1 Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, aux appelés, qui sont aimés en Dieu le Père et gardés pour Jésus-Christ : 2 que la miséricorde et la paix et l’amour vous soient multipliés !
3 Bien-aimés, comme je m’empressais de vous écrire au sujet de notre commun salut, j’ai été dans la nécessité de vous écrire pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes. 4 Car certains hommes se sont glissés parmi vous, qui, depuis longtemps, sont inscrits d’avance pour ce jugement ; des impies qui changent la grâce de notre Dieu en dissolution, et qui renient notre seul Maître et Seigneur, Jésus-Christ.
5 Or je veux vous rappeler, bien que vous sachiez déjà tout, que le Seigneur, après avoir sauvé son peuple du pays d’Égypte, fit périr la seconde fois ceux qui ne crurent pas ; 6 que des anges aussi, qui n’ont pas gardé leur pouvoir, mais qui ont abandonné leur propre demeure, il les tient en réserve dans l’obscurité, par des liens éternels, pour le jugement du grand jour ; 7 comme Sodome et Gomorrhe, et les villes d’alentour qui, de la même manière que ceux-ci, s’étaient livrées à l’impudicité et avaient recherché les unions contre nature, sont devant nous comme un exemple, subissant la peine du feu éternel.
8 De la même manière vraiment, ceux-ci aussi, plongés dans leurs rêveries, souillent la chair, méprisent l’autorité, injurient les gloires. De la même manière vraiment, ceux-ci aussi, plongés dans leurs rêveries, souillent la chair, méprisent l’autorité, injurient les gloires.
9 Or Michel l’archange, lorsque, contestant avec le diable, il lui disputait le corps de Moïse, n’osa pas prononcer contre lui une sentence injurieuse, il dit seulement : Que le Seigneur te réprime ! 10 Mais ceux-ci injurient tout ce qu’ils ne connaissent pas, et tout ce qu’ils connaissent naturellement, comme les bêtes dénuées de raison, ils le font servir à leur perte. 11 Malheur à eux ! Parce qu’ils ont marché dans la voie de Caïn, et qu’ils se sont laissé entraîner pour un salaire dans l’égarement de Balaam, et qu’ils se sont perdus par la révolte de Coré ! 12 Ce sont eux qui, dans vos agapes, festoient avec vous, faisant tache ; qui se repaissent sans crainte ; nuées sans eau, emportées çà et là par les vents ; arbres de fin d’automne, sans fruits, deux fois morts, déracinés ; 13 vagues furieuses de la mer, jetant l’écume de leurs propres infamies ; astres errants, auxquels l’obscurité des ténèbres est réservée pour l’éternité. 14 Mais aussi c’est pour eux qu’a prophétisé Hénoch, le septième depuis Adam, en disant : 15 Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades pour exercer le jugement contre tous, et pour convaincre tous les impies de toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont commises et de toutes les paroles insolentes qu’ont proférées contre lui les pécheurs impies. 16 Ceux-ci sont des gens qui murmurent, mécontents de leur sort, marchant selon leurs convoitises ; et leur bouche prononce des discours enflés, quand, par intérêt, ils se font les admirateurs des gens.
17 Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des paroles qui ont été dites ci-devant par les apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ, 18 qu’ils vous disaient : au dernier temps, il y aura des moqueurs, marchant selon leurs propres convoitises impies. 19 Ce sont eux qui font les séparations, qui n’ont que la vie animale, qui n’ont pas l’Esprit. 20 Mais vous, bien-aimés, vous édifiant vous-mêmes sur le fondement de votre très sainte foi, et priant par l’Esprit-Saint, 21 conservez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle. 22 Et reprenez les uns, ceux qui sont hésitants ; 23 sauvez les autres, en les arrachant du feu ; ayez pitié des autres, avec crainte, haïssant jusqu’au vêtement souillé par la chair. 24 Or à Celui qui est puissant pour vous préserver de toute chute et vous faire paraître devant sa gloire, irréprochables, dans l’allégresse ; 25 au Dieu unique, notre Sauveur par Jésus-Christ notre Seigneur, soit gloire, majesté, force et pouvoir, dès avant toute la durée, et maintenant et dans tous les siècles ! Amen !
Signature
Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques écrit aux appelés, qui sont aimés en Dieu et gardés pour Jésus-Christ et leur souhaite miséricorde, paix et amour en abondance (1, 2).
But de la lettre : mettre en garde contre les faux docteurs
Jude était occupé à écrire à ses frères au sujet du salut, quand le devoir impérieux se présenta à lui de les exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux fidèles, car des personnages impies, dont la condamnation est écrite d’avance, se sont glissés parmi vous ; ils font de la grâce de Dieu une occasion de désordres et renient Jésus-Christ (3, 4).
Exemples historiques destinés à montrer le châtiment réservé à ceux qu’ils pourraient séduire et qui les attend eux-mêmes
Le Seigneur, après avoir délivré Israël d’Égypte, a fait périr les incrédules. Il tient en réserve dans les ténèbres, pour le jugement dernier, les anges qui ont abandonné leur rang et leur demeure. Sodome et Gomorrhe se sont attiré, par leurs infamies, la peine du feu éternel (5-7).
Le beau titre de serviteur de Jésus-Christ est pris ici non dans le sens général où il caractérise la relation de tout disciple avec le Maître, mais dans l’acception spéciale où il désigne un ministre chargé de faire entendre à ses frères le message évangélique. C’est pourquoi il est énoncé avant toute autre qualification (comparer Jacques 1.1 ; Romains 1.1).
Ensuite, pour se faire connaître à ses lecteurs et leur inspirer confiance en sa mission, Jude se présente à eux comme frère de Jacques, ce qui était une recommandation pour lui, à cause de la haute considération dont ce dernier jouissait parmi les Juifs et parmi les chrétiens (voir l’Introduction à l’épître de Jacques).
Jude écrit à des hommes qui ont été appelés d’une vocation divine et efficace (Romains 1.1) note (Galates 1.15) ; ils sont dès lors aimés en Dieu, c’est-à-dire que Dieu est le lien qui les unit entre eux et avec celui qui leur écrit (Romains 16.8).
Quelques interprètes pensent que cette mention des sentiments fraternels ne serait pas naturelle dans notre contexte et que la proposition parallèle : gardés pour Jésus-Christ oblige d’entendre cette expression de l’amour divin. Ils traduisent, en supposant un hébraïsme : aimés de Dieu. Westcott et Hort conjecturent une erreur du texte qui aurait porté primitivement : aimés de Dieu et gardés en Jésus-Christ. Le texte reçu, avec quelques majuscules, porte sanctifiés.
Jude, voulant donner à ses lecteurs tous les motifs de leur assurance, leur rappelle encore qu’ils sont gardés pour Jésus-Christ, qu’ils ne sont pas revenus en arrière comme d’autres, mais qu’ils sont demeurés de fidèles disciples du Sauveur et seront conservés tels pour son royaume et sa gloire (comparer 1 Pierre 1.5 ; Jean 17.11).
1 Timothée 1.2 ; 2 Timothée 1.2.
La miséricorde de Dieu, la pitié que lui inspire l’homme pécheur, le pousse à lui donner la paix par la réconciliation avec lui ; et grâce à elle aussi l’homme est l’objet de l’amour de Dieu. On a proposé encore de voir dans la miséricorde, la compassion avec laquelle Christ accueillera ceux qui auront été gardés pour lui (comparer verset 21).
D’autres enfin rapportent les deux dernières expressions aux sentiments que l’homme éprouve. La paix qui remplit son cœur, quand ses péchés sont pardonnés ; l’amour qu’il ressent pour ses frères et pour Dieu. Mais la première interprétation convient mieux au vœu formulé par Jude : qu’ils vous soient multipliés.
Jude, déjà occupé avec zèle à écrire à ces mêmes chrétiens sur le sujet général du salut qui est commun à lui et à ses lecteurs et qui est le lien de leurs âmes, se trouva dans l’impérieuse nécessité, quand il apprit ce qu’il indique au verset 4, de les exhorter à combattre pour la foi ; et alors, suivant les uns, il aurait traité, à ce point de vue spécial, le sujet du salut ; suivant d’autres, il aurait abandonné la lettre commencée pour écrire celle-ci.
D’autres interprètes pensent que Jude dit seulement : « J’avais à cœur de vous écrire » et qu’il n’avait pas encore commencé d’exécuter son projet. Quoi qu’il en soit, il s’agit maintenant pour lui d’exhorter ses frères à combattre pour leur foi, cette foi qui a été transmise aux saints une fois par la prédication de l’Évangile et qui ne le sera pas une seconde fois s’il leur arrive de se la laisser ravir par les séducteurs (verset 5 note).
Parmi vous n’est pas dans le texte, mais il va sans dire que c’est parmi les chrétiens, dans les Églises, que ces hommes se sont glissés, introduits secrètement (Galates 2.4).
L’auteur annonce le jugement pour lequel ils sont depuis longtemps inscrits d’avance et auquel ils n’échapperont point.
Calvin entend par là leur réprobation dans le conseil éternel de Dieu, qui est figuré comme un livre (Actes 1.16) ; von Soden pense que les réprouvés sont inscrits dans l’enfer comme les élus le sont dans les cieux (Hébreux 12.23). Il est plus probable que Jude voit ce jugement écrit d’avance dans les exemples de condamnation qu’il va citer (verset 5 et suivants).
D’autres interprètes (Spitta, Kühl), au lieu de prendre le mot de jugement dans le sens de condamnation, lui donnent celui d’appréciation et l’appliquent à la description que Jude fait des faux docteurs dans les derniers mots du verset 4 : des impies… Mais cette description n’est pas précisément une sentence, et, dans 2 Pierre 2.3, le mot jugement a bien le sens de condamnation, châtiment.
Abusant de la liberté chrétienne pour vivre selon leurs convoitises, disant : « Péchons, afin que la grâce abonde » (Romains 6.1 ; Galates 5.13 ; 1 Pierre 2.16).
Selon Codex Sinaiticus, B, A, C. Le texte reçu (majuscules) porte : « qui renient Dieu, notre seul Maître et Jésus-Christ notre Seigneur ». Quelques interprètes rapportent notre seul Maître à Dieu ; mais l’absence de l’article devant Seigneur montre que les deux titres Maître et Seigneur s’appliquent à Jésus-Christ.
Grec : d’après Codex Sinaiticus, B, A : « Je veux vous rappeler, à vous sachant une fois toutes choses ». C’est-à-dire : quoique vous connaissiez toutes les choses relatives au salut.
Une fois, comme au verset 3, se dit d’une chose connue ; bien établie et arrêtée. Le texte reçu remplace : toutes choses par ceci.
Les apôtres ne craignent pas de rappeler sans cesse ce qui est connu, parce qu’ils savent qu’entre la connaissance et la pratique, il y a un abîme.
Son peuple, grec un peuple. Quelques interprètes pensent que l’auteur a omis l’article pour exprimer l’idée que Dieu avait sauvé un peuple tout entier, auquel se trouvent opposés ceux qui ne crurent pas. Mais, de fait, ces derniers constituèrent la presque totalité des Israélites condamnés à cause de leur incrédulité à mourir dans le désert (Nombres 14.11-35 ; Nombres 26.65 ; Hébreux 3.17).
Ils étaient déjà sauvés et pourtant Dieu les fit périr la seconde fois ; ce fut le second acte de l’intervention divine. D’autres expliquent cette expression en supposant une ellipse : la seconde fois, où une semblable délivrance leur eût été nécessaire, il les fit périr. Là est la force de l’avertissement pour les chrétiens exposés à l’influence des séducteurs (1 Corinthiens 10.1-13). B, A et minuscules ont Jésus, au lieu de le Seigneur.
Comparer 2 Pierre 2.4 ; Genèse 6.1-2. D’autres traduisent : leur origine. Le mot a les deux sens. Il désigne, au pluriel, les puissances célestes (Éphésiens 1.21, etc.).
Leur propre demeure, leur demeure appropriée, naturelle était le ciel.
Il les tient en réserve (grec), il les a gardés et les garde (parfait), dans l’obscurité (grec), sous l’obscurité, recouverts par elle, par ou dans des liens éternels ou, suivant une autre étymologie, des liens de l’Hadès, du séjour des morts.
Comparer Hénoch 10.4-12. Dans tous les êtres responsables, le péché est inévitablement suivi de la ruine.
2 Pierre 2.6 ; Genèse 19.24 ; Genèse 19.25.
Jude voit dans le feu qui dévora Sodome une image du feu éternel de la géhenne.
Il est dit ici de Sodome et Gomorrhe et d’autres villes, qu’elles avaient (grec) commis fornication et recherché une autre chair de la même manière que ceux-ci.
Par ceux-ci Jude ne peut désigner que les anges dont il vient de parler (verset 6), comme le reconnaissent aujourd’hui tous les exégètes.
On ne peut rapporter ce pronom aux habitants de Sodome et de Gomorrhe, car l’auteur n’a aucun intérêt à exprimer l’idée que les villes d’alentour avaient commis les mêmes péchés que les habitants de Sodome et Gomorrhe ; et d’ailleurs, il désigne ces dernières par un pronom au féminin (grec : les villes autour d’elles). Quant à voir dans ceux-ci les hommes, les impies dont Jude parle (verset 4) et qu’il désigne dans la suite par le même pronom démonstratif (voir versets 8, 11, 12, 14, 16, 19), cela est difficile, parce que dans ce cas, l’auteur, pour caractériser le crime des villes maudites, ferait allusion à une sentence sur les faux docteurs, qu’il ne formule qu’au verset suivant.
Jude voit la chute des anges (verset 6) dans le récit qui nous montre « les fils de Dieu » s’unissant « aux filles des hommes ». Cette interprétation de Genèse 6.1 et suivants était répandue chez les Juifs, elle se trouve dans le livre d’Hénoch (12.4), que Jude avait sous les yeux.
Leur péché fut de même nature que celui des habitants de Sodome. Ils s’unirent aux filles des hommes, dont la chair était autre, d’une autre nature, que la leur. Les habitants de Sodome de même voulurent s’unir à des anges. L’assimilation des deux sortes de débordements était tout indiquée.
Leurs égarements et leurs blasphèmes
Ils se livrent aux souillures de la chair et injurient les gloires, tandis que l’archange Michel s’abstient de prononcer une sentence contre le diable. Mais eux injurient ce qu’ils ne connaissent pas. Ils suivent les traces de Caïn, de Balaam, de Coré (8-11).
Le mal qu’ils font à l’Église
Ils transforment les agapes en orgies. Ils causent des déceptions, comme les nuages qui ne répandent pas de pluie et les arbres sans fruits ; ils sont semblables aux vagues déchaînées, aux astres errants. Les ténèbres leur sont réservées pour l’éternité (12, 13).
Leur jugement prédit
Le patriarche Hénoch a prophétisé à leur sujet que le Seigneur viendrait, avec les saintes myriades, pour reprendre les impies de leurs actes et de leurs paroles (14, 15).
L’esprit qui les anime
Ils sont toujours mécontents ; ils obéissent à leurs convoitises, parlent avec emphase et flattent les grands (16).
Leur apparition annoncée
Jude rappelle à ses frères les avertissements des apôtres : ils leur disaient qu’à la fin des temps paraîtraient des railleurs, conduits par leurs passions impies ; ils prédisaient ainsi la venue de ces fauteurs de divisions, étrangers à la vie de l’esprit (17-19).
2 Pierre 2.10, note.
Vraiment ; d’autres traduisent : néanmoins, malgré l’avertissement qui leur est donné par les exemples précités. Cette particule est plutôt destinée à renforcer l’expression : de la même manière, sur laquelle porte l’accent.
Des particules que la traduction ne peut rendre opposent les verbes : souillent la chair d’une part, méprisent et blasphèment d’autre part. Le premier terme reprend le mot « dissolution » du verset 4 et décrit les égarements de conduite des hérétiques, surtout dans les relations sexuelles ; les deux autres reproduisent l’accusation du verset 4 « Ils renient notre seul Maître et Seigneur Jésus-Christ » et s’appliquent à leurs enseignements erronés.
L’expression : ils méprisent l’autorité (grec la seigneurie), s’applique le plus naturellement à des négations portant sur l’autorité divine du Seigneur Jésus-Christ.
Le mot seigneurie se trouve appliqué aux anges, mais il est alors employé au pluriel (Éphésiens 1.21 ; Colossiens 1.16) ; et, dans ce sens, il ferait double emploi avec les gloires qui désignent cette catégorie d’êtres. Les exégètes se divisent sur la question de savoir si les gloires sont de bons anges, que l’auteur se représenterait entourant le Seigneur Jésus-Christ, ou des anges déchus. Ceux qui soutiennent cette dernière opinion se fondent sur la comparaison établie au verset suivant entre la conduite des faux docteurs et celle de Michel à l’égard de Satan. L’archange ne se permit pas de porter une sentence injurieuse contre le prince des ténèbres et eux, ils injurient les anges tombés, probablement en se moquant de leur pouvoir, ou en niant leur existence, quand on les mettait en garde contre leurs séductions.
Il est vrai que le terme : injurier (grec blasphémer) les gloires, serait étrangement choisi pour exprimer l’idée de braver leur pouvoir ou de nier leur existence et que le contraste entre les versets 8 et 9 est plus marqué si l’on voit dans les gloires de bons anges : ils blasphèment ces anges, alors que Michel ne s’est pas même permis de porter une sentence injurieuse contre l’ange déchu qu’est Satan ! (Spitta, von Soden). Cependant, ainsi comprise, la pensée nous paraît bien alambiquée.
Nous préférons voir dans les gloires des anges déchus (comparer verset 6). Ce sens est le seul admissible dans le passage parallèle, 2 Pierre 2.10.
Cette contestation de Michel l’archange avec le diable, concernant le corps de Moïse, était décrite dans un livre apocryphe juif intitulé : l’Assomption de Moïse, dans lequel, selon Origène et d’autres Pères de l’Église, Jude a puisé ce récit.
Un fragment de l’Assomption de Moïse a été retrouvé dans une vieille traduction latine. Il ne s’étend pas jusqu’au récit auquel Jude fait allusion (Die Pseudepigraphen des Alten Testaments übersetzt und herausgegeben, E. Kautzsch, 1900, p. 311 et suivants).
La parole attribuée à l’archange se retrouve dans Zacharie 3.2. Les conjectures qu’on a faites sur l’objet de cette contestation entre l’archange et Satan ne sont pas du ressort de l’exégèse. Jude ne s’y arrête pas. Son but est simplement de citer l’exemple d’un archange qui n’osa point porter (grec) un jugement de blasphème contre Satan lui-même, se souvenant que tout jugement appartient à Dieu seul. Si le fait est légendaire, l’idée qu’il illustre est juste (comparer versets 14 et 15, note).
Comparer 2 Pierre 2.12. Ce qu’ils (grec) blasphèment sans le connaître, c’est tout ce qui concerne la « seigneurie »et les « Gloires » (verset 8), les choses spirituelles pour lesquelles ils n’ont pas d’intelligence (1 Corinthiens 2.9-16).
Mais il est d’autres choses qu’ils connaissent très bien par nature, des choses terrestres et visibles que leurs sens perçoivent et qu’un instinct naturel leur fait apprécier.
Cet instinct ils l’ont en commun avec les bêtes dénuées de raison ; mais il les guide moins sûrement, car dans ces choses même, ils se corrompent et se perdent, descendant ainsi réellement au-dessous des brutes.
Voie de l’envie et de la haine, qui les conduit au meurtre spirituel ou même corporel de leurs frères.
Nombres 31.16 ; Nombres 22.5 et suivants ; Nombres 22.23. On a traduit aussi : « par la tromperie du salaire de Balaam », c’est-à-dire pour un salaire trompeur comme celui qui séduisit Balaam (2 Pierre 2.16 note).
Révolte, grec contradiction. Ils s’insurgent, sous prétexte d’égalité, contre les institutions établies dans l’Église et s’ingèrent, sans aucun droit dans la sacrificature spirituelle des chrétiens, comme Coré se souleva contre Moïse (Nombres 16).
Comparer 2 Pierre 2.13, 1re note.
On peut traduire aussi : « Ce sont eux qui font tache (grec sont des taches) dans vos agapes, festoyant avec vous sans crainte, se repaissant ».
Le mot que nous traduisons par taches est pris par plusieurs dans le sens d’écueils. Mais l’image d’écueils ne s’accorde guère avec l’idée d’agapes.
Parfois ce mot, de même qu’un autre de même racine employé 2 Pierre 2.13, paraît prendre le sens de taches. C’est probablement ce sens que Jude lui a donné.
Les mots : se repaissant, sont pris par les uns au sens matériel : faire bonne chère (1 Corinthiens 11.20 et suivants) ; par d’autres, au sens figuré : se paissant eux-mêmes (Ézéchiel 34.2 ; 1 Pierre 5.2), ils marqueraient leur esprit insubordonné, leurs pensées intéressées. Dans le premier sens, ils caractériseraient la tenue des hérétiques dans les agapes ; dans le second, leur conduite en général.
Comparer 2 Pierre 2.17, note.
Toutes ces vives images dépeignent fort bien des hommes qui, sous de belles apparences et de séduisantes promesses, ne cachent que le néant et ne réservent aux âmes que d’amères déceptions.
La terrible menace qui termine verset 13 se trouve dans 2 Pierre 2.17, directement appliquée aux faux docteurs ; dans Jude l’image d’astres errants, qui ne suivent pas, comme les autres, le cours que Dieu leur a assigné et qui, après avoir fait paraître de fausses lueurs, vont s’éteindre dans d’éternelles ténèbres, rend cette redoutable pensée plus saisissante encore.
Genèse 5.18. Sept est le nombre sacré. Le fait qu’Hénoch était le septième patriarche depuis Adam le désignait pour ce rôle auguste.
Cette circonstance est relevée aussi dans le livre d’Hénoch (60.8 93.3)
On savait, par de nombreuses citations des Pères de l’Église, qu’il existait dans les premiers siècles de l’ère chrétienne un livre apocryphe portant le nom d’Hénoch.
En 1773, Bruce rapporta d’Abyssinie trois manuscrits d’une traduction éthiopienne de cet ouvrage. Une traduction anglaise, par Laurence, parut en 1821 et le même savant publia en 1838 le texte éthiopien.
D’autres traductions en ont été données, en français par Sylvestre de Sacy, en allemand par Hoffmann, puis par Dillmann. Dans l’hiver de 1886 à 1887 le texte grec des 32 premiers chapitres du livre fut trouvé dans un tombeau de la Haute-Égypte et publié en 1892 par Bouriant.
La plupart des savants modernes contestent que le livre entier soit l’œuvre d’un même auteur. Ses parties principales remontent au second siècle avant Jésus-Christ.
Quant aux chapitres 36-71, la plupart les placent avant notre ère, tandis que d’autres leur donnent pour auteur un chrétien. L’ensemble de l’ouvrage est d’origine palestinienne. Il a été, de l’avis de la plupart, composé en hébreu ou en araméen. Il contient une longue suite de révélations et de visions eschatologiques où domine l’idée du jugement dernier, qui sera exercé par le Messie.
On trouve littéralement, au chapitre 1.9, la prophétie citée par Jude (comparer Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, 3e édition, III, p. 190-203. Beer, introduction et traduction allemande, dans la collection de Kautzsch Pseudepigraphen des Alten Testaments p. 217 et suivants).
Les saintes myriades avec lesquelles viendra le Juge sont des myriades d’anges (Hébreux 12.22 ; Apocalypse 5.11).
Des gens qui murmurent, grec des murmurateurs.
Grec : Admirant des personnes, pour le profit. Jude veut dire qu’ils les flattent dans des vues intéressées.
Grec : Selon les convoitises d’eux-mêmes, des impies. 2 Pierre 3.3.
Comparer 1 Timothée 4.1 et suivants ; 2 Timothée 3.1 et suivants.
Grec : des gens qui séparent, c’est-à-dire qui provoquent des schismes, des partis.
Le texte reçu (C) porte : « qui se séparent » de l’Église, pour former une secte.
Weiss interprète : « Ils font des distinctions entre psychiques et spirituels, eux qui sont psychiques et n’ont pas l’esprit ». Mais si l’auteur avait donné ce sens au verbe délimiter, séparer, il aurait sous-entendu l’idée principale.
Grec : Des psychiques comparez Jacques 3.15, note, 1 Corinthiens 2.14, note, ayant comme les bêtes (verset 10), une âme, siège de la vie, mais (grec) n’ayant pas l’Esprit, c’est-à-dire privés de l’Esprit de Dieu.
D’après quelques interprètes, Jude voudrait dire qu’ils sont dépourvus même de l’esprit humain, en tant que celui-ci est l’organe des relations de l’homme avec Dieu. Mais celui-ci subsiste en tout homme, au moins comme virtualité (1 Corinthiens 2.11 ; 1 Thessaloniciens 5.23, note). Ils n’ont pour guides que leurs convoitises charnelles.
Veiller sur soi-même et sur les autres
S’édifiant sur le fondement de leur foi et priant sous l’inspiration de l’Esprit, qu’ils demeurent dans l’amour de Dieu et comptent sur la grâce de Jésus-Christ pour avoir part à la vie éternelle. Qu’ils reprennent ceux qui sont hésitants ; qu’ils sauvent les autres en les arrachant du feu ; et quant à d’autres encore, qu’ils aient à leur égard une compassion mêlée de crainte, redoutant jusqu’au contact extérieur de la souillure (20-23).
À Dieu la gloire !
À Celui qui peut vous préserver de toute chute et vous faire paraître devant lui irréprochables et joyeux, au Dieu unique, notre Sauveur par Jésus-Christ notre Seigneur, soient gloire et puissance éternellement (24, 25).
Grec : « Vous édifiant vous-mêmes sur ou par (datif) votre très sainte foi ».
La foi objective, la vérité divine, l’Évangile est le fondement inébranlable sur lequel, ou le moyen par lequel, les croyants s’édifient (comparez 1 Pierre 2.4 ; 1 Pierre 2.5 ; Matthieu 7.24), et cela, par opposition aux erreurs et aux corruptions dont il a été parlé jusqu’ici. Pour échapper aux influences de l’erreur et en triompher, il faut se nourrir de la sainte vérité.
Comparer Romains 8.26 ; Romains 8.27, notes.
Prier par ou dans l’Esprit-Saint est un second moyen de se conserver dans l’amour de Dieu et d’attendre la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle, c’est-à-dire compter sur la grâce du Seigneur, qui a pour but de nous assurer la vie éternelle et qui suffit pour nous l’assurer.
D’autres construisent : « Conservez-vous…pour la vie éternelle » (comparer versets 1 et 2).
Il faut, dans la direction des âmes malades, tout le discernement que donnent la vérité et la charité : reprendre les uns, ceux qui hésitent (Jacques 1.6, 1re note) ou qui contestent (verset 9) ; sauver les autres en les arrachant du feu, comme des tisons qu’on se hâte de retirer avant qu’ils soient consumés (Amos 4.11 ; Zacharie 3.2) ; pour d’autres encore, avoir pitié d’eux, leur témoigner de la compassion, mais (grec) avec crainte, haïssant jusqu’au contact extérieur de la souillure, voilà ce que recommande Jude.
Nous avons suivi le texte de Tischendorf et de Nestle (1re édition), qui se fonde sur A, C et est adopté par la plupart des commentateurs (Spots, Burger, von Soden, Wandel).
Ce texte présente trois catégories de personnes : ceux qu’il faut reprendre, ceux qu’il faut sauver, ceux dont il faut avoir pitié.
Codex Sinaiticus et B présentent un texte plus obscur, admis par Westcott et Hort, Weiss, Nestle (3e édition), qui réduit à deux les catégories de personnes à diriger ; on peut le traduire : « et quant aux uns, ayez-en pitié, sauvez ceux qui hésitent, en les arrachant au feu ; mais quant aux autres, ayez-en pitié avec crainte, haïssant jusqu’au vêtement souillé par la chair ».
Cette magnifique doxologie a quelque ressemblance avec celle qui termine l’épître aux Romains. La dernière fin de toutes les instructions apostoliques est toujours de nous porter à donner à Dieu seul la gloire de notre salut, en lui consacrant toute notre vie.
Chaque pensée de ce chant de louange a son importance ; il est plus riche encore d’après le texte des plus anciens manuscrits ici rétabli (Le texte reçu porte : à Dieu seul sage. Il omet : par Jésus-Christ notre Seigneur, et : avant toute la durée, grec tout le siècle).
Le grand motif de reconnaissance et d’adoration qui remplit le cœur de Jude (verset 24), c’est l’assurance que Dieu est puissant pour préserver ses enfants de toute chute (grec de les garder, ne bronchant pas) qui mettrait en danger leur salut final et pour les faire parvenir jusqu’à cette gloire, où tout sera pleine allégresse.
L’apôtre Paul revient souvent, dans ses deux apostoliques, à cette sainte et consolante pensée (Romains 16.25 et suivants ; 1 Corinthiens 1.8 ; Colossiens 1.22 ; 1 Thessaloniciens 3.13).
Comment, avec cette doctrine qui dépouille l’homme de tout ce qui lui est propre, pour l’enrichir gratuitement d’un si grand salut comment ne pas donner à Dieu toute gloire ?
Ce Dieu n’est il pas notre Sauveur ? Ce titre, attribué à Dieu, ne se trouve qu’ici et dans les épîtres pastorales (1 Timothée 1.1 ; 1 Timothée 2.3 ; 1 Timothée 1.3 ; 1 Timothée 2.10 ; 1 Timothée 3.4). Mais Dieu est Sauveur uniquement par Jésus-Christ notre Seigneur.
Après ces paroles d’adoration dont chacune a sa signification : Au Dieu unique gloire, majesté, force, autorité, l’auteur, dans la plénitude de sa piété exprime le vœu que Dieu ait été ainsi adoré par tous dès avant toute la durée et qu’il le soit et maintenant et dans tous les siècles à venir.
Quel enfant de Dieu ne dira avec lui, du fond de son cœur, amen ?
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