1 Pourquoi cette rumeur parmi les nations
Et chez les peuples ces vains complots, 2 Ce soulèvement des rois de la terre
Et ces princes assemblés pour délibérer
Contre l’Éternel et contre son Oint ? 3 Rompons leurs liens
Et jetons loin de nous leurs cordes ! 4 Celui qui est assis dans les cieux se rit,
Le Seigneur se raille d’eux. 5 Puis il leur parlera dans sa colère,
Et par son courroux les épouvantera : 6 Et moi, j’ai établi mon roi
Sur Sion, ma montagne sainte ! 7 Que je redise le décret !
L’Éternel m’a dit : Tu es mon Fils ;
Moi-même, je t’ai engendré aujourd’hui. 8 Demande-moi : je te donnerai les nations en héritage
Et en propriété les extrémités de la terre. 9 Tu les briseras avec un sceptre de fer,
Comme un vase de potier tu les mettras en pièces. 10 Et maintenant, ô rois, devenez sages ;
Recevez l’avertissement, juges de la terre ! 11 Servez l’Éternel avec crainte,
Et réjouissez-vous en tremblant ; 12 Embrassez le Fils, de peur qu’il ne s’irrite
Et que vous ne périssiez dans votre voie !
Car un instant encore, et sa colère s’allume.
Heureux tous ceux qui se réfugient vers lui !
Le texte authentique Actes 13.33, d’accord avec une tradition juive, désigne ce psaume comme le Psaume premier, soit que l’on envisageât le précédent comme une introduction générale à tout le recueil, ce qu’il nous semble être en réalité, soit que l’on réunit en une seule ces deux compositions assez différentes d’ailleurs, mais que rapprochent pourtant certaines ressemblances. Toutes deux annoncent en effet la ruine des méchants et le bonheur de ceux qui se soumettent à l’Éternel ; le mot heureux qui ouvre le Psaume 1 termine le Psaume 2.
Dans ses trois premières strophes, ce psaume nous fait contempler trois tableaux : les rebelles s’agitant sur la terre (versets 1 à 3), l’Éternel considérant avec calme cette émeute insensée, puis menaçant les coupables (versets 4 à 6), l’Oint de l’Éternel rappelant sa divine installation (versets 7 à 9). Dans la strophe finale (versets 10 à 12), le psalmiste s’adresse lui-même aux rebelles, pour les engager à faire leur soumission pendant qu’il en est temps. Le tout est un chef-d’œuvre de concision et d’élévation.
Pourquoi ? Les pourquoi de Dieu sont redoutables ; ils portent sur quelque chose de ténébreux (Genèse 4.6).
Les nations. L’hébreu Gojim désigne toujours les païens, en opposition au peuple de Dieu.
Vains complots, littéralement : ils méditent la vanité, des choses qui n’ont pas de raison d’être. Ce mot explique le pourquoi indigné du commencement.
Les rois de la terre. Dans Actes 4.25-27 ce passage est appliqué à la coalition d’Hérode et de Pilate, des Juifs et des païens contre la personne de Jésus-Christ ; mais il s’applique en même temps à la longue liste des persécuteurs du peuple de Dieu, sous les deux alliances et à la grande révolte finale que les prophéties annoncent.
Son Oint : traduction française du mot hébreu Maschiach, Messie, dont le nom de Christ (Christos) est la traduction grecque. L’onction d’huile représentait la communication des forces divines dont les rois d’Israël devaient être revêtus, pour remplir leur mandat au nom de l’Éternel. Jésus, le véritable Oint, le Messie, a possédé la plénitude des dons figurés par cette onction. Dieu l’a oint du Saint-Esprit et de force (Actes 10.38).
Rien de plus grand que ces traits brefs et rapides, où sont dépeints le calme de l’Éternel (assis dans les cieux), en face de l’agitation des peuples, sa raillerie en face de leurs prétentions, son indignation en face de leur péché. Le tout aboutit à une déclaration qui épouvante les révoltés.
Il se rit…
Qu’ils s’élèvent tant qu’ils voudront, jamais ils n’atteindront jusques au ciel : même quand ils pensent mêler le ciel avec la terre, ils sautent comme sauterelles et cependant le Seigneur, étant en repos, regarde d’en-haut leurs émotions enragées
L’ironie divine se manifeste souvent par les résultats pitoyables auxquels aboutissent les combinaisons orgueilleuses de ses adversaires.
La traduction ne peut qu’affaiblir considérablement ce verset, dont presque tous les mots, en hébreu, se terminent par le même son grave et menaçant.
Puis, littéralement : alors, quand le temps de la patience a assez duré.
Et moi… Ce mot, par lequel l’Éternel rappelle tout-à-coup sa présence et ses droits à ceux qui comptent sans lui, fait penser à la manière soudaine en laquelle il est souvent intervenu dans l’histoire, lorsque, par exemple, il regarda les Égyptiens (Exode 14.24), et surtout lorsque le Seigneur sortit du tombeau (Matthieu 28.2). C’est une intervention semblable qui mettra fin à la révolte des derniers temps.
C’est son Oint lui-même qui révèle le décret en vertu duquel il règne.
Tu es mon Fils. Le titre de fils avait été donné dès l’origine à Israël dans son ensemble (Exode 4.22). Plus tard, le prophète Nathan, annonçant à David les bénédictions promises à sa descendance, s’exprime au nom de l’Éternel en ces termes : Je lui serai père et il me sera fils (2 Samuel 7.14). Ainsi le titre de noblesse accordé à Israël s’applique maintenant plus spécialement à une famille, mais sans se rapporter encore à un individu. En effet, nous ne voyons pas David ou tel de ses descendants se donner à lui-même personnellement le nom de fils de l’Éternel. De l’oracle de Nathan à la déclaration de notre psaume il y a un grand pas. Ici, en effet, c’est un homme spécial qu’a en vue le psalmiste et qu’il désigne avec une insistance particulière par ces mots : Toi, tu es mon Fils ; moi-même, je t’ai engendré. L’auteur du psaume contemple un roi auquel aboutit la bénédiction promise à toute la race.
Je t’ai engendré aujourd’hui. Les anciens interprètes chrétiens ont vu dans cette parole l’expression et comme la révélation de l’unité d’essence existant dès l’éternité entre le Père et le Fils. Le texte de notre psaume ne nous autorise pas à aller jusque là. Le roi dont il est question est élevé par un décret rendu à un moment donné (aujourd’hui) au rang de Fils de l’Éternel. C’est bien ainsi que l’a compris saint Paul, puisqu’il applique ce terme d’aujourd’hui au jour de la résurrection du Seigneur (Actes 13.33 ; comparez Romains 1.4). Aux yeux de l’apôtre sans doute celui qui a été l’objet d’une telle élévation était par son origine même Fils de Dieu (Colossiens 1.16 ; Philippiens 2.6-9). Mais par sa résurrection il a été remis en possession des attributs conformes à sa personne divine auxquels il avait renoncé pour accomplir sa mission terrestre (Jean 17.5). Notre psaume ne touche pas à ce mystère ; il ne nous en fait pas moins constater un progrès important dans l’intuition prophétique. Le mot : Je t’ai engendré, désigne l’acte de grâce par lequel l’Éternel élève à lui son Élu, en lui donnant la position de Fils.
La royauté universelle est l’apanage dû à celui qui seul peut s’appeler Fils de Dieu et toute révolte aboutira à la ruine des rebelles.
Un sceptre de fer brisant un vase de potier : image de la toute-puissance divine réduisant à néant la faiblesse humaine quand elle ne veut pas se soumettre. Comparez 1 Thessaloniciens 2.16 ; Apocalypse 2.27 ; Apocalypse 6.1-17. La ruine de Jérusalem a été une effrayante illustration de cette menace divine. Si Dieu a ainsi traité son peuple que sera-t-il fait aux païens rebelles ?
Servez l’Éternel. Honorer l’Éternel et honorer son Oint sont une seule et même chose. Comparez Jean 5.23.
Réjouissez-vous : rendez hommage à votre roi par des acclamations. Comparez 1 Rois 1.39-40. Ce qui, de la part de rois païens vis-à-vis d’un monarque israélite, n’eût été qu’un hommage extérieur, devient esprit et vérité pour l’âme rebelle qui se convertit à son Sauveur ; la joie, mêlée de crainte, pénètre sa vie tout entière (Philippiens 2.12 ; Philippiens 3.1).
Embrassez le Fils. On embrasse en Orient la main des monarques ou le bord de leur vêtement. Le baiser était un signe de soumission, parfois même d’adoration (1 Rois 19.18 ; Osée 13.2 ; comparez Job 31.27).
On a contesté la traduction : embrassez le Fils, par la raison que le mot bar, dans le sens de fils, est étranger à l’hébreu ordinaire et appartient plutôt à l’araméen. Mais l’emploi de cet idiome est naturel dans ce passage, si l’auteur, faisant allusion aux circonstances de son temps, s’adresse à des rois étrangers, surtout aux chefs araméens des alentours. Comparez Jérémie 10.11, où le prophète met dans la bouche des Israélites captifs, en termes chaldéens, l’avertissement qu’ils doivent adresser aux païens qui les environnent. On trouve d’ailleurs le mot bar employé Proverbes 31.2. Enfin des raisons d’euphonie empêchaient d’employer ici le mot usuel de ben : fils, qui ressemble trop à celui de pen : de peur que, qui suit immédiatement. Les traductions différentes que l’on a proposées donnent un sens peu satisfaisant, même banal, qui contraste avec la grandeur de tout le poème (armez-vous de loyauté, embrassez le pur, servez purement).
Heureux… Lumineuse perspective, au milieu de sombres nuages. Mais jusque dans cette promesse on entend gronder encore la menace (se réfugient ! …).
Le psaume 2 peut être comparé au portique grandiose qui ouvre le palais d’un roi. Dès l’entrée du livre des Psaumes nous nous trouvons en face d’une grande prophétie messianique. L’Église ne s’est pas trompée, lorsqu’elle a reconnu son Seigneur et son Sauveur en la personne de ce roi que l’Éternel lui-même appelle son Fils. D’ailleurs, soit dans son ensemble, soit dans ses détails, le psaume s’applique beaucoup plus aisément à la personne du Christ qu’à n’importe quel roi d’Israël. Il est l’Oint de l’Éternel dans le plein sens du mot. Le fait même qu’Israël attend encore son Messie prouve qu’à ses yeux tous ses rois, y compris David, n’ont reçu l’onction divine que d’une manière imparfaite et symbolique. Nous avons vu que le titre de fils, donné d’une manière générale par l’Éternel à la postérité de David, lors de la déclaration faite par Nathan, n’a été appliqué dans la suite, avec la plénitude du sens qu’il renferme, à aucun roi d’Israël. De plus, lequel de ces rois a pu aspirer à recevoir toutes les nations en héritage et à étendre son règne jusqu’aux extrémités de la terre ? Enfin, le sujet même du psaume, la révolte générale des nations, ne trouve place ni dans l’histoire de David, ni dans celle de ses successeurs. David a vu se former contre lui de redoutables coalitions (2 Samuel 8.1-18), il a vu certains peuples qu’il venait de soumettre chercher à secouer le joug en s’alliant à d’autres peuples indépendants (2 Samuel 10.1-19). Mais le Psaume 2 nous montre les nations et les rois de la terre dans leur ensemble, soumis à l’Oint de l’Éternel et cherchant à secouer son joug. Le seul événement qui corresponde à cette conception est l’apostasie générale de la chrétienté qu’annoncent, à la suite de notre psaume, les prophéties du Nouveau Testament et que nous voyons se préparer de nos jours. Il est donc inutile de chercher dans quelques troubles momentanés de petits peuples de l’Orient l’explication du tableau grandiose que déploie devant nous le Psaume 2. Ce n’est rien moins que la question de l’empire du monde qui est d’avance résolue ici conformément aux décrets éternels de Celui pour qui l’avenir n’a point de voiles et qui préside aux destinées des peuples.
Le point de vue que nous développons ici n’est pas seulement celui de quelques théologiens. Il a toujours été celui du peuple de l’Église. Même aux yeux des anciens commentateurs juifs, le héros du psaume n’était ni David, ni l’un de ses successeurs, mais le Messie attendu : l’opinion des rabbins ne s’est modifiée que par suite de leur controverse avec les chrétiens. À l’époque où apparut Jésus, les deux noms sous lesquels tant, ses ennemis que ses disciples désignaient le Christ attendu, étaient ceux de Messie et de Fils de Dieu, empruntés tous deux au Psaume 2 (Jean 1.34 ; Matthieu 26.63). Les nations nombreuses de notre psaume dans le Nouveau Testament (Actes 4.25-27 ; Actes 13.33 ; Hébreux 1.5 ; Hébreux 5.5 ; Apocalypse 2.27 ; Apocalypse 12.5 ; Apocalypse 19.15-21) nous montrent à quel point, les premiers chrétiens y retrouvaient l’histoire de leur roi, les haines amassées contre lui, son élévation à la droite de Dieu, sa victoire finale. Qu’aujourd’hui encore, au milieu du soulèvement d’une partie de l’humanité contre le Christ et contre Dieu lui-même, l’Église prenne courage et contemple par l’œil du psalmiste la gloire de son Sauveur et la destruction certaine de tout ce qui s’oppose à son règne !
Quelle date peut-on assigner à ce psaume ? Comme pour mieux reporter nos regards sur Celui qui est la source de toute inspiration prophétique, il se présente à nous à titre anonyme. S’il est cité (Actes 4.25) comme venant de David, c’est parce que, dans la primitive Église, comme de nos jours, le souvenir du grand chantre d’Israël restait attaché à toute la collection des Psaumes. Au reste, l’époque de David est bien celle qui nous semble offrir le plus d’analogie avec le contenu même de cette prophétie. Si c’est faire fausse route que de voir dans le psaume le récit historique d’événements politiques de ce temps-là, si la personne même de David, ses guerres et ses victoires, sont bien inférieures au tableau que nous venons d’admirer, il y a eu là pourtant de quoi fournir au psalmiste le point de départ et comme le premier plan de la vision à laquelle il nous fait assister. Les principaux éléments de la prophétie sont là, esquissés, pour ainsi dire, quoiqu’en des proportions bien réduites : l’onction, l’élévation à la royauté, procédant directement de l’Éternel, la promesse de Nathan, les coalitions, les révoltes de peuples et de rois. De tout cela, l’esprit prophétique a su dégager, dans sa netteté et sa grandeur, la pensée éternelle de Dieu à l’égard de son Fils, oint pour régner en son nom.
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