1 Je dis la vérité en Christ, je ne mens point, ma conscience me rendant témoignage par l’Esprit Saint : 2 j’éprouve une grande tristesse et un tourment continuel dans mon cœur. 3 Car je souhaiterais d’être moi-même anathème loin du Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, 4 eux qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption et la gloire et les alliances et la législation et le culte et les promesses ; 5 à qui appartiennent les pères et desquels est issu, selon la chair, le Christ, lui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen ! 6 Mais ce n’est pas que la parole de Dieu soit restée sans effet, car tous ceux qui sont issus d’Israël ne sont pas Israël ; 7 et pour être la postérité d’Abraham, tous ne sont pas ses enfants ; mais il est dit : C’est en Isaac que tu auras une postérité appelée de ton nom ; 8 c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu ; mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés être la postérité. 9 Car c’est une parole de promesse que celle-ci : À cette époque-ci, je reviendrai, et Sarah aura un fils. 10 Et non seulement cela ; mais il en fut de même de Rebecca, quand elle conçut d’un seul, d’Isaac, notre père ; 11 car avant que les enfants fussent nés et qu’ils eussent fait ni bien ni mal, afin que demeure ferme le dessein arrêté de Dieu, selon l’élection, qui dépend non des œuvres mais de celui qui appelle, 12 il lui fut dit : L’aîné sera assujetti au plus jeune ; 13 selon qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü. 14 Que dirons-nous donc ? Y a-t-il de l’injustice en Dieu ? Non certes ! 15 Car il dit à Moïse : Je ferai miséricorde à qui il me plaira de faire miséricorde ; et j’aurai pitié de qui il me plaira d’avoir pitié. 16 Ainsi donc, cela ne vient pas de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. 17 Car l’Écriture dit à Pharaon : C’est pour cela même que je t’ai suscité, pour que je fasse voir en toi ma puissance et pour que mon nom soit publié par toute la terre. 18 Ainsi donc, il fait miséricorde à qui il veut et il endurcit qui il veut.
19 Tu me diras donc : Pourquoi donc se plaint-il encore ? Car qui résiste à sa volonté ? 20 Bien plutôt, ô homme ! Qui es-tu, toi qui contestes avec Dieu ? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? 21 Ou bien le potier n’a-t-il pas, pouvoir sur l’argile pour faire de la même masse tel vase pour un usage honorable et tel autre pour un usage vil ? 22 Or, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté, avec une grande longanimité, des vases de colère tout formés pour la perdition ; 23 et si, afin de faire connaître les richesses de sa gloire envers des vases de miséricorde, qu’il a préparés d’avance pour la gloire, 24 nous, qu’il a aussi appelés, non seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les gentils… 25 Selon qu’il le dit aussi dans Osée : J’appellerai mon peuple celui qui n’était pas mon peuple, et bien-aimée celle qui n’était pas la bien-aimée. 26 Et il arrivera que dans le lieu où il leur avait été dit : Vous n’êtes point mon peuple, là ils seront appelés fils du Dieu vivant. 27 Ésaïe, de son côté, s’écrie au sujet d’Israël : Quand le nombre des fils d’Israël serait comme le sable de la mer, un reste seulement sera sauvé. 28 Car le Seigneur exécutera pleinement et promptement sa parole sur la terre. 29 Et comme Ésaïe dit auparavant : Si le Seigneur des armées ne nous eût laissé une postérité, nous serions devenus comme Sodome et nous aurions été rendus semblables à Gomorrhe. 30 Que dirons-nous donc ? Que les gentils, qui ne poursuivaient point la justice, ont obtenu la justice, mais la justice qui vient de la foi ; 31 tandis qu’Israël, en poursuivant la loi de la justice, n’est point parvenu à cette loi. 32 Pourquoi ? Parce qu’il l’a poursuivie, non par la foi, mais comme si elle s’obtenait par les œuvres. Ils se sont heurtés contre la pierre d’achoppement ; 33 selon qu’il est écrit : Voici je place en Sion une pierre d’achoppement et un rocher de scandale ; et celui qui croit en lui ne sera point confus.
Le rejet d’Israël
L’apôtre déclare solennellement, prenant à témoins Christ et sa conscience éclairée par l’Esprit de Dieu, qu’il dit la vérité quand il affirme qu’il éprouve une grande et continuelle douleur. Il voudrait être séparé de Christ pour les Israélites, ses frères selon la chair (1-3).
Les privilèges d’Israël
Cette tristesse est justifiée par la considération des nombreuses prérogatives dont jouissait le peuple élu adoption, gloire, alliances, loi, culte, promesses, enfin le Christ lui-même, issu de ce peuple selon la chair, lui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement (4-5).
L’apôtre a achevé, avec Romains 8, l’exposé du nouveau moyen de salut : la foi en Christ mort et ressuscité pour notre justification, notre sanctification et notre glorification finale. Après avoir démontre ainsi que « l’Évangile est la puissance de Dieu pour le salut de tout croyant » (Romains 1.16), il se trouve en présence d’un fait douloureux et troublant, qui semble infirmer sa démonstration : l’incrédulité d’Israël qui rejette cet Évangile.
En déclarant (Romains 1.16) que l’Évangile est la puissance salutaire de Dieu, il ajoutait : « pour le Juif premièrement ». Le peuple élu de Dieu et préparé pendant des siècles à recevoir le Sauveur devait en effet, le tout premier, l’accueillir avec foi. Et voici que ce peuple, dans sa grande majorité, après avoir crucifié Jésus de Nazareth, repousse la prédication de ses apôtres. Cela n’est-il pas en contradiction avec les promesses de Dieu qui doivent s’accomplir ? Faudrait-il en conclure que le salut par la foi en Jésus-Christ n’est pas le vrai salut destiné par Dieu à son peuple ?
En abordant ce sujet, Paul est saisi par une émotion intense. Il affirme, par une sorte de serment et en invoquant le témoignage de Christ et de sa conscience éclairée par le Saint-Esprit, qu’il ne ment pas quand il dit éprouver une grande tristesse et un continuel tourment. On sent, à la véhémence de sa protestation, qu’il veut se justifier de l’accusation, portée contre lui par les Juifs, d’avoir renié son peuple et de ne plus l’aimer.
Dire la vérité en Christ, c’est parler en sa présence, dans sa communion, qui nous garde de tout mensonge, de toute expression exagérée ou hypocrite. La conscience de l’apôtre, éclairée par l’Esprit Saint, lui rend d’ailleurs le même témoignage. Comment dès lors ses lecteurs n’ajouteraient-ils pas foi à ce qu’il affirme ?
Il ne dit pas quel est le sujet de sa douleur, non par une omission involontaire, mais parce qu’il lui en coûterait trop de l’énoncer expressément. Ce sujet, il laisse entendre, dans les verset 3 et suivants, quel il est : l’endurcissement d’Israël, obstiné à rejeter l’Évangile.
Paul va chercher à résoudre ce douloureux problème. Son amour pour Israël lui en fait une obligation, il le doit aussi pour convaincre ceux que la pensée de l’immutabilité des desseins de Dieu empêchait d’accepter l’Évangile et qui opposaient au message de l’apôtre des gentils ce dilemme :
Ou Dieu est infidèle à ses promesses faites à Israël, ou Jésus que Paul prêche n’est pas le Christ du Seigneur, promis particulièrement à ce peuple.
Paul s’acquitte de cette tache en exposant des vues hardies et profondes sur le plan de Dieu pour la rédemption du monde. Sa théodicée embrasse les points suivants :
Plusieurs Israélites ont cru, l’endurcissement de la masse du peuple a été la richesse des gentils ; d’ailleurs, cet endurcissement ne persistera que jusqu’à ce que la plénitude des nations soit entrée ; alors tout Israël sera sauvé. Et à ce sujet, l’apôtre adore la profondeur et la sagesse des voies de Dieu (Romains 11.1-36).
Le vœu que Paul va formuler est la preuve (car) de l’intensité de sa douleur, qu’il a exprimée au verset 2.
Le mot anathème est, dans la version grecque des Septante, la traduction d’un mot hébreu qui désigne une chose comme vouée à Dieu et soustraite à tout usage profane (Lévitique 27.28 ; Josué 6.17 ; Josué 7.12). Cette consécration peut avoir pour effet sa conservation ou sa destruction « par interdit ». Ici le mot est pris dans ce dernier sens, qu’il a seul gardé en français.
Je souhaiterais d’être anathème, loin du Christ (D et quelques majuscules ont : par le Christ) signifie : je souhaiterais d’être exclu de la communion du Christ et livré à la perdition (comparez Galates 1.8 ; Galates 1.9 ; 1 Corinthiens 16.22).
Les paroles de Paul rappellent celles de Moïse dans Exode 32.32 ; elles sont l’expression extrême d’un amour qui porte l’homme à faire pour ses frères le plus grand sacrifice qui se puisse imaginer. Mais un tel vœu était irréalisable ! L’impie seul peut être rejeté de Christ ; la félicité éternelle est inséparable de la sainteté.
Sans doute ; aussi le verbe, qui est à l’imparfait en grec, doit être traduit par un conditionnel : je souhaiterais, si la chose était possible. L’apôtre sait bien que son vœu ne peut s’accomplir.
D’anciens interprètes (la Vulgate, Luther, etc.) traduisent par l’imparfait : « je souhaitais » et estiment que Paul veut parler du temps qui précéda sa conversion, quand il persécutait les disciples de Jésus dans l’intérêt de ses frères Israélites. Ce sens s’accorde mal avec l’ensemble de la pensée : Paul a intérêt à exprimer les sentiments qu’il éprouve maintenant, comme apôtre des gentils et prédicateur du salut gratuit et non à rappeler un vœu qu’il aurait fait autrefois dans son aveugle fanatisme de persécuteur des chrétiens.
Dans les versets 4 et 5, Paul justifie sa douleur (verset 2) et son vœu (verset 3) par l’énumération des prérogatives glorieuses d’Israël. Quel contraste, en effet, entre la constatation qu’Israël est rejeté et le souvenir de tant de privilèges qui lui avaient été accordés !
Le nom d’Israélites rappelait la lutte et la victoire qui avaient valu au père de ce peuple le surnom glorieux d’Israël « vainqueur de Dieu ; » (Genèse 32.28) ce nom était déjà le gage de tous les bienfaits qui devaient suivre.
L’adoption n’est pas ici, comme à Romains 8.15 ; Romains 8.16 (comparez verset 7), celle qui crée de vrais enfants de Dieu, mais l’attribution au peuple entier choisi parmi toutes les autres nations, de la qualité de fils et de fils aîné (Exode 4.22 ; Deutéronome 14.1 ; Osée 11.1 ; Jérémie 31.9).
La gloire est la manifestation visible de la présence de Dieu au milieu de son peuple, soit dans la colonne de feu, soit dans le tabernacle ou dans le temple, soit dans quelque vision contemplée par un prophète (Exode 24.16 ; Exode 40.34 ; 1 Rois 8.10 ; 1 Rois 8.11 ; 2 Chroniques 5.14 ; Ézéchiel 1.28). Elle a été manifestée dans sa plénitude en Jésus-Christ (Jean 1.14 ; Jean 1.2-11).
Les alliances sont l’alliance de grâce, traitée par Dieu avec son peuple ; l’apôtre emploie le pluriel, parce que l’alliance, faite avec Abraham, fut renouvelée avec Isaac, Jacob, Moïse, etc. B, D, majuscules ont le mot au singulier : l’alliance ; c’est une fausse correction.
La législation (grec l’institution de la loi, le don que Dieu a fait de sa loi à Israël, sa promulgation solennelle, Exode 19.20) constituait un privilège pour le peuple de l’alliance (Psaumes 147.20).
Le culte, c’est-à-dire tout l’ensemble des cérémonies religieuses, sacrifices, fêtes, etc., qui supposaient et entretenaient dans le peuple la connaissance et l’adoration du vrai Dieu.
Les promesses, faites par les prophètes, embrassent les bénédictions de Dieu jusqu’au plus lointain avenir. D, majuscules portent : la promesse, c’est aussi une fausse correction.
L’apôtre termine son énumération par la mention de deux privilèges d’Israël qui sont la gloire la plus excellente de ce peuple.
Ces privilèges consistent, non plus en des grâces impersonnelles, mais en des personnes : ce sont les pères, les patriarches Abraham, Isaac et Jacob, dont les Juifs se glorifiaient de descendre et c’est celui qui couronnait toutes les bénédictions de Dieu, le Messie, le Christ qui, selon la chair, est issu des Israélites ; l’apôtre ne dit pas que le Christ leur « appartienne ».
Puis il ajoute une sorte de doxologie, que l’on peut rapporter soit au Christ lui-même, soit à Dieu le Père. Dans ce dernier cas, il faut mettre un point après le Christ et traduire : « Celui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu soit béni éternellement ».
Les manuscrits les plus anciens étant dépourvus de ponctuation, la question ne peut être tranchée que par l’exégèse. Les Pères de l’église les réformateurs et la majorité des interprètes modernes rapportent cette phrase au Christ, que l’apôtre désignerait comme étant au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement.
Plusieurs exégètes (Meyer, Oltramare) et quelques éditeurs du texte (Tischendorf) estiment que la doxologie a Dieu pour objet.
D’autres (Reuss, Stapfer) attribuent au Christ l’épithète : lui qui est au-dessus de tous (on peut aussi traduire par le masculin) et réduisent la doxologie aux mots : Dieu soit béni éternellement. L’ordre des mots, dans le grec, est peu favorable à cette interprétation.
On a conjecturé enfin que la doxologie était une note écrite en marge par un lecteur judéo-chrétien, ému de tous ces privilèges de son peuple note qui se serait glissée dans le texte. Cette supposition ne se fonde sur aucune variante dans les manuscrits.
On objecte à l’application de la phrase entière au Christ :
À la première objection, on peut opposer 2 Timothée 4.18. Du reste notre proposition, rapportée à Christ, n’est pas, à proprement parler, une doxologie ; c’est l’énoncé de son origine divine, qui fait antithèse à la mention de son origine humaine.
La christologie de l’apôtre lui permet d’appeler Christ Dieu, dans le sens où Jean applique ce terme à la Parole avant son incarnation (Jean 1.1). On peut se demander si Paul ne donne pas ce titre à Christ dans Éphésiens 5.5 et 2.13.
Dans Colossiens 2.9, il dit de Christ : « Toute la plénitude de la divinité habite corporellement en lui ». Il n’est donc pas inadmissible que, dans notre passage, il l’appelle Dieu. Il le présente comme l’instrument et le but de la création (1 Corinthiens 8.6 ; Colossiens 1.16 ; Colossiens 1.17) ; il peut donc dire qu’il est au-dessus de toutes choses (comparez Philippiens 2.6-11).
Il ne faut pas, du reste, réunir les deux épithètes : Dieu et au-dessus de toutes choses ; il vaut mieux traduire : lui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement.
Il nous paraît plus indiqué, dans ces conditions, de rapporter la proposition à Christ, pour les deux raisons suivantes.
Deux faits qui prouvent que Dieu reste libre de choisir qui il plaît et qu’il n’est pas lié par la promesse faite au père de la race élue
Grec : Mais la chose n’est pas telle que ; c’est-à-dire : il ne faut pas donner à ce que je dis du rejet d’Israël ce sens que la parole de Dieu soit restée sans effet (grec) soit tombée en dehors, ait failli qu’elle n’ait pas eu son accomplissement qu’elle ait « cessé d’être la règle de tout ce qui arrive » (Weiss).
On trouve dans l’Ancien Testament (2 Rois 10.10 ; 1 Samuel 3.19), l’expression un peu différente : « tomber à terre » dans le sens d’être annulé n’avoir pas son effet.
Par la parole de Dieu, Paul entend toutes les promesses que Dieu avait faites à Israël et qui lui garantissaient une prérogative dans l’acquisition du salut (Romains 1.16, note) C’est ce qu’il appelait (Romains 3.2 ; Romains 3.3) « les oracles de Dieu » confiés aux Juifs.
L’apôtre aborde en ces termes la grave objection à laquelle il devait s’attendre de la part des Israélites : s’il est vrai que nous sommes exclus des bénédictions de la nouvelle alliance, la parole de Dieu, par laquelle nos privilèges comme peuple élu (comparez versets 4 et 5) avaient été scellés et qui nous assurait la possession du salut cette parole divine serait donc restée sans effet ?
Cela n’est pas possible. L’apôtre va démontrer dans Romains 9 à Romains 11 qu’il n’en est rien. Son premier argument (versets 6-13) consiste dans l’affirmation que tous ceux qui sont issus d’Israël, qui forment l’Israël selon la chair (1 Corinthiens 10.18) ne sont pas Israël, n’appartiennent pas au véritable Israël, à « l’Israël de Dieu » (Galates 6.16).
Grec : Ni, parce qu’ils sont postérité, selon la chair, d’Abraham, tous sont enfants, c’est-à-dire tous les descendants d’Abraham ne sont pas ses enfants, au sens spécial du mot et les héritiers de la promesse ; preuve en soit la déclaration : (grec) mais en Isaac te sera nommée une postérité (Genèse 21.12).
Paul commente la déclaration de l’Éternel à Abraham (verset 7) et en déduit ce principe général et permanent que la naissance charnelle ne confère pas la qualité d’enfant de Dieu.
Seuls les enfants de la promesse, c’est-à-dire les enfants nés à Abraham en vertu de la promesse divine, sont (grec) comptés pour postérité, considérés comme sa vraie postérité.
Paul confirme (car) ce qu’il vient de dire sur les enfants de la promesse, qui sont les vrais enfants d’Abraham, en citant la parole même par laquelle a été annoncée la naissance d’Isaac (Genèse 18.10) et en soulignant que cette parole était une parole de promesse.
À cette époque ou à cette saison, quand l’année aura achevé son cycle.
Un autre fait, l’élection de Jacob de préférence à Ésaü, fournit une preuve plus frappante encore de cette vérité : la naissance charnelle ne confère aucun droit.
Grec : Et non seulement il en fut ainsi de Sarah, mais aussi Rebecca…
Dans le premier fait cité, on pouvait supposer qu’Isaac devait, en partie du moins, son avantage au fait qu’il était le seul des fils d’Abraham qui fût né de l’épouse légitime (comparez Galates 4.22 ; Galates 4.23).
Cette raison ne pouvait être alléguée pour le choix de Jacob, puisque lui et son frère Ésaü avaient été conçus, par la même mère, d’un seul homme, d’Isaac, notre père. Paul parle comme Juif et s’adresse spécialement à ses compatriotes.
Dans l’original, le verbe dont Rebecca est le sujet manque les mots : il en fut de même de… sont sous-entendus. Paul a oublié d’achever sa phrase dans sa hâte d’énoncer la réflexion qui suit et de citer la déclaration divine sur les deux fils de Rebecca, qui lui importe surtout pour sa démonstration.
Car (c’est l’argument que Paul est pressé de mettre en avant) les enfants (sujet sous-entendu dans l’original) n’étant pas encore nés et n’ayant fait quelque chose de bon ou de mauvais,… la première remarque réduit à néant les prétentions fondées sur la naissance, la seconde celles qui s’appuieraient sur le mérite des œuvres.
Avant de citer la déclaration de Dieu sur les deux frères, l’apôtre en indique le but : afin que demeure le dessein arrêté de Dieu, selon l’élection qui dépend non des œuvres, mais de Celui qui appelle…
Le dessein arrêté de Dieu, c’est la résolution que Dieu a prise, dès avant la fondation du monde, de sauver les pécheurs par Jésus-Christ (comparez 8.28, note), en d’autres termes, le plan du salut que Dieu a conçu de toute éternité.
Ce dessein est selon l’élection. On à expliqué cette relation en disant : le dessein est conforme à l’élection, il est dominé et déterminé par cette élection faite antérieurement, en ce cas, le dessein porterait sur le salut des élus seuls.
On peut objecter à cette explication :
Nous sommes ainsi conduits à une autre interprétation. Le dessein de Dieu selon l’élection, c’est un plan de salut qui s’accomplit par élection, pour l’exécuter, Dieu procède par choix ; il ne sauve pas les hommes en masse, il opère un triage parmi eux. Et le principe de ce triage, de cette élection, l’apôtre l’énonce dans les mots qu’il ajoute immédiatement : (grec) non procédant des œuvres, mais procédant de Celui qui appelle ; la préposition grecque exprime le mouvement hors de l’origine. Ce n’est pas le mérite de l’élu, c’est la seule volonté de Dieu qui détermine le choix.
Ce dessein arrêté, Dieu veut qu’il demeure, le verbe au présent désigne une exécution qui dure, qui se poursuit dans le cours des siècles. C’est l’exact contraire de « la parole de Dieu qui tombe, qui reste sans effet » (verset 6).
Tel est le but en vue duquel Dieu a choisi Jacob de préférence à Ésaü, dans les circonstances rapportées par la Genèse.
Les théologiens discutent sur les conséquences de cette élection. Avait-elle seulement pour effet d’assurer aux descendants de Jacob le privilège temporaire d’être le peuple de Dieu ? Ou déterminait elle en même temps la destinée éternelle de Jacob et des membres de la race élue ?
En faveur de la première opinion, on allègue que, dans les chapitres 9-11, Paul ne parle plus du salut des individus. Il a exposé dans les chapitres 1-8 tout ce qu’il avait à dire sur ce sujet ; et dans cet enseignement, où il est question déjà du dessein arrêté de Dieu, qui est le point de départ de l’œuvre du salut (Romains 8.28), il établit, comme norme du jugement qui décidera le sort éternel de chaque homme, « ses œuvres », (Romains 2.6 ; comparez 2 Corinthiens 5.10). Maintenant, il est préoccupé uniquement du problème d’Israël qui rejette l’Évangile. Il cherche à justifier Dieu du reproche d’être infidèle aux promesses faites à son peuple. Il dévoile le plan de Dieu dans le gouvernement du monde, il montre l’Éternel qui appelle, rejette et admet de nouveau Israël et les nations tour à tour. Isaac, Jacob, Ésaü ne figurent dans son argumentation que comme représentants des races issues d’eux.
À ces arguments, les défenseurs de la seconde opinion opposent les réflexions suivantes :
Le salut était donc impliqué dans l’élection d’Isaac et de Jacob, dont parle l’apôtre. Sans doute, il y a une élection des nations, selon laquelle se déroule l’exécution du plan divin. Cette élection a eu ses effets dans l’histoire des descendants d’Ésaü et des descendants de Jacob : les premiers ont été assujettis aux seconds (2 Samuel 8.14 ; 2 Rois 8.20-22 ; 2 Rois 14.7-22 ; 2 Chroniques 25.11 ; 2 Chroniques 26.2 ; 2 Chroniques 28.17).
Mais cette élection est temporaire, ses effets sont passagers, comme le prouve la destinée d’Israël, qui est maintenant rejeté, tandis que les gentils entrent dans le royaume messianique.
Paul montre précisément, dans la présente argumentation, que les Juifs ont tort de s’appuyer sur leur élection comme nation, que ce privilège extérieur ne saurait leur garantir le salut.
Mais, des considérations qu’il oppose à leurs prétentions charnelles, on ne saurait conclure qu’il n’attribuait à l’élection d’Israël aucune valeur spirituelle et ne la mettait pas en rapport avec le salut.
Il nous paraît du reste probable que l’apôtre ne distinguait pas d’une manière aussi précise entre l’élection collective qui détermine les destinées d’un peuple et l’élection individuelle qui fonde le salut éternel des âmes. En tout cas, il ne s’explique pas sur les rapports de ces deux élections. Ces rapports restent un mystère. Qui peut dire ce que deviennent les individus Israélites pendant la période où le peuple dans son ensemble est rejeté ? Et lorsque « tout Israël sera sauvé » (Romains 11.26), sa conversion en masse aura-t-elle pour conséquence de sauver encore ceux qui sont maintenant incrédules ?
Genèse 25.23. Dans l’Ancien Testament, il s’agit des deux peuples : « Deux peuples se sépareront au sortir de tes entrailles, le plus grand sera assujetti au plus petit ».
Paul applique la parole aux deux enfants de Rebecca et prend les termes de « plus grand » et « plus petit » dans le sens d’aîné et plus jeune.
Il ne faut pas presser le mot sera assujetti et objecter qu’Ésaü n’a pas été personnellement sous la domination de son frère. Il s’agit de la position inférieure qu’il occupe par le fait qu’il a été privé de son droit d’aînesse et exclu de la bénédiction paternelle, qui y était attachée. Il est d’ailleurs probable qu’en appliquant la parole à Ésaü et à Jacob, Paul envisage les peuples dont ils furent les pères.
La citation de Malachie 1.2 ; Malachie 1.3, introduite par selon que, est destinée à montrer la cause de l’assujettissement d’Ésaü à Jacob : l’amour de l’Éternel pour Jacob sa haine pour Ésaü. Dans l’original, il s’agit des deux peuples.
C’est affaiblir le sens du verbe : j’ai haï que de l’interpréter : « j’ai aimé moins ». Mais il faut reconnaître que haïr est quelquefois employé dans au sens hyperbolique (Deutéronome 21.15 ; Proverbes 13.24 ; Matthieu 6.24 ; Luc 14.26, comparez Matthieu 10.37 ; Jean 12.25).
Par cette citation, Paul veut faire ressortir que la préférence accordée à Jacob et à ses descendants n’est pas motivée par leurs mérites, mais par la seule volonté de Dieu.
Dans le prophète les mots : J’ai haï Ésaü sont expliqués par ceux-ci, ajoutés immédiatement : « J ai fait de ses montagnes une solitude et de son héritage des demeures de désert » (Malachie 1.3).
On voit en quoi consiste la « haine » de l’Éternel pour Ésaü : c’est le châtiment que les Édomites, descendants d’Ésaü, avaient attiré sur eux par leurs iniquités.
Mais il est peu probable que, dans la citation abrégée qu’il fait du passage de Malachie Paul ait eu l’intention de relever la responsabilité d’Ésaü dans le jugement qui l’atteint. Il cite la sentence prononcée sur lui comme une confirmation de l’idée que « l’élection » dépend « non des œuvres mais de Celui qui appelle », que la volonté souverainement libre de Dieu en est la cause déterminante. Elle n’est méritée en aucune manière par l’homme pécheur. Il n’en résulte pas qu’elle repose sur un choix arbitraire car il ne saurait y avoir d’arbitraire dans les actes du Dieu saint et juste.
Quelque mystère qui enveloppe ses dispensations, elles ne sauraient être contraires à la justice. Elles respectent, par conséquent, la liberté morale de l’homme et laissent subsister sa responsabilité. Si cette liberté et cette responsabilité nous paraissent inconciliables avec la souveraineté de Dieu, telle que l’apôtre la présente dans cet enseignement, souvenons-nous que nous ne saurions tout expliquer dans ce monde de ténèbres et de péché.
Et si nous voulons entrevoir au moins la solution, cherchons-la non dans les raisonnements de notre intelligence mais dans notre expérience religieuse et morale.
À l’objection : Dieu serait injuste, l’apôtre oppose
La conduite actuelle de Dieu envers les gentils et envers les Juifs était prédite par les prophètes
De l’injustice en Dieu, ou (grec) auprès de Dieu, considéré comme Juge, dans le jugement qu’il porte. Telle est la grave objection suscitée par l’affirmation de la souveraine liberté de Dieu qui ne tient compte d’aucun mérite humain dans son dessein de salut, réalisé par élection (versets 11-13).
L’apôtre réfute cette objection en citant diverses paroles de l’Écriture, desquelles il ressort que Dieu « fait miséricorde à qui il veut et qu’il endurcit qui il veut » (verset 18).
Pour admettre cette souveraineté de Dieu dans l’attribution de sa grâce, il faut que l’homme soit humilié dans le sentiment de son péché et prosterné devant le Dieu saint et juste, qu’il reconnaisse n’avoir à attendre de lui que le juste châtiment de ses fautes. Quiconque ne fait pas humblement une telle confession, ne sait pas encore ce qu’est le péché, ni par conséquent ce qu’est la grâce.
La pensée qu’il y a de l’injustice en Dieu, implique un blasphème : c’est, au fond, nier Dieu, qui est la justice suprême. Ce qui donne naissance à cette pensée, c’est la prétention du pécheur que Dieu est tenu de le sauver. Cette prétention est la négation même de la grâce, car une grâce due n’est plus une grâce.
Paul ne prend pas la peine de rebuter une telle opinion. Pour prouver que l’homme n’a aucun droit au salut, il se contente de citer une parole de l’Éternel à Moïse (Exode 33.19), qui lui apparaît comme un axiome biblique indiscutable.
C’est comme s’il disait : ce que nous affirmons, Dieu l’affirme lui-même d’une manière irréfragable.
Des deux termes synonymes que nous traduisons par faire miséricorde et avoir pitié, le second exprime peut-être un sentiment plus tendre et plus intime que le premier.
Conclusion générale (ainsi donc) à tirer de la déclaration divine qui précède : (grec) cela n’est point du voulant ni du courant, c’est-à-dire que la volonté et les efforts de l’homme (comparés à ceux qu’un coureur faisait dans la lice pour obtenir le prix) ne sont jamais le principe, la cause première de son salut ; l’apôtre exhorte ailleurs, de la manière la plus pressante, ses frères à « courir vers le but » (1 Corinthiens 9.24-27 ; Philippiens 3.12 ; Philippiens 3.14), à « travailler à leur salut avec crainte et tremblement » (Philippiens 2.12). Mais il ajoute aussitôt : « car c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire ».
Jésus exprimait la même pensée quand il disait à ses disciples : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jean 15.5).
L’apôtre poursuivant sa démonstration (car) cite la parole de l’Écriture (c’est-à-dire de Dieu dans l’Écriture) adressée à Pharaon (Exode 9.16), et en tire la conclusion générale que Dieu exerce son autorité souveraine, non seulement quand il fait miséricorde, mais aussi quand il endurcit.
Bien plus, Paul en citant la parole adressée à Pharaon, la traduit de manière à en rendre les termes plus rigoureux qu’ils ne le sont dans la version grecque des Septante. L’hébreu porte littéralement : « Je t’ai fait tenir debout précisément pour cela, pour te faire voir ma puissance ». Les Septante traduisent : « Et à cause de cela tu as été conservé, afin que je manifeste en toi ma puissance ».
L’un et l’autre texte expriment l’idée que Pharaon, au milieu des terribles fléaux, qui déjà avaient atteint son pays et son peuple, n’avait pas péri, mais subsistait encore, par la volonté de Dieu, pour être le témoin et l’objet de jugements plus grands (comparez Exode 9.15).
Le terme par lequel l’apôtre traduit l’original emporte l’idée que Dieu a suscité Pharaon, c’est-à-dire l’a fait naître et vivre, l’a placé sur le trône et même a dirigé le cours de ses sentiments, de manière à ce qu’il s’obstinât dans sa folle résistance ;, et cela, afin de faire voir en lui sa puissance, par le châtiment retentissant qu’il lui infligerait.
Ce but était lui-même subordonné au but suprême énoncé en ces termes : pour que mon nom soit publié par toute la terre (Comparer Exode 15.14-15 ; Josué 2.9-10 ; Josué 9.9).
Quant à la conclusion générale que tire l’apôtre (verset 18), il faut se rappeler d’abord qu’il caractérise l’attitude de Dieu envers des pécheurs qui ont encouru sa réprobation et ne méritent que le châtiment ; cela ressort du premier terme employé : Il fait miséricorde…
Et puis, il ne faut pas oublier que, de la part du Dieu saint et juste, qui ne peut faire le mal, endurcir est un jugement exercé sur le péché et la révolte de l’homme (comparez Ésaïe 6.9-10 ; Matthieu 13.13-15).
C’est ce qui ressort de toute l’Écriture et, en particulier, du fait que l’apôtre commente ici, dans le récit qu’en fait l’Exode on lit tour à tour : « Pharaon endurcit son cœur ; » (Exode 8.15-28 ; Exode 9.34) et, « Dieu endurcit le cœur de Pharaon » (Exode 4.21 ; Exode 7.3). Comparer aussi Romains 1.24 ; Romains 1.26 ; Romains 1.28.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue les conditions dans lesquelles Paul a été amené à cette affirmation absolue de la souveraineté de Dieu. Il réfute les Juifs, qui prétendaient restreindre la liberté divine, en affirmant que Dieu ne pouvait, en aucun cas, les exclure de son alliance, ni les priver des effets de la promesse.
L’affirmation que Paul vient d’émettre suscite une objection qu’il prévoit : si Dieu endurcit qui il veut, pourquoi donc se plaint-il encore ?
Le second donc après pourquoi, est omis par la plupart des éditeurs, mais il se lit dans B, D, majuscules Un copiste pouvait être tenté de retrancher ce mot, à cause de la répétition, plutôt que de l’introduire fautivement dans le texte.
L’apôtre ne répond pas d’abord à l’objection. Il se contente de fermer la bouche à son contradicteur en lui rappelant, par la comparaison du potier et du vase d’argile, que le Créateur n’a pas de compte à rendre à la créature.
Ô homme ! qui es-tu, toi (grec) le contestant avec Dieu ?
L’opposition des deux termes : homme, Dieu, justifie le procédé sommaire par lequel Paul ferme la bouche à l’adversaire. Le vase d’argile, dans l’original, il y a un jeu de mots intraduisible : l’ouvrage formé dira-t-il à celui qui l’a formé.
L’image du vase et du potier est empruntée à l’Ancien Testament (Ésaïe 29.16 ; Ésaïe 46.9 ; Jérémie 18.1-10). Paul, en l’appliquant aux rapports de l’homme et de Dieu, répond à quiconque veut contester avec Dieu sur le terrain du droit et de la justice.
C’est ce que faisaient les Juifs, dont l’apôtre réfute les prétentions. Le Tout Puissant, dit-il, trouve une masse informe dans l’humanité telle qu’elle est devenue par sa propre corruption.
En effet, Paul considère l’humanité, après la chute ; cela ressort de la comparaison même dont il se sert : le potier ne crée pas l’argile, il utilise celle qu’il trouve. De même, si Dieu, de la masse corrompue de l’humanité, tire un peuple de rachetés, auxquels il manifeste sa miséricorde, est il injuste envers ceux qu’il laisse en présence de sa justice ?
Telle est la réponse que Paul fait au Juif qui, fier de ses prérogatives et rempli de propre justice, « conteste avec Dieu ». Il ne lui parle que du droit de Dieu.
C’est sous un autre jour que Dieu se révèle à ceux qui ont recours à sa grâce : ils savent que le Dieu juste n’agit point d’une manière arbitraire et fatale, mais toujours conformément à sa sagesse et à son amour ; ils savent « qu’il veut que tous soient sauvés » (1 Timothée 2.4), qu’il « use de patience, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance » (2 Pierre 3.9), que Christ ne « met dehors aucun de ceux qui viennent à lui ; » (Jean 6.37) ils savent enfin qu’il y a une grande différence entre les vases d’argile, objets matériels et les pécheurs, êtres moraux et responsables, que, chez tous les hommes, Dieu trouve le mal déjà existant ; que, si les uns ne deviennent des vases pour un usage honorable que par l’œuvre de la grâce, les autres restent voués à un usage vil, parce qu’ils repoussent cette grâce et s’obstinent à contester avec Dieu sur la voie de la justice.
L’argile, dans la main du potier, ne conteste pas pouvoir le faire est une preuve de liberté morale. Paul n’oubliait pas cette distinction, bien qu’ici il eût à cœur de faire ressortir la souveraineté de la grâce divine ; mais celle-ci n’est qu’un des côtés de la mystérieuse question du salut des âmes.
Dans les versets 22-24, Paul fait l’application de l’image des vases.
Sa phrase est inachevée ; il faut sous-entendre, à la fin du verset 26 « n’en a-t-il pas le droit ? » C’est la réponse à l’objection exprimée au verset 14.
Or, si Dieu, voulant montrer sa colère, non parce qu’il voulait, mais tout en voulant la montrer à la fin, a supporté, avec une grande longanimité, pour leur laisser le temps de se repentir (2 Pierre 3.9), des vases de colère, objets de sa colère, formés pour la perdition…
L’apôtre ne dit pas expressément que c’est Dieu qui les a formés pour la perdition ; tandis que, au verset 23, il dit des vases de miséricorde : Dieu « les a préparés d’avance pour la gloire ».
D’après Romains 2.4 ; Romains 2.5, c’est leur « cœur impénitent » qui est l’artisan de la ruine des méchants. Ils sont donc formés pour la perdition parce qu’ils n’ont pas profité de la grande longanimité de Dieu et qu’ainsi leurs dispositions morales les entraident à la ruine.
Le texte grec porte : et afin qu’il se fit connaître…
Le si, que nous avons mis dans la traduction, n’est pas exprimé.
Aussi plusieurs commentateurs font-ils dépendre la proposition du verset 23 du verbe : a supporté (verset 22) Dieu « a supporté des vases de colère… afin de faire connaître les richesses de sa gloire »
Mais, si c’est là ce que Paul voulait dire, il n’aurait pas dû commencer la proposition subordonnée par et ; de plus, l’on ne comprend pas bien comment Dieu, en supportant des vases de colère, pouvait avoir pour but de faire connaître les richesses de sa gloire envers les vases de miséricorde.
On dit que c’est afin de laisser à tous les élus le temps de se repentir (2 Pierre 3.9) ; mais ce motif aurait dû être exprimé.
Ces raisons amènent beaucoup d’interprètes à sous-entendre, au commencement du verset 23, un si, qui n’est que la reprise de celui qui ouvre verset 22. La proposition du verset 23 devient ainsi le pendant de celle du verset 22.
Les vases de miséricorde (qui correspondent aux « vases pour un usage honorable » verset 21), sont les hommes objets de la miséricorde divine.
L’apôtre dit que Dieu les a préparés d’avance pour la gloire. Ce verbe désigne tout ce que Dieu a fait pour les élever à la gloire qu’il leur destinait ; d’avance fait allusion à son dessein éternel (comparez Romains 8.28-30).
La gloire est l’opposé de la perdition ; c’est la vie et le bonheur éternels qui se trouvent dans la communion avec Dieu et dans la participation à sa gloire.
Grec : Lesquels, nous, il a aussi appelés.
Le pronom relatif est au masculin, tandis que les vases, dont il était question au verset 23, sont du neutre : Paul passe de la figure aux êtres figurés, seuls susceptibles d’être appelés.
Puis il ajoute le pronom nous, par lequel il désigne ses lecteurs et lui-même et les chrétiens en Général, comme les objets de cet appel divin.
Enfin il dit que Dieu nous a appelés, non seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les gentils (Comparer Jean 10.16 ; Luc 14.21 ; Luc 14.24 ; Apocalypse 7.9 et suivants).
C’est à la fin de ce verset qu’aurait dû trouver place la proposition principale que faisaient attendre les mots : si Dieu… au commencement des versets 22 et 23 « n’en avait-il pas le droit ? qu’y a-t-il à objecter ? »
L’apôtre oublie d’énoncer cette question, entraîné qu’il est par le grand fait qu’il vient d’exprimer : la vocation des gentils. Il a hâte de montrer, par plusieurs paroles tirées des prophètes, que ce fait était annoncé d’avance, qu’il rentrait bien dans le plan divin, que l’on ne saurait donc prétendre que « la Parole de Dieu a failli » (verset 6).
Selon qu’il le dit aussi…
Ces mots se rapportent à la dernière affirmation du verset 24 : Dieu les a appelés aussi d’entre les gentils.
Paul cite Osée 2.23. Le passage est librement traduit ; dans 1 Pierre 2.10, ses termes principaux sont rendus plus littéralement. Ils sont appliqués, comme ici, à la conversion des païens, tandis qu’Osée avait en vue la restauration des Israélites des dix tribus.
L’apôtre estimait sans doute que les Israélites du royaume du Nord, devenus infidèles au culte de l’Éternel, étaient, en quelque sorte, tombés au rang des païens et que, par conséquent, la promesse de restauration, qui leur avait été faite, pouvait s’appliquer à tous les païens.
Prononcée par Dieu, cette parole énonçait le principe selon lequel il gouverne les nations et ce principe détermine la conduite de Dieu envers tous les peuples.
Osée 1.10 littéralement cité.
Le lieu, dont parlait le prophète, c’est Samarie, plutôt que la terre d’exil. Il est étrange, dès lors, que Paul insiste sur ce lieu, en ajoutant dans la citation : là, qui ne se trouve ni dans l’hébreu, ni dans les Septante.
Partout où ils étaient répandus les Juifs, dans leur orgueil national, disaient aux païens : vous n’êtes point le peuple de Dieu !
Paul trouve dans la prophétie d’Osée la promesse que les païens seront appelés fils du Dieu vivant dans leur propre pays, là où les Juifs leur avaient dénié ce titre.
Ésaïe 10.22 ; Ésaïe 10.23.
Après les gentils, Israël.
La pensée qu’un reste seulement (grec le reste) du peuple sera sauvé, revient souvent dans les prophètes, quand ils annoncent les jugements de Dieu. Elle était propre à détruire les orgueilleuses prétentions des Juifs fondées sur leurs privilèges naissance. Elle servait ainsi admirablement au but de l’apôtre, qui était de montrer que le rejet d’Israël comme peuple, n’anéantissait point le dessein arrêté de la miséricorde divine (Comparer Ésaïe 4.3 ; Ésaïe 6.13 ; Amos 9.9 ; Sophonie 3.12 ; Zacharie 13.9).
Ce verset explique (car) qu’un reste seulement soit sauvé, en relevant la prophétie qui annonçait que le jugement de Dieu ne s’accomplirait ni à moitié, ni lentement.
Grec : Le Seigneur fera sa parole sur la terre, achevant et abrégeant, c’est-à-dire qu’il exécutera sa sentence d’une manière complète et prompte. Telle est la traduction du texte de Codex Sinaiticus, B, A.
Les autres documents portent : « Car (Dieu est) achevant et abrégeant la parole en justice, parce que le Seigneur accomplira une parole abrégée sur la terre ».
Ce texte est plus conforme à la version des Septante, que suit ici l’apôtre et qui porte littéralement : « Car (Dieu est) achevant et abrégeant la parole en justice, parce que le Seigneur des armées accomplira une parole abrégée sur toute la terre ».
Le texte hébreu est assez différent : « La destruction est résolue, elle fera déborder la justice, car le Seigneur, l’Éternel des armées, fait destruction et décision au milieu de tout le pays », c’est-à-dire : exécute la destruction qu’il a décidée.
L’apôtre cite d’après la version grecque, parce qu’elle exprime mieux la proximité du jugement de Dieu, dans lequel s’accomplira la sentence exprimée à vers. 27.
Dans tout ce passage, Ésaïe décrit les jugements qui devaient atteindre Israël avant les temps messianiques Paul était donc fondé à y voir l’annonce du rejet d’Israël, dont « le reste seulement sera sauvé » (verset 27 ; comparez Romains 11.5).
Comme Ésaïe a dit auparavant, c’est-à-dire dans une prophétie précédente (Ésaïe 1.9).
Sans cette faveur que le Seigneur nous a faite de nous laisser un rejeton, une nouvelle pousse, reproduite par la racine loin de l’ancienne tige, le « reste » du verset 17, considéré comme le germe, d’où sortira une race nouvelle notre destruction serait complète comme celle des villes de la plaine.
Constatation du fait
Les gentils, qui n’aspiraient pas à ta justice, ont obtenu celle qui vient de la foi, tandis qu’Israël n’est pas parvenu à la loi de la justice, qu’il cherchait (30, 31)
Indication sommaire de la cause, confirmée par l’Écriture
C’est qu’Israël a cherché la justice par les œuvres et non par la foi. Deux passages d’Ésaïe montrent que telle est bien la cause de son échec (32, 33)
La question : Que dirons-nous donc ? n’introduit pas, comme au verset 14 une objection ; elle forme simplement la transition à un nouveau développement (comparez Romains 8.31).
Après avoir repoussé les objections que l’on pouvait faire, du point de vue juif, à l’idée qu’Israël était rejeté, Paul va montrer que le peuple élu porte la responsabilité de son rejet. Il constate le fait et en indique sommairement la cause dans les versets 30-33.
Au chapitre 10, il exposera avec plus de détail cette cause qui est la propre justice et l’incrédulité d’Israël.
L’apôtre constate que (grec) des gentils (sans l’article), des hommes qui ressortissent à la multitude des nations auxquelles Dieu n’avait pas révélé sa volonté en leur donnant, comme à Israël, une loi, qui, par conséquent, ne poursuivaient pas la justice, c’est a dire la conformité à l’ordre divin, le pardon des péchés, la réconciliation avec Dieu et l’admission dans sa communion, ont obtenu (ou : ont saisi) la justice, sont parvenus à cette relation normale avec Dieu.
L’apôtre ne veut pas dire que les gentils étaient privés de toute aspiration au bien moral et à la vie religieuse en communion avec la divinité. Mais, comme ils n’étaient pas éclairés sur l’être de Dieu et sur sa volonté, comme la loi n’avait pas éveillé en eux le sentiment du péché, ils ne pouvaient poursuivre ce que Paul appelle la justice.
Cette justice, ils l’ont obtenue par la foi. Paul se hâte de l’expliquer, en ajoutant : mais la justice qui vient de la foi. La voie de la justice était la seule qui s’ouvrit devant eux, comme elle est, en tout temps, la seule qui puisse conduire le pécheur à la justice.
L’échec d’Israël apparaît dans un douloureux contraste avec le succès des gentils.
Paul ne dit pas qu’Israël poursuivait la justice, mais la loi de la justice, afin de marquer le tort d’Israël, qui fut de s’attacher avant tout à la loi, de se glorifier, dans son orgueil national, de posséder seul la loi (Romains 2.17), d’en faire son idole, de s’attacher à la lettre de la loi, à son accomplissement formaliste, au lieu de se pénétrer de son esprit et de saisir le but en vue duquel Dieu l’avait donnée, qui était d’humilier l’homme, en lui révélant son péché.
Poursuivre la loi de la justice, c’est chercher sa justification dans la pratique extérieure et superficielle de la loi, en méconnaissant que l’obéissance complète à cette loi est au-dessus des forces de l’homme vendu au péché.
En agissant ainsi, Israël n’est point parvenu à cette loi (Grec : à la loi), il n’a pas atteint le but qu’il poursuivait : acquérir sous le régime légal la vraie justice qui compte devant Dieu.
Quelques majuscules répètent de la justice après n’est point parvenu à la loi. Codex Sinaiticus, B, A, D, etc., omettent ce complément.
Pourquoi cet échec d’Israël ? Quelle en est la raison, la cause morale ? Parce que (il a poursuivi la justice) non par la foi, mais comme possesseurs du royaume. Mais eux-mêmes, en prononçant sur les vignerons ce double jugement, que la vigne leur serait ôtée et qu’ils périraient misérablement, proclamèrent leur propre condamnation.
Et c’est cette sentence que Jésus confirme par ces mots : le royaume de Dieu vous sera ôté, vous en serez exclus et il sera donné, par pure grâce, à une nation, peuple de Dieu choisi du sein de tous les peuples, qui en produit les fruits. Jésus ne dit pas : produira, selon nos versions. Il parle au présent, parce que déjà il voit sous ses yeux les premiers fruits de ce nouveau royaume. On sait comment cette prophétie fut accomplie par la destruction de Jérusalem et la ruine de la théocratie juive et par l’établissement du royaume de Dieu parmi les nations païennes. La parabole des vignerons, comme tant d’autres déclarations, montre que tout l’avenir de son règne était devant les yeux du Sauveur.
L’apôtre montre que le rejet d’Israël, triste conséquence de son erreur, avait été annoncé dans l’Écriture.
Il combine Ésaïe 28.16 ; Ésaïe 8.14, en intercalant le second passage entre les deux propositions du premier.
Ésaïe 28.16 porte en effet : « Voici, j’ai mis pour fondement en Sion une pierre éprouvée, angulaire, de prix… »
Paul substitue à ces qualificatifs : une pierre d’achoppement et un rocher de scandale, qu’il tire de Ésaïe 8.14.
Enfin les mots : celui qui croit en lui ne sera point confus, sont de nouveau empruntés à Ésaïe 28.16. Le texte hébreu porte : « n’aura point hâte de fuir », ce que les Septante ont traduit par : ne sera point confus.
Quelques majuscules portent : quiconque croit en lui… Cette promesse fait contraste avec la menace qui précède. Elle s’accomplit en faveur des gentils qui saisissent par la foi le salut gratuit. Jésus lui-même, dans Matthieu 21.42-44, s’applique la parole du Psaumes 118.22 ; Psaumes 118.23, qui le désignait comme « la pierre angulaire, rejeter par ceux qui bâtissaient » et immédiatement après, il cite Ésaïe 8.14. Les trois passages Ésaïe 28.16 ; Psaumes 118.22 ; Ésaïe 8.14 sont réunis dans 1 Pierre 2.6-7. Comparez aussi Actes 4.8-11).
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