Les fléaux retenus
Un ange, venu de l’orient, donne aux quatre anges des quatre vents l’ordre de ne pas frapper la terre avant qu’il ait marqué au front les serviteurs de Dieu (1-3).
Le nombre de ceux qui sont marqués
Jean entend ce nombre qui est de cent quarante-quatre mille ; douze mille de chacune des douze tribus d’Israël, qui sont énumérées (4-8).
Les cent quarante-quatre mille marqués du sceau de Dieu
Entre le sixième et le septième sceau, Jean voit un double tableau destiné à consoler les serviteurs de Dieu au milieu des redoutables jugements annoncés, en leur donnant, d’une part, l’assurance qu’aucun membre de l’Église militante ne périra avec le monde, car tous seront scellés du sceau du Dieu vivant (versets 1-8) ; et d’autre part, en leur laissant entrevoir la félicité céleste dont jouit l’Église triomphante, vue propre à raviver l’espérance et à soutenir le courage de ceux qui sont encore dans les combats.
Aux quatre points cardinaux, appelés ici les quatre coins de la terre, se tiennent quatre anges qui commandent aux quatre vents principaux et ont ainsi le pouvoir de faire du mal à la terre (verset 3).
Souvent les prophètes ont vu dans les vents d’orage le symbole des jugements de Dieu (Ésaïe 27.8 ; Psaumes 1.4. Les quatre vents sont nommés dans Jérémie 49.36 ; Daniel 7.2 ; Zacharie 6.1 et suivants, Hénoch 76.4).
Aussi le pouvoir qu’ont ces anges de faire du mal à la terre et à la mer et aux arbres n’est pas, comme on l’a supposé, dans l’action de retenir les vents, afin de produire une chaleur étouffante, mais bien de les lâcher, pour qu’ils deviennent des ouragans et apportent sur la terre des dévastations, image à la fois et réalité des jugements de Dieu.
C’est pour cela qu’un autre ange montant du côté du soleil levant (d’où vient la lumière et toutes ses bénédictions) ordonne aux premiers de retenir encore les vents, de ne point faire de mal à la terre jusqu’à ce que les serviteurs de Dieu aient été marqués du sceau (grec scellés) sur leurs fronts. Bien que cet ange tienne le sceau de Dieu (verset 2), ce n’est pas lui seul qui choisit ceux qu’il doit marquer ; il dit : nous et laisse ainsi entrevoir l’action de Celui qui seul « connaît ceux qui sont à lui » (2 Timothée 2.19).
Quant à ce sceau lui-même, c’est le symbole de la grâce qui donne aux élus de Dieu la précieuse assurance de ne pas périr avec le monde au sein même des plus terribles dangers (comparer Ézéchiel 9.4-10 ; Matthieu 24.22 ; Éphésiens 4.30 ; Apocalypse 9.4 ; Apocalypse 14.1).
La grande multitude dans le ciel (9-17)
Le nombre de cent quarante-quatre mille est symbolique. Ce chiffre précis montre que Dieu connaît exactement tous ses serviteurs. Il est établi d’après le nombre des tribus des fils d’Israël. Le carré de douze représente le peuple de Dieu dans sa plénitude. Multiplié par mille, il évoque l’idée d’une multitude. La question qui divise les interprètes est de savoir si l’auteur a en vue Israël selon la chair, dont il supposerait ici la conversion future et intégrale (Romains 11), ou si les douze tribus d’Israël ne sont pour lui qu’une manière de désigner le peuple de Dieu sous la nouvelle Alliance. Cette dernière explication nous paraît la seule admissible.
- Ceux qui reçoivent la marque sont appelés les serviteurs de notre Dieu, sans que rien indique que cette désignation est limitée à une catégorie de fidèles.
- Le sceau est imprimé sur leur front pour les mettre à l’abri des fléaux dont toute la terre va être frappée. Il serait étrange que Dieu ne voulût en préserver que ses serviteurs d’entre les juifs.
- Tout est symbolique dans cette énumération. Nous l’avons constaté déjà pour le nombre total des cent quarante-quatre mille. Cela est évident aussi pour leur répartition entre les douze tribus, dont chacune compte un nombre oral d’élus. L’auteur n’a pu s’attendre là ce qu’il en fût réellement ainsi du peuple juif, puisque, de son temps, la plupart des tribus avaient complètement disparu et qu’elles avaient été dès l’origine très inégales quant à leur importance et au nombre de leurs membres.
Nous avons ici la conception qui se retrouve dans toute l’Apocalypse et qui fait du peuple de Dieu sous la nouvelle Alliance la réalisation parfaite de ce qu’Israël préfigurait sous l’ancienne. Ce qui peut avoir induit l’auteur à se représenter l’Église sous le symbole des douze tribus d’Israël, c’est que les plaies contre lesquelles le sceau doit préserver les membres (Apocalypse 8 et Apocalypse 9) présentent beaucoup de ressemblances avec les plaies qui frappèrent l’Égypte, en épargnant les Israélites des douze tribus.
L’ordre dans lequel sont énumérées les tribus présente certaines particularités. Déjà dans l’Ancien Testament cet ordre varie. Ici Juda est nommé en tête, parce que de cette tribu est sorti le Messie (Apocalypse 5.5). Les tribus issues des fils de Joseph, Manassé et Éphraïm, sont comptées toutes deux. Éphraïm reçoit le nom de Joseph (Amos 5.6 ; Amos 5.15 ; Ézéchiel 37.19 ; Zacharie 10.6). On obtient alors treize tribus. Pour retrouver le nombre douze, notre auteur omet la tribu de Dan. Cette tribu manque de même dans la table généalogique de 1 Chroniques 4 à 1 Chroniques 7, tandis que dans Deutéronome 33, l’omission porte sur Siméon et dans Nombres 13 et Ézéchiel 48 sur Lévi.
La grande multitude loue Dieu
Jean contemple une foule innombrable de toute nation qui se tient devant le trône et devant l’Agneau, avec des robes blanches et des palmes et chante les louanges de Dieu et de l’Agneau (9, 10).
Chant des anges
Les anges, les anciens et les êtres vivants célèbrent la gloire de Dieu (11, 12).
Un des anciens explique la vision à Jean
Un des anciens demande à Jean s’il sait qui sont ceux qu’il voit vêtus de robes blanches. Sur sa réponse négative, il lui déclare que ce sont les rachetés de Christ, qui reviennent de la grande tribulation ; c’est pourquoi ils sont dans une communion permanente avec Dieu, à l’abri de toute souffrance, recevant du Sauveur la vie dans sa plénitude, consolés par Dieu de toutes leurs douleurs (13-17).
La grande multitude dans le ciel
On a beaucoup discuté sur les rapports de cette grande multitude avec les cent quarante-quatre mille (versets 1-8).
Les interprètes qui voient dans ces derniers le peuple d’Israël, pensent que la grande multitude est composée des convertis d’entre les païens ; ils insistent sur le contraste qu’il y a entre cette foule innombrable de toute nation et le nombre exactement compté des fils d’Israël.
D’autres identifient complètement les cent quarante quatre mille avec la multitude ; Jean, dans la première vision (verset 4), « entend » seulement le nombre de ceux qui sont marqués du sceau ; dans la seconde vision, il les voit et ils lui apparaissent comme une foule que personne ne peut compter. Cette identification complète ne nous semble pas ressortir du texte.
Les deux tableaux prophétiques sont distincts et successifs (après cela). Le premier nous place sur la terre (verset 3) et nous montre l’Église militante, telle qu’elle est constituée au moment où vont commencer les malheurs des derniers temps. Le second nous transporte dans le ciel, à la fin des temps et nous fait voir l’Église triomphante, qui est une grande multitude de toute nation, composée de tous ceux qui reviennent de la Grande tribulation, de tous les rachetés de Christ qui ont « blanchi leurs robes dans le sang de l’Agneau » (verset 14). Les cent quarante-quatre mille en font partie, mais d’autres avec eux, qui ont précédemment subi le martyre (Apocalypse 6.11) ou se sont endormis dans la foi en Jésus-Christ.
La vue de cette multitude renferme pour ceux qui luttent et souffrent ici-bas un double encouragement. C’est d’abord la pensée que ces rachetés forment une foule que personne ne peut compter. Sur la terre, le nombre des vrais disciples de Jésus, à chaque époque, paraît bien faible et insignifiant ; réunis dans le ciel, de tous les temps et de tous les lieux ils formeront une multitude innombrable.
C’est ensuite et surtout la peinture de leur félicité : ils se tiennent devant le trône de Dieu et devant l’Agneau, dans une intime et ininterrompue communion avec le Père (verset 15) par le Fils ; ils sont revêtus de robes blanches (Apocalypse 3.4-5 ; Apocalypse 4.4 ; Apocalypse 6.11), symbole de la justice et de la sainteté parfaites qu’ils possèdent ; ils ont des palmes dans leurs mains, insignes de la victoire qu’ils ont remportée.
Cri de reconnaissance et d’adoration, où s’expriment la joie du triomphe et l’humilité qui attribue le salut tout entier à notre Dieu et à l’Agneau.
Comparer sur ce cantique céleste et sur ceux qui le chantent Apocalypse 5.11-13 notes. Tout ce qui aime Dieu forme, pour le louer, une sainte communauté, une seule Église, une seule famille. La création entière a atteint le but de son être, la gloire de Dieu.
En s’appropriant par la foi l’efficace du sacrifice de Christ, dont « le sang purifie de tout péché » (1 Jean 1.7).
La forme dialoguée donne à l’explication de la vision (versets 13-17) un intérêt dramatique. Comme dans Apocalypse 5.5, c’est l’un des anciens, des représentants de l’Église sauvée (Apocalypse 4.4, note), qui interpelle le voyant, celui-ci répond avec déférence (mon seigneur), en sollicitant indirectement l’interprétation de la prophétie (tu le sais).
La grande tribulation est avant tout, dans la pensée de Jean, celle que Jésus avait prédite pour les derniers temps (Matthieu 24.21 et suivants) et qui se présentera dans la suite de l’Apocalypse comme une persécution générale. Mais l’opposition du monde et les souffrances de toute nature qui nous assaillent ici-bas font que pour tout chrétien, la vie est, à des degrés divers, la grande tribulation.
Il leur fera goûter les délices de sa présence, de sa communion, selon la promesse de l’ancienne Alliance (Lévitique 26.11 ; Lévitique 26.12 ; Ézéchiel 37.27) dont l’accomplissement a commencé par l’incarnation du Fils de Dieu (Jean 1.14, 2e note) et s’achèvera dans la gloire du ciel (Apocalypse 21.3).
Comparer Ésaïe 49.10. L’agneau qui est au milieu du trône ; cette expression a été expliquée Apocalypse 5.6, 1re note.
Voir Ésaïe 25.8 ; Apocalypse 21.4.