seulement qu’ils ont pu luire sur la terre, l’enveloppe de nuages qui entourait celle-ci s’étant dissipée.
Sans envisager ce sens comme impossible, nous ne pensons pas qu’il corresponde exactement à la force de l’expression du verset 16 : Dieu fit les deux grands luminaires. D’après ce terme fit, l’auteur paraît réellement penser que c’est à ce jour-là qu’ont été formés les astres. Mais comment admettre que la formation de la terre ait précédé celle du soleil et des étoiles ?
On croit surprendre ici notre récit en flagrant délit d’erreur. Cependant il faut se rappeler qu’au verset 1 il a déjà été parlé de la création des cieux et nous avons reconnu que ce verset n’était pas un simple titre, mais indiquait un fait. L’auteur suppose donc que le développement des cieux a marché parallèlement à celui de la terre et que c’est au moment marqué par le quatrième jour dans la formation de celle-ci que l’organisation actuelle des cieux a atteint son terme et qu’en particulier l’apparition de la lumière est devenue dépendante de celle du soleil et des astres.
Un savant, qui n’est nullement préoccupé de justifier le récit de la Genèse, s’exprime ainsi :
Le soleil n’était pas encore parvenu à la période astrale qui lui donnera le disque lumineux, net et défini, sous lequel nous le connaissons à notre époque… Deux cents fois plus large en diamètre qu’il n’est aujourd’hui, il était peu lumineux ; mais insensiblement, de siècle en siècle, il inaugurera son rôle d’astre illuminateur.
Comme l’a dit aussi un illustre physicien, le soleil remplit dès ce moment à l’égard de l’éther, dont les vibrations constituent la lumière, le rôle de l’archet à l’égard de la corde sonore.
Dans l’étendue des cieux. Il est aisé de se convaincre par cette expression que l’auteur ne songe point à donner au mot étendue le sens d’une voûte solide : comment dans ce cas les luminaires pourraient-ils avoir chacun un mouvement distinct dans cette étendue, comme le prouvent leurs rôles respectifs et différents à l’égard de la terre ?
Pour séparer le jour et la nuit. L’auteur, mettant les jours et les nuits de douze heures en rapport avec le mouvement des astres, ne peut, sans contradiction avec lui-même, avoir attribué aux jours et aux nuits précédents cette durée de douze heures.
Et qu’ils servent de signes. Non pas de signes pour distinguer les époques, les jours et les années, comme on pourrait le croire d’après les traductions ordinaires, mais, d’après l’hébreu, de signes absolument parlant. Ce terme convient surtout aux étoiles, dont la position sert à orienter le voyageur dans le désert ou sur mer.
Qu’ils fassent les époques. Le mot hébreu signifie un moment fixé à l’avance et s’applique surtout aux fêtes solennelles. Il sert probablement à désigner ici les mois et les semaines, qui sont fixés d’après le cours de la lune et d’où dépendent les temps de fête.
Les jours et années enfin, se rapportent au rôle du soleil.
On a vu dans cette relation d’utilité établie par le récit entre les mondes qui peuplent l’univers et notre petite terre une preuve de l’horizon étroit dans lequel était enfermée la pensée de l’auteur. Mais avait-il donc à spéculer sur le but que peuvent avoir, en vue de l’univers, les astres qui nous éclairent ? N’était-ce pas de la terre uniquement qu’il s’agissait dans sa pensée et en vue d’elle seule qu’il avait à parler de ces astres ?
On peut même dire que cette relation d’utilité qu’il fait ressortir se lie étroitement à son point de vue monothéiste. Il montre par là que les astres, adorés par tous les peuples voisins des Juifs, sont de simples créatures au service de l’homme et non des puissances que l’homme doive servir.
Les deux grands luminaires. Cette épithète leur est donnée uniquement au point de vue de l’apparence sensible, l’auteur ne s’occupant nullement de ce qui en est au fond.
Dominer : régler le nombre, le cours et la durée.
Que cela était bon, répondant au but que Dieu s’était proposé en vue de l’homme.
Comme le second jour comprenait la formation de l’eau et de l’air, le cinquième donne naissance à deux espèces d’êtres. C’est ici dans le récit le commencement de la vie proprement dite et l’auteur marque cette entrée d’un facteur tout nouveau dans l’existence en reprenant le terme de créer (bara, verset 24), qu’il avait employé en commençant.
C’est que la matière ne peut produire les phénomènes vitaux ; elle n’est, comme on l’a dit, que le subsbstratum de la vie, lui donnant uniquement ses conditions de manifestation. La vie est donc une nouvelle communication de Dieu à la nature.
La science objectera sans doute que des animaux existaient dès longtemps simultanément avec les plantes ; mais, comme nous l’avons déjà dit, l’auteur écrit, non en savant, mais pour ainsi dire en spectateur. C’est à cet instant seulement que la vie animale apparaît à ses yeux comme trait saillant et dominant dans le développement de la terre.
S’il place actuellement la création des poissons et des oiseaux, c’est que dans tout son récit, aussi bien sans doute que dans la réalité des faits, le mouvement va des êtres inférieurs aux êtres supérieurs.
D’êtres animés. Le terme hébreu signifie littéralement d’âmes vivantes. L’âme est le souffle de vie qui anime l’organisme physique et le fait mouvoir. Les âmes sont diversement douées, mais ce terme désigne le caractère commun à tous les êtres vivants, depuis l’animal le plus inférieur jusqu’à l’homme, qui est aussi appelé âme vivante (Genèse 2.7).
Sur la face de l’étendue des cieux. En volant, les oiseaux se détachent sur le fond bleu du ciel.
Les grandes bêtes aquatiques : les monstres marins. Le nom hébreu désigne parfois le serpent, d’autres fois le crocodile ou les cétacés ; ce sont sans doute ces deux dernières classes qui sont désignées ici, le serpent ou reptile, n’apparaissant qu’au sixième jour (verset 24).
À ces grands animaux, le récit joint toute la multitude des animaux marins en ajoutant le terme selon leur espèce, qu’il applique aussi après cela aux oiseaux. Sur ce terme, voir verset 12.
Que cela était bon. Nous répétons ici ce que nous avons dit déjà, c’est que le bien moral n’a pas de place dans ce domaine et ne paraîtra qu’avec l’homme. Le terme de bon s’applique donc à la convenance parfaite de ces êtres comme jalons pour arriver au terme final de la nature.
Dieu les bénit. Ce terme exprime à la fois une communication de force et une promesse pour l’avenir. Dieu semble se réjouir de cette abondance de vie qui va désormais enrichir la terre. Mais sa bénédiction ne peut se déployer envers des animaux que sous la forme inférieure de la multiplication de l’espèce.
Cette bénédiction n’avait pas été prononcée sur la plante, parce qu’elle possédait en elle-même la faculté de se reproduire, tandis que pour la reproduction de nouveaux êtres vivants il faut cette action vivifiante que renferme la bénédiction divine.
La formule : Et cela fut, n’est pas répétée, peut-être parce que la bénédiction prononcée ne sera réalisée que progressivement dans la suite des temps. Les découvertes géologiques prouvent sans doute que dès les premiers temps de la formation de la croûte terrestre les eaux furent habitées par des multitudes d’animaux, mais elles n’en placent pas moins à une époque postérieure, qui a précédé l’apparition des grands animaux terrestres et de l’homme, l’avènement des monstres marins qui, pendant un temps, peuplèrent les mers et dont les derniers représentants (crocodiles, requins) existent encore aujourd’hui. C’est à peu prés à la même époque que l’on voit apparaître les premiers êtres frayant la voie à la classe des oiseaux.
La création des animaux terrestres est placée la dernière, ces êtres étant les plus rapprochés de l’homme ; et l’une des plus grandes hardiesses de notre récit est sans doute d’avoir placé celle de l’homme dans la même journée que celle de ces êtres si inférieurs à lui et de telle sorte que son apparition soit comme une partie de celle du règne animal. De cette disposition ressortent avec force et la bassesse et la grandeur de l’homme.
En plein accord avec notre récit, qui place l’apparition de l’homme le même jour que les animaux terrestres, les découvertes récentes prouvent qu’il a vécu simultanément avec les grands quadrupèdes dont l’apparition avait précédé sa venue.
Que la terre fasse sortir. Cette expression, qui avait été employée par rapport aux plantes, reparaît ici appliquée aux animaux terrestres. Elle indique que c’est par l’intermédiaire de la terre et avec sa coopération qu’ils arrivent à l’existence et, de plus, qu’ils sont appelés à vivre à sa surface et comme hors d’elle.
Rien de semblable n’avait été dit des animaux marins et aériens, parce que la matière de leur corps est tout à fait hétérogène à celle de l’eau et de l’air et qu’ils vivent plongés dans ces éléments.
Ils sont d’abord indiqués d’une manière générale êtres animés (voir au verset 20), puis divisés en trois classes, les deux premières bien déterminées, la troisième tout à fait générale.
Le bétail. Le mot hébreu désigne le mutisme et s’applique le plus souvent aux animaux domestiques, qui diffèrent de l’homme, avec lequel ils vivent, par la privation du langage. C’est le mot employé dans le quatrième commandement (ton bétail). Il peut bien désigner parfois les grands quadrupèdes en général, mais le sens restreint résulte ici de l’opposition au troisième terme.
Les reptiles : spécialement les serpents, qui forment un genre tout à fait à part, aussi bien que les animaux domestiques.
Les animaux terrestres : tout ce qui reste en dehors de ces deux classes, en particulier ce que nous appelons les animaux sauvages.
Selon leur espèce. Cette détermination se rapporte aux trois classes. Voir au verset 12.
Les études actuelles prouvent que l’apparition des premiers grands mammifères a coïncidé avec le grand développement de la classe des serpents.
Et Dieu fit… L’ordre est ici renversé d’abord la classe la plus générale, puis plus spécialement les deux qui ont un caractère particulier, il n’est pas dit que Dieu bénit les animaux terrestres comme il avait béni les poissons et les oiseaux et comme il bénira l’homme. C’est probablement parce que leur bénédiction est implicitement renfermée dans celle de l’homme comme chef des êtres qui partagent avec lui le séjour de la terre.
Et Dieu dit. Dans toutes les créations précédentes la parole divine est adressée à l’être lui-même qui doit paraître ou à l’élément d’où il doit sortir ; ici Dieu se parle à lui-même. Ce n’est pas un simple appel, c’est une décision prise intérieurement, qui précède l’exécution.
Il y a dans cette forme une solennité motivée par le fait que l’œuvre arrive à son terme et que l’être qui va paraître appartient à une économie supérieure.
Faisons. Le Talmud et plusieurs interprètes juifs pensent que Dieu s’adresse aux anges. Mais les anges n’ont pas participé aux actes créateurs. Les Pères voient dans ce pluriel un indice de la Trinité chrétienne. C’est dépasser l’horizon du livre que nous expliquons. Plusieurs commentateurs modernes trouvent dans ce terme un pluriel de majesté, comme celui qu’emploient les souverains dans les allocutions à leur peuple : Nous…, savoir faisons. Mais cet usage est inconnu dans l’Écriture et dans la Genèse en particulier. Voir la manière dont parle Pharaon, chapitre 41, versets 41 à 44.
Il y a ici comme un retour à la forme plurielle du nom Elohim. Mais il ne suffit pas pour expliquer ce fait de rappeler la richesse des perfections divines, car ces perfections ne peuvent être personnifiées comme se parlant les unes aux autres. Le sens le plus simple serait que Dieu se parle à lui-même, ce qui en effet ne peut se faire à l’impératif qu’en employant la première personne du pluriel. Mais cette explication ne suffit pas pour rendre compte du mot notre deux fois répété dans les mots suivants et il nous paraît que l’explication seule naturelle, en tant que ressortant du livre lui-même, c’est d’appliquer cette première personne du pluriel à l’Éternel et à son instrument dans toutes ses œuvres accomplies dans le monde visible, l’Ange de l’Éternel, dont il est parlé plusieurs fois dans le livre de la Genèse et quelquefois dans les autres livres de l’Ancien Testament. Voir à Genèse 31.47.
Cet être mystérieux est constamment envisagé à la fois comme un avec l’Éternel et comme distinct de lui. Comme agent de l’Éternel dans ses manifestations visibles, il est tout naturellement appelé à prendre part à la création de l’homme. C’est la même pensée que saint Jean exprime dans ces mots : Au commencement était la Parole… ; toutes choses ont été faites par elle.
L’homme. Le mot Adam désigne ici l’espèce tout entière comme renfermée dans son premier représentant. L’origine de ce nom est expliquée de différentes manières. La plupart le mettent en rapport avec le substantif adama (le sol), mot que l’on fait dériver soit de adâm, être rouge, soit d’une racine arabe qui signifie joindre, en ce sens que la superficie du sol forme une couverture étroitement unie au corps de la terre.
Dans le premier cas, L’homme serait appelé ainsi à cause de la couleur de son corps ; dans le second, en tant que tiré du sol qui recouvre la terre. Dans les deux cas, ce mot rappelle son humble origine, ce qui est conforme à l’esprit des Hébreux, d’après lequel le plus élevé des êtres terrestres n’est que poussière en face de Dieu. Comparez Genèse 3.19.
À notre image, selon notre ressemblance. Littéralement : Selon notre image, comme une ressemblance (un portrait) de nous. Le premier terme (tsélem) signifie proprement ombre, d’où contour, esquisse ; il désigne plutôt le modèle, tandis que le second paraît plutôt désigner la copie.
La réunion de ces deux termes accentue à la fois la ressemblance (à l’image) et la différence (un portrait) : Au verset 27, le mot image est seul relevé. Voir au verset 3 pour le changement des prépositions.
Le pluriel notre prouve que l’homme est dans cette relation avec les deux êtres divins renfermés dans le sujet de faisons.
Plusieurs ont trouvé l’explication de l’image de Dieu chez l’homme dans les paroles suivantes, où l’homme est installé comme souverain de la terre et par là comme dépositaire ici-bas de la souveraineté divine.
Mais cette relation de l’homme avec la terre n’est que l’effet de sa relation avec Dieu exprimée par le mot : à notre image et ne peut servir à expliquer cette relation elle-même. D’autres ont pensé à la majesté empreinte sur la figure et dans toute la forme de la personne humaine. Mais le corps de l’homme est ce par quoi il diffère de Dieu plutôt que ce par quoi il lui ressemble.
Le trait de beauté physique qui distingue l’homme est un effet de sa ressemblance morale avec Dieu. C’est évidemment dans celle-ci qu’il faut chercher la vraie notion de l’image de Dieu dans l’homme. Elle consiste dans la possession de la personnalité, privilège qui a pour essence la volonté libre, disposant d’elle-même et qui suppose à la fois l’intelligence capable de distinguer les partis à prendre et le sens moral, indicateur de celui qu’il faut choisir. C’est par là que l’homme peut arriver à la sainteté, l’identité avec le bien, qui est le trait fondamental de l’essence divine.
Cette image, l’homme ne l’a pas perdue par le péché, car même dans son état de chute il reste toujours une personnalité libre, capable d’aspirer au bien ; comparez Genèse 5.1 ; Genèse 9.6 ; 1 Corinthiens 11.7 ; Jacques 3.9. Mais elle a été altérée en ce sens qu’un penchant opposé à l’amour du bien s’impose à l’homme comme une puissance qui le domine ; voilà pourquoi saint Paul dit (Éphésiens 4.24) que le fidèle est renouvelé selon l’image de celui qui l’a créé ; sa volonté libre tend de nouveau au bien.
De ce caractère de personnalité libre et intelligente accordé à l’homme résultent et la noblesse imposante de sa figure et la domination qu’il exerce sur les animaux et sur le monde.
Qu’ils dominent. Dieu voit déjà dans l’individu toute la race ; de là ce pluriel. L’homme dominera aussi bien sur l’œuvre du cinquième que sur celle du sixième jour.
Sur toute la terre. C’est ici une expression abrégée pour dire : tous les animaux de la terre. On a supposé que le mot : les animaux, avait été omis par une erreur de copiste, mais déjà les traducteurs alexandrins ne le lisaient pas dans leur texte. C’est cette parole de la Genèse qui a inspiré le psalmiste dans l’hymne du Psaume 8 ; comparez versets 7 à 9.
Et Dieu créa. Le mot créer revient ici pour la troisième fois. Il avait été employé d’abord pour désigner la création de la matière (verset 1), puis celle de la vie (verset 24) ; il est répété ici pour désigner l’origine de la liberté. L’apparition de l’être, l’apparition de l’être vivant et l’apparition de l’être vivant et libre, sont en effet les trois stages marquants dans le développement du monde, les trois commencements complètement nouveaux, dont les deux derniers rompent radicalement avec l’évolution antérieure et qui exigent une communication nouvelle provenant d’une source supérieure (l’Esprit divin, verset 2).
Le mot créa est employé trois fois dans ce seul verset, parce que c’est ici la communication suprême venant d’en-haut. La première fois le verbe est à l’imparfait (hébreu), créa ; les deux autres fois il est au parfait, a créé, pour indiquer que l’état ainsi inauguré demeure.
Les trois propositions ont la solennité du rythme poétique. On peut supposer que c’est ici une réflexion de l’auteur sur la gravité du fait raconté : Oui, il l’a créé… On sent en tout cas, par la répétition, que l’auteur est ému de la grandeur du fait qu’il exprime : Voilà enfin l’être capable de représenter l’auteur invisible de toute cette œuvre, de connaître sa pensée et de réaliser sa volonté !
Dans la première proposition, le mot saillant est créa ; dans la seconde, c’est le régime : à l’image de Dieu ; dans la troisième, l’auteur fait ressortir la distinction des sexes.
Nous voyons par cette dernière proposition que la femme est créée à l’image de Dieu aussi bien que l’homme ; c’est sans doute grâce à cette idée que la femme occupait en Israël une position beaucoup plus élevée que chez les peuples voisins. Dans toute la Bible, la mère est considérée comme devant être respectée par les enfants à l’égal du père. Comparez Exode 20.12 ; Lévitique 19.3.
L’auteur fait ressortir la distinction des sexes, non en ce sens que le premier homme les aurait réunis tous deux en sa personne et qu’ils n’auraient été séparés que plus tard, comme on se l’est souvent figuré, mais comme ayant existé dès l’abord dans deux personnalités distinctes, car il dit : Il les créa et non il le créa. Voir à 2.18 et suivants.
Cette expression, du reste, comme le passage tout entier, suppose la création d’un seul couple ; c’est de ce fait que Jésus tire la loi de la monogamie (Matthieu 19.4) et saint Paul l’idée de l’unité physique et spirituelle de la race humaine (Actes 17.26). Sur l’unité et l’origine de l’humanité, voir à Genèse 2.7.
Mais cette bénédiction ne porte pas seulement sur l’augmentation de la famille et du peuple, qui est toujours considérée dans l’Ancien Testament comme l’un des plus grands bienfaits temporels ; à cette première faveur de la fécondité, que l’homme partage avec les animaux, s’en ajoute une seconde qui lui est propre : la souveraineté sur tous les autres habitants de la terre. Cette souveraineté est pour le moment toute pacifique ; plus tard, après le déluge (Genèse 9.2), elle se réalisera par la force.
Il est manifeste que le troisième terme : tout animal qui se meut sur la terre, comprend les trois classes créées au sixième jour, comme ayant, en opposition aux oiseaux et aux poissons, ce caractère commun d’habiter la terre avec homme.
Ces versets se rapportent à la nourriture de l’homme et des animaux après la création et la propagation, l’alimentation.
Plusieurs interprètes ont vu dans ces paroles une limitation des précédentes, comme si Dieu voulait dire à l’homme qu’il lui donne la domination sur les animaux, mais que cette domination ne va pas jusqu’à lui conférer le droit de les mettre à mort pour les faire servir à son alimentation.
Mais les premières paroles du verset 29 : Et Dieu dit, séparent bien nettement ces deux versets de tout ce qui précède et en font un morceau existant pour lui-même. C’est donc une autorisation plutôt qu’une limitation. Dieu autorise l’homme à se nourrir des plantes, qu’il a créées pour lui au troisième jour et lui indique la partie du règne végétal qui est abandonnée aux animaux.
Le but de Dieu en créant les plantes avait été de les faire servir à la nourriture de l’homme et des animaux ; de là le parfait : Je vous ai donné, c’est-à-dire : Je les ai faites (au troisième jour) pour vous les donner (au sixième).
Dieu donne à l’homme les deux dernières espèces de plantes mentionnées au verset 11, c’est-à-dire les légumes et les céréales, puis les fruits. On peut conclure de là que, durant les premiers temps de son existence, l’homme ne devait pas, dans le dessein de Dieu, se nourrir de viande.
Peut-être la chute et l’expulsion du paradis ont-elles amené un changement dans son mode d’existence. Quoi qu’il en soit, Dieu ne donne expressément à l’homme la permission de se nourrir de viande qu’après la révolution du déluge (Genèse 9.3). Les deux passages Genèse 3.21 et Genèse 4.4 ne prouvent pas nécessairement le contraire, car rien ne dit que la chair des animaux dont les peaux servirent à faire des vêtements pour Adam et Ève ait été mangée et les victimes d’Abel furent sans doute brûlées entièrement, comme les holocaustes.
L’expérience de plusieurs peuples prouve que l’homme peut vivre sans viande et l’anatomie elle-même constate que la mâchoire et le tube digestif de l’homme (comme du singe) sont constitués en vue d’une alimentation frugivore.
Les poissons sont omis comme vivant dans l’eau et le bétail n’est pas nommé, probablement parce qu’il est compris dans l’expression tout animal de la terre. Dieu donne aux animaux toute herbe verte, littéralement toute verdure d’herbe, c’est-à-dire les parties vertes des plantes. Ce terme comprend les deux premières classes renfermées au verset 11 : le gazon et les légumes.
On pourrait assez naturellement penser que par là toute nourriture animale est exclue pour les animaux eux-mêmes. Mais le texte ne le dit pas expressément et le sens de l’expression peut être déterminé simplement par l’opposition à la nourriture de l’homme : à l’homme les fruits, le blé, les légumes ; aux animaux les légumes et le gazon. Ces mots déterminent la destination des plantes relativement aux deux classes d’êtres vivants, mais ils ne disent rien sur les rapports des animaux entre eux.
Puis c’est pour l’homme que Dieu parle et non pour les animaux ; parler de la chair comme nourriture des animaux, soit pour l’autoriser, soit pour l’interdire, aurait donc été pour l’auteur sortir de son sujet.
Si l’on pensait au contraire que le récit a pour but d’exclure chez les animaux eux-mêmes la nourriture animale, alors il y aurait ici un conflit difficilement conciliable avec la science, qui prouve qu’il y a des animaux carnivores de nature et que longtemps avant l’apparition de l’homme les animaux se détruisaient entre eux.
Ce verset clôt le récit de l’œuvre du sixième jour et des six jours. Et Dieu vit. Cette expression est tirée de l’image de l’ouvrier qui, en contemplant son œuvre, se réjouit de la voir de tous points répondant à sa pensée.
C’était très bon. C’est ici la septième fois qu’intervient le jugement de Dieu sur son œuvre : nous le trouvons une fois au premier jour, deux fois au troisième, une fois au quatrième, une fois au cinquième et deux fois au sixième ; l’auteur l’a omis au second pour la raison indiquée plus haut et peut être aussi pour arriver au nombre sept, qui désigne la perfection.
Maintenant que l’œuvre créatrice est arrivée à son terme et que l’homme, but de la création, a enfin paru, Dieu en contemplant son œuvre, dont toutes les parties correspondent parfaitement les unes aux autres et sont admirablement enchaînées, de manière à tendre toutes au même but, peut affirmer non plus seulement que son œuvre est bonne, mais qu’elle est très bonne.
Le mot bon s’applique à chaque être selon son espèce à la nature et aux animaux en tant qu’appropriés à l’usage de l’homme et à l’homme en tant qu’apte à la communion avec Dieu. Mais ce n’était qu’une bonté initiale, un point de départ parfaitement approprié au développement qui allait commencer et au terme glorieux auquel il devait conduire.
On objectera peut-être qu’il y a dans la création une quantité d’éléments nuisibles qui ne peuvent pas être appelés bons, puisqu’ils ne servent pas au bien de l’homme. Mais rappelons-nous que Dieu conduit l’homme à son bien réel et définitif en faisant son éducation par des dispensations quelque fois sévères ; toutes ces choses qui paraissent mauvaises en elles-mêmes et dans leurs résultats immédiats peuvent donc devenir bonnes par leur résultat définitif, le bien moral de l’homme.
Le but de l’auteur, on déclarant que tout était très bon, est évidemment d’affirmer que Dieu n’est pas l’auteur du mal et de rejeter sur un autre la responsabilité de l’introduction du péché dans le monde.
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