Plan du commentaire biblique Jérusalem, si je t’oublie…
Ce psaume est l’expression touchante, mais effrayante aussi, pour notre sens chrétien, du patriotisme qui, au lendemain de la déportation, animait les Israélites de la captivité. Il reflète évidemment les sentiments d’un homme qui lui-même a été captif.
La première strophe, d’une haute poésie, reste à toujours l’expression la plus parfaite de la douleur patriotique et de la dignité dans le malheur (versets 1 à 3). Puis la complainte du début fait place à des accents vibrants, à mesure que le souvenir de Jérusalem, réveillé par l’invitation des vainqueurs à chanter les cantiques de Sion, se présente plus vivement à l’âme du psalmiste (versets 4 à 6) et c’est par la menace et l’imprécation que se termine le psaume (versets 7 à 9).
L’épouvantable menace de la fin nous fait mesurer toute la distance qui sépare l’ancienne alliance de la nouvelle. Dans d’autres psaumes, où l’on trouve aussi des imprécations terribles, l’injustice des méchants, leur perfidie, leur haine de Dieu sont exposées assez clairement pour que le lecteur comprenne que la colère qui s’exprime ainsi est inspirée par la haine du mal lui-même (voir les notes Psaumes 5.11 ; Psaumes 35.1 ; Psaumes 69.23 ). Cette haine, il est vrai, est ressentie par les victimes de cette méchanceté et les sentiments d’indignation personnelle se confondent avec la sainte réprobation du mal à tel point qu’on ne peut les en distinguer. Ici, l’explosion de colère du verset 9 apparaît au lecteur comme l’expression d’un désir purement humain de vengeance cruelle. Il ne faut pas oublier cependant que l’élément religieux n’est jamais absent du patriotisme israélite, que même il en constitue l’élément principal. Jérusalem est la ville de l’Éternel, plus encore que la capitale d’Israël ; elle est la ville du culte, des prophètes, de la promesse, du salut. Voilà pourquoi le psalmiste la met au-dessus de toutes ses joies (verset 6). Remplir cette ville de sang et de crimes, y sévir de la façon la plus barbare, ainsi que l’avaient fait les conquérants (Ésaïe 47.6 ; Jérémie 51.24 ), ce n’était pas seulement froisser au dernier point les sentiments des vaincus, c’était toucher d’une main profane et inhumaine à ce que l’humanité tout entière avait de plus précieux, au trône même de l’Éternel (voir entre autres Ézéchiel 38.18-22 ). Bien que ce sentiment ne soit pas exprimé clairement dans ce psaume, il remplit néanmoins l’âme du psalmiste et lui fait sentir qu’une nation qui a commis un tel sacrilège doit disparaître de la face de la terre, sans laisser de trace ; il appelle même de ses vœux un tel jugement. Que d’autres sentiments plus personnels se mêlent à celui-là dans une mesure que l’on ne peut déterminer, nous ne le nierons pas ; et même cet amour pour l’Éternel et sa ville fut-il le seul qui s’exprimât ici, il est évident que, sous l’alliance chrétienne, il s’exprimerait autrement. Mais il serait injuste d’appliquer aux croyants du sixième siècle avant Jésus-Christ la règle évangélique que, dans les temps de calamité nationale et en face d’atrocités révoltantes, les chrétiens mêmes de notre siècle suivent si rarement. Ce psaume, par l’étonnement même qu’il provoque, nous donne l’occasion de reconnaître à quel point l’esprit apporté au monde par Jésus-Christ est nouveau. La justice subsiste et l’apôtre exprime dans toute sa simplicité l’élément éternellement vrai des menaces du psalmiste, lorsqu’il dit : Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira (1 Corinthiens 3.17 ). Mais la croix de Christ, en nous révélant les profondeurs de notre péché, en même temps que la hauteur de la sainteté de Dieu et l’immensité de sa grâce, arrête sur nos lèvres les jugements et les menaces et nous fait désirer le salut des coupables comme le nôtre propre.