Dieu, juge des juges terrestres
La donnée de ce psaume est analogue à celle du Psaume 68. Exercer la justice est une prérogative divine qui confère aux tribunaux une autorité que Dieu seul possède en propre. La fonction même de juge élève l’homme au-dessus de toutes les questions d’intérêt et de préférences humaines, à tel point que le psalmiste israélite, jaloux avant tout des droits de Dieu, n’hésite pas à envisager les juges comme participant momentanément à l’un des attributs divins. Comparaître devant les juges, c’était, déjà d’après l’Exode, comparaître devant Dieu (Exode 21.6) ; les séances des juges sont, d’après notre psaume, celles de l’assemblée de Dieu (verset 1), eux-mêmes, considérés au point de vue de leur charge, sont des dieux (versets 1 et 6). Leur chute morale est grande en proportion de leur élévation même, s’ils se servent de ce pouvoir divin pour violer la justice, au lieu de la faire régner.
Notre psaume, animé du souffle prophétique le plus puissant, laisse parler Dieu lui-même, comme juge des juges iniques. Il comprend deux strophes, de trois versets chacune (versets 2 à 4 ; 5 à 7), précédées d’une brève introduction et suivies d’une brève conclusion (versets 1 et 8).
L’autorité prophétique avec laquelle parle le psalmiste fait penser à cet Asaph, contemporain de David, qu’Ézéchias appelle : le voyant (2 Chroniques 29.30). On a peine à croire cependant qu’à l’époque de David les juges méritassent les reproches de notre psaume, d’autant plus que David lui-même, en qualité de roi, était le juge suprême. Il faudrait, si l’on pense au premier Asaph, admettre qu’il parle avant l’avènement de David, dans les temps troublés du règne de Saül.
Introduction
Le titre d’assemblée de Dieu est donné parfois au peuple entier (Nombres 27.17 ; Psaumes 74.2). Ici, cette expression désigne le Conseil des juges, ainsi que l’indiquent la seconde partie du verset et le sens général du psaume. Le regard du voyant discerne au sein du tribunal d’Israël Celui qui trône, invisible, au-dessus de tout tribunal, mais dont la présence échappe aux juges iniques.
S’adressant aux hommes auxquels il a confié une si grande charge, le juge suprême leur reproche leurs sentences iniques et les somme de rendre la justice, sans distinction de personnes.
Un jeu d’instruments exprime l’indignation divine provoquée par ces prévarications.
Faites droit au petit, à l’homme sans protection et sans moyens de défense. C’est là le devoir élémentaire si souvent prescrit par la loi et rappelé par les prophètes (Exode 22.21-22 ; Ésaïe 1.17 ; Ésaïe 3.14-15).
La sommation n’est pas entendue (5-7)
Il ne reste au Juge, après avoir constaté l’aveuglement de ses indignes serviteurs, qu’à prononcer à leur égard une sentence de condamnation.
Ils n’ont ni connaissance… Ce n’est plus aux juges que Dieu s’adresse ici, c’est d’eux qu’il parle : il constate qu’ils sont volontairement inintelligents et aveugles, d’où il résulte que le droit, l’équité, la confiance réciproque, tous les fondements sur lesquels repose le monde, moral et sans lesquels le monde physique lui-même n’a pas de raison d’être, sont ébranlés (comparez Psaumes 11.3). Comment les auteurs d’un tel ébranlement pourraient-ils se flatter de subsister ?
Vous êtes des dieux. Se retournant vers eux, Dieu reconnaît qu’en leur déléguant son propre pouvoir, il les a élevés jusqu’à lui mais il leur déclare que, juges aujourd’hui, ils seront jugés demain. Jésus s’est servi de cette parole, pour repousser l’accusation de blasphème que les Juifs dirigeaient contre lui (Jean 10.34-37). Si en effet l’Écriture appelle dieux des hommes qui, loin de venir d’en-haut, ont été appelés du milieu de leurs semblables à une charge divine (auxquels la Parole de Dieu a été adressée) ; si, pourrions-nous ajouter, elle donne ce titre à des hommes qui, par leur conduite, le méritent si peu, comment y aurait-il blasphème à appeler Fils de Dieu celui que le Père a sanctifié (mis à part, et cela, dans une sphère supérieure au monde), puis envoyé dans le monde et dont toutes les œuvres portent comme la signature du Père ?
Vous mourrez comme des hommes. Dieu, de qui seul ils tiennent leur dignité, les abandonnera au sort commun de l’homme tiré de la terre (adam ; voir Psaumes 80.18, note).
Comme tout autre chef : comme un de ces potentats si nombreux, que l’on a vu tomber misérablement.
Conclusion. À la sentence divine, le psalmiste ajoute son Amen, en demandant que cette sentence s’exécute promptement.
C’est toi qui dois avoir…, littéralement : C’est toi qui hériteras de toutes les nations. Le futur indique ici que l’état de droit doit devenir l’état de fait. La sentence prononcée dans le psaume contre les juges iniques d’Israël a un caractère universel ; le psalmiste sait qu’après avoir jugé son peuple, Dieu jugera toute la terre.