Le triomphe du méchant
Le psaume 9 nous montrait l’Éternel jugeant les nations et délivrant les opprimés. Le psaume 10 rappelle que cette délivrance se fait parfois longtemps attendre et qu’il est des temps où l’Éternel semble voiler sa face. Ces deux données, très différentes en apparence, se complètent néanmoins l’une l’autre. Aussi comprend-on que l’auteur ait réuni ces deux psaumes par l’ordre alphabétique. Les Septante et la Vulgate n’en font qu’un seul et même cantique. Ils diffèrent trop, soit par leur contenu, soit par certains signes extérieurs, pour que cette fusion nous semble légitime. Au Psaume 9, par exemple, l’auteur parle constamment à la première personne, qui n’est pas employée une seule fois dans le 10 ; les méchants, qui, au Psaume 9 sont les nations païennes, semblent, dans le suivant, être certaines personnalités puissantes du peuple même de Dieu. Mais, à part cela, le lien établi par le psalmiste lui-même entre ces deux compositions a paru si intime aux collecteurs du recueil qu’ils n’ont pas jugé nécessaire de répéter en tête de la seconde le nom de David. Des critiques fort sceptiques en général en ce qui concerne l’origine davidique des psaumes, n’ont pas hésité à les attribuer tous deux à David.
Un ordre alphabétique rattache la première strophe de ce psaume à la dernière du psaume 9, ce qui fait qu’elle commence par la lettre L :
Loin des tiens, Éternel, pourquoi demeures-tu ?
Puis viennent six strophes où l’on ne retrouve plus la suite de l’alphabet. Mais les quatre dernières strophes, à partir du verset 12, commencent par les quatre dernières lettres hébraïques : K, R, S, T. Chose étrange, les lettres omises dans les six strophes mentionnées plus haut sont pourtant sous-entendues, puisque six lettres séparent L (Lamed) de K (Koph).
Les deux premiers versets donnent la note générale du psaume (Pourquoi ?…). Puis viennent deux parties distinctes, l’une de six strophes (versets 3 à 11), l’autre de quatre (versets 12 à 18).
Introduction (1-2)
Pourquoi ?… Comparez Psaumes 22.2. Cette question est devenue celle de Jésus lui-même, quand il a dû sentir toute l’amertume de l’éloignement de Dieu.
Dans la fournaise. Comparez 1 Pierre 4.12.
On est pris. On traduit aussi : Qu’ils soient pris (les méchants) dans les pièges… pensée analogue à celle de Psaumes 9.16. Mais cette prière semble prématurée, au moment où la description des succès des impies ne fait que commencer.
Les triomphes du méchant (3-11)
Versets 3 et 4 — Ses projets impies
Il tourne le dos, hébreu : il bénit, méprise l’Éternel. Le mot bénir signifie ici : prendre congé de (comparez Job 1.5 ; Job 2.9). Le mot français remercier a parfois, par ironie, un sens analogue.
Sa réussite (5-11)
Aucune opposition ne l’arrête, ni celle de Dieu, qu’il ne sait pas discerner, ni celle des hommes, qu’il brave avec un geste de mépris (il souffle sur eux).
Point ébranlé. Ce que la foi fait dire au croyant (Psaumes 16.8), l’incrédulité le fait dire à l’impie.
D’âge en âge : pour un temps illimité. Il n’aborde pas la possibilité d’une catastrophe. Le langage secret du cœur ne peut être traduit, en paroles, sans que ses exagérations insensées apparaissent en plein jour (Cheyne).
Il tue… Cette description, empruntée à des époques de trouble et d’anarchie, n’en reste pas moins applicable à tous les temps. Même en observant toutes les lois sociales, le méchant fait de son prochain sa proie.
Dans son filet. Pour un instant l’image du lion est remplacée par celle du chasseur qui tire à lui sa victime.
Dieu oublie. Le méchant l’avait dit avant d’agir (verset 4), il le répète une fois l’action consommée.
Appel au souverain Juge (12-18)
La foi, un moment réduite au silence par le succès des mauvaises causes, parle de nouveau avec une extrême énergie et la prière s’achève dans l’assurance calme de l’exaucement.
Élève ta main : pour frapper.
Tu as vu. Énergique affirmation, opposée aux négations des méchants.
En ta main. Dieu fait du chagrin des victimes sa propre affaire. Comparez Matthieu 25.45.
Recherche, hébreu : Fais une enquête. Cette idée d’une recherche judiciaire remplit ce psaume, ainsi que le précédent (Psaumes 9.5 ; Psaumes 9.9 ; Psaumes 9.13 ; Psaumes 9.20 ; Psaumes 10.4-5 ; Psaumes 10.13 ; Psaumes 10.15). Voir aussi Psaumes 7.7-9.
Jusqu’à ce que tu ne le retrouves plus. Le méchant s’est flatté de l’espoir que Dieu ne trouverait rien de ce qu’il a fait : cela s’accomplira, mais autrement qu’il ne le pense : le châtiment sera si complet que rien de ce qui appartient au méchant ne se retrouvera et que rien de ce qu’il a fait ne subsistera.
L’Éternel est roi… Dès maintenant le croyant ne voit plus le triomphe de l’injustice que comme une chose passée.
Les nations. Les ennemis de la royauté de l’Éternel sont, en dehors d’Israël, les nations païennes ; au dedans, les impies, que le psalmiste confond ici intentionnellement avec les païens.
Le dernier vers présente en hébreu un de ces rapprochements de mots, fréquents chez les psalmistes et les prophètes, qui, par l’analogie même des sons, font ressortir d’autant mieux le contraste des idées : Qu’il cesse de terrifier, le mortel qui n’est que terre !