1 Et lorsque nous fûmes partis, après nous être arrachés d’auprès d’eux, voguant en droite ligne, nous vînmes à Cos, et le jour suivant à Rhodes, et de là à Patara. 2 Et, ayant trouvé un vaisseau qui faisait la traversée vers la Phénicie, nous montâmes dessus et partîmes. 3 Et quand nous eûmes aperçu Chypre, l’ayant laissée à gauche, nous faisions voile vers la Syrie, et nous abordâmes à Tyr ; car c’est là que le vaisseau devait décharger sa cargaison. 4 Et, ayant trouvé les disciples, nous y demeurâmes sept jours. Ces disciples disaient à Paul, par l’Esprit, de ne pas monter à Jérusalem. 5 Mais lorsque nous eûmes atteint le terme de ces jours, étant sortis, nous marchions, tous nous accompagnant, avec femmes et enfants, jusque hors de la ville ; et après nous être mis à genoux sur le rivage et avoir prié, 6 nous prîmes congé les uns des autres, et nous montâmes sur le vaisseau ; et eux retournèrent chez eux.
7 Pour nous, achevant la navigation, nous arrivâmes de Tyr à Ptolémaïs ; et après avoir salué les frères, nous demeurâmes un jour avec eux. 8 Et le lendemain, étant partis de là, nous vînmes à Césarée ; et étant entrés dans la maison de Philippe l’évangéliste, qui était l’un des sept, nous demeurâmes chez lui. 9 Or il avait quatre filles vierges, qui prophétisaient. 10 Et comme nous demeurions là depuis plusieurs jours, il descendit de la Judée un prophète, nommé Agabus ; 11 et, étant venu vers nous, et ayant pris la ceinture de Paul, et s’en étant lié les pieds et les mains, il dit : Voici ce que dit l’Esprit Saint : L’homme à qui appartient cette ceinture, les Juifs le lieront de la même manière, dans Jérusalem, et ils le livreront aux mains des païens. 12 Et quand nous eûmes entendu cela, nous suppliions Paul, tant nous que ceux du lieu, de ne point monter à Jérusalem. 13 Alors Paul répondit : Que faites-vous, en pleurant et en me brisant le cœur ? Car pour moi je suis prêt, pour le nom du Seigneur Jésus, non seulement à être lié, mais même à mourir à Jérusalem. 14 Et comme il ne se laissait pas persuader, nous nous tûmes, disant : Que la volonté du Seigneur soit faite !
15 Or, après ces jours-là, nous étant préparés au départ, nous montâmes à Jérusalem. 16 Et quelques disciples vinrent aussi de Cesarée avec nous, et nous conduisirent chez un certain Mnason, de Chypre, ancien disciple, chez qui nous devions loger. 17 Or quand nous fûmes arrivés à Jérusalem, les frères nous reçurent avec joie. 18 Et le lendemain Paul se rendit avec nous chez Jacques, et tous les anciens s’y trouvèrent. 19 Et après les avoir salués, il racontait une à une les choses que Dieu avait faites parmi les païens par son ministère. 20 Et eux, après l’avoir entendu, glorifiaient Dieu ; et ils lui dirent : Tu vois, frère, combien il y a parmi les Juifs de myriades de gens qui ont cru, et tous sont zélateurs de la loi. 21 Or ils ont été informés à ton sujet que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à se détacher de Moïse, en leur disant de ne pas circoncire les enfants, et de ne pas marcher selon les coutumes. 22 Qu’y a-t-il donc à faire ? La multitude s’assemblera sûrement, car ils apprendront que tu es arrivé. 23 Fais donc ce que nous allons te dire : nous avons quatre hommes qui se sont imposé un vœu ; 24 prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et paie pour eux, afin qu’ils se rasent la tête ; et tous connaîtront qu’il n’est rien des choses qu’ils ont ouï-dire de toi, mais que tu marches, toi aussi, en gardant la loi. 25 Quant aux païens qui sont devenus croyants, nous leur avons écrit ayant décidé qu’ils n’avaient rien de semblable à observer, si ce n’est qu’ils se gardent de ce qui est sacrifié aux idoles, et du sang, et des choses étouffées et de la fornication. 26 Alors Paul ayant pris ces hommes avec lui, et s’étant purifié avec eux, entra, le jour suivant, dans le temple, annonçant le jour auquel la purification s’achèverait ; et il fit ainsi jusqu’à ce que l’offrande fut présentée pour chacun d’eux.
27 Et comme les sept jours allaient s’accomplir, les Juifs d’Asie, l’ayant vu dans le temple, ameutèrent toute la foule, et mirent les mains sur lui, 28 en criant : Hommes Israélites, aidez-nous ! C’est ici l’homme qui prêche partout, à tout le monde, contre le peuple, contre la loi, et contre ce lieu ; et de plus il a même introduit des Grecs dans le temple et a profané ce saint lieu. 29 Car ils avaient vu auparavant Trophime d’Éphèse avec lui dans la ville, et ils croyaient que Paul l’avait introduit dans le temple. 30 Et toute la ville fut émue, et le peuple accourut de toutes parts ; et s’étant saisis de Paul, ils le traînaient hors du temple ; et aussitôt les portes furent fermées. 31 Mais comme ils cherchaient à le tuer, l’avis parvint au tribun de la cohorte que tout Jérusalem était en émeute. 32 À l’instant il prit des soldats et des centeniers avec lui, et descendit en courant vers eux. Mais eux, voyant le tribun et les soldats, cessèrent de battre Paul. 33 Alors le tribun s’approchant, se saisit de lui, et ordonna qu’on le liât de deux chaînes ; et il demandait qui il était et ce qu’il avait fait. 34 Or les uns criaient d’une manière, les autres d’une autre, dans la foule. Et comme il ne pouvait rien apprendre de certain à cause du tumulte, il commanda qu’on le menât dans la forteresse. 35 Et quand Paul fut sur les degrés, il arriva qu’il fut porté par les soldats, à cause de la violence de la foule ; 36 car la multitude du peuple suivait, en criant : Ôte-le ! 37 Comme on allait le faire entrer dans la forteresse, Paul dit au tribun : M’est-il permis de te dire quelque chose ? Il répondit : Tu sais le grec ? 38 Tu n’es donc pas cet Égyptien qui, ces jours passés, a excité une sédition et emmené avec lui dans le désert les quatre mille sicaires ? 39 Mais Paul dit : Moi, je suis Juif, de Tarse en Cilicie, citoyen d’une ville qui n’est pas sans renom. Mais, je te prie, permets-moi de parler au peuple. 40 Et quand il le lui eut permis, Paul, se tenant sur les degrés, fit signe de la main au peuple ; et après qu’il se fut fait un grand silence, il leur adressa la parole en langue hébraïque, disant :
Paul à Tyr
Paul à Césarée
Le mot dont Luc se sert pour exprimer la séparation qui eut lieu à Milet signifie se séparer avec effort, avec peine.
Cos, île de la mer Égée, renommée pour ses vins, ses étoffes, ses aromates, s’appelle aujourd’hui Stancho.
Rhodes, île plus considérable au sud-est de la mer Égée, avec une capitale du même nom, avait eu un commerce florissant. Elle avait beaucoup souffert dans les dernières guerres de la république, ayant été pillée par Cassius en 42 avant Jésus-Christ.
Patara ville maritime de la Lycie, au sud de l’Asie Mineure.
Le texte occidental (D, etc.) ajoute : et à Myra. Myra était également un port de la côte de Lycie (Actes 27.5).
Pour naviguer de Patara ou de Myra vers la Phénicie, il fallait tendre directement au sud-est.
Les voyageurs passaient ainsi tout près de l’île de Chypre, qu’ils laissaient à leur gauche.
En la voyant, Paul dut se souvenir de son premier voyage de mission et du succès qu’il eut à Paphos, ville principale de cette île (Actes 13.6 et suivants).
Tyr, capitale de la Phénicie célèbre dans l’antiquité pour son commerce.
Luc nomme ici la Syrie, parce que la Phénicie faisait alors partie de cette Grande province romaine.
Ce mot : trouvé les disciples, suppose que Paul et ses amis, informés de la présence de chrétiens à Tyr, les avaient cherchés dans cette grande ville. Luc n’a pas raconté quand l’Évangile avait été annoncé en Phénicie. Ce pays, situé sur les bords de la Méditerranée, sur la route de Jérusalem à Antioche, a dû être souvent traversé par des chrétiens, qui y parlèrent de leur Sauveur (Actes 11.19 ; Actes 15.3).
L’Esprit dévoilait à ces disciples que Paul aurait beaucoup à souffrir à Jérusalem et eux, dans leur tendre sollicitude pour lui, l’exhortaient à n’y point aller. Mais Paul, qui prévoyait bien ces souffrances, allait au-devant d’elles, lié par l’Esprit (Actes 20.22-23 ; comparez ci-après verset 13).
Cet arrêt de sept jours, malgré la hâte qu’il avait d’être à Jérusalem pour la fête (Actes 20.16), fut imposé à Paul par les circonstances, le navire qu’il montait devant décharger sa cargaison (verset 3). Peut-être aussi l’apôtre était-il moins pressé, parce que son voyage jusqu’à Tyr s’était effectué plus rapidement qu’il ne comptait.
Quelle scène touchante !
Partout l’Évangile créait entre les âmes chrétiennes ces tendres et profonds liens.
Achevant la navigation, parce que le parcours de Tyr à Ptolémaïs était le dernier trajet à faire par mer, le reste du voyage avait lieu sur terre ferme.
Ptolémaïs, ville maritime de Syrie, située entre Tyr et Césarée, nommée en hébreu Acco, aujourd’hui Saint Jean d’Acre.
Là aussi Paul trouve des frères et reste un jour avec eux.
La distance de Ptolémaïs à Césarée est de 62 kilomètres : Paul et ses compagnons durent mettre deux jours pour la franchir.
Voir sur Césarée et la prédication de Philippe, Actes 8.5 ; Actes 8.26 ; Actes 8.40.
Peut-être était-il resté dès lors dans cette ville. Il avait donc cessé d’être l’un des sept diacres de l’Église de Jérusalem (Actes 6.5) et il était devenu évangéliste (Actes 8.40), grâce à ses dons pour la prédication de l’Évangile.
On donnait déjà alors ce titre à des disciples qui, sans être apôtres ou anciens attachés à une Église particulière, voyageaient en annonçant la bonne nouvelle du salut. Tels furent Barnabas, Timothée, Tite (2 Timothée 4.5 ; comparez Éphésiens 4.11).
Ces deux passages et le nôtre sont les seuls du Nouveau Testament où se trouve le nom d’évangéliste.
C’est-à-dire qui avaient le don de prophétie (Actes 11.27 ; Actes 13.1 ; comparez 1 Corinthiens 14.2, notes).
Ce don ne s’exerçait naturellement, comme tous les charismes de l’Église apostolique, que dans les moments où l’Esprit faisait sentir son action.
Les filles de Philippe ne contrevenaient pas aux prescriptions de l’apôtre (1 Corinthiens 14.34), car l’expression de Luc ne les présente pas comme enseignant dans les assemblées.
Leurs prophéties, pendant le passage de Paul, étaient sans doute semblables à celles des frères de Tyr (verset 4) et à celles d’Agabus (versets 10 et 11).
Des interprètes catholiques, se fondant sur le fait que les filles de Philippe sont dites vierges (Luc 2.36), ont vu en elles des nonnes, liées par un vœu de virginité perpétuelle ; mais il paraît ressortir de passages de Clément d’Alexandrie et d’Eusèbe que ce même Philippe s’établit plus tard à Hiérapolis en Phrygie et que deux de ses filles s’y marièrent.
Agabus est le même qui a été nommé en Actes 11.28.
Il annonce à Paul ce qui lui arrivera à Jérusalem, par une action symbolique, comme le faisaient fréquemment les anciens prophètes (Ésaïe 20.2 ; Jérémie 13.1 ; Jérémie 27.2 ; Ézéchiel 4.1 ; Ézéchiel 12.5).
L’apôtre savait lui-même qu’il serait lié à Jérusalem (Actes 20.23) et il le fut en effet (verset 33) et livré aux païens (Actes 25.21).
À l’ouïe de cette prophétie, tous les disciples qui entouraient Paul se mirent à le supplier de ne point monter à Jérusalem (comparer verset 4, 2e note).
Quelle sensibilité dans cet homme énergique qui était prêt au sacrifice de sa vie !
C’est ainsi qu’il répond au tendre intérêt de ses frères.
Mais, déjà à Milet, il a déclaré que le sacrifice de sa vie était accompli dans son cœur (Actes 20.24). Dieu l’appelle, il ira ; tel est le vrai héroïsme.
Malgré leur profonde affection pour l’apôtre, ces fidèles restent convaincus que sa résolution est conforme à la volonté du Seigneur et ils s’y soumettent.
Dans toutes les grandes crises de la vie en présence des plus douloureux sacrifices, c’est là non seulement le devoir du chrétien, mais aussi sa suprême consolation. Il s’élève ainsi jusqu’à l’imitation de son Maître (Matthieu 26.42).
Ces jours-là sont les jours que Paul et ses amis venaient de passer à Césarée, chez Philippe (verset 8).
Maintenant, s’étant préparés au départ, ils s’en vont à Jérusalem.
Le mot que nous rendons par nous étant préparés au départ signifie littéralement : ayant rassemblé nos effets.
Le texte reçu, en changeant une particule du verbe, dit : ayant déposé nos effets, c’est-à-dire qu’ils les auraient laissés à Césarée ou envoyés en avant.
Ces préparatifs s’expliquent, car les voyageurs avaient à parcourir encore 102 kilomètres et le transport de la collecte les obligeait à prendre certaines mesures.
Quelques disciples de Césarée voulurent aussi accompagner l’apôtre et ses amis.
Ils les conduisirent cher Mnason, où les voyageurs devaient loger, d’après des dispositions prises à l’avance.
On ne sait de ce Mnason que ce qu’en dit le texte, c’est-à-dire qu’il était de Chypre et ancien disciple, converti peut-être depuis la première mission dans sa patrie (Actes 13), ou même auparavant (Actes 11.19-20). On suppose qu’il habitait Jérusalem et l’on ajoute qu’il était bien précieux pour l’apôtre d’avoir dans cette ville un ami de toute confiance qui le reçût dans sa maison.
Telle est l’interprétation généralement donnée, mais on ne peut pas dire qu’elle s’impose comme évidente.
Il n’est pas dit, dans l’original : « les disciples nous conduisirent », mais seulement : les disciples « vinrent avec nous, conduisant, chez lequel Mnason nous devions loger ».
Et au verset 17, l’arrivée à Jérusalem est présentée comme un fait postérieur à l’arrivée chez Mnason.
Aussi Calvin, Théodore de Bèze et d’autres traduisent-ils : « Quelques disciples vinrent aussi de Césarée avec nous, amenant avec eux un certain Mnason ». Ce disciple, qui habitait Jérusalem, se serait donc trouvé alors à Césarée et l’on aurait convenu avec lui qu’il logerait les voyageurs.
Le texte occidental (D, versions syriaques) présente ici une adjonction intéressante, qui donne un sens nouveau à ce passage obscur : « Ceux-ci nous conduisirent auprès de ceux chez qui nous devions loger ; et étant arrivés dans un certain village, nous fûmes chez Mnason, de Chypre, ancien disciple. Et sortant de là, nous vînmes à Jérusalem, où les frères nous reçurent avec joie ».
D’après ce texte, Mnason aurait habité un village entre Césarée et Jérusalem, qui servit d’étape à la caravane.
Même avec le texte des principaux manuscrits, cette explication nous paraît la plus naturelle.
Paul reçu par les anciens
Des chrétiens de Jérusalem font bon accueil à Paul et à ses compagnons. Le jour qui suit leur arrivée, les voyageurs se rendent chez Jacques, où les anciens sont assemblés. Après la salutation, Paul leur raconte ce que Dieu a fait par son ministère dans le monde païen. Ils en rendent gloire à Dieu (17-20a).
Paul est invité à entrer dans le temple avec quatre hommes ayant fait un vœu
Les anciens informent Paul que des milliers de Juifs devenus croyants le tiennent pour un contempteur de la loi, qui détourne les Israélites de son observance et que la foule s’assemblera en apprenant son arrivée. Ils proposent en conséquence à Paul de se joindre à quatre hommes qui s’étaient liés par un vœu, de se charger des frais du sacrifice qu’ils avaient à offrir ; tous apprendront ainsi qu’il observe la loi. Il n’a rien à craindre pour les convertis du paganisme : ils restent sous le régime des décisions prises à la conférence de Jérusalem et qui leur ont été communiquées. Paul s’associe à ces hommes, se purifie avec eux et entre dans le temple pour annoncer le jour du sacrifice (20b-26).
Emeute provoquée par les Juifs d’Asie. Paul, maltraité par la foule, est arrêté par le tribun
Le terme fixé pour l’acquittement du vœu allait venir, quand des Juifs d’Asie reconnaissent Paul et soulèvent le peuple contre lui, en l’accusant d’avoir introduit des païens dans le temple. Ils l’avaient vu dans la ville en compagnie de Trophime d’Ephèse. Le peuple afflue de tous côtés. On entraîne Paul hors du temple, dont on ferme les portes. On va le tuer, quand le tribun, informé, accourt avec des soldats et des centeniers, le fait lier d’une double chaîne et demande ce qu’il a fait. Le tumulte l’empêchant de rien apprendre de positif, il ordonne de conduire Paul dans la forteresse. La presse est telle, sur l’escalier, que les soldats sont obligés de le porter. La foule suit en proférant des cris de mort (27-36).
Ces frères étaient des membres de l’Église de Jérusalem, parents et amis particuliers de Paul, qui s’empressèrent de le recevoir ; ce n’est que le lendemain qu’il vit les anciens (verset 18). Mais Luc se plaît à noter cette bonne réception qui dut consoler et encourager Paul et ses amis.
Voir sur Jacques, Actes 12.17, 2e note ; Actes 15.13.
On voit par ce texte que les apôtres n’étaient pas à Jérusalem, puisque les anciens seuls se trouvèrent a cette réunion chez Jacques.
Les chrétiens de la métropole juive, Jacques à leur tête, savaient donc se réjouir et glorifier Dieu des progrès de l’Évangile parmi les païens, par le ministère (grec service) de Paul. Ce fait jette une lumière favorable sur la proposition qu’ils vont lui faire et qui a été souvent mal comprise.
Le mot de myriade, littéralement dix mille, paraît une hyperbole. Mais Jacques pensait non seulement aux Juifs devenus chrétiens de la Judée, mais aux milliers qui se trouvaient alors à Jérusalem pour la fête de Pentecôte.
Du reste dans le langage ordinaire ce terme était employé pour dire une grande multitude (Luc 12.1).
Tous ces Juifs, nés en Judée, étaient zélateurs de la loi (Galates 1.14) et en pratiquaient encore les rites avec dévotion. Cette circonstance motive la proposition de Jacques à l’apôtre Paul.
Les coutumes juives étaient les ordonnances de la loi (6.14) ou les règles établies par la tradition.
Jacques, en formulant cette accusation contre l’apôtre, n’exprime pas son propre sentiment, mais celui des chrétiens judaïsants : ils ont été informés à ton sujet que tu enseignes à tous les Juifs, dispersés parmi les païens (grec), l’apostasie à l’égard de Moïse, leur disant de ne pas circoncire leurs enfants et de ne pas observer les autres coutumes religieuses.
Voir, sur la valeur de ces accusations, verset 24, note.
La multitude des croyants s’assemblera, non sur une convocation officielle (Calvin), bien moins encore d’une manière tumultueuse, mais par le motif indiqué dans ces mots : ils apprendront que tu es arrivé.
B, C, quelques minuscules et la plupart des versions ont ce texte abrégé, qui est adopté par Westcott et Hort Weiss, Nestle : Qu’y a-t-il donc à faire ? Sûrement ils apprendront que tu es arrivé.
Quatre membres de l’Église avaient fait le vœu du naziréat (Nombres 6.1), qui durait trente jours ; ce temps touchait à sa fin (verset 27) ; ils devaient offrir un sacrifice dans le temple et se faire couper les cheveux ; on les laissait croître pendant la durée du vœu (Nombres 6.12-21).
Paul, selon le conseil des anciens, devait donc se joindre à ces hommes, se purifier avec eux et, comme il paraît qu’ils étaient pauvres, payer leur part du sacrifice commun, ce qui était considéré par les Juifs comme une œuvre de piété.
De cette manière tomberont les faux bruits répandus contre lui et tous connaîtront qu’il ne se faisait lui-même aucun scrupule d’observer une cérémonie juive.
Comment devons-nous apprécier le conseil donné à Paul ?
Si l’idée défavorable que les chrétiens judaïsants se faisaient de son ministère avait été justifiée, si l’apôtre avait réellement voué ses efforts à détourner les Juifs de la loi de Moïse, en leur persuadant qu’elle était abolie (verset 21), l’acte par lequel il aurait affirmé son respect pour cette même loi eût été entaché d’hypocrisie.
Mais la position que Paul prenait à l’égard de la loi n’était nullement celle que ses adversaires lui attribuaient.
Il exemptait les païens d’observer la loi, parce qu’il estimait qu’ils étaient pleinement sauvés en embrassant par la foi l’œuvre que Christ avait accomplie pour eux et voulait accomplir en eux.
Quant aux Juifs, il leur laissait toute liberté de se conformer aux commandements de la loi, pourvu qu’ils n’y vissent pas le moyen de leur salut ; il les exhortait même à rester dans la condition où ils se trouvaient quand ils avaient été appelés (1 Corinthiens 7.18-20), il prescrivait à tous les membres des Églises, dans leurs rapports avec « les faibles », qui considéraient les ordonnances légales comme sacrées, d’observer les plus grands ménagements et de se soumettre à tous les renoncements dictés par la charité (Romains 14.1 et suivants ; 1 Corinthiens 8.1 ; 1 Corinthiens 10.23 et suivants)
Lui-même avait fait circoncire Timothée par condescendance pour les Juifs (Actes 16.3), et, dans sa propre vie spirituelle, il ne craignait pas de recourir encore aux vœux pratiqués par les Juifs (Actes 18.18), il tenait, pour son édification personnelle, à venir célébrer à Jérusalem une des grandes fêtes Israélites (Actes 18.21).
Telle étant l’attitude réelle de l’apôtre a l’égard des institutions mosaïques, comment dissiper les injustes préventions qu’avaient conçues à son sujet les chrétiens judaïsants ?
Des explications verbales n’auraient pas été suffisantes ; elles pouvaient engager des discussions qu’il valait mieux éviter.
Un acte public, attestant d’une manière irrécusable le respect de Paul pour la loi devait atteindre, semblait-il, le but visé, plus promptement et plus sûrement.
Les anciens pouvaient conseiller à l’apôtre d’accomplir un tel acte, puisque celui-ci était conforme à sa manière d’agir habituelle et qu’il ne portait nulle atteinte au principe du salut Gratuit et de la liberté des païens à l’égard de la loi (verset 25, note).
La proposition faite à Paul n’était donc en rien contraire à la vérité. Cependant elle était dictée peut-être par la prudence humaine plus que par la sagesse d’en haut. Elle aboutit, en fait, à l’émeute qui valut à l’apôtre de longues années de captivité, après avoir failli lui coûter la vie.
Le but de ces dernières paroles est de rassurer Paul sur les conséquences de l’acte qui lui était proposé : tu n’as aucun scrupule à avoir quant aux païens devenus croyants, objet spécial de ton apostolat : ils restent parfaitement libres selon que nous l’avons décidé ensemble et que nous le leur avons écrit (Actes 15.23 et suivants).
Ainsi était sauvegardé le principe de l’apostolat de Paul, qui annonçait le salut par grâce par la foi.
Nous avons traduit suivant le texte reçu, qui se fonde sur C, D, majuscules, versions et Pères et qui présente le sens le plus satisfaisant.
D a, de plus, cette adjonction : Quant aux païens devenus croyants, ils n’ont rien à dire contre toi.
La plupart des éditeurs modernes adoptent le texte de Codex Sinaiticus B, A : Nous leur avons écrit (ou envoyé dire, B), ayant décidé, de se garder…
Avec ce texte abrégé, on ne comprend pas pourquoi le décret de Jérusalem est rappelé ici ; et les critiques ont beau jeu pour dénoncer ce verset comme une interpolation maladroite que l’auteur des Actes se serait permis de faire à la source qu’il utilisait.
Paul se joignit donc à ces quatre hommes, se purifia ou se sanctifia par les rites en usage pour s’acquitter d’un vœu ; puis il se rendit avec eux dans le temple et fit savoir (déclara) aux sacrificateurs en combien de jours s’achèverait la purification imposée par le vœu (grec l’accomplissement des jours de la purification).
Et il fit ainsi (ces mots ne sont pas dans le texte), il entra chaque jour dans le temple, suivant d’autres, il s’y établit à demeure, jusqu’à ce que l’offrande eût été présentée pour chacun d’eux (Nombres 6.13-14).
D’autres estiment que ces derniers mots déterminent le substantif accomplissement de jours et traduisent : « annonçant à quel jour la purification serait achevée et l’offrande serait présentée pour chacun ».
Le temps voulu pour un vœu était de trente jours ; les quatre hommes n’avaient plus pour atteindre ce terme que les sept jours à passer (verset 27, note).
L’usage permettait alors à un Israélite de s’associer à leur vœu pour le temps qui restait à courir. Paul s’en prévalut. Il pouvait agir ainsi en toute bonne conscience (comparez verset 24, note), parce que, sans attacher aucun caractère méritoire à cet acte religieux, il n’avait en vue que la paix à conserver entre les deux parties de l’Église dont l’une était issue du judaïsme, l’autre du paganisme.
Dans cette occasion, comme toujours, il fut « avec les Juifs comme Juif, avec ceux qui étaient sous la loi comme sous la loi, faible avec les faibles, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns » (1 Corinthiens 9.19-22).
En agissant ainsi, il observait la loi (verset 24) de la manière la plus excellente, en pratiquant la charité, qui est l’accomplissement de la loi (Romains 13.10).
Les sept jours, avec l’article, désignent une période déterminée et bien connue, probablement le temps qui devait s’écouler entre le moment où le terme du naziréat était annoncé dans le temple (verset 26) et celui où les cheveux étaient coupés (Meyer, Weiss), après qu’on avait offert les sacrifices d’usage (Nombres 6.13-14).
M. Blass pense que les sept jours sont comptés simplement depuis l’arrivée de Paul à Jérusalem ; mais il doit retrancher l’article, ce qui est contraire à la plupart des documents.
Les sept jours s’accomplissaient, lorsque les Juifs d’Asie, qui avaient été témoins des travaux et des succès de Paul dans cette province et qui, restés incrédules, le haïssaient, suscitèrent contre lui une émeute.
Chaque trait de cette scène dénote l’ardent fanatisme de ces Juifs (voir surtout verset 31)
L’exagération de leur accusation contre l’apôtre, la fausseté de leur allégation au sujet de Trophime, tout montre l’aveuglement de la haine.
Trophime d’Éphèse avait accompagné Paul, de Corinthe jusqu’en Asie et jusqu’à Jérusalem (Actes 20.4 note).
Les Juifs qui avaient trouvé l’apôtre dans le parvis, où les seuls Israélites pouvaient entrer, s’imaginent qu’il y avait introduit ce disciple né païen et ils crient qu’il y a conduit des Grecs et profané le saint lieu !
Tout cela parce qu’ils avaient vu cet ami de Paul dans la ville !
Josèphe rapporte (Guerre des Juifs, V, 5, 2) qu’il y avait, à la porte du parvis des Israélites, des écriteaux en interdisant l’entrée aux étrangers sous peine de mort.
On a retrouvé à Jérusalem une de ces inscriptions provenant du temple d’Hérode et rédigée en langue grecque.
Grec : Il y eut un rassemblement du peuple.
Ils traînèrent Paul hors du temple, parce que, décidés à le tuer, ils ne voulaient pas souiller de son sang le sanctuaire.
Puis aussitôt les portes de celui-ci furent fermées, non par ces fanatiques, mais par la police du temple, afin que toute nouvelle profanation fût empêchée.
Ainsi déjà ils le frappaient, afin de le tuer.
Il ne fut sauvé que par le tribun de la cohorte romaine, qui tenait garnison dans la forteresse Antonia, située à l’angle nord-ouest de la terrasse du temple.
Cet officier supérieur (grec commandant mille hommes), Claude Lysias (Actes 23.26), apprenant le tumulte qui venait de se produire, s’empresse d’accourir avec des centeniers (capitaines) et des soldats.
Leur arrivée empêcha l’accomplissement des desseins meurtriers de ces Juifs furieux.
Le tribun fit lier Paul de deux chaînes, parce qu’il ne doutait pas qu’il ne fût coupable de quelque crime.
Il s’informa sagement de sa personne et de ce qu’il avait fait ; mais ne pouvant rien apprendre au milieu de la foule, où s’élevaient des cris divers, il le fit emmener dans la forteresse.
La foule, un moment contenue par l’arrivée des soldats, redoubla alors de violence en voyant que sa victime allait lui échapper.
Des degrés en pierre conduisaient à la forteresse (Josèphe, Guerre des Juifs, V, 5, 8) ; c’est là que la multitude fit encore une tentative pour s’emparer de Paul, en criant : ôte le ! c’est-à-dire tue-le ! (comparer Actes 22.22 ; Jean 19.15).
Il fallut donc que les soldats, plus humains que ces fanatiques, le portassent pour l’arracher de leurs mains. Le disciple fut traité par son peuple comme l’avait été son Maître.
Paul autorisé à parler au peuple
Au moment d’entrer dans la forteresse, il prie le tribun de lui permettre une question. Celui-ci, surpris de l’entendre s’exprimer en grec, lui demande s’il n’est donc pas un Égyptien, chef de sicaires. Paul se déclare citoyen de Tarse et demande l’autorisation de s’adresser à la foule. L’ayant obtenue, il parle en langue hébraïque, debout sur les degrés de la forteresse, au milieu d’un grand silence (37-40).
Le discours de l’apôtre
Il débute avec affection et respect, appelant ses auditeurs frères et pères. Le silence devient encore plus profond quand on entend Paul s’exprimer en hébreu (1, 2).
L’apôtre demande à l’officier romain la permission de lui dire quelque chose.
Peut-être veut-il obtenir l’autorisation de parler au peuple. Il se sert de la langue grecque que comprenaient alors tous les Romains cultivés.
Mais le tribun s’étonne que Paul sût cette langue, parce qu’il le soupçonnait d’être un faux prophète égyptien, probablement un Juif qui avait habité l’Égypte et qui, quelque temps auparavant avait ameuté un grand nombre de rebelles et en avait rassemblé des milliers dans le désert, d’où il voulait les conduire contre Jérusalem, leur promettant qu’arrivés sur le mont des Oliviers ils verraient tomber les murs de cette ville, s’en empareraient et secoueraient le joug de l’autorité romaine. Ces faits sont rapportés par Josèphe (Guerre des Juifs, II, 13, 5 ; Antiquités Judaïques, XX, 8, 6), qui ajoute que cette troupe fut dispersée par le procurateur Félix, que la plupart des rebelles furent tués et que leur chef échappa par la fuite.
Le tribun appelle ces rebelles des sicaires, c’est-à-dire des hommes du poignard, c’est le nom qu’on donnait à des fanatiques juifs qui, s’unissant aux plus violents des zélateurs pharisiens, parcouraient le pays, toujours prêts à fomenter toutes les séditions.
Cette réponse de Paul disait à la fois qu’il n’était pas le rebelle égyptien et expliquait comment il savait le grec.
Il parle avec une certaine satisfaction de sa ville de Tarse, qui non seulement n’était pas sans renom, mais était alors une des premières villes de l’empire (Actes 9.11, note ; Actes 22.3).
La foule, quelque agitée qu’elle fut, voyant que le tribun permettait à son prisonnier de parler, ne put que faire silence, Paul, en même temps, fit signe de la main qu’il voulait parler.
Au fond, dans cette multitude mobile, il n’y avait que les instigateurs de l’émeute (verset 27) qui fussent réellement irrités contre l’apôtre.
Profitant de l’autorisation du tribun et du silence qui s’était établi, l’apôtre commença le discours qui va suivre en langue hébraïque, c’est-à-dire en araméen, langue nationale, qui devait plaire à son auditoire (Actes 22.2).
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