1 En vérité, en vérité, je vous le dis : Celui qui n’entre pas par la porte dans le bercail des brebis, mais qui y monte par ailleurs, est un voleur et un brigand. 2 Mais celui qui entre par la porte est un berger des brebis. 3 Le portier lui ouvre, et les brebis entendent sa voix, et il appelle par leur nom ses propres brebis, et les mène dehors. 4 Quand il a fait sortir toutes ses propres brebis, il marche devant elles, et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix. 5 Mais elles ne suivront point un étranger ; au contraire, elles fuiront loin de lui, parce qu’elles ne connaissent point la voix des étrangers.
6 Jésus leur dit cette similitude ; mais ils ne comprirent point quelles étaient les choses dont il leur parlait. 7 Jésus leur dit donc encore: En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. 8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont point écoutés. 9 Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; et il entrera et sortira, et trouvera de la pâture. 10 Le voleur ne vient que pour dérober, et pour tuer et pour détruire ; moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance.
11 Je suis le bon berger ; le bon berger donne sa vie pour ses brebis. 12 Mais le mercenaire, qui n’est point un berger, et à qui les brebis n’appartiennent pas en propre, voit venir le loup et abandonne les brebis et s’enfuit ; et le loup les ravit et les disperse. 13 Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se soucie point des brebis. 14 Moi je suis le bon berger, et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, 15 comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. 16 J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; celles-là aussi, il faut que je les amène ; et elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger. 17 C’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre. 18 Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner, et j’ai le pouvoir de la reprendre ; tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père.
19 Il y eut de nouveau division parmi les Juifs à cause de ces paroles. 20 Plusieurs d’entre eux disaient : Il a un démon et il est hors de sens ; pourquoi l’écoutez-vous ? 21 D’autres disaient : Ce ne sont pas là les discours d’un démoniaque. Un démon peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? 22 Or on célébrait à Jérusalem la fête de la dédicace ; c’était l’hiver. 23 Et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. 24 Les Juifs l’entourèrent donc, et ils lui disaient : Jusques à quand tiendras-tu notre âme en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le-nous franchement. 25 Jésus leur répondit : Je vous l’ai dit, et vous ne croyez pas ; les œuvres que je fais au nom de mon Père, ce sont elles qui rendent témoignage de moi. 26 Mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes point de mes brebis, comme je vous l’ai dit. 27 Mes brebis entendent ma voix, et moi, je les connais, et elles me suivent ; 28 et moi, je leur donne la vie éternelle, et elles ne périront jamais, et nul ne les ravira de ma main. 29 Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tous, et nul ne les peut ravir de la main de mon Père. 30 Moi et le Père nous sommes un.
31 Les Juifs apportèrent donc de nouveau des pierres pour le lapider. 32 Jésus leur répondit : Je vous ai fait voir, de par le Père, beaucoup de bonnes œuvres ; pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ? 33 Les Juifs lui répondirent : Ce n’est point pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème, et parce qu’étant homme, tu te fais Dieu. 34 Jésus leur répondit : N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux. 35 Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu était adressée (et l’Écriture ne peut être abolie), 36 Celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, vous lui dites : Tu blasphèmes, parce que j’ai dit : Je suis Fils de Dieu ! 37 Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; 38 mais si je les fais, encore que vous ne me croyiez pas, croyez à mes œuvres ; afin que vous sachiez et que vous reconnaissiez que le Père est en moi, et que je suis dans le Père. 39 Ils cherchaient donc de nouveau à se saisir de lui, mais il s’échappa de leurs mains.
40 Et il s’en alla de nouveau au-delà du Jourdain à l’endroit où Jean se tenait d’abord baptisant, et il demeura là. 41 Et beaucoup de gens vinrent à lui et ils disaient : Jean, il est vrai, n’a fait aucun miracle ; mais tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai. 42 Et plusieurs crurent en lui en ce lieu.
Ce discours est en relation étroite avec les paroles et les faits rapportés au chapitre précédent. La conduite des Juifs qui cherchaient à annuler l’impression produite par la guérison de l’aveugle, soit en niant le miracle, soit en persécutant celui qui en avait été l’objet, obligea Jésus de leur dire de sévères vérités sur leur propre aveuglement (Jean 9.39-41). Il s’efforce maintenant de faire sentir à ces orgueilleux persécuteurs qu’ils ne sont pas moins coupables comme conducteurs du peuple que comme individus. Ses premiers mots sont solennels : En vérité, en vérité.
Cette belle allégorie, que le Sauveur emprunte aux mœurs pastorales de l’Orient, était familière à ses auditeurs. Afin de préserver leurs troupeaux des bêtes féroces ou des voleurs, les bergers les réunissaient en pleine campagne, dans un bercail à ciel ouvert, entouré d’un mur.
On y ménageait une porte, à laquelle se tenait un serviteur bien armé, qui faisait la garde et ne laissait entrer que les bergers à lui connus. Sur le matin, venaient ces bergers ; chacun appelait ses propres brebis qui, connaissant sa voix, le suivaient pour s’en aller au pâturage. Jésus lui-même expose, dans son discours, le sens spirituel qu’il attache aux divers traits de cette allégorie.
Mais, comme il varie dans l’application de ces divers traits, on peut se demander si nous avons ou non plusieurs paraboles enchaînées l’une à l’autre.
M. Godet en distingue trois : celle du berger (versets 1-6), celle de la porte (versets 7-10), celle du bon berger (versets 11-18).
M. Weiss ne trouve dans ce discours que deux paraboles : la première versets 1-10, qu’il intitule la parabole du berger et du brigand ; la seconde, versets 11-18, qu’il appelle la parabole du berger et du mercenaire.
Nous estimons plus conforme au texte, plus respectueux de ses nuances, de ne voir dans ce morceau qu’une seule similitude, que Jésus expose en termes généraux dans les versets 1-5 et dont il fait deux applications différentes, en s’identifiant tour à tour avec la porte par laquelle doivent passer bergers et brebis (versets 7-10) et avec le vrai berger auquel les brebis appartiennent et qui donne sa vie pour elles (versets 11-18).
Dans l’exposé premier de la parabole (versets 1-5) sont déjà sous-entendues les applications que Jésus fera des deux traits principaux : la porte et le berger légitime. La porte représente Jésus lui-même (note suivante, comparez verset 7) ; et le berger que nous décrivent les versets 3 et 4, ne peut être un autre que le bon Berger ; de lui seul on peut dire avec vérité que « les brebis lui appartiennent » et « qu’il les appelle par leur nom ». Le tableau des versets 3 et 4 contient en germe la peinture de l’activité du bon berger (versets 11-18).
Le bercail des brebis, c’est le peuple de Dieu, Israël, dont Jéhovah, par l’organe de ses prophètes, s’était proclamé le berger et auquel il avait promis l’envoi de bergers selon son cœur (Jérémie 23.1-8 ; Ézéchiel 37.24 ; Ésaïe 40.11).
La porte, par laquelle doit entrer tout vrai berger des brebis, ne représente pas seulement l’autorisation divine donnant l’accès légitime au bercail (Tholuck, Godet et d’autres), mais Christ lui-même, comme il est dit expressément (verset 7).
Les vrais conducteurs du peuple de Dieu ne peuvent entrer que par lui dans leur vocation ; c’est lui qui les en rend capables et les y appelle ; lui qui établit une relation intime entre eux et les brebis.
Il en était tout autrement des pharisiens qui, indépendants de lui, incrédules et ennemis de sa vérité, s’arrogeaient la qualité de conducteurs du peuple de Dieu.
Il est donc tout à fait arbitraire d’admettre que Jésus ne se désignait pas encore ici sous cette image de la porte, bien qu’il le fasse ensuite si expressément (versets 7 et 9).
Lui même ajoute à l’image son interprétation, a dit Mélanchton et nous devons nous en contenter.
Celui donc qui entre par Christ est un berger, ou simplement est berger des brebis, par opposition « au brigand et au voleur » (verset 1). Il faut remarquer que ce mot, sans l’article, est laissé dans toute sa généralité.
Il en est autrement quand Jésus lui-même s’appelle le berger, le bon berger (versets 11 et 14).
Mais si Jésus commence par relever les conditions que doit remplir tout berger des brebis, afin de montrer que les chefs du peuple étaient des voleurs (versets 1 et 2), sa pensée, sortant de la généralité, s’attache, dès le verset 3, au seul berger véritable.
Le portier est, comme nous l’avons indiqué, ce serviteur armé qui veillait à l’entrée du bercail. Jésus n’ayant point interprété ce trait de la similitude, les exégètes ont voulu suppléer à son silence.
Les uns donc ont vu dans ce portier Dieu (Jean 6.44), qui ouvre l’entrée de son royaume ; d’autres, le Saint-Esprit, qui y prépare les cœurs ; d’autres, Moïse qui par la loi, fraye les voies à l’Évangile (Jean 5.46) ; d’autres, Christ lui-même, d’autres enfin, Jean-Baptiste, le précurseur du Sauveur.
De ces diverses interprétations, la dernière, proposée par M. Godet, est la plus vraisemblable (Jean 1.6-7 ; Jean 1.35 ; Matthieu 21.23, suivants) ; mais il nous paraît plus naturel de voir seulement dans ce détail l’indication que le vrai berger trouve accès au bercail des brebis.
Admirable tableau d’une relation intime pleine de confiance et d’amour, entre le berger et les brebis ! Lui, dès qu’il est entre dans le bercail, appelle ses brebis par leur nom ; il connaît, il nomme chacune d’elles (comparez Ésaïe 43.1 ; Jean 1.43 ; Jean 20.16), il les mène dehors ; et, quand il a fait sortir toutes (B, D, Itala) ses propres brebis, il marche devant elles, pour les conduire au pâturage.
Elles, de leur côté, entendent sa voix, et, parce qu’elles connaissent cette voix, elles le suivent docilement.
Le mot deux fois répété : ses propres brebis, semble établir une distinction entre celles qui appartiennent au berger et d’autres.
Par son appel, le berger opérerait un triage entre les brebis ; celles qui entendent sa voix représenteraient les membres vivants du troupeau, selon l’expression de Calvin, ou, suivant l’explication de M. Godet, ces brebis, que le berger mène dehors, figureraient
la sortie du troupeau messianique de l’enclos théocratique dévoué à la ruine.
Mais il n’est pas dit expressément que l’enclos renferme plusieurs troupeaux mélangés.
Le terme ses propres brebis signifie simplement qu’elles sont à lui, lui appartiennent en propre et que, comme telles, il les aime. On peut lire aux versets 5 et 12 la pensée opposée.
Les brebis, loin de suivre un étranger, fuiront loin de lui, par cette raison qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers.
Il y a en tout vrai disciple de Jésus un tact chrétien, un discernement des esprits, qui lui font immédiatement reconnaître une parole, un enseignement, un ton, une manière d’agir opposés au caractère du vrai berger, retracé dans les versets 3 et 4.
Ce que les auditeurs de Jésus ne comprirent point, ce ne sont pas les termes simples et clairs qu’il employait, mais les choses spirituelles et morales qu’il voulait enseigner.
Ils ne pouvaient ni ne voulaient les comprendre ; car leur aveuglement (comparez Jean 9.40-41) les rendait incapables de saisir de telles vérités.
Voilà surtout ce que les adversaires ne voulaient ni comprendre ni croire ; c’est que Jésus-Christ est la porte des brebis (verset 2, note), par laquelle seule entrent les vrais bergers (verset 8) et les brebis elles-mêmes (verset 9).
C’est ici la première application de notre similitude que Jésus se fait à lui-même ; une seconde, la principale, est au verset 11 et suivants.
C’est là une parole qui a singulièrement occupé les interprètes et qui est, en effet, assez difficile à expliquer.
Un commentateur célèbre (de Wette) trouve qu’elle ne répond pas à la sagesse et à la douceur de Jésus et renonce à lui trouver un sens satisfaisant.
Les mots : avant moi, sont omis par neuf majuscules, plus de cent minuscules, l’Itala, la Vulgate et des Pères de l’Église. Tischendorf les omet, mais leur retranchement a tout l’air d’être une correction destinée à aplanir la difficulté, il change du reste peu de chose à la pensée. La plupart des critiques et des exégètes les conservent, se fondant sur B, A, D, majuscules.
Mais quelle est la pensée du Sauveur ? Évidemment il ne parle ni de Moïse, ni des prophètes, dont il reconnaît l’autorité dans mainte parole de notre Évangile (Jean 4.22 ; Jean 5.39 ; Jean 5.45-47).
Les termes de voleurs et de brigands ne sauraient s’appliquer non plus aux faux messies, qui n’apparurent qu’à une date postérieure. Enfin c’est faire violence au texte que de prendre avant moi dans le sens de : « en se séparant de moi » ou de traduire à ma place.
Jésus parle uniquement des chefs actuels de la théocratie, auxquels s’adressait ce discours et qu’il a déjà désignés dans les mêmes termes au verset 1.
C’est ce que prouve très clairement le verbe au présent, sont des voleurs et des brigands, qu’il faut bien se garder de traduire, avec Ostervald, par ont été. Jésus peut dire d’eux : ils sont venus avant moi :
parce qu’il les a déjà trouvés à l’œuvre quand il a commencé son propre travail en Israël… La parabole des vignerons dans les synoptiques est l’explication de cette parole de Jésus.
Ne méritaient-ils pas les épithètes de voleurs et de brigands, ces hommes qui s’étaient emparés du peuple de Dieu pour l’opprimer de leur tyrannie ; qui, « ayant enlevé la clef de la science, n’étaient pas entrés eux-mêmes, mais empêchaient d’entrer ceux qui le voulaient » (Luc 11.52 ; comparez Matthieu 7.15) ; qui bientôt formeront contre le Sauveur des desseins meurtriers et dont la haine ne sera pas même assouvie quand ils l’auront cloué sur la croix, mais qui poursuivront de leurs persécutions ses disciples ?
Qu’on relise, à Matthieu 23, les jugements terribles prononcés par le Christ sur cette hiérarchie orgueilleuse, hypocrite et ennemie de la vérité et l’on ne trouvera plus rien d’étrange dans la sentence de notre texte.
Les brebis sont ici les mêmes dont Jésus a parlé aux versets 3 et 4. Ce n’étaient pas seulement les âmes pieuses qui refusaient d’écouter les pharisiens et les scribes ; mais, en général, les classes pauvres et souffrantes du peuple, pour lesquelles ces hommes n’avaient ni cœur ni entrailles, qui se sentaient abandonnées « comme des brebis qui n’ont point de berger » (Matthieu 9.36) et qui tremblaient de crainte sous l’oppression de leurs chefs (Jean 9.22).
Jésus vient de dire que les brebis n’ont pas écouté la voix des faux conducteurs ; dans les verset 9 et 10, qui forment un contraste frappant avec les paroles qui précèdent, il peint l’heureuse condition de ceux qui viennent à lui.
Il est la porte. Si quelqu’un entre par lui dans le bercail des brebis, s’il obtient par lui la réconciliation avec Dieu et l’accès à son royaume, voici les biens immenses dont il jouira : il sera sauvé, ce qui ne signifie point seulement, comme le pense Meyer : il trouvera protection et sécurité, mais bien : il sera sauvé d’un salut éternel.
Ensuite : il entrera et sortira, expression hébraïque qui signifie le libre usage d’une demeure dans laquelle on entre et de laquelle on sort à volonté, où l’on se sent chez soi, pour parler avec M. Godet et désigne d’une manière générale, la liberté des mouvements, de l’activité que rien n’entrave (Deutéronome 28.6 ; Deutéronome 31.2 ; Jérémie 37.4 ; Actes 1.21, note).
Enfin : il trouvera de la pâture, terme dont le sens spirituel se comprend de soi-même et qui est abondamment expliqué au verset suivant.
Ce dernier mot aurait dû suffire pour faire comprendre que Jésus parle ici des brebis et non des bergers ; il rend inadmissible l’explication de Meyer et de Luthardt d’après ; laquelle, au verset 9 encore, Jésus se présenterait comme la porte pour les bergers aussi bien que pour les brebis (comparer verset 1).
En appliquant ce verset au berger, ils prétendent « qu’il sera sauvé » dans le sens de 1 Timothée 4.16 et « qu’il trouvera de la pâture » pour le troupeau. Interprétation certainement forcée.
Encore une fois, Jésus fait ressortir le contraste entre le voleur (versets 1 et 8) qui n’a que des pensées d’injustice, de meurtre, de destruction et lui-même qui est pour les siens la source de la vie, de la vie éternelle, qu’il peut et veut leur communiquer en abondance.
Par cette affirmation de ses compassions infinies et de son amour pour les brebis, Jésus prépare la révélation qu’il va donner en se présentant lui-même comme le bon berger, comparaison qu’il développera au long (versets 11-18), en l’opposant à l’image du mercenaire.
Grec : moi, je suis le berger, le bon.
Jésus ne dit pas : un berger, comme au verset 2 et comme Luther traduit à tort ; mais le berger, dans un sens absolu et exclusif. Puis l’adjectif signifie à la fois bon et beau :
il désigne chez les Grecs la bonté comme suprême beauté morale. Ce mot explique l’article le : Celui qui réalise parfaitement ce type sublime.
En parlant ainsi, Jésus présentait à ses auditeurs, comme pleinement réalisée en lui, une image qui leur était familière par les Écritures (voir Psaumes 23.1, Psaumes 80.1 ; Ésaïe 40.11 ; Ézéchiel 34.11-23).
Seulement, comme dans tous ces passages de l’Ancien Testament c’est l’Éternel lui-même qui se représente sous l’image du berger, on voit que Jésus, en nous montrant en lui la pleine réalisation de cette image, parle avec la conscience d’être un avec Dieu.
C’est ici la seconde application de la similitude (verset 7, note et verset 2, note). Il n’y a point de contradiction à ce que Jésus se représente, à la fois, comme la porte et comme le berger. Il est la porte par laquelle seule les bergers et les brebis entrent dans le bercail du royaume de Dieu, et, dans ce royaume, il est le conducteur suprême des uns et des autres. Il est le Berger des bergers et le Berger des brebis.
Grec : met sa vie, littéralement son âme, pour ses brebis. Cette manière de parler est propre à notre évangéliste (Jean 10.15 ; Jean 10.17-18 ; Jean 13.37-38 ; Jean 15.13 ; 1 Jean 3.16).
L’expression : il met sa vie, signifie que le bon berger expose sa vie dans le combat, pour la défense de ses brebis, par opposition au mercenaire qui s’enfuit lâchement (verset 12), elle annonce l’immense sacrifice par lequel Jésus livrera sa vie pour sauver les siens (Jean 13.37).
Quelques exégètes pensent que ce terme figuré est emprunté à l’idée d’un vêtement qu’on dépose (Jean 13.4) ou à celle d’un dépôt d’argent, d’une rançon payée (Matthieu 20.28).
Mais ces idées ne peuvent s’appliquer aux relations que le berger a soit avec ses brebis, soit avec le loup.
Le personnage du mercenaire, différent de celui du voleur et du brigand (versets 1 et 8), est dans la similitude un trait nouveau. Son caractère est retracé en quelques traits saisissants.
Il est mercenaire, il ne travaille qu’en vue d’un salaire ; il n’est pas berger, les brebis ne lui appartiennent pas en propre, il n’a donc pour elles ni intérêt ni amour : À l’approche du danger, il abandonne les brebis et s’enfuit.
Cette odieuse conduite est expliquée par le caractère servile et intéressé du personnage, qui ne se soucie point des brebis.
Qui est-ce que Jésus a voulu peindre dans cette image nouvelle ?
La plupart des interprètes l’appliquent aux pharisiens qui étaient alors les conducteurs d’Israël et que Jésus a comparés précédemment à des « voleurs » et des « brigands » (verset 8, note). M. Godet y voit les sacrificateurs et les lévites, seuls fonctionnaires attitrés et salariés de la théocratie, tandis que le loup figurerait les pharisiens, qui obligeaient les chefs légitimes à plier devant eux et à subir leur influence.
Nous pensons plutôt que la figure du mercenaire est surtout destinée à faire ressortir par contraste le caractère du bon berger (Hengstenberg, Weiss). Il y a eu malheureusement, de tous temps des conducteurs de brebis qui, n’étant pas animés de l’esprit du Berger, ont réalisé ce triste type. Les mercenaires n’ont jamais manqué dans l’Église de Dieu.
De même la comparaison du loup, qui ravit quelques-unes des brebis et disperse les autres, qui, en un mot, exerce un véritable ravage dans le troupeau, ne doit pas être entendue d’une catégorie spéciale : les pharisiens (Godet) ou les hérétiques, ennemis de la vérité (Augustin, d’après Actes 20.29), c’est toute la puissance ennemie du royaume de Dieu, cette puissance qui se personnifie dans le prince de ce monde (Jean 12.31 ; Jean 14.30).
Au verset 13, les mots : mais le mercenaire s’enfuit, sont omis par Codex Sinaiticus, B, D.
Jésus répète cette grande déclaration : Je suis le bon berger, pour la mettre en opposition avec le caractère du mercenaire ; puis il décrit en deux traits profonds ce qui fait de lui le Berger parfait.
D’abord, il y a entre lui et ses brebis une connaissance mutuelle fondée sur la confiance et l’amour, une communion de même nature que celle qui existe entre lui et son Père (comparer Jean 14.20 ; Jean 15.10 ; Jean 17.8 ; Jean 17.21-26).
Ensuite, ce qui le caractérise surtout comme le bon Berger, c’est le dévouement suprême de son amour : Il donne sa vie pour ses brebis (verset 11, note).
Ainsi se consomme la communion profonde et vivante du fidèle avec Dieu par l’intermédiaire du Sauveur, qui, pour réintroduire les siens dans cette unité divine, donne sa vie.
Codex Sinaiticus, B, D, versions portent : et mes brebis me connaissent, au lieu de la leçon reçue : je suis connu de mes brebis.
Jésus, en se déclarant encore une fois le bon berger et en décrivant son œuvre divine qui se consommera par sa mort (versets 14 et 15), est saisi de la pensée que cette œuvre ne sera pas limitée à son peuple et il jette un regard plein de joie sur ce prochain avenir où les païens auront part aussi aux fruits de son sacrifice et entreront dans le royaume de Dieu.
Mais il faut bien remarquer chaque terme de cette grande prophétie, qui nous montre quelle vue lumineuse le Seigneur avait de l’avenir de son règne :
De droit, Jésus est toujours le seul Pasteur, il le deviendra donc de droit et de fait.
L’accomplissement de cette grande parole de Jésus qui nous révèle si magnifiquement l’universalité de l’Évangile de la grâce ; a commencé avec la conversion des païens et se poursuit à travers des siècles par l’évangélisation du monde, jusqu’à ce qu’il soit arrivé à sa perfection (Romains 11.25).
Jésus a achevé de décrire la conduite du bon Berger (versets 11-16), le bon berger se dévoue jusqu’à la mort (versets 11 et 15).
Mais cette mort, Jésus éprouve le besoin d’en expliquer le caractère moral et d’en indiquer les motifs il déclare solennellement qu’elle sera parfaitement libre (versets 17 et 18).
De la part de Dieu, aucune contrainte ne lui est imposée, car toute communication entre le Père et lui est une effusion de l’amour divin (Jean 3.35 ; Jean 5.20).
Ainsi, spécialement dans le don de sa vie, le Père l’aime, parce que son sacrifice accomplit le dessein éternel de l’amour divin, le salut du monde. Dans le mystère de notre rédemption, il faut donc bien se garder de penser qu’il n’y a en Dieu que la justice qui demande satisfaction et que le Fils seul manifeste l’amour qui sauve le pécheur. Nous sommes redevables du salut à l’amour du Père aussi bien qu’à l’amour du Fils (Jean 3.16).
Mais si Jésus donne sa vie, ce n’est pas, ce ne pouvait pas être, pour rester dans la mort ; il la donne afin de la reprendre (grec afin que je la prenne de nouveau).
Ces mots ne marquent pas seulement la suite ou la condition de sa mort comme le pensent Calvin et de Wette mais l’intention, clairement exprimée, le but avéré du Sauveur.
Il veut reprendre sa vie, afin de poursuivre comme glorifié son office de Berger suprême.
Et si sa mort est la rançon pour les péchés du monde sa résurrection est la vie des siens. Voilà pourquoi, dans les synoptiques, toutes les fois que Jésus annonce ses souffrances et sa mort, il annonce en même temps sa résurrection (Matthieu 16.21 et ailleurs).
Si, de la part de Dieu, aucune contrainte n’était imposée à Jésus autre que celle de l’amour (verset 17), de la part des hommes, nul ne pouvait, sans sa volonté, lui ôter la vie ; il la donne de lui-même, dans la sainte liberté de l’amour. La nécessité de mourir est, pour l’homme, la suite du péché (Romains 6.12) ; pour le Saint et le Juste cette nécessité n’existait pas.
Jésus l’affirme dans cette déclaration répétée : J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre.
Cette parole du Sauveur n’est point en contradiction avec la doctrine constante du Nouveau Testament d’après laquelle c’est Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (Actes 2.32 ; Actes 3.15 ; Actes 4.10 ; Romains 6.4) car, comme le dit M. Godet :
Si c’est dans le Père qu’est la puissance qui lui rend la vie c’est lui qui par sa libre volonté appelle sur sa personne le déploiement de cette Puissance.
Un acte spontané du Fils vient au-devant de l’action des hommes d’une part et de celle du Père d’autre part.
Toute la vie du Sauveur, depuis son incarnation, qui fut un premier et immense dévouement, jusqu’à sa mort et à sa résurrection, n’a été que l’accomplissement de la volonté de Dieu (Jean 14.31 ; Matthieu 26.39-42).
Jésus a constamment obéi à ce qu’il appelle l’ordre ou le commandement qu’il a reçu de son Père ; c’était la mission qu’il avait librement acceptée et qu’il a parfaitement remplie.
Dans notre passage, toutefois, l’ordre du Père au Fils s’applique moins aux actes de donner sa vie et de la reprendre, qu’il n’établit la pleine liberté avec laquelle le Fils accomplira ces actes.
M. Godet paraphrase cet ordre comme suit : « Tu pourras mourir ou ne pas mourir, ressusciter ou ne pas ressusciter, selon les libres aspirations de ton amour ».
De nouveau, car il y avait eu déjà de la division entre eux (Jean 9.16).
Les Juifs sont, selon le langage de Jean, ces mêmes pharisiens qui venaient de s’opposer aux paroles de Jésus (Jean 9.40). Ils persistent dans leur inimitié et l’expriment par des injures.
Ces paroles outrageantes, Jésus avait dû les entendre plus d’une fois déjà (Jean 7.20 ; Jean 8.48-52).
Les mots : il est hors de sens, sont l’explication de ceux-ci : il a un démon, car, selon les idées populaires du temps, la folie avait pour cause la possession.
D’où ils concluent avec mépris qu’il ne vaut plus la peine d’écouter celui qui parle.
Il faut convenir, en effet, que les paroles que Jésus venait de prononcer (versets 17 et 18) sont ou de Celui qui est un avec Dieu, ou d’un insensé. Il n’y a pas d’autre alternative, pas plus pour les lecteurs actuels que pour les auditeurs d’alors.
Ces autres étaient aussi des auditeurs de Jésus, qui, moins prévenus, plus sincères, plus sérieux, avaient tiré une tout autre conclusion de la guérison de l’aveugle (Jean 9.16).
Ici, ce n’est pas seulement du miracle qu’ils se montrent impressionnés mais, ce qui est beaucoup, plus important, des paroles mêmes du Sauveur : Ce ne sont pas là, les discours d’un démoniaque.
Le contact immédiat de la vérité avec l’âme humaine est le seul moyen d’une vraie conviction et la conclusion de ces gens-là sera toujours la plus puissante apologie de l’évangile.
On fait remarquer que ce jugement est encore tout négatif : cela est vrai de sa forme ; mais rien n’empêche de croire qu’il ne dénote une impression plus positive dans le cœur de ceux qui l’expriment ; car il leur fallait, pour parler ainsi en présence des puissants ennemis de Jésus, un certain courage. Et ses ennemis ne trouvent rien à répondre.
Cette fête, appelée en hébreu et en grec Rénovation, Inauguration, Dédicace, avait été instituée par Judas Maccabée, en souvenir de la restauration du temple et de l’autel, après qu’Antiochus Épiphane les eut profanés. On la célébrait durant huit jours, à dater du 25 du mois de Kisleu, qui correspond au mois de décembre (voir 1 Maccabées 4.55 ; et suivants ; 1 Maccabées 10.2 et suivants et aussi Josèphe Antiquités Juives, XII, 7, 8).
Cette fête étant d’institution humaine, il n’y avait point, pour les Juifs, la même obligation d’y assister qu’aux autres solennités religieuses. Mais Jésus se conformait volontiers à tout ce qu’il y avait de bon et de louable dans les mœurs de son peuple et il saisit cette occasion pour adresser à celui-ci un dernier appel, avant la Pâque.
C’était l’hiver, la mauvaise saison, c’est pourquoi le discours suivant fut prononcé sous le portique de Salomon (verset 23, note) et non en plein air. Ces petits détails précis dénotent le témoin oculaire.
Entre la fête des tabernacles (Jean 7.2), où eurent lieu les discussions qui précèdent (Jean 7.14-10.21) et celle de la dédicace, deux mois s’étaient écoulés, sur lesquels notre évangéliste garde un silence absolu.
Les uns pensent que, dans cet intervalle, Jésus resta à Jérusalem et dans les environs (Ainsi Bengel, Tholuck, Olshausen, Stier Lücke, Hengstenberg, Meyer, Weiss Holtzmann).
Mais, objectent d’autres, est il probable que le Sauveur ait pu rester tout ce temps à Jérusalem, exposé aux embûches de ses ennemis dont la haine et les desseins meurtriers s’étaient plus d’une fois déclarés contre lui ? (voir aussi verset 31).
En outre, il faudrait admettre, en ce cas, qu’après le départ de Galilée mentionné Jean 7.10, Jésus ne revint plus dans cette province.
Or, si l’on consulte le récit que Luc nous fait du dernier voyage de Jésus de Galilée en Judée (Luc 9.51-19.28), on est tout naturellement conduit aux deux remarques suivantes :
Il faut donc admettre qu’après la fête des tabernacles, Jésus retourna en Galilée. Il rapportait de Jérusalem la conviction que ses appels aux autorités théocratiques avaient été définitivement repoussés, que sa mort était inévitable et prochaine. Sous cette impression, il prend congé de cette province qui avait été le principal champ de son activité. Il effectue alors le départ solennel dont le récit de Luc a marqué le caractère tragique (Luc 9.51). Il s’achemine lentement vers Jérusalem, évangélisant la Galilée méridionale et la Pérée. Il fait une courte apparition à Jérusalem, à la fête de la dédicace, puis il retourne en Pérée, où il reste Jusqu’aux approches de la Pâque (verset 40). Telle est l’opinion d’Ebrard, de Néander, de Lange, de MM. Luthardt, Keil et Godet.
Le portique de Salomon, situé dans la partie orientale du temple, était, selon Josèphe (Antiquités Juives, XX, 9, 7), la seule portion de l’ancien édifice qui fût restée debout lors de sa destruction sous Nébucadnetsar.
Ce lieu était cher au souvenir des chrétiens (Actes 3.11) et notre évangéliste ne l’avait point oublié. Aussi cette remarque trahit-elle, comme tant d’autres, le témoin oculaire (comparer Jean 8.20).
Donc : cette particule montre que les adversaires saisissent avec empressement l’occasion que leur offre la présence de Jésus sous ce vaste portique pour l’entourer, le séparer de ses disciples, le serrer de près et lui poser une question directe qui devait le forcer à déclarer franchement, ouvertement, s’il était le Christ, le Messie.
Que ceux qui le pressent ainsi agissent dans un esprit hostile, c’est ce qui ressort de ce terme : les Juifs, par lequel Jean désigne en général les ennemis du Sauveur. La réponse de Jésus le démontre également.
Grec : Je vous ai dit, le régime sous-entendu est : ce que vous me demandez. Jésus ne s’est pas déclaré le Messie en propres termes, mais il a émis mainte affirmation propre à montrer qu’il se tenait pour le Christ, le Fils de Dieu (Jean 8.25, note).
Par ces déclarations il leur a, comme dit M. Godet, « épelé, en quelque sorte, son titre de Christ, de telle façon que, s’ils veulent croire, ils n’ont plus qu’à le prononcer eux-mêmes ».
De plus, si elles ne leur suffisent pas, qu’ils considèrent les œuvres qu’il fait évidemment au nom de son Père et qui toutes portent le sceau de la puissance et de l’amour divins.
C’est là le témoignage qui aurait dû les amener à la foi en lui et en sa parole (Jean 10.38 ; Jean 5.36 ; Jean 15.24).
Mais Jésus ajoute avec tristesse : vous ne croyez pas et il va en dire clairement la raison.
Jésus trouve au fond du cœur de ses adversaires la cause de leur incrédulité : vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis et la preuve que vous n’en êtes pas, c’est que mes brebis me connaissent et entendent ma voix (verset 27, comparez versets 15 et 16), tandis que vous repoussez mes paroles.
Si les mots : comme je vous l’ai dit, omis par Codex Sinaiticus, B, sont authentiques, il ne faut pas les prendre à la lettre, car Jésus n’avait pas encore déclaré ouvertement à ses adversaires et en propres termes, qu’ils n’étaient pas de ses brebis : mais, en retraçant, dans l’allégorie versets 1-15, les caractères de ceux qui lui appartiennent il avait fait entendre assez clairement à ses ennemis qu’ils n’étaient point de ce nombre.
Quelques interprètes font de cette phrase un préambule du verset 27, qui est une citation littérale de paroles prononcées dans le discours précèdent.
Dans l’une ou l’autre de ces applications, ces mots : comme je vous l’ai dit, sont donc assez clairs.
Mais la plupart des éditeurs et des commentateurs les retranchent.
On a trouvé étrange que Jésus se réfère ici à sa parabole du berger et des brebis, qu’il avait prononcée deux mois auparavant (verset 22, note) et la critique négative s’est empressée d’en tirer des conclusions contre la vérité historique de ces discours. Mais, comme l’observe Meyer, ce rapprochement s’explique par le fait que Jésus n’avait, dans l’intervalle, plus eu de rapports avec ses adversaires et qu’il se retrouve pour la première fois en leur présence, comme le prouve le verset 24. Jésus rappelait de même aux Juifs (Jean 7.21) la guérison qu’il avait accomplie dans son précédent séjour à Jérusalem, six mois auparavant (Jean 5.2 et suivants).
Les caractères que Jésus relève de nouveau chez ses brebis disent assez aux adversaires qu’ils n’en sont pas. Mais, en même temps, ce tableau touchant ne constituait-il pas un appel pour ceux qui n’étaient pas entièrement endurcis ?
Quel rapport intime et vivant Jésus établit entre lui et ses brebis ! Elles entendent sa voix, cette voix connue et aimée ; et moi, dit-il, je les connais, avec tout l’amour du bon berger ; et elles, parce qu’elles connaissent ma voix, me suivent (versets 14 et 15).
Puis Jésus va élever cette relation à une hauteur plus sublime encore : Et moi… (verset 28).
Chacune de ces trois déclarations révèle l’amour du Sauveur et fonde la parfaite assurance de ses brebis. Il ne dit pas : je leur donnerai, mais je leur donne dès maintenant, la vie éternelle.
La vie qu’elles puisent dans ma communion se développera jusque dans l’éternité ! (Jean 3.16-36 ; Jean 5.24 ; Jean 17.2).
Puisqu’elles ont la vie éternelle, elles ne périront jamais.
Enfin, bien qu’elles soient entourées d’ennemis acharnés à leur perte, nul ne les ravira de ma main.
Ces derniers mots leur assurent une protection puissante et pleine d’amour. « Sa main les protège, les porte, en prend soin, les conduit ». Meyer (comparer Psaumes 23.2-3 ; Luc 15.4-7).
Pour accroître encore l’assurance qu’il veut inspirer aux siens, Jésus élève sa pensée jusqu’au Dieu tout-puissant, éternel, qui est amour car il est son Père.
Ses brebis, c’est ce Père qui les lui a données (Jean 17.6 ; Jean 17.9 ; Jean 17.12) ; or, comme il est plus grand, plus puissant que tous, qui pourrait jamais les ravir de sa main ?
Le texte de ce verset présente plusieurs variantes. La plus importante pour le sens est celle de B, Itala, adoptée par la plupart des éditeurs modernes : ce que le (ou mon) Père m’a donné est plus grand que tout.
M. Weiss déclare cette leçon inacceptable au point de vue exégétique, parce qu’elle introduit une idée étrangère au contexte.
Il faut d’abord saisir le rapport de cette grande déclaration avec ce qui précède, car c’est par elle que Jésus explique et complète sa pensée.
Il venait de s’attribuer le pouvoir divin de donner aux siens la vie éternelle et de les garder en sa main (verset 28).
Puis, s’élevant plus haut encore, il avait fondé leur assurance sur le fait qu’ils ne pouvaient être soustraits à la main, c’est-à-dire à la toute-puissance de son Père (verset 29).
Sont-ce là deux choses différentes ? Non, car tout ce que le Père fait en faveur de ses enfants, il le fait par le Fils qui est leur Sauveur.
Bien plus, ces deux puissances n’en sont qu’une, en vertu de l’unité d’essence entre le Père et le Fils : Moi et le Père nous sommes un.
Il faut remarquer que cette unité est exprimée en grec par un pronom neutre, qui la rend encore plus absolue et exclusive : Moi et le Père nous sommes une même chose (comparer Jean 17.10-11 ; Jean 17.21).
Ainsi donc les deux Êtres et les deux actions révélées aux verset 28 et 29 apparaissent maintenant dans leur complète harmonie. C’est précisément ainsi que le Sauveur expliquait et justifiait son pouvoir de rendre la vie aux morts (Jean 5.25-26).
On a prétendu ne voir ici entre le Père et le Fils qu’une unité de volonté ou d’activité : nous voulons une même chose, nous travaillons à une même œuvre (1 Corinthiens 3.9).
Si Jésus n’avait voulu dire que cela, répond M. Godet, pourquoi ne pas déterminer plus clairement cette notion de collaboration, pourquoi surtout donner inutilement et comme à plaisir un scandale aux Juifs en employant une expression qui paraissait dire plus qu’il ne voulait dire en réalité ?
Augustin remarque avec raison que le mot nous sommes, qui établit une distinction entre le Père et le Fils, réfute le sabellianisme ; et que le mot un ou une même chose réfute l’arianisme.
M. Godet répond à l’objection tirée du fait que l’expression : être un, est appliquée ailleurs à la relation de Jésus avec les fidèles : (Jean 17.22).
L’union de Jésus et des fidèles n’est point un simple accord de volonté, c’est une union consubstantielle. L’incarnation a fondé entre Jésus et nous un rapport de nature et ce rapport embrasse désormais notre personnalité tout entière, physique et morale.
Et nous ajouterons : ce rapport fondé par l’incarnation est confirmé et réalisé d’une manière toujours plus effective par notre communion vivante avec le cep dont nous sommes les sarments (Jean 15.1-8), avec le chef dont nous sommes les membres (Éphésiens 4.15-16 ; Éphésiens 5.30).
Donc, à cause de la parole qui précède.
De nouveau, car ils avaient déjà manifesté ces desseins homicides (Jean 5.18 ; Jean 8.59).
Quelques-uns des adversaires où de leurs acolytes apportèrent des pierres dans l’intention de le lapider et ils n’en furent retenus sans doute que par l’imposante dignité du Sauveur. Ils diront eux-mêmes (verset 33) la cause qui excite leur fanatisme.
On pourrait traduire, avec Rilliet : beaucoup de belles œuvres.
Cette épithète désigne, en effet, non seulement le caractère bienfaisant de ces œuvres, mais leur beauté morale, leur perfection en sainteté, en puissance, aussi bien qu’en bonté.
Le complément de par le Père (Codex Sinaiticus, B, D omettent le possessif : mon Père) indique la volonté et la puissance de Dieu comme la cause des œuvres accomplies par le Fils (Jean 5.30-36).
Il y a dans cette question : Pour quelle bonne œuvre me lapider vous ? une poignante ironie.
Cet appel que Jésus fait sans cesse à ses œuvres, à toute sa vie, eût été, pour des hommes moins aveuglés, une démonstration sans réplique (versets 37 et 38).
Meyer et d’autres exégètes prétendent que les Juifs agissent et raisonnent ainsi parce qu’ils comprennent mal la parole de Jésus et en exagèrent la portée (verset 30).
Au contraire, ils l’ont très bien comprise. Mais dans leur monothéisme rigoureux, ils voient un abîme entre l’homme et Dieu et ils pensent que Jésus, en se déclarant un avec le Père franchit témérairement cet abîme, de là l’accusation de blasphème, plus d’une fois portée contre lui par la même raison (Jean 5.17-18 ; Jean 8.58-59) ; et ce sera enfin pour ce prétendu crime de blasphème que Jésus sera mis à mort (Matthieu 26.65-66).
Or, si les chefs du peuple s’étaient mépris sur le sens de ses paroles, Celui qui est la vérité ne le leur aurait-il pas déclaré ?
Le mot loi est pris ici pour l’Écriture en général, le passage cité n’étant pas dans la loi proprement dite, mais au Psaumes 82.6 (comparer Jean 12.34 ; Jean 15.25 ; 1 Corinthiens 14.21).
Comme à Jean 8.17, Jésus dit à dessein votre loi, cette loi qui est faite pour vous, sur laquelle vous vous fondez et dont vous êtes si orgueilleux.
Jésus repousse d’abord, en s’appuyant sur un passage de l’Écriture, l’accusation de blasphème portée contre lui (versets 34-36), puis il prouve, par ses œuvres, son unité essentielle avec Dieu qu’il a déclarée à (Jean 10.30 ; Jean 10.37-38).
On lit dès les premiers mots de ce Psaumes 82 « Dieu se tient dans l’assemblée de Dieu il juge au milieu des dieux », c’est-à-dire au milieu des chefs de la théocratie, qui y exerçaient au nom de Dieu les fonctions de juge et qui ainsi étaient ses représentants au milieu du peuple.
Malgré cela, Dieu leur adresse ses reproches les plus sévères sur les prévarications et les injustices dont ils se rendaient coupables puis il ajoute : (verset 6) « J’avais dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut. Cependant vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme un prince quelconque » (Traduction Segond).
On voit qu’il s’agit ici de personnages auxquels la Parole de Dieu (la parole même de ce Psaume) est adressée pour les reprendre de leurs iniquités et leur annoncer le châtiment qu’ils s’étaient attiré en souillant leur charge sacrée. On voit encore que tout ce que Jésus veut constater dans ce Psaume, c’est que, dans l’Écriture, le nom de dieu est attribué à des hommes mortels, à cause de la charge dont ils sont revêtus, sans que pour cela cette Écriture blasphème, car elle reste vraie et sainte, elle ne peut être abolie ou annulée (comparer Matthieu 5.17).
Or, à ces hommes mortels et coupables, qui reçoivent pourtant le titre de dieux, Jésus oppose, non sans quelque ironie Celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde.
Ce dernier mot implique la préexistence de Christ, car Dieu l’a sanctifié d’abord, mis à part pour sa mission, rempli de l’Esprit-Saint sans mesure, pour l’œuvre qu’il avait à faire, puis il l’a envoyé dans le monde.
On ne peut, sans renverser arbitrairement l’ordre des termes, appliquer l’expression : il l’a sanctifié, à la naissance miraculeuse ou au baptême, ces faits étant postérieurs a l’envoi du Fils dans le monde.
Elle ne peut désigner que « l’ordre » (verset 18) reçu avant l’incarnation (1 Pierre 1.20). Sanctifié et envoyé par le Père, il est le Saint et le Juste, le Sauveur du monde (comparer Jean 6.27, Romains 1.4).
Est ce qu’il blasphème quand il s’appelle Fils de Dieu ? Ce titre de Fils de Dieu est choisi à dessein, il exprime exactement et pleinement la pensée du verset 30, d’ou les adversaires avaient tiré cette conclusion : « Tu te fais Dieu et tu blasphèmes » (verset 33). Jésus, au lieu d’affirmer à nouveau son égalité avec Dieu, accentue dans sa réponse sa subordination au Père : Je suis Fils de Dieu.
On pourrait objecter (et l’on n’a pas manqué de le faire), que Jésus, par sa citation, a prouvé seulement qu’il pouvait, sans blasphème, bien qu’étant homme, s’attribuer le titre de dieu, mais qu’il n’a point justifié l’affirmation, qui scandalisait surtout ses adversaires, de sa divinité effective, quand il déclarait que « lui et le Père étaient un » (verset 30).
En parlant ainsi, il se disait Dieu dans un sens différent de celui que ce titre comportait quand il était appliqué par le psalmiste aux juges théocratiques.
Plusieurs interprètes en ont conclu que Jésus, en s’appelant Fils de Dieu, s’attribuait seulement la plus haute des fonctions théocratiques, le rôle de Messie. Mais ainsi comprise, sa pensée serait en contradiction avec mainte autre déclaration celle du verset 30 notamment, qui implique, nous l’avons vu, l’unité substantielle du Fils avec le Père.
Pour saisir le raisonnement de Jésus, il faut remarquer la gradation qu’il y a cotre les verset 35 et 36 : « Si l’Écriture n’a pas blasphémé en appelant dieux les personnes à qui est adressée la révélation, comment aurais je blasphémé en me déclarant Dieu, moi que Dieu envoie au monde comme sa révélation elle-même ? », M. Godet, qui relève cette gradation, ajoute une réflexion qui met ce passage dans sa vraie lumière :
Le monothéisme biblique diffère absolument du froid et mort déisme que l’orthodoxie juive avait extrait des livres saints et qui sépare par un abîme le Créateur et l’homme. Toute fonction théocratique exercée au nom de Jéhova, qui l’a conférée, met son dépositaire en relation vivante avec le Très-Haut, le fait participer à son souffle et le constitue son agent. Par là cet homme, roi, juge ou prophète, devient relativement une manifestation de Dieu même (Zacharie 12.3). L’Ancien Testament est par sa tendance la plus profonde en marche constante vers l’incarnation, couronnement de ce rapprochement constant entre Dieu et l’homme. Voilà le vrai fond de l’argumentation de Jésus : si ce courant tout entier n’a rien de blasphématoire, le terme auquel il aboutit, l’apparition d’un homme qui se dit un avec Dieu, n’a rien en soi d’attentatoire à la majesté de Dieu.
Conclusion frappante de tout ce débat ! Jésus vient de justifier son titre divin ; maintenant il prouve la qualité même qu’il s’attribue par la seule démonstration qui soit à la portée de tous : ses œuvres, qui sont les œuvres de son Père parce qu’elles portent toutes le sceau de la puissance et de la miséricorde de Dieu même (comparer Jean 10.25 ; Jean 15.24).
Et quelle force dans ce dilemme : si je ne les fais pas, ne me croyez pas, restez dans votre incrédulité ; mais si je les fais et que, malgré cela, vous ne puissiez pas vous élever jusqu’à la foi en moi comme Fils de Dieu, croyez à mes œuvres (on peut traduire aussi : à ses œuvres, aux œuvres de mon Père) que vous ne pouvez pas nier, afin que vous sachiez et reconnaissiez (B : texte reçu : croyiez) ce que je vous ai dit (verset 30), que le Père est en moi et que je suis dans le Père.
Expression complète de cette unité ineffable d’essence, de vie, de volonté et d’amour, que Jésus révèle d’une manière si lumineuse dans tout cet évangile.
Donc, quelle conclusion, après un tel discours !
De nouveau, triste allusion à tant d’autres tentatives pareilles (Jean 10.31 ; Jean 7.30 ; Jean 8.59).
Mais encore ici, les ennemis sont frustrés dans leur attente. Jésus s’échappa (grec sortit) de leurs mains, déjà tendues pour le saisir. L’évangéliste ne dit pas comment cela se fit.
Peut-être Jésus s’éloigna-t-il et se perdit-il dans la foule. Rien n’autorise à voir là, avec quelques interprètes, une action miraculeuse, comme celle de se rendre invisible (comparer Jean 8.59).
Par ce mot : de nouveau, l’évangéliste rappelle l’époque mémorable ou Jean avait baptisé à Béthanie au-delà du Jourdain (Jean 1.28) et ou Jésus, entrant dans son ministère, avait fait la connaissance personnelle de son Précurseur (Jean 1.40).
D’abord oppose ce lieu à Enon près de Salim, ou Jésus et Jean travaillèrent plus tard ensemble (Jean 3.23). Comme tous ces détails sont restés vivants dans la mémoire du narrateur et comme ils trahissent le témoin oculaire !
On voit, par ce récit, qu’il y avait dans cette contrée, où Jean avait prêché et baptisé, un grand nombre d’âmes qui étaient restées sous l’impression de sa parole et qui, dès qu’elles en ont l’occasion, s’empressent de venir à Jésus.
Ce fut, comme l’observe Bengel, un fruit posthume du ministère de Jean. Sans doute Jésus ne resta pas inactif au milieu d’eux ; et, dès qu’ils l’ont vu et entendu, ils se rappellent le témoignage que lui avait rendu le Précurseur et disent : Bien que Jean n’ait fait aucun miracle tout ce qu’il a dit de celui-ci était vrai. Ils tirent cette conclusion, soit de ce qu’ils avaient entendu raconter de la vie de Jésus, soit surtout de l’expérience personnelle qu’ils faisaient alors de sa puissance. Et c’est ainsi que la foi naquit dans ces âmes. Plusieurs crurent en lui en ce lieu.
Quel contraste pour le cœur de Jésus entre les scènes violentes auxquelles l’avaient exposé l’incrédulité et la haine des chefs de la théocratie (versets 31 et 39) et ce moment paisible ou il a la joie de voir un grand nombre d’âmes naître à la foi et à la vie !
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