1 Cependant la foule s’étant assemblée par milliers, en sorte qu’ils se foulaient les uns les autres, il se mit à dire à ses disciples : Avant tout gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie. 2 Or il n’y a rien de couvert qui ne doive être découvert, ni rien de caché qui ne doive être connu, 3 parce que tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu dans la lumière ; et ce que vous aurez dit à l’oreille dans les chambres, sera prêché sur les maisons. 4 Or je vous dis, à vous mes amis : Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus. 5 Mais je vous montrerai qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ; oui, je vous le dis, craignez celui-là. 6 Cinq petits passereaux ne se vendent-ils pas pour deux sous ? Et pas un d’eux n’est oublié devant Dieu. 7 Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez point ; vous valez plus que beaucoup de passereaux. 8 Or je vous dis : Quiconque me confessera devant les hommes, le Fils de l’homme le confessera aussi devant les anges de Dieu. 9 Mais celui qui me reniera devant les hommes, sera renié devant les anges de Dieu. 10 Et quiconque dira une parole contre le fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais à celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera point pardonné. 11 Mais quand ils vous mèneront devant les synagogues et les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la manière dont vous vous défendrez ni de ce que vous direz ; 12 car le Saint-Esprit vous enseignera à l’heure même ce qu’il faudra dire. 13 Or, quelqu’un de la foule lui dit : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. 14 Mais il lui dit : homme ! Qui m’a établi sur vous pour être votre juge, ou pour faire vos partages ? 15 Et il leur dit : Voyez à vous garder de toute avarice ; car quoique les biens abondent à quelqu’un, il n’a pas la vie par ses biens. 16 Et il leur proposa une parabole, disant : Les terres d’un homme riche avaient beaucoup rapporté. 17 Et il délibérait en lui-même, disant : Que ferai-je ? Car je n’ai pas de place pour amasser mes fruits. 18 Et il dit : Voici ce que je ferai ; j’abattrai mes greniers et j’en bâtirai de plus grands, et j’y amasserai tous mes produits et mes biens. 19 Et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour beaucoup d’années, repose-toi, mange, bois, réjouis-toi ! 20 Mais Dieu lui dit : Insensé ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as préparé, à qui sera-t-il ? 21 Il en est ainsi de celui qui amasse des biens pour lui-même, et qui n’est point riche pour Dieu.
22 Et il dit à ses disciples : C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez point pour la vie, de ce que vous mangerez ; ni pour le corps, de quoi vous serez vêtus. 23 La vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. 24 Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit ; combien ne valez-vous pas plus que les oiseaux ! 25 Et qui de vous peut, par ses inquiétudes, ajouter une coudée à la durée de sa vie ? 26 Si donc vous ne pouvez pas même la moindre chose, pourquoi vous inquiétez-vous du reste ? 27 Considérez les lis, comment ils croissent ; ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’était point vêtu comme l’un deux. 28 Or, si Dieu revêt ainsi l’herbe qui est aujourd’hui dans les champs, et qui demain est jetée dans un four, combien plus vous, gens de petite foi ! 29 Vous aussi, ne recherchez point ce que vous mangerez, et ce que vous boirez, et n’ayez point l’esprit inquiet. 30 Car toutes ces choses, les païens du monde les recherchent ; mais votre Père sait que vous en avez besoin. 31 Mais plutôt cherchez son royaume, et ces choses vous seront données par-dessus. 32 Ne crains point, petit troupeau ; car il a plu à votre Père de vous donner le royaume. 33 Vendez ce que vous possédez, et le donnez en aumônes ; faites-vous des bourses qui ne vieillissent point, un trésor inépuisable, dans les cieux, où le voleur n’approche point, où la teigne ne détruit point. 34 Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. 35 Que vos reins soient ceints, et vos lampes allumées. 36 Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent leur maître, quand il reviendra des noces ; afin que, quand il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. 37 Heureux ces serviteurs-là, que le maître à son arrivée, trouvera veillant ! En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et qu’il les fera mettre à table, et que, s’approchant, il les servira. 38 Et s’il arrive à la seconde ou à la troisième veille, et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! 39 Or, vous savez ceci, que si le maître de la maison savait à quelle heure le voleur vient, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer sa maison. 40 Vous aussi, soyez prêts ; car le fils de l’homme vient à l’heure que vous ne pensez point.
41 Or Pierre lui dit : Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou est-ce aussi pour tous ? 42 Et le Seigneur dit : Quel est donc l’économe fidèle et prudent que le maître établira sur ses domestiques pour donner au temps convenable la mesure de blé ? 43 Heureux ce serviteur que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi ! 44 Vraiment, je vous dis qu’il l’établira sur tous ses biens. 45 Mais si ce serviteur dit en son cœur : Mon maître tarde à venir, et qu’il se mette à battre les serviteurs et les servantes, à manger et à boire et à s’enivrer, 46 le maître de ce serviteur viendra au jour qu’il ne s’y attend pas, et à l’heure qu’il ne sait pas ; et il le mettra en pièces et lui donnera sa part avec les infidèles. 47 Or ce serviteur qui, ayant connu la volonté de son maître, n’a rien préparé, ou n’a pas fait selon sa volonté, sera battu de plusieurs coups ; 48 mais celui qui, ne l’ayant pas connue, a fait des choses dignes de châtiment, sera battu de peu de coups. Et à quiconque il a été beaucoup donné, il sera beaucoup redemandé ; et à qui on a beaucoup confié, on demandera davantage.
49 Je suis venu jeter un feu sur la terre ; et qu’ai-je à désirer, s’il est déjà allumé ? 50 Et je dois être baptisé d’un baptême, et combien je suis en peine jusqu’à ce qu’il soit accompli ! 51 Pensez-vous que je sois venu donner la paix sur la terre ? Non, vous dis-je, mais la division. 52 Car désormais ils seront cinq dans une maison, divisés trois contre deux et deux contre trois. 53 Le père sera en division avec le fils, et le fils avec le père ; la mère avec la fille, et la fille avec la mère ; la belle-mère avec sa belle-fille, et la belle-fille avec la belle-mère.
54 Or il disait aussi aux foules : Quand vous voyez un nuage se lever à l’occident, vous dites aussitôt : La pluie vient. Et cela arrive ainsi. 55 Et quand vous voyez souffler le vent du midi, vous dites : Il fera chaud. Et cela arrive. 56 Hypocrites, vous savez discerner l’aspect de la terre et du ciel ; mais comment ne discernez-vous pas ce temps-ci ? 57 Et pourquoi ne jugez-vous pas aussi par vous-mêmes de ce qui est juste ? 58 Car tandis que tu vas devant le magistrat avec ta partie adverse, efforce-toi en chemin de te libérer d’elle ; de peur qu’elle ne te traîne devant le juge ; et le juge te livrera au sergent, et le sergent te jettera en prison. 59 Je te le dis, tu ne sortiras point de là, que tu n’aies payé jusqu’à la dernière pite.
Hypocrisie et franchise
En présence de la foule qui accourt, Jésus met ses disciples en g-arde contre l’esprit d’hypocrisie de ces pharisiens avec lesquels il est en conflit. Qu’ils s’en préservent plus que de tout autre défaut. Tout ce qui est caché sera découvert : c’est ce que montrera leur activité, qui sera produite en pleine lumière (1-3).
La crainte des hommes et la crainte de Dieu
À la franchise ils devront joindre le courage ; ne pas craindre ceux qui ne peuvent tuer que le corps, mais celui qui peut perdre l’âme dans la géhenne. Sa protection leur est assurée, puisqu’il prend soin des passereaux et a compté jusqu’aux cheveux de leur tête (4-7).
La récompense du témoin fidèle et le châtiment de l’infidèle et de l’adversaire
Le fils de l’homme confessera, devant les anges de Dieu, qui le confessera devant les hommes, il reniera qui le reniera. Il y a pardon pour qui prononcera une parole contre le fils de l’homme, mais non pour celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit (8-10).
L’assistance du Saint-Esprit
Quand les disciples paraîtront devant les juridictions humaines, ils n’auront pas à s’inquiéter de leur défense : le Saint-Esprit la leur inspirera sur l’heure même (11, 12).
Cependant (grec en lesquelles choses), c’est-à-dire pendant que se passait la scène violente décrite au chapitre précédent (versets 53 et 54), une foule considérable, rendue attentive peut-être par le retentissement de cette scène, ou bien informée par les disciples que Jésus se trouvait en passage dans la contrée, s’assembla par milliers (grec myriades, expression hyperbolique désignant une foule innombrable) autour de lui.
Jésus se mit à dire : cette introduction relève l’importance du discours qui va suivre. Le Seigneur s’adresse à ses disciples, terme qui ne désigne pas exclusivement les douze, mais aussi ceux qui le suivaient et s’attachaient à lui. Il parle d’ailleurs de manière à être entendu de la multitude qui l’entoure (comparer Matthieu 5.1, note).
Plusieurs exégètes et éditeurs du texte rattachent avant tout (grec premièrement) à disciples. Luc voudrait dire que Jésus parla d’abord à ses disciples (versets 1 à 12), puis à la foule, à la suite de l’interpellation du verset 13. Mais rien ne prouve que l’enseignement des verset 13 et suivants ait fait partie du même discours que les versets 1 à 12 ; le sujet en est tout autre.
Ce discours, comme ceux qui le suivent dans ce même chapitre, renferme des paroles que les autres évangiles rapportent dans des circonstances et avec des applications différentes. Dans sa manière populaire d’enseigner, le Sauveur prononçait fréquemment certaines sentences courtes et vives, dont il faisait l’application selon les situations varices où ses auditeurs se trouvaient engagés.
Pour en bien comprendre le sens, il faut les considérer à l’endroit qu’elles occupent dans chaque Évangile et les saisir dans leur rapport intime avec les faits, les personnes, les entretiens qui les occasionnent.
Matthieu 16.6, note.
Avant tout, par-dessus tout, gardez-vous de l’hypocrisie, le vice le plus odieux aux yeux de Dieu.
Tout renouvellement moral doit commencer par la vérité et la sincérité. L’hypocrisie est appelée le levain des pharisiens, parce que toute leur vie en était imprégnée et qu’elle tendait, sous leur influence, à pénétrer l’esprit du peuple.
Bien que, selon Matthieu et Marc (Marc 8.15), cette sentence ait été prononcée en des circonstances toutes différentes, elle est, chez eux aussi, occasionnée par des discussions avec des pharisiens.
Voir, sur cette partie du discours (versets 2 et 9), Matthieu 10.26-33, notes.
Parce que…la plupart des interprètes traduisent « c’est pourquoi ».
Mais le terme grec signifie : en raison de ce que (Luc 1.20 ; Luc 19.44) ; le verset 3 indique le motif du verset 2 et non l’inverse. Le principe général, énoncé verset 2, est confirmé par le fait énoncé au verset 3.
M. Godet et d’autres, serrant de plus près encore l’expression de l’original, traduisent : en échange de quoi, en retour et voient dans la prédiction du verset 3 une antithèse à la situation supposée au verset 1 :
L’hypocrisie des saints et des docteurs d’aujourd’hui sera dévoilée et en retour, vous qui parlez timidement et comme à l’oreille, vous ferez entendre publiquement votre voix.
Cette interprétation séduit au premier abord par le sens qu’elle donne à toute la péricope. Mais peut-on appliquer aux seuls pharisiens la sentence générale du verset 2 ? Et puis, l’idée d’une revanche des disciples sur leurs adversaires, qui devient ainsi la pensée essentielle, n’est pas clairement indiquée dans le texte.
Il nous semble que l’accent est sur l’exhortation à se garder de l’hypocrisie, à laquelle Jésus oppose l’esprit de franchise et de courage qui doit être celui de ses disciples.
L’hypocrisie, leur dit-il, doit être bannie de votre vie, puisque tout ce qui est caché doit venir au grand jour et que votre activité ne demeurera pas secrète, mais s’exercera en pleine lumière, en présence du monde.
Les choses que, dans certaines occasions, vous aurez dites dans les chambres (Matthieu 6.6), seront prêchées publiquement quand la vérité triomphera dans le monde.
Dans Matthieu, Jésus applique cette même prédiction à son propre enseignement. Elle est vraie dans l’un et l’autre sens.
Mes amis ; cette appellation, inspirée par une tendre affection, était bien propre à dissiper les craintes des disciples et à les remplir de courage, car c’est comme amis de Jésus qu’ils seront exposés à tant de dangers au milieu du monde.
Matthieu 10.28-33, notes.
Dans l’un et l’autre évangile, Jésus oppose à la crainte des hommes une courageuse confession de son nom. C’est, en effet, cette crainte qui paralyse le cœur et les lèvres, quand il s’agit de se déclarer pour lui et pour sa cause.
Au lieu de ces mots : devant les anges de Dieu, Matthieu dit : « devant mon Père qui est aux cieux ».
Cette dernière idée est plus complète et plus saisissante ; mais l’une et l’autre sont vraies, parce qu’il s’agit du jugement éternel, auquel les anges prendront part. D’après Luc, Jésus ne dit pas qu’il reniera lui-même celui qui l’aura renié.
Aujourd’hui encore en Orient on vend cinq petits passereaux pour deux sous (voir Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, 7e édition).
Matthieu parle de deux passereaux qui se vendent un sou.
Matthieu 12.32, note ; comparez Marc 3.28.
Ce n’est évidemment pas à ses disciples que Jésus adresse ce terrible avertissement, mais bien à ses adversaires (verset 1) ; ces paroles, jetées ici dans le discours, paraissent même en interrompre la suite.
Pour trouver une relation avec ce qui précède, on fait observer que le reniement du nom de Christ peut conduire jusqu’au blasphème contre le Saint-Esprit, ce qui est juste.
Matthieu et Marc ont assigné sa vraie place à cette sévère déclaration que Jésus dirige contre ceux qui attribuaient ses miracles au démon.
D’après Luc, cette même accusation avait été formulée dans des circonstances différentes (Luc 11.15) et avait provoqué le discours précédent (Luc 11.17-26).
Matthieu 10.19-20, note ; comparez Marc 13.11.
Les synagogues sont les tribunaux juifs, les magistrats les juridictions païennes ; enfin, les autorités est un terme générique, désignant les divers pouvoirs devant lesquels les disciples pourront être traduits.
Les paroles par lesquelles Jésus veut rassurer ses disciples signifient littéralement : « Ne soyez point en peine comment ou de quoi vous ferez votre apologie, ou de quoi vous parlerez ».
On a vu dans le comment la forme du discours et dans le de quoi le fond ou la matière de l’apologie. Cette expression caractérise en tout cas l’action lumineuse et puissante de l’Esprit de Dieu promis aux disciples de Jésus et celle-ci s’étend non seulement à la défense qu’ils devront présenter, mais à tout le témoignage qu’ils auront à rendre (ce que vous direz).
Dans Matthieu, ces paroles font partie des instructions données aux apôtres envoyés en mission. C’est certainement là leur place naturelle et première.
L’occasion de cet enseignement
Un homme de la foule réclame l’intervention de Jésus dans un partage. Jésus refuse (13, 14).
Discours à la foule : l’homme et les biens terrestres, le riche insensé
Jésus profite de l’incident pour mettre ses auditeurs en garde contre l’avarice. Il raconte la parabole de l’homme riche qui contemple avec satisfaction les produits de ses champs et se promet des années de jouissance et à qui Dieu redemande son âme cette même nuit. Telle est la condition de celui qui amasse pour lui-même et qui ne possède pas Dieu (15-21).
Discours aux disciples
La confiance en Dieu doit les délivrer des inquiétudes et les porter à tout sacrifier pour se constituer un trésor dans les deux
Grec : l’héritage.
Cet homme se trouvait alors au nombre des auditeurs de Jésus (du sein de la foule) et il avait reçu au moins cette impression que ce Maître devait être un homme sage et juste.
De là sa demande concernant quelque difficulté, à nous inconnue, qu’il avait avec son frère au sujet du partage de leur héritage.
Peut-être que ce frère s’y refusait, ou qu’il ne voulait pas le faire d’une manière équitable. Luc seul nous a conservé ce trait. L’incident se produisit-il à la suite de l’enseignement qui précède (versets 1-12) et pendant lequel Jésus était entouré d’une grande foule ? (verset 1)
L’enchaînement de la narration semblerait l’indiquer. Cela n’est pourtant pas dit expressément et dans ce dernier voyage Jésus apparaît constamment suivi de la foule (Luc 11.14 ; Luc 11.27 ; Luc 11.29 ; Luc 12.1 ; Luc 12.13 ; Luc 12.54 ; Luc 13.14 ; Luc 14.25 ; Luc 15.1).
Quoi qu’il en soit, Jésus aborde des sujets d’un autre ordre.
Grec : établi juge ou faiseur de partages.
Cette réponse de Jésus signifie : « Mon règne n’est pas de ce monde ». Il s’agit d’une question de droit ; or, pour cela, il y a des juges.
Jésus refuse de compromettre son ministère tout spirituel dans des contestations de cette nature. Il aurait agi autrement, si on lui avait demandé de réconcilier ensemble deux frères divisés.
Au reste, la parole du Sauveur (verset 15) prouve que cet homme n’était pas mu par le désir désintéressé de la justice.
Il leur dit, à tous ses auditeurs : Voyez et gardez-vous, non seulement de l’avarice, mais de toute avarice ! Tel est le vrai texte.
L’avarice ou la cupidité est, d’après l’étymologie, le désir d’avoir davantage et non seulement l’épargne sordide.
Quelle solennité dans cet avertissement ! La déclaration qui le motive, assez compliquée dans l’original, peut se rendre en ces termes : parce que, quand les biens surabondent à quelqu’un, sa vie n’est pas tirée de ses biens. C’est-à-dire que ni les biens ni leur surabondance n’assurent la vie ; ni la vie du corps qui est dans les mains de Dieu (verset 20), ni la vie de l’âme qui ne peut être garantie en aucune manière par la possession de biens matériels.
Quel admirable tableau ! Quelle peinture d’un caractère pris sur le fait et qui se dévoile lui-même ! Cet homme est riche déjà et ses terres (grec) ont été fertiles.
Ce moyen de s’enrichir est le plus innocent et pourtant dangereux.
Ici commence l’embarras des richesses ; il faut délibérer : Que ferai-je ? la place ne suffit plus ; là est la difficulté. Enfin, après de longues réflexions, qui ont agité son esprit, il a trouvé : abattre ses greniers, en bâtir de plus grands, y amasser tout ce qu’il possède et qu’il appelle, avec la complaisance du propriétaire, mes récoltes, mes biens : telle est sa résolution.
La pensée des pauvres, du bien qu’il pourrait faire, n’aborde pas même son esprit ; l’égoïsme est complet. Maintenant il s’agit de jouir et c’est à son âme, la partie affective de son être, le siège des passions, qu’il adresse son discours satisfait : Tu as pour beaucoup d’années de biens, repose-toi, mange, bois et réjouis-toi. Le bonheur terrestre est complet !
Mais…il y a un mais ! Dieu lui dit :
sinon par révélation, au moins par un secret jugement.
Et quel discours en réponse à celui du riche ! Insensé ! lui, à qui son raisonnement (versets 18 et 19) paraissait le comble de la sagesse ! Cette nuit même, à l’heure inattendue des ténèbres, du sommeil, de la sécurité, ton âme te sera redemandée !
Cette âme que tu croyais t’appartenir (mon âme, verset 18), à qui tu promettais un long bonheur (grec), ils la redemandent de toi. Qui ? Ni les voleurs, ni les anges. Le sujet est indéterminé ; c’est notre : on ; en réalité il s’agit de Dieu, le souverain Maître (comparer verset 48).
Et ces possessions que le riche appelait ses biens, à qui seront-elles ? Il l’ignore peut-être, mais il est assuré d’une chose : elles ne seront plus à lui.
Qui n’est point riche pour Dieu ou en Dieu. Jésus désigne ainsi tout homme qui ne possède pas les richesses spirituelles et morales qui viennent de Dieu et qui retournent à lui. Ces richesses-là, c’est Dieu même dans l’âme (versets 33 et 34).
Voir, sur cette partie du discours (versets 22-31), Matthieu 6.25-34, notes.
Dans le premier évangile, ces paroles sur les soucis de la vie font partie du sermon sur la montagne, où elles occupent une place très naturelle dans une exhortation à la confiance en Dieu et à la consécration à son service.
Luc, en les rattachant à ce qui précède (c’est pourquoi, puisque votre vie n’est pas en votre pouvoir et ne dépend pas de vos biens, mais de Dieu), les fait rentrer dans le même ordre d’idées, bien qu’il les place dans un discours prononcé dans des circonstances toutes différentes.
Il est possible, probable même, que Jésus sera revenu plus d’une fois sur ce sujet important de la confiance en Dieu, seul remède contre les inquiétudes auxquelles le cœur de l’homme est si enclin.
Dans Matthieu, Jésus dit : « les oiseaux du ciel », en général ; Luc désigne ici une espèce particulière de ces oiseaux. Est-ce, comme on l’a pensé, parce que les corbeaux sont inutiles à l’homme, aussi bien que les lis (verset 27), ce qui donne encore plus de poids à l’argument que Jésus en tire ?
Les expressions semer, moissonner, cellier, grenier rappellent la parabole précédente.
Voir sur cette étrange association de mots Matthieu 6.27, note.
Coudée est pris dans un sens figuré (comparer Psaumes 39.6)
Telle est la leçon du texte reçu, de Sin, A, B et de la plupart des documents. Elle est admise par Tregelles, Westcott et Hort et le plus grand nombre des commentateurs. Tischendorf, se fondant sur D, syriaque de Cureton, retranche : ils croissent.
Le verbe grec que nous traduisons par avoir l’esprit inquiet signifie tenir suspendu dans les airs et s’applique aux pensées de l’orgueil, de l’ambition, de l’espérance.
Ces passions sont en effet la source de bien des inquiétudes. D’autres prennent ce mot dans le sens de « être agité, ballotté », sans y ajouter l’idée d’élévation.
Matthieu (Matthieu 6.32) dit simplement les païens ou les nations.
Luc, qui n’écrit pas pour des Juifs, craint que cette expression ne soit point comprise et ajoute du monde.
Quel contraste entre cette recherche anxieuse et ce nom si doux : votre Père !
Son royaume, c’est-à-dire le royaume de votre Père céleste.
Le texte reçu porte : le royaume de Dieu, terme emprunté à Matthieu (Matthieu 6.33), qui ajoute : et sa justice (voir, sur ce royaume, Matthieu 3.2 note).
Le texte reçu, avec A, D, porte : toutes ces choses.
Petit troupeau, expression pleine d’affection, qui rappelle celle-ci : vous mes amis (verset 4).
Jésus désigne par là le petit nombre de disciples qui l’entouraient alors au milieu de la foule indifférente ou hostile, et, en général, le peuple de Dieu, toujours petit et méprisé au milieu du monde.
Et cependant Jésus dit à ce petit troupeau : Ne crains point ! Bien qu’il soit, comme un troupeau de brebis, exposé à tous les dangers, il a dans le ciel son berger (Psaumes 23.1), son Père, qui le protège et qui même a bien voulu lui donner le royaume.
Comment, assuré d’un tel bien, se livrerait-il encore aux soucis de la vie ?
Comparer Matthieu 6.19-21, notes.
Le seul vrai moyen d’échapper aux inquiétudes de la terre, c’est le détachement de ses biens passagers et la possession de ce trésor inépuisable que Jésus désigne (versets 31 et 32), comme le royaume de Dieu.
Dans Matthieu, Jésus exprime cette idée du détachement en ces termes : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre ».
L’expression de Luc est plus absolue : Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumônes. Aussi a-t-on accusé notre évangéliste d’attribuer un mérite à l’aumône et à la pauvreté volontaire (comparer Luc 6.20, note).
Mais il suffit, pour réfuter cette erreur, de rappeler que Jésus parle à des gens à qui le royaume de Dieu appartient déjà (verset 32) et qui n’ont pas à le gagner par des œuvres méritoires.
Il faut, du reste, pour bien comprendre cette parole, se replacer dans la situation où elle fut prononcée : Jésus s’adressait à ses disciples (verset 22) qui devaient réellement renoncer à leurs possessions pour le suivre et s’en aller, à son exemple, annoncer le royaume de Dieu ; et, si même il fallait prendre ce mot de disciples dans un sens plus général, l’exhortation de Jésus se comprendrait.
Les temps qui s’approchaient allaient être difficiles pour tous les disciples ; leur vocation leur commandait d’être dépris de tous les soins terrestres, afin de consacrer leur vie entière au service du Seigneur. C’est à cause de ces circonstances et par une raison plus intime encore, que Jésus, selon nos trois évangélistes, ordonnait au jeune homme riche de vendre tout ce qu’il avait et de le donner (Matthieu 19.21, note ; Marc 10.21 ; Luc 18.22).
Tout l’Évangile enseigne que le sacrifice matériel sans l’amour ne sert de rien (1 Corinthiens 13.3). Le principe qui s’applique à tous et dans toutes les positions est celui que Paul a exprimé en ces termes : « Posséder comme ne possédant pas » (1 Corinthiens 7.29-31).
Aux disciples
Aux apôtres : parabole de l’économe
Le sérieux du moment présent
Aux foules : les signes des temps
Luc passe sans transition apparente à cette seconde partie du discours.
Quelques-unes des pensées qui suivent se retrouvent dans la grande prophétie du retour de Christ (Matthieu 24.42-51, voir les notes).
Cependant, il y a, entre cette exhortation et les versets précédents, un lien profond : « Votre Père vous a donné un royaume (verset 32) qui vous élève au-dessus de toutes les inquiétudes de la vie et auquel vous devez tout sacrifier ; soyez donc dans une attente vigilante jusqu’au moment où le Seigneur viendra vous mettre en possession de sa gloire. Cette attitude vous sera naturelle, car en vous détachant d’ici-bas, vous vous attacherez au ciel ; votre cœur suivra votre trésor (verset 34) et, en étant élevé au ciel, il demeurera dans l’attente de Celui qui y règne et qui doit vous y faire entrer ».
L’image qui illustre ce devoir de la vigilance est empruntée à une maison dans laquelle les serviteurs se tiennent prêts, durant les veilles de la nuit, à recevoir leur maître qui revient d’un banquet de noces.
Leurs longs vêtements orientaux sont ceints autour de leurs reins, afin qu’ils puissent faire librement leur service (comparer 1 Pierre 1.13 ; Éphésiens 6.14).
Ils ont à la main des lampes allumées ; ils sont prêts à ouvrir à leur maître dès qu’il aura heurté.
Le sens spirituel de ces images se comprend de lui-même. Les noces d’où revient le maître ne sont pas les siennes propres, mais celles d’un ami. Les noces de l’Epoux n’auront lieu qu’après son retour (comparer Matthieu 25.1 et suivants).
On peut traduire aussi : « il les servira en passant de l’un à l’autre ». Le bonheur de ces serviteurs vigilants et fidèles est marqué par un acte de condescendance et d’amour inouï parmi les hommes (Luc 17.7-9).
Cette position de serviteur que le Seigneur avait prise durant sa vie sur la terre (Jean 13.4 ; Matthieu 20.28 ; Philippiens 2.7), il la prendra encore quand il viendra élever les siens jusqu’à sa gloire et les rendre semblables à lui dans l’éternité.
Cette promesse de les servir est la plus honorable et la plus grande de toutes. C’est ainsi que l’Epoux recevra ses amis au jour solennel des noces.
Le texte reçu, avec A, majuscules porte : et s’il vient à la seconde veille et s’il vient à la troisième veille (comparer Marc 13.35 note).
La seconde ou la troisième veille, c’était de neuf heures à minuit, ou de minuit à trois heures. Si les serviteurs ont été vigilants jusque-là, heureux sont-ils ! Ces derniers mots sont touchants dans leur brièveté. Le texte reçu, avec la plupart des documents, il est vrai, ajoute : « Heureux sont ces serviteurs-là ! »
Matthieu 24.43-44, notes. Il y a ici un brusque changement d’images, propre à faire sur les auditeurs une vive impression. Ce n’est plus le maître attendu par les serviteurs ; c’est le voleur qui vient à l’heure la plus inattendue et qui oblige le maître de la maison à veiller (1 Thessaloniciens 5.2 ; 2 Pierre 3.10 ; Apocalypse 3.3 ; Apocalypse 16.15).
Il ne l’a pas fait et ainsi il a laissé percer sa maison, c’est-à-dire que le voleur y est entré avec effraction. Cette idée d’un fait accompli qu’expriment les termes de l’original, rend l’avertissement beaucoup plus impressif qu’une simple supposition, ainsi rendue par la plupart des versions : « Il veillerait et ne laisserait pas percer sa maison ! »
Les mots : il aurait veillé et…manquent dans Codex Sinaiticus, D. Ils sont peut-être empruntés à Matthieu.
Pour nous, apôtres ; ou aussi pour tous ceux qui t’écoutent et croient en toi ?
Mais à quelle parabole Pierre fait-il allusion ? à celle des versets 35-38 ou à celle du verset 39 ? La réponse de Jésus montre évidemment que Pierre a en vue la première. Il veut savoir si le poste de confiance assigné aux serviteurs et surtout la haute distinction qui leur est promise (verset 37), sera le partage de tous les disciples de Jésus, ou seulement de ses apôtres.
Il n’est pas impossible qu’en posant sa question, Pierre fit un retour complaisant sur lui-même et sur ses condisciples, dans la pensée des hautes destinées que l’avenir leur réservait.
Voir, sur ces versets (42 à 46), Matthieu 24.45-51, notes.
Selon sa manière pleine de finesse, Jésus ne donne pas une réponse directe à la question de son disciple ; il reprend et poursuit la parabole des serviteurs, mais en désignant l’un d’entre eux qu’il établira comme économe ou intendant sur ses domestiques (précisément le poste réservé à Pierre) ; il décrit sa grande récompense au cas qu’il soit fidèle, mais aussi son châtiment sévère s’il devient infidèle (versets 43 à 46). Ainsi, il a donné à Pierre, dont la question inconsidérée trahissait un secret désir de s’élever au-dessus de la foule, ce sérieux avertissement : Au lieu de te préoccuper de cette question, considère avec crainte et tremblement ta position future. Enfin, Jésus pose (versets 47 et 48) une règle universelle de rétribution qui concerne chacun dans son règne et que chacun doit prendre à cœur.
Jésus répond donc à son disciple par une autre question, dont celui-ci devait chercher la solution dans son propre cœur. Quel est donc cet économe fidèle et prudent ? Sera-ce toi ? Heureux s’il en est ainsi !
Cette image : il l’établira sur tous ses biens, est fournie à Jésus par la parabole, mais elle montre que l’économe fidèle, après avoir occupé une position élevée dans le royaume de Christ ici-bas (comparez le premier établira verset 42), possédera le plus haut degré d’activité et de félicité dans l’économie future de la perfection (comparer verset 37).
Mon maître tarde à venir ! Telle est la vraie cause du relâchement et de l’infidélité de ce serviteur. Il a cessé de veiller et son maître viendra au jour et à l’heure où il ne l’attend pas et qu’il ne sait pas.
Voir, sur cette expression : il le mettra en pièces, Matthieu 24.51, note.
Les deux évangélistes indiquent la signification morale de ce châtiment, en disant quelle sera la part de ce méchant serviteur : ce sera d’être, selon Luc, avec les infidèles, selon Matthieu, « avec les hypocrites ».
L’expression de notre évangéliste est la plus conforme à l’ensemble de cet enseignement ; mais celle de Matthieu a sa raison d’être, en ce qu’il y a toujours une sorte d’hypocrisie dans l’infidélité d’un homme qui fait profession d’être un serviteur de Dieu.
Rien de plus juste que cette règle de rétribution. Connaître la volonté de Dieu et ne pas la faire, c’est se mettre en révolte contre cette volonté et assumer le plus haut degré de culpabilité.
Celui qui n’a pas connu cette volonté est moins coupable, mais il n’est pas, pour cela, innocent ; il sera peu battu, mais il sera battu. Pourquoi ? Non pas à cause de son ignorance, à moins que cette ignorance ne fût volontaire, mais pour avoir fait des choses dignes de châtiment. Et quel homme n’en a pas fait ?
Le Seigneur, comme Paul (Romains 2.14-15 ; comparez verset 12), parait tenir compte des lumières naturelles, qui suffiraient à l’homme pour connaître la volonté de Dieu si elles n’étaient pas obscurcies par le péché. Mais il reste vrai qu’il y aura des degrés très divers de peines pour les réprouvés, comme des degrés très divers de félicité pour les rachetés du Sauveur.
La plupart des versions traduisent : ne se sera pas tenu prêt, en ajoutant un pronom au texte original.
L’idée empruntée à la parabole qui précède (versets 42-46), est toujours celle d’un serviteur qui, non seulement ne s’est pas tenu prêt, mais n’a rien préparé pour l’arrivée de son maître.
Ces paroles confirment et expliquent les précédentes. Plus les dons de Dieu à un homme ont été abondants, plus il lui a été confié pour l’avancement du règne de Dieu, plus il lui sera redemandé de fidélité, d’activité et de travail.
Ce dernier mot : on demandera davantage, signifie qu’il sera exigé de lui plus que des autres qui ont moins reçu.
Meyer l’entend en ce sens qu’il sera redemandé à cet homme plus qu’il n’avait reçu, comme dans la parabole des talents (Matthieu 25.14 et suivants), où chaque serviteur doit rendre non seulement ce qui lui a été confié, mais d’autres talents gagnés par son activité. Cette idée est étrangère à notre contexte.
Les interprètes se sont donné beaucoup de peine pour trouver une liaison entre cette partie du discours et celle qui précède. Si l’on en veut une à tout prix, celle proposée par Meyer nous parait là plus naturelle : la grande responsabilité des disciples de Jésus (verset 48) est encore accrue par les circonstances difficiles et les luttes du temps qui s’approche (verset 49 et suivants).
Je suis venu ; cette expression, fréquente dans saint Jean, se trouve donc aussi dans les synoptiques ; Jésus l’emploie en ayant conscience de sa préexistence.
Qu’est-ce que ce feu qu’il est venu jeter sur la terre, où il n’existait pas avant lui, où il n’aurait jamais été allumé sans lui ? Si, pour répondre à cette question, on s’en tient rigoureusement au contexte il faudra dire avec plusieurs exégètes que ce feu n’est pas autre chose que l’agitation des esprits et les divisions dont Jésus va parler.
Dans ce cas, la parole de Jésus n’aurait pas d’autre sens que celle conservée par Matthieu : (Matthieu 10.34) « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais l’épée ».
Mais comprendrait-on alors qu’il désirât avec tant d’ardeur de voir ce feu s’allumer et qu’il fasse intervenir la grande et douloureuse pensée de ses souffrances et de sa mort ? (verset 50) Si l’on considère la signification profonde qu’a l’image du feu dans la symbolique de l’Écriture (Matthieu 3.11 ; Luc 3.16 ; Actes 2.3 ; Luc 24.32), on ne conclura pas, sans doute, avec les Pères de l’Église, que ce terme désigne ici directement l’effusion du Saint-Esprit.
Mais pourquoi ne pas y voir la vie nouvelle de la foi, de l’amour, du zèle, dont Jésus ouvrait la source et dont la puissance dévorante devait brûler, purifier ou consumer tout ce qui était exposé à son action ? Sans aucun doute, cette action divine provoquera des divisions et des luttes entre ceux qui en subiront l’influence et ceux qui la repousseront par incrédulité ; nous retrouvons ainsi la logique du contexte, sans lui sacrifier la signification profonde des paroles du Sauveur.
Grec : et que veux-je, si déjà… ; mais vouloir, en grec, signifie souvent désirer.
La traduction que nous donnons est celle de M. Godet (premières éditions). Dans sa troisième édition, M. Godet est revenu au sens donné à ces paroles par la plupart des interprètes : Combien je voudrais qu’il fût déjà allumé !
La liaison avec verset 50 recommanderait cette traduction. Mais si l’on considère la suite (versets 51-53) on préférera l’explication d’après laquelle ce feu divin était déjà allumé dans quelques âmes par la parole du Sauveur. Ce n’étaient là encore que de faibles commencement ; Jésus exprime l’ardent désir de voir ce feu s’étendre sur toute la terre, bien que lui-même doive en être consumé tout le premier (verset 50).
Grec : Et (pour que ce feu s’embrase tout à fait) j’ai un baptême dont je dois être baptisé ; ce baptême, il doit en être baptisé parce qu’il l’a accepté de la main du Père dans son immense amour pour notre humanité.
Il désigne par ce terme de baptême ses souffrances et sa mort dans lesquelles il sera plongé (sens original du mot baptiser).
Les paroles qui suivent : (grec) combien je suis oppressé ! n’expriment pas ici le désir ardent (« combien il me tarde »), mais la crainte, l’effroi qu’inspire au Sauveur la perspective de ses souffrances inévitables. C’est là, comme on l’a très bien dit, un prélude de Gethsémané, tout semblable à Jean 12.27.
Matthieu 10.34-36, note.
Cet évangéliste dit l’épée au lieu de la division. L’idée est la même.
L’épée a le pouvoir de diviser (Hébreux 4.12). Et le feu (verset 49) sépare les scories et unit les éléments homogènes.
Jésus explique (car) comment cette division se produira dans la vie pratique et jusque dans la famille.
Tout cela aura lieu désormais (grec), dès maintenant, à mesure que l’Évangile prêché par Jésus, puis par ses disciples.
Aux foules, tandis que jusqu’ici Jésus avait parle spécialement à ses disciples (verset 41).
Dans Matthieu 16.2-3 (voir la note) se retrouve la même pensée, exprimée en termes un peu différents.
Là, c’est une réponse à des pharisiens qui demandent un signe du ciel ; et par cette réponse, Jésus évite le piège qui lui est tendu. Ici, la comparaison est appliquée à un autre objet. Il est du reste naturel que de telles images reviennent fréquemment dans les discours de Jésus.
La liaison avec ce qui précède n’est pas évidente au premier abord. Cependant on peut l’indiquer ainsi : Jésus parle des divisions et des luttes provoquées par l’Évangile ; d’où venaient-elles ? Sans doute de ce que le plus grand nombre, habile à discerner l’aspect de la terre et du ciel, était aveugle quand il s’agissait de discerner l’importance de ce temps-ci, c’est-à-dire la présence du Sauveur et l’immense révolution morale qu’il allait accomplir dans le monde. Jésus voit, dans cette ignorance volontaire, de l’hypocrisie.
Les images employées se comprennent facilement : un petit nuage (le texte reçu dit à tort le nuage) se levant à l’occident, c’est-à-dire au-dessus de la mer, leur paraissait un indice certain de la pluie (comparez 1 Rois 18.44), et cela arrive ainsi. Au contraire, le vent du midi, le simoun, soufflant du désert, amenait infailliblement une chaleur brûlante et la sécheresse.
Cette dernière accusation rend plus saisissante encore celle qui précède et prépare l’avertissement qui va suivre (verset 58, car).
Dans le domaine spirituel aussi, les auditeurs de Jésus devraient juger par eux-mêmes, sans que personne eût besoin de leur montrer les conséquences à tirer de ces signes des temps. Leur conscience devrait suffire pour les convaincre de ce qui est juste, de ce qu’il y a à faire dans le danger actuel : se repentir de ses péchés et se réconcilier avec Dieu.
Voir Matthieu 5.25-26, notes.
Ce précepte n’est pas seulement un conseil de prudence à appliquer dans les relations humaines.
Dans notre évangile, plus encore que dans Matthieu, il a la valeur d’une parabole destinée à enseigner la nécessité de la réconciliation avec Dieu.
Dieu est à la fois la partie adverse et le juge ; les autres termes, magistrat, sergent, ne doivent point être pressés.
Or, tous les hommes ont affaire à cette partie adverse, bien plus, ils sont déjà en chemin avec elle, et, comme l’observe avec justesse M. Godet, il faut se garder de traduire : quand tu vas devant le magistrat, mais : tandis que tu vas.
Quel devrait donc être le suprême souci de tout homme coupable ? C’est évidemment d’être libéré de la partie adverse. Matthieu à un autre point de vue, dit : être d’accord avec elle. L’idée fondamentale est celle de la réconciliation, qui ne s’obtient que par le pardon des péchés. Si cette réconciliation n’a pas lieu avant le moment où le coupable comparaît devant le juge, il ne reste que l’inévitable châtiment, la prison (voir Matthieu).
La certitude de ce châtiment est exprimée avec énergie par ces verbes au futur dans le vrai texte : te livrera, te jettera.
Ce condamné pourra-t-il jamais payer la dernière pite ? Là-dessus, Jésus garde le silence. Et que ce silence est redoutable ! (comparer Matthieu 5.26, note).
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