L’ambassade de Mérodac-Baladan et la prédiction de l’exil à Babylone
Mérodac-Baladan, qu’on nomme ici en passant, est un personnage très remarquable, que les inscriptions assyriennes nous ont pleinement fait connaître. Il était originairement roi de Beth-Jakin, une contrée de la Basse-Chaldée, voisine du golfe Persique et située entre l’Euphrate et le pays d’Elam. Pendant un quart de siècle, il défendit en héros l’indépendance de la Chaldée contre les rois d’Assyrie. Il est souvent mentionné dans les inscriptions de Tiglath-Piléser, Sargon et Sanchérib, sous le nom de Marduk-habal-iddina, qui signifie : Mérodac (le Jupiter babylonien) a donné un fils. En 734, nous le trouvons rendant hommage à Tiglath-Piléser qui, dans l’inscription, l’appelle roi de la mer. Il demeura dès lors vassal des rois de Ninive, jusqu’au moment où l’avènement de Sargon fit monter sur le trône une nouvelle dynastie. Profitant sans doute des troubles qui accompagnèrent cette révolution, il se rendit alors indépendant, s’empara de Babylone et se fit reconnaître comme roi de toute la Chaldée (721). Sargon l’attaqua sans succès et il réussit à se maintenir à Babylone jusqu’en 710. C’est évidemment le Mardokempad que le canon de Ptolémée fait régner en Chaldée dès 721. En 710, Sargon entreprit contre lui une nouvelle campagne. Mérodac-Baladan dut s’enfuir et se retira dans son pays de Beth-Jakin. Sargon l’y poursuivit, prit et brûla sa capitale, Dur-Jakin ; aussi cette année-là compte-t-elle comme la première de son règne à Babylone (le canon de Ptolémée indique à cette date l’avènement d’Arkéanos, qui n’est autre que, Sargon). Mais le patriote chaldéen ne se tint pas pour vaincu ; en 705, Sargon envoya contre lui son fils Sanchérib. Mais ce dernier fut rappelé, tôt après, à Ninive par la mort inattendue de son père, assassiné peut-être un partisan de Mérodac-Baladan. Celui-ci réussit alors à reprendre Babylone et y occupa le trône pendant six mois (704). Mais Sanchérib ne tarda pas à reparaître ; voici comment, dans une inscription, il raconte lui-même cette campagne : Au commencement de mon règne, je défis Mérodac-Baladan, roi de Kar-Dunias (Chaldée), et les troupes d’E]am, devant la ville de Kis. Il abandonna son bagage dans le combat et s’échappa seul. Il s’enfuit au pays de Guzumman et se cacha dans des marécages pour sauver sa vie. Ses chars, ses chevaux, ses mulets, ses ânes, ses chameaux, ses bêtes de somme, qu’il avait laissés sur le champ de bataille, tombèrent dans mes mains. J’entrai plein de joie dans son palais à Babylone et j’ouvris son trésor ; je pris l’or, l’argent, les vases en or et en argent, les pierres précieuses, tout ce qui s’y trouvait, sa femme, les femmes de son palais, ses officiers, toute son armée et les gardes de son palais… J’envoyai en hâte mes soldats à sa poursuite dans le pays de Guzumman, au milieu des marécages. Cinq jours se passèrent, mais on ne vit plus sa trace. Par la force d’Assur, mon seigneur, je pris 89 villes fortes et châteaux de la Chaldée et 820 petites villes qui en dépendaient et j’en emmenai des prisonniers… J’établis Bélibus, fils d’un mage, élevé avec les jeunes garçons dans mon palais, comme gouverneur de la Chaldée…
Après le désastre subi en Palestine par Sanchérib, Mérodac-Baladan s’allia à un prince babylonien, nommé Suzub et releva encore une fois la tête. Mais en 699, Sanchérib marcha contre les rebelles et les battit : Je me dirigeai, dit-il, vers le pays de Beth-Jakin. Ce Mérodac-Baladan, que j’avais battu dans ma première campagne, je défis ses troupes ; il craignit l’approche de mes forces immenses et le choc de mes armes. Il prit ses dieux, protecteurs de son pays, dans leurs châsses, les chargea sur des navires et s’enfuit comme un oiseau vers la ville de Nagit-Rakki, qui est au milieu de la mer (sur une île du golfe Persique). J’emmenai du pays de Beth-Jakin, au milieu des marais, ses frères et les personnes de la maison de son père, qu’il avait laissés sur les bords de la mer, ainsi que les habitants de son pays et je les pris comme esclaves. Je détruisis, dévastai, mis en ruines ses villes… À mon retour, j’élevai sur son trône (celui de Mérodac, à Babylone) mon fils aîné, Asurnadinsum.
Mérodac-Baladan n’en continua pas moins à susciter des troubles en Chaldée. Alors Sanchérib, ayant construit une flotte, ravagea son île et le territoire que lui avait cédé le roi d’Elam sur les bords du golfe Persique. Dès ce moment son nom disparaît des inscriptions. Ses fils et Suzub, qui s’était emparé de Babylone, se soulevèrent encore contre Sanchérib ; mais celui-ci les battit et finit par détruire Babylone de fond en comble (685). Cette ville fut rebâtie peu après par Asarhaddon.
Fils de Baladan. Les inscriptions l’appellent toujours fils de Jakin. Jakin était peut-être le fondateur de la dynastie et Baladan son propre père.
Envoya une lettre… La maladie d’Ézéchias ayant eut lieu en 714, c’est pendant les douze ans qu’il occupa le trône de Babylone, de 721 à 710, que Mérodac-Baladan doit avoir fait cette démarche. Les félicitations adressées à Ézéchias n’étaient qu’un prétexte ; l’ambassade avait certainement une portée politique : le vassal insoumis du monarque assyrien cherchait des alliés pour le moment peu éloigné où Sargon rentrerait en campagne contre lui. Dans une inscription, Sargon l’accuse d’avoir pendant douze ans envoyé des ambassades contre la volonté des dieux de Babylone.
Et un présent : il voulait acheter le concours d’Ézéchias (comparez Ésaïe 30.6).
Le second livre des Chroniques (2 Chroniques 32.31) dit que les ambassadeurs avaient aussi la mission de se renseigner sur le miracle du cadran (Ésaïe 38.1-21).
Il est dit 2 Chroniques 32.31 (comparez verset 25) qu’en cette occasion Dieu l’abandonna pour l’éprouver, afin de connaître tout ce qui était en son cœur. Ézéchias n’aurait pas eu tant de richesses à montrer, si l’invasion de Sanchérib, qui lui coûta tout son trésor (2 Rois 18.15-16), avait déjà eu lieu. Ceci se passe donc avant les événements des chapitres 36 et 37.
Ésaïe voyait qu’Ézéchias allait, comme Achaz, son père, commettre la faute de s’appuyer sur l’étranger (comparez les chapitres 30 et 31). Le roi fait entendre dans sa réponse, qu’il n’a rien fait de plus que ce qui était convenable envers des étrangers venus de si loin.
Remarquez la franchise de la réponse d’Ézéchias.
La punition annoncée est profondément humiliante pour Ézéchias. Et de plus, comme si souvent, elle est exactement appropriée à la faute. La famille royale, plus coupable que toute autre, sera frappée la première.
Tes fils qui sortiront de toi : les fils qu’il n’a pas encore et, sur lesquels se fonderont un jour ses espérances (Ésaïe 28.3, note).
Il n’est pas nécessaire de prendre le mot eunuques dans son sens littéral ; il signifie qu’ils deviendront serviteurs du roi de Babylone. La prophétie s’accomplit une première fois lorsque le propre fils d’Ézéchias, Manassé, fut emmené à Babylone par Asarhaddon (2 Chroniques 33.11), mais plus complètement lors de la captivité de Babylone (Daniel 1.3 ; 2 Chroniques 36.18).
En acceptant comme juste la sentence prononcée par Ésaïe, Ézéchias reconnaît sa faute et s’en humilie (2 Chroniques 32.26 ; comparez la parole d’Éli 1 Samuel 3.18). Mais il ressent en même temps un vif sentiment de reconnaissance de ce que Dieu veut bien l’épargner lui-même et tempérer à son égard la justice par la miséricorde. Il ne mérite pas pour cela d’être taxé de vulgaire égoïste.