1 Et Agrippa dit à Paul : Il t’est permis de parler pour toi-même. Alors Paul, ayant étendu la main, dit pour sa défense : 2 Je m’estime heureux, roi Agrippa, d’avoir aujourd’hui à me défendre devant toi de toutes les choses dont je suis accusé par des Juifs ; 3 surtout parce que tu connais parfaitement toutes les coutumes et toutes les discussions qui existent parmi les Juifs. C’est pourquoi je te prie de m’écouter avec patience.
4 Ma manière de vivre donc dès ma jeunesse, telle qu’elle a été dès l’origine dans ma nation, à Jérusalem, tous les Juifs la savent ; 5 me connaissant depuis longtemps, ils peuvent, s’ils le veulent, rendre témoignage que j’ai vécu pharisien, selon la secte la plus exacte de notre religion. 6 Et maintenant, je suis mis en jugement à cause de l’espérance en la promesse faite par Dieu à nos pères, 7 et dont nos douze tribus, qui servent Dieu continuellement nuit et jour, espèrent voir l’accomplissement. C’est à cause de cette espérance que je suis accusé par des Juifs, ô roi ! 8 En quoi juge-t-on incroyable parmi vous que Dieu ressuscite des morts ?
9 Quant à moi donc, il est vrai que j’avais pensé en moi-même qu’il fallait agir beaucoup contre le nom de Jésus de Nazareth, 10 ce que j’ai fait aussi à Jérusalem, et j’ai enfermé dans des prisons plusieurs des saints, en ayant reçu le pouvoir des principaux sacrificateurs ; et lorsqu’on les faisait mourir, j’y donnais mon suffrage ; 11 et souvent, dans toutes les synagogues, en les punissant, je les contraignais de blasphémer ; et étant transporté contre eux d’une extrême fureur, je les persécutais jusque dans les villes étrangères.
12 Dans ces circonstances, me rendant à Damas, avec pouvoir et autorisation des principaux sacrificateurs, 13 au milieu du jour, je vis, ô roi, sur le chemin, une lumière qui venait du ciel, et dont l’éclat surpassait celui du soleil, resplendir autour de moi et de ceux qui faisaient route avec moi. 14 Et nous tous étant tombés par terre, j’entendis une voix qui me dit en langue hébraïque : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il t’est dur de regimber contre les aiguillons. 15 Mais moi je dis : Qui es-tu, Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus, que tu persécutes. 16 Mais lève-toi, et tiens-toi sur tes pieds ; car voici pourquoi je te suis apparu : pour t’établir ministre et témoin, tant des choses que tu as vues que de celles pour lesquelles je t’apparaîtrai ; 17 en te délivrant de ce peuple et des païens, vers lesquels je t’envoie, 18 pour ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se convertissent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, pour qu’ils reçoivent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part parmi ceux qui sont sanctifiés.
19 En conséquence, ô roi Agrippa, je ne résistai point à la vision céleste ; 20 mais à ceux de Damas premièrement, et ensuite à Jérusalem, et dans tout le territoire de la Judée, et aux païens, je prêchais de se repentir, et de se convertir à Dieu, en faisant des œuvres dignes de la repentance. 21 C’est à cause de ces choses que des Juifs, s’étant emparés de moi dans le temple, cherchaient à me tuer. 22 Mais ayant obtenu le secours qui vient de Dieu, j’ai subsisté jusqu’à aujourd’hui, rendant témoignage aux petits et aux grands, ne disant rien en dehors de ce que les prophètes et Moïse ont prédit devoir arriver ; 23 que le Christ devait souffrir, et qu’étant le premier ressuscité d’entre les morts, il devait annoncer la lumière au peuple et aux païens.
24 Or comme il parlait ainsi pour sa défense, Festus dit à haute voix : Tu es hors de sens, Paul ; ton grand savoir te met hors de sens. 25 Et Paul dit : Je ne suis point hors de sens, très excellent Festus, mais je prononce des paroles de vérité et de bon sens. 26 Car il est bien informé de ces choses, le roi à qui aussi je parle avec assurance ; je suis persuadé qu’il n’ignore rien de ces choses ; car ceci ne s’est pas passé en cachette. 27 Crois-tu aux prophètes, roi Agrippa ? Je sais que tu y crois. 28 Et Agrippa répondit à Paul : Il s’en faut peu que tu me persuades de me faire chrétien. 29 Mais Paul dit : Qu’il s’en faille peu ou beaucoup plaise à Dieu que, non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’écoutent aujourd’hui vous deveniez tels que je suis, à l’exception de ces liens !
30 Et le roi se leva, et le gouverneur, et Bérénice, et ceux qui étaient assis avec eux. 31 Et s’étant retirés à part, ils parlaient entre eux disant : Cet homme n’a rien fait qui soit digne de mort ou de liens. 32 Et Agrippa dit à Festus : Cet homme pouvait être mis en liberté, s’il n’en eût appelé à César.
Exorde du discours
Ayant reçu d’Agrippa la permission de parler pour sa défense, Paul se déclare heureux d’avoir à se disculper devant un prince qui connaît les discussions des Juifs. Il le prie de l’écouter avec patience (1-3).
Première partie, les origines juives de Paul
Sa conduite dès sa jeunesse, au sein de son peuple, est connue de tous les Juifs ; il était pharisien et maintenant, le voilà mis en cause pour avoir espéré l’accomplissement de la promesse de Dieu sur laquelle tout Israël compte ! Des Juifs trouveraient-ils incroyable que Dieu ressuscite des morts (4-8) ?
Deuxième partie, comment il devint apôtre de Jésus-Christ
Troisième partie, l’apostolat de Paul, le contenu de sa prédication
Paul obéit à la vision ; à Damas, à Jérusalem et en Judée, chez les païens, il a prêché la repentance. Cette activité missionnaire lui valut d’être arrêté dans le temple par des Juifs qui voulurent le tuer. Dieu le protégea et lui permit jusqu’à ce jour de prêcher à tous l’accomplissement des prédictions de l’ancienne alliance par les souffrances et la résurrection de Christ, lumière d’Israël et des nations (19-23).
Résultats du discours de Paul
Paul, au moment de prendre la parole devant cette brillante assemblée (comparez Actes 25.23, note), étend la main, non pas, comme ailleurs (21.40), afin d’obtenir du silence, mais pour donner par ce geste plus de solennité à son exorde.
L’occasion était grave en effet. L’apôtre, qui en a appelé à l’empereur, sait qu’il ne sortira de sa prison que pour s’en aller à Rome et que c’est ici la dernière fois qu’il peut rendre témoignage à l’Évangile de la grâce dans son pays et devant un roi de sa nation.
Aussi, tout en se justifiant des accusations dont il est l’objet, son discours montre-t-il qu’il a encore plus à cœur de faire pénétrer la vérité divine dans les âmes qui l’entourent.
Quant à la marche de ce discours, dont Luc nous a conservé le résumé, voir l’analyse.
Ce court exorde est simple, digne, vrai, sans aucune trace de flatterie pour le royal auditeur et très compréhensible pour le gouverneur romain et ses officiers.
Paul, qui avait déjà comparu devant Festus, accusé par les Juifs (Actes 25.7) pouvait s’estimer heureux de parler en présence d’un roi qui connaissait les coutumes des Juifs et les questions agitées parmi eux, sans pourtant partager l’aveugle haine des prêtres. Il pouvait espérer d’en être compris.
L’apôtre jette d’abord un regard sur sa vie passée et il en appelle au témoignage de ces mêmes Juifs qui l’accusent.
Il rappelle qu’il a vécu, dès sa jeunesse, à Jérusalem, étudiant sous Gamaliel ; ses accusateurs le savent et ils savent aussi qu’il a vécu en pharisien selon la secte la plus exacte de la religion juive. De tels antécédents devaient déjà infirmer des accusations fausses.
Quelle criante contradiction ! Être accusé, mis en jugement par des Juifs à cause de l’espérance de tout le peuple d’Israël, des douze tribus ; une espérance sainte, fondée sur la promesse de Dieu aux pères (grec promesse survenue à nos pères de la part de Dieu) ; une espérance enfin vers l’accomplissement de laquelle tendent de tous leurs vœux (grec espèrent la rencontrer) les âmes pieuses qui servent Dieu (grec : rendent leur culte à Dieu) continuellement, jour et nuit !
Or, cette espérance, Paul prêchait qu’elle était accomplie dans le Messie, par sa vie, sa mort, sa résurrection (Actes 26.8 ; Actes 13.32 ; Actes 23.6 ; Actes 24.14-15 ; Actes 28.20), en un mot par l’établissement de son règne sur la terre.
Partout l’apôtre maintient ainsi l’unité de l’ancienne alliance et de la nouvelle, de la promesse de Dieu et de l’Évangile ; c’est pourquoi il pouvait, en toute vérité et dans tous ses discours, se considérer comme appartenant encore au peuple de Dieu.
Aussi se garde-t-il bien d’attribuer à tout ce peuple dont des milliers étaient devenus chrétiens, les injustes accusations portées contre lui ; des Juifs, dit-il (versets 2 et 7) et non les Juifs, selon un texte altéré (minuscule) ou des versions inexactes.
Il faut remarquer que ce discours s’adresse particulièrement au roi Agrippa (verset 3), comme le prouvent ces mots : nos pères et l’allusion aux espérances du peuple d’Israël.
Cette question abrupte prouve que Paul avait présenté la résurrection du Sauveur comme réalisation de l’espérance (verset 7) et peut-être aussi qu’il voyait des signes d’incrédulité sur la figure de quelques auditeurs.
Paul savait très bien que la résurrection des morts doit paraître incroyable à quiconque n’a pas la foi au Dieu vivant et vrai. Aussi sa question s’adresse-t-elle encore au Juif Agrippa, qu’il considérait comme croyant au moins la révélation divine (verset 27), c’est là le sens du mot parmi vous.
Et même il pose la question de manière à venir au secours du doute. Il ne dit pas : Est-il incroyable à votre jugement que Dieu ressuscite des morts ? Mais (grec) si Dieu les ressuscite. Si réellement il le fait, le nierez-vous, en jugeant que cela lui est impossibles ? Un fait n’est-il pas plus fort que tous les raisonnements ?
Au lieu de traduire ce verset comme dans notre texte, beaucoup d’exégètes et de versions le rendent ainsi : Pourquoi jugez-vous incroyable ? Le sens est au fond le même. Mais notre traduction est plus conforme au grec, qui porte littéralement : « Quoi d’incroyable juge-t-on si Dieu ressuscite ? »
Les premiers temps de sa vie qu’il venait de rappeler (versets 4-7), étaient déjà d’une grande force apologétique. Combien plus prouve-t-il la sincérité de sa foi dans le judaïsme et aussi la vérité divine de sa conversion, en exposant les persécutions qu’il avait exercées contre les chrétiens !
Pour faire de ce persécuteur convaincu un ardent apôtre de Jésus-Christ, il a fallu un miracle de la grâce, qui devait frapper même un Agrippa et qui, en tout temps, porte avec lui sa puissante démonstration. C’est donc par une raison profonde que Paul retrace successivement ces deux tableaux (versets 9-11 et verset 12 et suivants).
Mais il faut remarquer, dans ce que Paul rapporte de ses actes d’inimitié contre le nom de Jésus, divers traits qui ne se trouvent pas ailleurs.
Ainsi, à Jérusalem, il avait jeté en prison plusieurs des saints, c’est-à-dire des disciples de Jésus, auxquels il ne craint pas de donner ce beau nom de saints, même en présence d’une telle assemblée.
Ainsi encore, lorsqu’on les faisait mourir, il y donnait son suffrage. Le pluriel peut s’appliquer, par amplification, au seul cas d’Étienne. Des meurtres semblables ne durent pas se répéter souvent (Jean 18.31).
L’expression : j’y donnais mon suffrage, est figurée et signifie : j’approuvais, car Paul n’avait pas à voter dans le sanhédrin (comparer Actes 8.1 ; Actes 22.20).
Enfin souvent, les poursuivant dans toutes les synagogues et leur infligeant des punitions, il les contraignait de blasphémer, il s’efforçait de les faire abjurer ou maudire le nom de Jésus.
Et non content d’exercer ainsi à Jérusalem son extrême fureur, il voulut la porter jusque dans les villes étrangères.
Mais c’est ici que l’attendait le jour marqué par Dieu. On conçoit avec quelle profonde douleur l’apôtre rappelait ces choses (1 Corinthiens 15.9).
Voir sur ce récit Actes 9.3-9, notes et comparez Actes 22.6-11.
Cette troisième relation de la conversion de Paul est la seule où se trouvent deux traits remarquables.
D’abord les mots : en langue hébraïque. Paul, dans une assemblée composée comme l’était celle de Césarée (Actes 25.23), se servait sans aucun doute de la langue grecque ; il était donc naturel qu’il fit remarquer que la voix lui parla en dialecte hébreu (Actes 21.40, note). Il n’était pas moins naturel que le Seigneur, s’adressant à un Israélite, employât sa langue maternelle, celle de son enfance et de ses impressions religieuses les plus profondes (comparer Actes 22.2).
Ce détail, que l’apôtre tient à relever, sert à montrer l’entière réalité du grand fait qu’il raconte, il n’en avait oublié aucun trait.
Ensuite, notre relation est la seule qui renferme les mots : Il t’est dur de regimber contre les aiguillons. Cette expression figurée, employée aussi par les Grecs, est, dans son application à Paul, d’une vérité profonde. Ceux qui conduisent des bœufs les stimulent au moyen d’un long bâton terminé par une pointe en fer. Si l’animal résiste, regimbe, l’aiguillon s’enfonce dans ses chairs.
Telle eût été l’expérience de Paul s’il avait persisté dans sa révolte contre son Maître contre la vérité, contre sa propre conscience, après avoir entendu l’appel de Dieu. Plus la résistance se prolonge, plus elle devient dure, elle doit finir pour la créature morale et responsable par la soumission ou par la ruine.
L’apôtre, ou peut-être Luc, résumant son discours, réunit (versets 16-18) toutes les paroles qui furent adressées à Paul, soit par le Seigneur lui-même, soit par Ananias (Actes 9.15), soit par une révélation subséquente (Actes 22.17 ; Actes 22.21). C’est la vocation authentique et complète de Paul à l’apostolat.
Nous avons à relever diverses expressions importantes : lève-toi, tiens-toi sur tes pieds, ces mots ont un sens moral, non moins qu’une signification littérale : prosterné dans la poussière du chemin, Saul doit se relever avec espoir et courage et prendre une attitude propre aux travaux et aux combats qui lui sont réservés (Ézéchiel 2.1-3).
En effet, le but de cette apparition était de l’établir ministre (grec serviteur) et témoin (Actes 1.8 ; Actes 22.15, notes), de quoi ? Tant des choses qu’il venait de voir (B, C portent : des choses pour lesquelles tu m’as vu ; leçon adoptée par Westcott et Hort, Weiss) que de celles que le Seigneur lui révélera encore en lui apparaissant en d’autres occasions.
Quelques exégètes traduisent ce verbe : choses que je te ferai voir ; mais comme la forme est purement passive, elle ne peut signifier que : je serai vu de toi ou je t’apparaîtrai.
Le Seigneur apparaîtra encore à son serviteur pour le délivrer de tous les dangers, soit qu’ils lui viennent de ce peuple Juif ou de la part des païens.
On a proposé de traduire : en te choisissant du milieu,…mais c’est contraire au sens constant de ce verbe dans notre livre (Actes 7.10-34 ; Actes 12.11 ; Actes 23.27) et d’ailleurs Paul n’a pas été choisi du milieu des païens.
Ces mots : vers lesquels je t’envoie (Jérémie 1.7), désignent également l’un et les autres (comparer verset 20). En effet, Paul s’adressait partout d’abord à sa nation et ne se tournait vers les païens que lorsque les Juifs le repoussaient (Actes 13.5, note). Il convenait au but de son discours devant Agrippa de bien constater ce fait.
Le but de la vocation de Paul est magnifiquement exposé par lui dans ces paroles.
Il y a là une chaîne de grâces divines à laquelle ne manque pas un anneau, depuis le moment où les yeux s’ouvrent à la lumière de l’Évangile jusqu’à celui où une âme sauvée prend sa part parmi les bienheureux sanctifiés (Ésaïe 35.5 ; Ésaïe 42.6-7 ; Ésaïe 42.16).
Les mots si importants : par la foi en moi, indiquent le moyen d’obtenir la rémission ou le pardon des péchés et par là même le salut éternel.
C’était, pour les auditeurs de Paul, une invitation à prendre leur part dans toutes ces grâces divines.
Cette partie du discours ne renferme que des idées et des expressions très familières à notre apôtre, preuve manifeste de la fidélité avec laquelle Luc les a recueillies (Colossiens 1.12 et suivants ; Éphésiens 2.2 ; Éphésiens 5.8 ; 2 Corinthiens 4.4-6 ; Actes 20.32).
En interpellant Agrippa par son nom, Paul s’adresse à la conscience du roi ; il invite celui-ci à suivre l’exemple qu’il lui a donné en ne résistant point à la vision céleste.
Grec : Je ne devins pas désobéissant à la vision céleste : cette expression marque « la liberté de l’homme en face de l’appel du Seigneur », comme dit M. Barde (comparer Jean 20.27, note).
Dans la description qu’il fait de son activité parmi Juifs et païens, depuis le moment de sa conversion jusqu’à maintenant, Paul est forcé d’abréger et de passer sous silence divers détails de ce qui eut lieu entre sa conversion et ses premières prédications, tant à Damas qu’à Jérusalem.
C’est donc à tort qu’on a voulu voir une contradiction entre ce rapide exposé et quelques passages de l’épître aux Galates (Galates 1.21-22, comparez Actes 9.19-20, notes).
Dire à Agrippa que l’objet de sa prédication était la repentance et la conversion, c’était encore lui montrer le chemin du salut. Paul emploie ici quelques expressions qui rappellent la prédication de Jean-Baptiste (Matthieu 3.8). Ce souvenir ne pouvait-il pas aussi faire sur le roi une sérieuse impression ?
L’apôtre revient, en finissant, au moment où il fut arrêté dans le temple par des Juifs, qui voulaient le tuer (grec le tuer de leurs mains, Actes 5.30, note ; comparez Actes 21.30-31), ce qui fut l’origine de son emprisonnement et de tout son procès.
Aussi aime-t-il à attribuer au secours de Dieu le fait qu’il subsiste jusqu’à aujourd’hui et peut rendre témoignage à tous de la vérité divine, mais en se conformant à ce qu’ont annoncé à l’avance Moïse et les prophètes.
Tout l’Évangile n’est, en effet, que l’accomplissement de leurs prophéties (Luc 24.27-44) et cet Évangile se résume dans ces deux faits d’une portée immense : les souffrances et la résurrection du Christ (Luc 24.26). C’est de lui que resplendit la lumière divine sur le peuple (juif) et sur les nations (Luc 2.32 ; Ésaïe 42.6 ; Ésaïe 49.6).
Cette fin du discours est un magnifique témoignage rendu à l’Évangile, dans son harmonie profonde avec les promesses de l’Ancien Testament (Ésaïe 53).
Il faut remarquer encore ici les pensées et les expressions mêmes familières à l’apôtre Paul : ainsi il nomme Christ (grec) le premier de la résurrection des morts (voir 1 Corinthiens 15.20 ; Colossiens 1.18 ; et comparez Apocalypse 1.5).
Enfin, l’apôtre ne dit pas directement, comme prédiction des prophètes, que le Christ devait souffrir, que le premier il ressusciterait d’entre les morts, mais (grec) si le Christ devait souffrir, si le premier, etc.
Paul emploie à dessein cette tournure pour faire comprendre à Agrippa que c’étaient là les sujets en question entre lui et les Juifs, ses accusateurs ; car ceux-ci, dans leurs vues charnelles, attendaient, non un Messie souffrant, qui doit mourir pour les péchés de l’homme et ressusciter pour sa justification et sa vie, mais un Messie glorieux et triomphateur selon le monde (1 Corinthiens 1.23).
Festus, Impatienté d’entendre des vérités qui dépassaient l’horizon de son paganisme, peu touché dans son froid scepticisme de l’ardente parole d’un apôtre, désappointé de ne pas trouver dans le discours de son prisonnier les informations juridiques qu’il attendait sur sa cause, s’écrie à haute voix : Tu es hors de sens, Paul !
Et il attribue ce qui lui paraissait une exaltation d’esprit au grand savoir dans les lettres (sens de l’original grec), qu’il avait remarqué dans les nombreuses citations que Paul faisait des Écritures.
Cette parole de Festus n’est ni une plaisanterie ironique (Olshausen), ni l’expression de la colère (Chrysostome, Meyer), mais une marque d’impatience manifestée par une expression hyperbolique qui dépassait de beaucoup sa vraie pensée.
Ce terme : Tu es hors de sens, ne doit pas être regardé comme une insulte, car il n’était ni dans le caractère ni dans la position du gouverneur d’outrager un prisonnier pour lequel, au fond, il avait de l’estime (Actes 26.31 ; Actes 25.25).
D’ailleurs le mot de l’original n’a jamais ce sens injurieux dans le Nouveau Testament, mais il exprime un Jugement exagéré sur quelqu’un dont le langage paraît incroyable à ceux qui l’écoutent (Jean 10.20 ; Actes 12.15 ; 1 Corinthiens 14.23).
La réponse calme et respectueuse de Paul montre assez qu’il ne se croyait pas insulté. Il savait bien, le grand apôtre des païens, que la prédication de Christ crucifié est une folie pour les Grecs, mais il se servait pour le dire, d’un autre terme (1 Corinthiens 1.23).
Des paroles de vérité objective, divine et de bon sens en celui qui les prononce.
Quiconque prêche l’Évangile avec fidélité doit paraître hors de sens à l’homme du monde, tandis que cet Évangile est pour lui-même le suprême bon sens.
Le ton même de cette réponse de Paul était la meilleure réfutation du jugement de Festus.
Paul en appelle au jugement d’Agrippa qui, comme Juif, devait connaître les grands faits de l’histoire évangélique, que l’apôtre venait de rappeler dans son discours.
C’est ce qu’il désigne par ce mot : ces choses ; Agrippa ne pouvait les ignorer, ajoute l’apôtre, car elles ne s’étaient pas passées en cachette (grec dans un coin), mais très publiquement, dans la grande ville de Jérusalem.
Après en avoir appelé au témoignage d’Agrippa, Paul se tourne vers lui et, poussé par son zèle apostolique, lui adresse une question directe pour l’obliger à prendre parti.
En ajoutant cette affirmation positive : Je sais que tu y crois, il en appelait à la croyance commune à tous les Juifs, car il n’est pas probable qu’il fut spécialement instruit des opinions personnelles de son royal auditeur.
On peut voir aussi dans ses paroles un bienveillant encouragement à retenir ces croyances et à les professer.
Codex Sinaiticus, B, quelques minuscules et versions ont : Tu me persuades de (me) faire chrétien.
Cette leçon est adoptée par Tischendorf, Weiss, Nestle. Lachmann et Blass préfèrent le texte de A : tu te persuades (verbe au moyen), c’est-à-dire tu crois me faire chrétien. Cette leçon paraît être une correction, de même que celle des majuscules plus récents et de la plupart des minuscules qui est : tu me persuades de devenir chrétien.
Le texte le plus autorisé : En peu tu me persuades de faire un chrétien, résulte, comme le dit M. Wendt, de la fusion de ces deux idées : tu vas me persuader de devenir chrétien, et : tu vas faire de moi un chrétien. Il doit donc se traduire : En peu tu vas en me persuadant faire de moi un chrétien.
Mais quel est le sens des mots en peu dans cette parole d’Agrippa, en peu…en grand…, dans la réplique de Paul ?
Pour compléter cette locution, on peut sous-entendre : temps ou discours. Ce dernier terme semble indiqué par l’antithèse qui se trouve dans la réponse de Paul : en un grand.
Qu’on voie dans ces mots un circonstanciel de temps ou qu’on les entende du moyen employé, le sens est au fond le même : il s’agit la promptitude ou de la facilité avec laquelle serait opérée la conversion d’Agrippa au christianisme.
Une autre question, plus importante, mais plus difficile à résoudre d’une manière certaine, est celle-ci : la parole d’Agrippa est-elle ironique ou non ?
Si l’on y voit une fin de non-recevoir, empreinte d’ironie, il faut traduire : C’est en un temps bien court, ou en un bien bref discours (Rilliet : à peu de frais) que tu prétends me persuader de me faire chrétien, mais il en faudrait beaucoup plus !
On fait remarquer, à l’appui de cette interprétation, que le mot de chrétien, peu en faveur à cette époque, doit avoir, dans la bouche d’Agrippa, un sens ironique. Telle est l’explication de la plupart des interprètes modernes (Meyer, Zöckler, Weiss, Blass, Barde).
Mais on peut objecter à cette explication :
Cette seconde interprétation, qui nous paraît la plus probable, a été présentée déjà par Chrysostome et les Pères ; elle a été introduite par Théodore de Bèze dans nos anciennes versions françaises. Calvin hésitait entre les deux. Elle se trouve aussi dans la version anglaise et dans celle de Luther ; le profond exégète R. Stier la défend énergiquement et récemment M. Wendt l’a soutenue dans un exposé très clair et convaincant.
Cette perspective même d’être persuadé par l’apôtre fait reculer Agrippa. Qu’il devienne un chrétien, lui, le roi juif, c’est impossible ! Aussi sa réflexion, bien qu’elle soit exprimée avec émotion et qu’elle témoigne de l’impression qu’il a reçue, est-elle une manière de rompre l’entretien.
Mais sans se laisser arrêter, Paul, dans son ardent amour des âmes, réplique : (grec) Je voudrais prier Dieu que et avec peu et avec grand, c’est-à-dire, qu’il suffise pour cela de peu de paroles, ou qu’il faille un grand discours, tu deviennes tel que je suis.
Puis il étend ce vœu de son cœur à tous ceux qui l’écoutent.
Enfin, par un reste émouvant et plein de délicatesse, entendant ses mains chargées de chaînes, il ajoute : à l’exception de ces liens.
Jamais l’apôtre Paul ne s’était montré plus grand que dans ce discours, en présence du dernier des rois de son peuple.
Même Meyer, qui voit dans la réponse d’Agrippa une ironie, reconnaît que la dernière parole, si émouvante, de l’apôtre avait pu faire sur le prince une impression qu’il n’aurait pu cacher s’il l’avait écouté plus longtemps et qu’à cause de cela, il se lève et se retire, suivi de toute l’assistance.
Alors, se consultant ensemble, ces grands personnages sont unanimes à reconnaître l’innocence de Paul, comme auparavant les gouverneurs Félix et Festus.
Bien plus, le roi Agrippa énonce expressément son opinion en ces termes : Cet homme pouvait être mis en liberté.
La seule raison de le retenir prisonnier, c’est qu’il en avait appelé à César.
Ainsi Festus était parvenu à son but, qui était d’obtenir l’avis d’Agrippa sur la cause du prisonnier (Actes 25.26) ; et cet avis était tout à fait favorable à l’apôtre.
Tel fut l’un des résultats du dernier discours du grand apôtre au milieu de son peuple. Ce puissant témoignage rendu à l’Évangile portat-il d’autres fruits dans les âmes ? L’éternité le révélera.
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