1 Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, sortirent au-devant de l’époux. 2 Or, cinq d’entre elles étaient folles, et cinq sages. 3 Car les folles, en prenant leurs lampes, ne prirent point d’huile avec elles ; 4 mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l’huile dans des vases. 5 Mais comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. 6 Or, au milieu de la nuit, il y eut un cri : Voici l’époux ! Sortez au-devant de lui. 7 Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. 8 Et les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile ; car nos lampes s’éteignent. 9 Mais les sages répondirent : Non, de peur qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous. Allez plutôt vers ceux qui en vendent, et en achetez pour vous. 10 Mais pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée. 11 Mais plus tard viennent aussi les autres vierges, disant : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! 12 Mais il leur répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point. 13 Veillez donc ; parce que vous ne savez ni le jour ni l’heure. 14 Car il en est comme d’un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens ; 15 et à l’un il donna cinq talents, à l’autre deux, à l’autre un ; à chacun selon sa force particulière, et il partit. 16 Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. 17 De même aussi celui qui en avait deux, en gagna deux autres. 18 Mais celui qui en avait reçu un, s’en étant allé, creusa dans la terre, et y cacha l’argent de son seigneur. 19 Or, après un long temps, le seigneur de ces serviteurs vient, et il règle compte avec eux. 20 Et celui qui avait reçu les cinq talents, s’approchant, présenta cinq autres talents, et dit : Seigneur, tu m’as remis cinq talents ; en voici cinq autres que j’ai gagnés. 21 Son seigneur lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup, entre dans la joie de ton seigneur. 22 Celui qui avait reçu les deux talents, s’approchant aussi, dit : Seigneur, tu m’as remis deux talents ; en voici deux autres que j’ai gagnés. 23 Son seigneur lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle ; tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur. 24 Mais celui qui avait reçu un talent, s’approchant aussi, dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui ramasses où tu n’as pas répandu ; 25 et ayant craint, je suis allé, et j’ai caché ton talent dans la terre ; voici, tu as ce qui est à toi. 26 Mais son seigneur lui répondit : Méchant et paresseux serviteur, tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, et que je ramasse où je n’ai pas répandu ; 27 il te fallait donc porter mon argent aux banquiers, et à mon retour j’aurais retiré ce qui est à moi avec l’intérêt. 28 Ôtez-lui donc le talent, et le donnez à celui qui a les dix talents. 29 Car à tout homme qui a, il sera donné, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on lui ôtera même ce qu’il a. 30 Et jetez le serviteur inutile dans les ténèbres de dehors ; là seront les pleurs et le grincement des dents. 31 Or, quand le fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il s’assiéra sur le trône de sa gloire ; 32 et toutes les nations seront assemblées devant lui, et il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs ; 33 et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. 34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père, possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde ; 35 car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; 36 j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. 37 Alors les justes lui répondront disant : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, et que nous t’avons nourri, ou avoir soif, et que nous t’avons donné à boire ? 38 et quand est-ce que nous t’avons vu étranger, et que nous t’avons recueilli ; ou nu, et que nous t’avons vêtu ? 39 et quand est-ce que nous t’avons vu malade, ou en prison, et que nous sommes venus vers toi ? 40 Et le Roi répondant, leur dira : En vérité, je vous le dis, toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, vous me l’avez fait à moi-même. 41 Alors il dira aussi à ceux qui seront à sa gauche : Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel, qui est préparé au diable et à ses anges ! 42 Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; 43 j’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. 44 Alors eux aussi répondront disant : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, ou avoir soif, ou être étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et que nous ne t’avons pas servi ? 45 Alors il leur répondra disant : En vérité je vous le dis, toutes les fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, vous ne l’avez pas non plus fait à moi. 46 Et ceux-ci s’en iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle.
L’attente
Le royaume des cieux est comparé à dix vierges qui, le soir des noces, attendent l’époux munies de leurs lampes. Cinq d’entre elles, qui étaient folles, n’ont point pris d’huile avec elles ; les cinq sages en ont pris dans des vases (1-4).
L’arrivée de l’époux
En attendant l’époux, elles s’endorment toutes. Au milieu de la nuit, elles entendent crier : Voici l’époux ! Alors elles s’éveillent et préparent leurs lampes (5-7).
Les vierges sages admises
Les folles, voyant alors avec terreur leurs lampes s’éteindre, prient les sages de leur donner de l’huile, mais celles-ci répondent : II n’y en aurait point assez pour nous et pour vous ; adressez-vous à ceux qui en vendent. Mais pendant qu’elles y vont, l’époux vient et entre dans la salle des noces avec celles qui sont prêtes et la porte est fermée (8-10).
Les vierges folles exclues
Après cela, les autres vierges viennent aussi, disant : Seigneur, ouvre-nous ; mais il leur répond : En vérité, je ne vous connais point. Veillez donc (11-13) !
Alors, c’est-à -dire lors du retour de Christ, annoncé dans le chapitre précédent (voir en particulier Matthieu 24.44-51).
Le royaume des cieux (Matthieu 3.2, note) est décrit par diverses paraboles, dans divers moments de son développement (comparez par exemple, Matthieu 13) ; ici il s’agit du dernier triomphe de ce royaume qui sera semblable (grec, sera fait semblable) aux divers traits de la parabole que Jésus va raconter.
Allusion à un usage de l’Orient. Les noces se célèbrent de nuit, l’époux se rend le soir, à la lueur des flambeaux, chez sa fiancée, afin de l’épouser et de l’emmener dans sa maison. Les amies de noce qui entourent l’épouse sortent au devant de l’époux à son arrivée et prennent part aux cérémonies du mariage, aussi bien qu’au banquet qui a lieu chez l’époux.
Le texte reçu nomme ces vierges dans un ordre inverse, d’abord les sages, puis les folles. La suite de la parabole montre en quoi consistait la folie des unes et la sagesse des autres (voir verset 13, note).
Le texte reçu a : celles qui étaient folles, au lieu de : car les folles.
La particule (car) explique en quoi consistait leur folie : c’est qu’elles n’avaient point pris d’huile avec elles.
Grec : selon le vrai texte : avec leurs propres lampes.
Chacune devait avoir la sienne. Mais outre cette lampe, bien pourvue d’huile, les sages en firent encore provision dans des vases, de sorte que leurs lampes pouvaient toujours être alimentées.
La pensée de ce retard de l’époux doit être remarquée, elle peut jeter de la lumière sur quelques parties du discours précédent (voir en particulier verset 29, note).
Quoi qu’il en soit, c’est pendant ce temps solennel, inconnu dans sa durée, que toutes les vierges s’assoupirent et s’endormirent (comparer verset 13, note).
Ce cri se fait entendre au milieu de la nuit, c’est-à -dire à l’heure la plus inattendue (Matthieu 25.13 ; Matthieu 24.36 ; Matthieu 24.42 ; Matthieu 24.44 ; Matthieu 24.50).
Encore ici : leurs propres lampes.
Elles les préparent (grec, les mettent en ordre, les ornent) et s’assurent qu’elles brûlent.
La faible portion d’huile renfermée dans leurs lampes s’étant consumée pendant l’attente (verset 5), ces lampes commencent à s’éteindre.
On sent que le langage des vierges folles est plein d’angoisse.
Ce dernier trait, qui a quelque chose de si absolu, est expliqué et motivé au verset 12.
Ces mots : mais plus tard ou mais enfin forment un contraste frappant avec ceux-ci : la porte fut fermée.
Et, dans cette situation, la prière des vierges folles est un cri d’angoisse, ainsi que le montre déjà cette double exclamation : Seigneur, Seigneur (Matthieu 7.21) !
Pour comprendre ce motif d’une si rigoureuse exclusion, il faut se rappeler que, dans le style de l’Écriture, connaître désigne l’expérience personnelle de l’amour envers l’objet de cette connaissance, en d’autres termes, une communion intime et vivante avec lui (Matthieu 10.14 ; 1 Corinthiens 8.3 ; 1 Corinthiens 13.12 ; Galates 4.9).
Par conséquent, ne pas connaître dit clairement que cette expérience personnelle, cette communion, n’a jamais existé (comparer Matthieu 7.23 ; Luc 13.25-27).
Le texte reçu ajoute : à laquelle le fils de l’homme vient.
Mais ces paroles, empruntées au verset 42 du chapitre précédent, ne sont ici ni authentiques ni nécessaires pour compléter la pensée.
Le dernier mot de cette belle parabole en exprime tout le sens, il en est la sérieuse conclusion (donc). Aussi tous les traits de la parabole qui servent à recommander plus vivement ce saint devoir de veiller, de se tenir prêt (Matthieu 25.10 ; Matthieu 24.44), sont évidents par eux-mêmes ; tandis que les traits secondaires ne sauraient être interprétés sans tomber dans l’arbitraire.
Au nombre des premiers se trouvent :
Quant aux traits secondaires de la parabole, qui n’appartiennent point à l’idée principale et sur lesquels on a hasardé un grand nombre d’opinions plus ou moins arbitraires, il faut mentionner :
les lampes sans huile sont les bonnes Å“uvres sans la foi.
Les talents inégalement répartis
Le royaume des cieux est comparé à ce que fit un homme qui, s’en allant en voyage, remit ses biens à ses serviteurs. Il donna à l’un cinq talents, à l’autre deux, à l’autre un (14-15).
Les serviteurs à l’œuvre
Aussitôt celui qui avait reçu cinq talents se mit à l’œuvre et en gagna cinq autres ; de même aussi celui qui en avait reçu deux. Mais celui qui n’avait qu’un talent, l’enfouit dans la terre (16-18).
Le compte à rendre
Longtemps après, le maître revint et fit rendre compte à ses serviteurs. Celui qui avait reçu cinq talents en produisit cinq autres qu’il avait gagnés ; de même aussi celui qui en avait reçu deux. Alors le maître, louant leur fidélité, les admit à partager sa joie (19-23).
Le méchant serviteur
Mais celui qui n’avait reçu qu’un talent vint et dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur et injuste ; j’ai craint et j’ai enfoui ton talent dans la terre : voici ce qui est à toi. Mais son maître lui répondit : Méchant serviteur, si tu savais que je suis un homme dur et injuste, tu devais remettre mon argent à d’autres, qui me l’auraient rendu avec intérêt. Ôtez-lui le talent, donnez-le à celui qui en a dix et jetez le serviteur inutile dans les ténèbres du dehors (24-30).
Cette particule (car) montre dès l’abord que la parabole qui va suivre explique et développe, en les appliquant à la vie pratique, les leçons de celle qui précède, c’est-à -dire le saint devoir de la vigilance et de la fidélité. Ce n’est point assez d’attendre l’époux, il faut encore, jusqu’à sa venue, mettre à profit le temps qui nous est laissé et l’employer à une activité qui mette notre responsabilité à couvert.
Luc (Luc 19.12 et suivants) rapporte une parabole qui a des traits de ressemblance avec celle-ci, mais qui, à d’autres égards, en diffère profondément. Plusieurs interprètes, considérant ces deux récits comme une seule et même parabole, diversement modifiée par la tradition apostolique, se demandent auquel des deux appartient la priorité et l’originalité. Mais pourquoi ne pas admettre plutôt que Jésus a employé deux fois une forme si frappante d’instruction, en la modifiant de manière à exprimer deux idées différentes ? C’est le résultat auquel conduit une étude attentive des deux paraboles.
Grec : ses propres serviteurs, non des étrangers, des banquiers, par exemple, mais des hommes qui lui appartenaient comme esclaves, qu’il pouvait employer comme il l’entendait et dont aussi il avait éprouvé la fidélité et le dévouement.
Voir sur la valeur du talent : Matthieu 18.24.
Dans la parabole rapportée par Luc, tous les serviteurs reçoivent la même somme à faire valoir. Ici les dons confiés sont individualisés selon la force particulière, c’est-à -dire selon la capacité et les moyens de chacun.
Ayant ainsi confié ses biens, le maître partit, ou, selon nos versions ordinaires, partit aussitôt, ce qui signifierait qu’il ne voulut gêner en rien la liberté de ses serviteurs, désormais responsables. Mais il nous parait préférable de joindre ce mot au verset suivant (voir la note).
Aussitôt il s’en alla et fit valoir ses talents ; il ne perdit pas un moment, sentant sa responsabilité et combien le temps était précieux. Dès cet instant (grec) il travailla, opéra avec eux (avec les talents) et fit cinq autres talents.
Telle serait la traduction littérale, exprimant toute l’énergique activité de ce serviteur. C’est ainsi qu’on dit dans la vie ordinaire : faire de l’argent.
L’argent de son seigneur.
Ces mots font ressortir combien étaient coupables la paresse et l’infidélité de ce serviteur.
Il vient, il règle ; comme ces verbes au présent font sentir la solennité de l’action ! Pourtant, il ne revient qu’après un long temps, ayant laissé à ses serviteurs le temps nécessaire pour leur travail.
Et comme ce retour du maître représente la seconde venue du Sauveur, on voit que Jésus ne l’annonce pas dans un avenir si prochain que le veut une certaine exégèse (Matthieu 24.29, note), bien qu’il en laisse le moment parfaitement inconnu (versets 24-36).
Le texte reçu, avec A, C, la trad. Syriaque, porte ici : que j’ai gagnés de plus.
Ce dernier mot, qui du reste n’ajoute rien à l’idée, est omis par les meilleurs critiques. Il en est de même au verset 22.
Les cinq talents confiés n’étaient pas si peu de chose ; mais le maître les désigne ainsi en comparaison de ce qu’il confiera encore de ses immenses richesses à ce serviteur qui s’est montré bon et fidèle.
Que signifie dans la parabole, ce mot : la joie de ton seigneur ? Les uns ont pensé à la satisfaction que le maître éprouvait au sujet de ce bon serviteur, d’autres à quelque banquet ou quelque fête qu’il voulait instituer pour célébrer son retour.
Le plus naturel est d’admettre qu’ici Jésus passe tout à coup de l’image à la réalité et que cette joie, c’est la félicité et la gloire dont il jouit et dans laquelle il introduit son fidèle serviteur (comparer Romains 8.17).
L’approbation et la récompense sont exactement les mêmes pour les deux talents gagnés que pour les cinq. Le Seigneur ne les mesure pas à la grandeur des dons confiés, mais à la fidélité.
Le langage de ce méchant serviteur est emprunté aux usages de l’agriculture. Il exprime même, sous deux formes différentes, son accusation contre son maître : vouloir moissonner sans avoir semé et ramasser sans avoir répandu.
Cette dernière image est empruntée à l’usage de battre le blé, dont on répand (grec disperse) les épis sur la terre, pour ramasser ensuite le grain dans le grenier.
Le serviteur veut prouver à son maître qu’il est un homme dur, trop exigeant, injuste. Mais lui-même trahit le fond de son cœur, où il n’y a que de la crainte et point de confiance, point d’amour, point de sollicitude pour les intérêts de son maître. Il se place vis-à -vis de lui sur le terrain de la propre justice : ce qui est à toi. Il lui fait aussi le reproche sous-entendu de lui avoir trop peu confié (comparer Luc 19.20-26, note).
Méchanceté et paresse, tels sont les deux vices que le maître voit dans le cœur et dans la conduite de son serviteur. Celui-ci les a abondamment dévoilés, soit dans sa manière d’agir, soit dans ses sentiments envers son maître. Ce maître ne réfute pas l’accusation portée contre lui, il l’admet (et il y a dans cette admission une ironie pleine de tristesse), mais pour en tirer aussitôt une conclusion (donc) tout opposée à la conduite du serviteur.
En effet, même s’il était un homme dur et injuste, qui ne pût inspirer à son serviteur que de la crainte, celui-ci aurait dû, par cette crainte seule, faire valoir l’argent de son maître par des banquiers : séparant ainsi son bien de celui de son maître, il n’aurait pas, à proprement parler, fait de tort à celui-ci ; il aurait au moins réalisé cette justice à laquelle il en appelle.
Cette pensée ressort finement du contraste formé par ces deux mots : ce qui est à toi (verset 25), ce qui est à moi (verset 27).
On a donné de ce dernier trait : porter l’argent aux banquiers des explications plus ou moins arbitraires. Les uns ont vu dans ces banquiers des associations chrétiennes auxquelles le serviteur paresseux aurait pu confier les ressources qu’il ne voulait pas faire valoir lui-même ; d’autres, des chrétiens plus avancés, sous la direction desquels il aurait dû se placer.
D’autres encore voient dans l’acte de porter l’argent aux banquiers, le renoncement à la profession chrétienne qui est commandé à ceux qui n’ont pas dans le cœur la foi et l’amour de leur Maître.
M. Godet pense que la banque est
le trésor divin et l’acte de dépôt, réclamé du serviteur, un état de prière dans lequel le serviteur, qui se croit incapable d’agir lui-même pour la cause de Christ, peut au moins demander à Dieu de tirer de lui et de sa connaissance chrétienne le parti qu’il trouvera bon.
Il est peut-être prudent de ne pas presser ce détail de la parabole.
Donc, conséquence inévitable de l’infidélité.
Quand le Seigneur ôte à un homme le talent qu’il lui avait confié, il lui retranche par là tout moyen de travailler encore pour lui. Là commence le jugement qui va suivre.
Ce principe général est destiné à justifier la décision énoncée au verset 28.
Quant au sens de cette sentence, voir Matthieu 13.12, note.
Comparer Matthieu 8.12, note ; Matthieu 13.42 et Matthieu 13.50 ; Matthieu 22.13 ; Matthieu 24.51.
Quelle est l’explication de cette parabole ?
L’homme qui confie ses biens avant de s’absenter, c’est le Seigneur lui-même, qui bientôt allait se séparer de ses disciples.
Les serviteurs sont les disciples d’alors et les rachetés de tous les temps, quelles que soient leur position ou leurs fonctions dans l’Église.
Les talents représentent tous les dons de Dieu, avantages naturels et grâces spirituelles et en particulier l’effusion de son Saint-Esprit qui allait être accordée à l’Église, pour y créer une vie nouvelle et y vivifier tous les autres dons.
Ces talents sont répartis à chacun selon sa capacité (verset 15), conformément à la souveraine sagesse de celui qui sonde les cœurs, mesure les forces morales et intellectuelles et connaît le degré de réceptivité de chaque âme. Il s’agit pour tous d’augmenter ces talents en les faisant valoir. De même, en effet, que des capitaux s’augmentent par les intérêts, par le travail, de même toutes les grâces de Dieu se multiplient par leur emploi fidèle dans la vie pratique.
Le retour du maître qui vient régler compte avec ses serviteurs, c’est l’avènement solennel, au dernier jour, du Seigneur devant qui seront manifestés tous les secrets des cœurs et tous les fruits du travail de chacun.
Le bonheur des serviteurs fidèles qui entrent dans la joie de leur Seigneur, aussi bien que l’inexprimable malheur du serviteur méchant et paresseux qui se voit dépouillé de son talent et jeté dans les ténèbres du dehors ce dénouement si grand, si tragique de la parabole, s’explique de lui-même.
Le fils de l’homme opère le jugement
Quand le fils de l’homme viendra dans sa gloire, toutes les nations étant assemblées devant lui, il mettra les uns à sa droite, les autres à sa gauche (31-33).
Il approuve ceux qu’il a placés à sa droite
Alors il dira à ceux de sa droite : Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé ; car j’ai eu faim et soif, j’étais étranger, nu, malade, en prison et vous m’avez secouru (34-36).
Leur réponse
Alors ils lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu dans toutes ces nécessités et que nous t’avons secouru ? Et le Roi leur répondra : Toutes les fois que vous l’avez fait au plus petit de mes frères, vous me l’avez fait à moi-même (37-40).
Il réprouve ceux qu’il a placés à sa gauche
Ensuite il dira à ceux de sa gauche : Éloignez-vous de moi, maudits, car j’ai eu faim et soif, j’étais étranger, nu, malade, en prison et vous ne m’avez point assisté (41-43).
Leur réponse
Eux aussi répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu dans tous ces besoins et que nous ne t’avons point assisté ? Il leur répondra : Toutes les fois que vous ne l’avez pas fait au plus petit de mes frères, vous ne l’avez pas fait à moi-même. Et ceux-ci s’en iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle (44-46).
La mention solennelle du retour de Christ, pour le jugement du monde, indiqué par ces mots quand le fils de l’homme viendra dans sa gloire, reporte la pensée sur le dénouement des deux paraboles qui précèdent et sur la grande prophétie du chapitre 24, prononcée en réponse à la question des disciples (verset 3). La scène que Jésus va décrire est donc la conclusion naturelle des discours qui précèdent.
C’est comme fils de l’homme (voir sur ce terme Matthieu 8.20) que le Christ vient exercer le jugement (comparer Jean 5.27). Mais pour remplir cette fonction, il doit posséder les attributs divins de la toute-science pour sonder les secrets des cœurs, de la parfaite justice pour rendre à chacun selon ses œuvres. Pour juger le monde comme pour le sauver, il faut qu’il soit l’homme-Dieu.
Au reste, l’intention du Sauveur n’est pas de décrire dans les versets qui suivent tout ce qui aura lieu dans les grandes scènes du dernier jour, mais d’indiquer seulement quelques traits généraux du jugement, tels que la séparation définitive des justes et des injustes et le caractère principal qui sera recherché en ceux qui comparaîtront en sa présence, à savoir l’amour dans un cœur humble, dépris de tout égoïsme, abondant en œuvres de charité.
Le fils de l’homme apparaît non plus dans ses humiliations, mais dans sa gloire divine, que rehausse la présence de tous les anges, exécuteurs de ses volontés (Matthieu 24.31, etc.).
Le texte reçu dit : les saints anges, expression non authentique et qui appartient au langage adopté plus tard par l’Église. La royauté du Fils de Dieu maintenant voilée à tous les yeux, paraîtra alors dans tout son éclat. Il siège sur le trône de sa gloire ; il s’appelle lui-même le Roi (versets 34 et 40).
Tous les anges, toutes les nations quelle solennité !
Ce dernier terme : toutes les nations, montre que le jugement ici décrit est le jugement universel (Romains 2.5-9 ; Apocalypse 20.11-13 ; Actes 17.31).
Mais comme, d’autre part, ceux qui sont admis à la Droite du Sauveur (verset 34 et suivants), aussi bien que les réprouvés eux-mêmes (verset 41 et suivants), sont des hommes qui ont eu l’occasion de connaître le Sauveur et de lui faire du bien dans la personne des pauvres, il est évident que Jésus savait qu’à l’époque de sa venue pour le jugement du monde, il serait connu de tous les peuples par la prédication de l’Évangile (Matthieu 24.14 ; Matthieu 28.19).
Et comme, d’ailleurs, « le nom de Jésus est le seul nom donné aux hommes par lequel il nous faut être sauvés » (Actes 4.12), on peut en inférer que tous les hommes seront placés en présence de Jésus-Christ et mis en demeure d’accepter ou de repousser le salut qu’il leur offre.
Au jour du jugement, il deviendra manifeste s’ils ont accueilli par la foi l’Évangile de la grâce et si cet Évangile a pénétré dans le cœur de ceux qui le professent, ou si leur religion n’a été qu’une religion des lèvres. Les considérants du jugement indiqués dans cette description prophétique n’excluent donc nullement la grande doctrine chrétienne du salut par la foi ; ils manifestent seulement ceux en qui cette foi « aura été opérante par la charité » (Galates 5.6).
La séparation, c’est-à -dire, pour le peuple de Dieu, la cessation du mélange confus où il vit maintenant avec le monde, telle est l’idée principale qui est représentée par cette image.
Jésus y ajoute pour les siens le privilège d’être placés à sa droite, ce qui, chez tous les peuples, est considéré comme un honneur. On cherche ordinairement dans cette image une autre antithèse, qui reposerait sur le contraste entre les brebis et les boucs : les unes représentant la douceur, la paix, l’innocence, les autres doués d’un naturel farouche, querelleur et impur.
Il ne faut pas attacher trop d’importance à cette comparaison, car si les brebis sont, dans toute l’Écriture, l’image du peuple de Dieu, l’idée opposée ne se trouve pas dans le terme que nous traduisons par les boucs, car ce mot signifie proprement des chevreaux et n’implique point les mêmes idées défavorables.
Le Roi, c’est Christ dont la royauté divine apparaît dans tout son éclat, maintenant qu’il entre dans son règne. C’est lui qui dispose des biens éternels, que ce règne apporte avec lui.
Puisque ce royaume était préparé dans le conseil de la grâce divine dès la fondation du monde à ceux qui sont bénis du Père, eux-mêmes y étaient destinés par cette même grâce (Éphésiens 1.4).
Ces paroles montrent donc évidemment que la récompense des justes est un don de la miséricorde divine et non le prix des œuvres qui vont être mentionnées. Ces œuvres sont moins la cause de la félicité ici décrite que le témoignage et le fruit de la foi et de l’amour de ceux qui les ont faites.
Ainsi vous m’avez rendu tous les services et tous les soins de la charité la plus active et la plus dévouée.
Le mot que nous traduisons par : vous m’avez recueilli, signifie littéralement : vous m’avez emmené avec vous, c’est-à -dire introduit dans votre demeure, dans votre cercle de famille
On a interprété de diverses manières ces questions des justes. On y a vu un signe de leur modestie, de leur humilité, dont pourtant ils n’avaient pas même conscience. On y a trouvé encore la pensée qu’ils avaient oublié leurs bonnes œuvres pour ne se souvenir que de leurs fautes, n’ayant jamais espéré en quoi que ce soit pour subsister en jugement, si ce n’est en la grâce et la miséricorde de Dieu.
Sans doute, ces suppositions sont fondées, mais la cause principale de l’étonnement des justes, c’est l’idée exprimée par le Sauveur (versets 35 et 36), qu’ils aient fait à lui-même ce qu’ils avaient fait pour des malheureux. Ils refusent à leurs œuvres la valeur immense qu’elles acquièrent tout à coup à leurs yeux par le fait que le Roi (verset 34) s’identifie ainsi avec les plus pauvres des hommes.
Les fidèles n’estiment point leurs bonnes œuvres, ni les impies leurs mauvaises (verset 44), comme le fait le juge.
Du reste l’expression de l’étonnement des justes est destinée à provoquer la réponse du Roi (verset 40).
Grec : en tant que vous l’avez fait à un seul de ces frères de moi, des plus petits.
Les interprètes discutent cette question : Qui est-ce que Jésus désigne par ce pronom démonstratif ces frères, ces petits ?
Les uns ont pensé qu’il s’agissait des chrétiens en général, d’autres, de ses disciples qui l’entouraient.
À quoi bon ces distinctions ? Jésus n’a-t-il pas enseigné, dans la parabole du Samaritain, que tout homme malheureux doit être l’objet de notre charité ? Comme lui-même était sans cesse entouré de pauvres, de petits, de malades, de péagers et de pécheurs méprisés, il se représente qu’ils se presseront encore autour de lui au jour du jugement, désireux d’obtenir son salut et ce sont eux qu’il désigne par ce mot mes frères, ces petits. Seulement cette expression à moi-même, indique nettement le motif des œuvres qu’il accepte et récompense. Par là il ne mentionne qu’un trait de la vie chrétienne, qu’un fruit de l’amour de ses disciples pour lui, mais ce trait, ce fruit, en suppose beaucoup d’autres provenant de la même source.
Les chrétiens ne peuvent rien faire directement pour Celui qui les a tant aimés ; mais puisqu’il s’identifie avec le plus petit de ses frères, ils peuvent faire beaucoup pour lui, dans la personne de ces malheureux. C’est là une précieuse grâce qu’il ajoute à toutes ses grâces.
Ces redoutables paroles forment le pendant et le contraste du verset 34
Jésus conserve à dessein la même tournure et quelques-uns des mêmes termes. Mais il faut remarquer aussi les différences voulues : il ne dit pas maudits de mon Père, ni : le feu éternel préparé dès la fondation du monde, ni : qui vous est préparé.
Ces différences portent avec elles leur profond enseignement. Elles ne font pas remonter la cause de la condamnation des réprouvés jusqu’à Dieu, mais la montrent dans leur propre faute ; eux seuls en portent la responsabilité.
Toutes les fois que la Bible nous peint les peines morales des réprouvés sous ces images d’un feu, d’une flamme, d’un ver, etc., il faut se garder de les matérialiser. C’est dans la conscience avec ses remords, dans l’âme avec ses regrets, que se trouveront les châtiments de la justice divine.
Ici encore, l’absence de ces œuvres dépeint un état d’âme. Le manque d’amour pour le Sauveur, d’amour fraternel, est en lui-même la mort et la condamnation (1 Corinthiens 13.1 et suivants ; 1 Jean 3.10-11 ; 1 Jean 4.8 ; 1 Jean 5.1).
Ceux-ci croient trouver une excuse dans la pensée que par leur indifférence et leur égoïsme ils n’avaient point agi contre le Seigneur personnellement. Ils n’étaient point des impies. Et dans leur propre justice ils donnent à entendre que, s’ils avaient reconnu le Sauveur dans ses frères, ils l’auraient secouru.
Le fait que Jésus s’identifie encore avec tous les malheureux montre que le manque d’amour à l’égard du prochain suppose l’absence de l’amour de Jésus, source unique de toute charité.
Telle est l’issue tragique et définitive du jugement (Daniel 12.2).
Ceux qui nient la durée infinie des peines ne peuvent pas appuyer leur opinion sur le fait que le mot grec que nous traduisons par éternel n’a pas toujours le sens d’une durée sans fin, car le contraste évident et voulu qui se trouve ici entre châtiment éternel et vie éternelle ne permet pas de donner à l’un de ces deux termes une signification différente de l’autre.
Beaucoup plutôt pourrait-on appuyer cette opinion, comme l’ont fait quelques exégètes, sur cette considération que, rigoureusement, l’opposé de la vie n’est point le châtiment, mais serait l’absence de toute vie, la mort, la destruction, l’anéantissement.
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