Chapitres 32 à 37
Nous avons indiqué brièvement, dans notre Introduction, les raisons pour lesquelles ces six chapitres ont souvent été considérés comme une adjonction postérieure, qui brise l’unité du poème, ainsi que les considérations qui nous obligent au contraire à tenir ces mêmes chapitres pour une partie intégrante, pleinement légitime et même nécessaire de notre livre. Ajoutons ici quelques remarques plus détaillées sur ce point.
- Et d’abord nous reconnaissons que ce long morceau, quelque opinion que l’on ait sur son authenticité, vient d’une manière tout à fait imprévue séparer l’apparition de Dieu (chapitre 38) des ardents soupirs par lesquels Job l’a provoqué (Job 31.35-37). Mais nous pensons que, en mettant dans la bouche d’Élihu, dont la pensée se rapproche le plus de la pensée de Dieu, le pressentiment de l’apparition divine (Job 42.1-2), l’auteur a voulu préparer cette apparition. Et au simple point de vue littéraire, n’y a-t-il pas une grande habileté à piquer la curiosité et à soutenir l’attention du spectateur ou du lecteur par ce renvoi imprévu de la solution ?
- Élihu n’a point figuré dans le prologue et ne figurera pas dans l’épilogue. Mais l’imprévu de cette intervention se justifie : l’auteur aura voulu rendre une nouvelle vie à l’action, au moment où les trois amis vaincus laissaient Job tout seul, maître du champ de bataille. Et si, dans le dernier chapitre, Élihu n’est nommé ni en bien ni en mal, ne serait-ce pas que son point de vue, supérieur à celui des trois amis, ne mérite aucun blâme, sans être pour cela la pleine vérité ?
- Le style d’Élihu diffère sensiblement de celui du reste du livre. Mais le style peut et doit varier suivant les sujets traités ; un seul et même auteur peut se plaire à faire parler diversement les divers personnages qu’il met en scène.
- Élihu prend à quatre reprises la parole, sans que Job ni aucun des personnages présents lui réponde rien et l’on a vu là l’indice de retouches. Mais dans ce cas, le dernier discours de Job devrait éveiller les mêmes soupçons. Voir Job 27.4 ; Job 29.1. Si Élihu s’arrête de temps à autre, c’est pour ne pas avoir l’air de faire de l’obstruction. Et quand il voit que personne ne prend la parole, il poursuit.
Voici comment se divisent ces six chapitres :
- Introduction en prose : Job 32.1-5
- Préambule ou exorde : Job 32.6-33.7
- Première partie : Job 33.8-33
- Deuxième partie : chapitre 34
- Troisième partie : chapitre 35
- Quatrième partie ou péroraison, chapitres 36 et 37
Deux idées principales sont développées dans ce grand discours : Élihu s’attache d’abord à prouver qu’il y a des douleurs qui, sans être la rétribution de fautes commises, sont propres à purifier l’homme des germes de péché renfermés dans son cœur et à le préserver des chutes auxquelles il pourrait être exposé. Ainsi, lorsque Dieu reprend l’homme et l’avertit dans le fond de sa conscience, c’est pour l’empêcher de se livrer à l’orgueil (Job 33.16 et suivants) ; de même quand il lui envoie la souffrance (Job 33.19). Quand le juste ainsi frappé s’est humilié (Job 33.26), une vie toute nouvelle lui est communiquée et le but de l’affliction est atteint. Il y a en Job un fond de péché (Job 34.7-9) que Dieu discerne (Job 34.2-22), lors même qu’il lui demeure caché à lui-même et il est absolument nécessaire que par la souffrance Job soit amené à dire : Ce que je ne savais pas, enseigne-le moi ; il se pourrait après tout que j’aie fait le mal (Job 34.32). En Job encore il y a de la propre justice ; il pense mériter quelque chose (Job 35.5-7) ; il oublie que Dieu peut aller plus profond que lui dans le discernement des choses cachées et des cœurs (Job 35.15). Tout autant de considérations qui montrent que Job a tort de le prendre de si haut avec Dieu.
Mais, après avoir exposé la pensée miséricordieuse qui préside en Dieu à la distribution des maux autant que des biens. Élihu cherche, dans les chapitres 36 et 37, à inspirer à Job une confiance implicite en Dieu. C’est là comme l’application de tout ce qui précède. En tout état de cause et même quand il ne comprend pas, l’homme doit croire. Comment douter d’un Dieu qui se montre si parfait et, si puissant dans la partie visible de ses voies ?
Introduction (1-5)
S’abstinrent de répondre : comme l’avait fait Tsophar après le chapitre 26.
Pour Job et ses trois amis, le nom seul de leur lieu d’origine a été indiqué. Pour Élihu, nous trouvons en outre le nom du père (Barakéel) et de la famille (Ram). Cela ne prouve pas nécessairement que nous ayons ici un auteur différent et peut s’expliquer par le désir de mettre bien en saillie ce nouvel interlocuteur, plus sage que tous les précédents. On a supposé aussi que l’auteur a voulu trahir par là son incognito et indiquer, sans en avoir l’air, son propre nom. À tort, car l’auteur du livre de Job est un Israélite ; puis la véritable pensée de l’auteur est ailleurs encore que dans le discours d’Élihu.
Buz, second fils de Nachor, dont Uts était le fils aîné, en sorte qu’Élihu était d’une tribu parente de celle de Job. Voir Genèse 22.21 et Jérémie 25.23, notes.
Ram. Inconnu. C’est Barakéel et non pas Buz qui est de la famille de Ram, en sorte qu’il n’est pas admissible que nous ayons ici, comme on l’a pensé, une abréviation de Aram, un des fils de Seth et le père des Syriens.
Élihu : C’est mon Dieu (qui est le vrai) et Barakéel : Bénis Dieu ! sont des noms fort appropriés à des monothéistes ne faisant pas partie de la théocratie. En Israël, le nom correspondant à Élihu est Elijahou (Élie) : Mon Dieu est Jéhova et le nom de Barakéel devient Jebéréchia : Jéhova bénit (Ésaïe 8.2).
Juste plutôt que Dieu. Non pas juste devant Dieu, comme Job 4.17 ; mais Job avait maintenu sa justice aux dépens même de celle de Dieu, qui lui semblait absolument compromise.
De répondre, littéralement : En fait de paroles. Non pas : Il avait attendu la fin des paroles de Job, mais : Il avait attendu avec ses propres paroles. Il avait depuis longtemps beaucoup à dire et à Job et à ses amis. Maintenant qu’il peut parler, il éclate avec toute la vivacité de quelqu’un qui s’est longtemps contenu.
Préambule (32.6 à 33.7)
Versets 6 à 10
Ma jeunesse relative me conseillait le silence. Mais, après tout, me suis-je dit, la sagesse n’est pas nécessairement une affaire d’âge ; et j’ai pris la parole. Daignez donc m’écouter.
La science. Le mot que nous rendons ainsi (déa) ne se trouve que dans les discours d’Élihu (versets 10, 17 ; Job 36.3 ; Job 37.16) et nulle part ailleurs dans l’Ancien Testament.
Écoute. Élihu a principalement Job en vue (Job 33.1).
Que ni Job ni ses amis ne s’imaginent que le sujet soit épuisé et que le dernier mot ait été dit.
Nous avons rencontré (en Job) la sagesse par excellence, une sagesse telle qu’il faudrait être un Dieu pour la réduire au silence.
D’autres séparent, le début et la fin du verset. Ce serait Élihu qui dirait : Ce que les hommes n’ont pas pu faire, Dieu va l’accomplir (par moi).
Il ne m’a pas adressé ses discours : je ne lui ai donc pas répondu et ce serait de votre part un jugement téméraire que de dire que personne ne peut le réfuter.
D’autres paroles. L’emploi d’armes nouvelles changera peut-être la face des choses.
Se détournant avec mépris de ces lâches et inhabiles combattants (verset 15), qui ont renoncé à la lutte (verset 16), Élihu juge son intervention tout à fait légitime (verset 17), et cela, d’autant plus qu’il est outré (versets 18 à 20). Seulement il prévient qui de droit que la crainte qu’il a de Dieu l’empêche de craindre les hommes et que ce qu’il va dire ne sera peut-être pas du goût de chacun.