Verset à verset Double colonne
Signature, adresse et vœu de l’apôtre
Origine divine de son apostolat (1).
Caractères d’une Église de Dieu : ses membres sont sanctifiés par leur communion avec Jésus-Christ, par leur vocation divine et ils invoquent le nom du Seigneur Jésus (2).
Vœu : grâce et paix découlant de leur source (3).
Et non par la volonté des hommes, ni par le moyen d’institutions humaines, ni par son propre mouvement qu’il aurait suivi sans appel d’en haut. Comparer Galates 1.1 ; Éphésiens 1.1 ; Colossiens 1.1, etc (sur le titre d’apôtre, voyez Romains 1.1, note). « Par sa propre volonté, jamais Paul ne serait devenu apôtre », Bengel. Un compagnon d’œuvre de l’apôtre, auquel probablement il dictait sa lettre, comme à Tertius (Romains 16.22). On ne sait s’il s’agit ici du même Sosthène dont il est parlé Actes 18.17 et qui aurait été converti dès lors. Il y a de la part de Paul autant de modestie que d’amour à mettre ce nom à côté du sien.
Comparer sur ce mot l’Église Matthieu 16.18, note.
La première de ces désignations du chrétien a rapport à son caractère intérieur, tel qu’il est devenu en Jésus-Christ par une communion vivante avec lui ; la seconde à la libre grâce de Dieu, manifestée dans l’appel efficace à cette sainte destination par la prédication de l’Évangile.
Il ne faut pas traduire cette seconde désignation par « appelés à être saints », mais par « saints par appel ; » l’appel divin est le principe de leur sainteté ; celle-ci repose non sur la vertu de l’homme, mais sur l’élection de Dieu.
Plus il y avait dans l’Église de Corinthe de misères à blâmer, soit dans la doctrine, soit dans la conduite, plus l’apôtre éprouve le besoin d’envisager dans toute sa sainteté le caractère du chrétien et le caractère d’une Église, afin de rappeler d’autant plus vivement à ses lecteurs quelle est la hauteur de leur vocation. Il reste donc parfaitement dans le vrai en parlant de la sorte, parce qu’en traçant ce tableau d’une Église chrétienne, il se place au point de vue objectif et absolu, parce que tous les membres de cette Église faisaient profession de ces principes et que c’était à eux de juger de leur sincérité, parce qu’enfin les péchés qu’il a à leur reprocher n’étaient pas, selon toute apparence, le fait du plus grand nombre d’entre eux.
Cette dernière considération est clairement démontrée par les versets 4-8, magnifique témoignage adressé à l’église de Corinthe en général, tandis que, lorsque l’apôtre lui reproche des péchés, il indique par des mots comme ceux-ci : Il y a parmi vous…(1 Corinthiens 1.11 ; 1 Corinthiens 3.3 ; 1 Corinthiens 5.1, etc.) qu’il ne parle que d’une partie du troupeau.
Ces mots sont intimement liés à ceux qui précèdent : « appelés saints avec tous ceux, etc. », c’est-à-dire dans une communion vivante avec les enfants de Dieu de tous les lieux ; pensée puissante d’unité et d’harmonie, par laquelle l’apôtre élève à l’avance l’âme de ses lecteurs bien au-dessus des malheureuses divisions qu’il va leur reprocher. Ceux qui invoquent le nom du Seigneur Jésus était, dans le siècle apostolique, une expression très usitée pour désigner les chrétiens (Romains 10.13, note ; comparez Actes 9.14-21 ; Actes 22.16) et elle renferme une preuve sans réplique, à la fois de doctrine et de fait, en faveur de la divinité de Jésus-Christ.
Traduction douteuse. Le grec porte : « avec tous ceux qui invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ en tout lieu, d’eux et de nous ».
Ces derniers mots peuvent se rapporter à tout lieu, ce qui voudrait dire : partout où eux et nous, nous trouvons ; ou bien aux termes Seigneur Jésus-Christ, comme on l’admet dans nos versions et alors la pensée de l’apôtre serait d’exprimer une sainte communauté d’invocation du même Seigneur. Le premier sens est plus conforme à la construction de la phrase grecque ; l’un et l’autre sont possibles et divisent les interprètes.
Voir Romains 1.7, note.
Quel tableau d’une Église chrétienne, malgré les souillures qui se cachaient dans son sein ! Telle était encore la grande majorité de ses membres.
Que l’on compare ce langage avec celui que l’apôtre tenait aux Galates (Galates 1.6-8 ; Galates 3.1), chez lesquels l’erreur avait rendu douteuse la continuation de leur communion avec le Sauveur !
Et ce n’est pas l’habileté qui conduit ici la plume de l’apôtre, pour préparer les voies à ses sévères répréhensions (cette supposition est indigne de son caractère et plus encore de la Parole de Dieu !) mais c’est l’amour, qui toujours reconnaît le bien, même lorsqu’il est mélangé, qui s’en réjouit et qui, avant tout, en donne la gloire complètement à Dieu (verset 4) ; après la grâce de Dieu en Jésus-Christ (verset 4), source de tous les autres dons, ce que saint Paul relève surtout chez les Corinthiens, c’est la parole, la doctrine enseignée, la vérité objective et la connaissance, l’intelligence qu’ils ont de cette doctrine, pour autant qu’elle a réellement pénétré dans les âmes.
Par les opérations du Saint-Esprit qui ont accompagné la prédication de la Parole (1 Corinthiens 12), et par l’expérience chrétienne.
Le témoignage du Christ est la prédication de l’Évangile, dont Christ est l’âme et la vie. M. Godet et d’autres traduisent : « Selon la manière dont le témoignage du Christ a été confirmé parmi vous ».
L’apôtre ne voudrait pas dire que le fait intérieur de cette confirmation a été la source de leur enrichissement, mais plutôt que cet enrichissement a été le mode de confirmation de l’Évangile au sein de l’Église de Corinthe, tandis qu’ailleurs Dieu a confirmé la prédication apostolique par des miracles. Comparer Hébreux 2.3.
Grec : « Que vous ne manquez en aucun don », allusion aux dons divers de l’Esprit de Dieu, dons intérieurs pour la sanctification des âmes, surtout dons de parole et de connaissance (verset 5) et, en général, les dons miraculeux auxquels (apôtre reviendra longuement (1 Corinthiens 12). Le mot charisme peut être traduit par don de la grâce, de charis, la grâce.
Grec : « Vous qui attendez la révélation de notre Seigneur Jésus-Christ ». Ainsi, même ce signe infaillible de la vie chrétienne, l’attente de Christ, l’espérance, le désir de son retour (Apocalypse 22.20 ; comparez 2.13 ; Philippiens 3.20), l’apôtre le trouve dans l’église de Corinthe !
Qu’il est rare ce don de la grâce, même chez la plupart des chrétiens, qui, sans aspiration vers la délivrance et vers la perfection, montrent combien ils sont encore indifférents au péché qui les presse au dedans et au dehors ; indifférents aussi envers ce Sauveur, que pourtant ils espèrent de voir tel qu’il est (1 Jean 3.2).
Éphésiens 4.30 ; Philippiens 1.6. Jésus-Christ lui-même vous affermira dans la foi, dans la vie chrétienne.
Jusqu’à la fin ne signifie pas la fin de la vie actuelle, mais de l’économie présente, jusqu’au jour de Jésus-Christ. Au delà de ce jour, il n’y aura plus de danger. Cette sainte assurance du salut, dont ses épîtres sont toutes remplies, Paul l’avait aussi pour les chrétiens de Corinthe.
Ce verset 9 motive la ferme espérance exprimée au verset 8 et la fonde sur cette fidélité de Dieu engagé par son appel et à laquelle l’apôtre revient si fréquemment (1 Corinthiens 10.13 ; 1 Thessaloniciens 5.24 ; 2 Thessaloniciens 3.3).
Malgré ces sujets d’actions de grâces pour tous les dons que Dieu vous a accordés, je dois vous exhorter à l’unité dans vos sentiments ; car j’ai appris qu’il y a parmi vous des contestations au sujet des divers serviteurs de Dieu dont vous vous réclamez (10-12).
En cela, vous divisez Christ dans son corps, qui est l’Église ; vous oubliez que Christ seul a été crucifié pour vous et que vous avez été baptisés en son nom seul ; à cause de cela, je rends grâces à Dieu de n’avoir pas même donné lieu à ces divisions en baptisant moi-même au milieu de vous (13-16).
En effet, Christ m’a envoyé, non pour baptiser, mais pour évangéliser (17).
Grec : « Mais je vous exhorte… » Malgré le beau témoignage que je viens de vous donner, ou plutôt à cause de ce témoignage même, en considération de tant de dons de la grâce, voici ma première pensée, mon instante exhortation : Soyez unis ! Et ce sujet important, l’apôtre le développe jusqu’à la fin de 1 Corinthiens 4.
Grec : « Que vous soyez bien établis ou formés (voir ce mot 2 Corinthiens 13.11 ; Galates 6.1 ; 1 Pierre 5.10 dans le texte grec) dans le même entendement et dans la même opinion ».
Le premier de ces termes a rapport à la manière de penser sur les choses religieuses, le second, aux convictions qui en résultent. De l’un et de l’autre naît l’harmonie.
Au reste, ce que demande l’apôtre, ce n’est point une uniformité d’opinion et de langage incompatible avec la liberté et la vie, mais l’union dans la diversité, l’absence de ces divisions (grec : schismes) qui, en détruisant la communion des âmes et la charité, deviennent un péché.
Nom inconnu dans l’histoire du Nouveau Testament. Peut-être était-ce quelque riche maîtresse de maison, dont les esclaves seuls ou les parents appartenaient à l’Église. Ils avaient eu occasion de voir l’apôtre et de l’informer touchant les divisions du troupeau.
Céphas ou Cépha est le nom hébreu de Pierre.
Si ceux qui ne se réclamaient que du nom de Christ seul l’avaient fait dans un bon esprit, ils auraient eu parfaitement raison ; mais il n’en était pas ainsi.
Les trois premiers partis se rattachant à trois serviteurs de Dieu (voir l’introduction à cette épître), il est assez facile de se représenter ce qui les divisait.
Quant au quatrième, l’apôtre se taisant sur les opinions qui le distinguaient, les interprètes se sont livrés à ce sujet à mille hypothèses qu’il est inutile de discuter ici.
Cette question s’adresse à tous, mais particulièrement à ceux qui s’attribuaient le nom exclusif de Christ.
Y a-t-il plusieurs Christ ? Avez-vous un Christ pour vous seuls ? Christ peut-il être en guerre contre lui-même ? Vous êtes le corps de Christ : en vous divisant, vous divisez Christ.
Rien n’est plus dangereux pour l’orgueil que la prétention d’être en possession exclusive et directe de la vérité, d’une manière indépendante des institutions et des hommes que Dieu a établis pour la propager, en dehors ou au-dessus de la communion des chrétiens dans l’Église.
Quelques interprètes traduisent cette phrase sans interrogation, comme un vif reproche : Le Christ est divisé ! (par vos schismes). La pensée reste la même.
Avec une humilité digne de son apostolat, Paul repousse l’honneur qu’on prétendait lui faire en se réclamant de son nom et en opposant ce nom à celui de ses compagnons d’œuvre. Ces deux vives questions ramènent les âmes au seul Maître, au seul Sauveur crucifié et au Dieu trois fois saint, au nom duquel les chrétiens sont baptisés (voyez Matthieu 28.19, note).
Voir Actes 18.8 ; Romains 16.23.
Le texte reçu porte : « que j’ai baptisé ». La variante ici rétablie est beaucoup plus autorisée et plus naturelle.
Il paraît que, dans leur faux attachement à l’homme, quelques chrétiens de Corinthe mettaient un prix particulier à avoir été baptisés par tel ou tel serviteur de Dieu, comme si ce sacrement avait reçu de lui une vertu spéciale et qu’il s’y attachât quelque chose de son nom.
Or, Paul, ainsi que les autres apôtres, faisant ordinairement administrer le baptême par quelqu’un de ses compagnons d’œuvre, cette erreur tombait d’elle-même et il en bénit Dieu.
Le terme afin que montre que telle avait été réellement l’intention de l’apôtre en agissant de la sorte. C’est probablement par le même motif que Jésus ne baptisait pas lui-même (Jean 4.2).
Comparer 1 Corinthiens 16.15-17.
C’est-à-dire « je ne me souviens pas ».
Soit dans l’administration des sacrements, soit dans la prédication, Christ doit être tout et l’homme rien, sinon un instrument. Mais il est certain que la personnalité de l’homme a plus de part dans la dernière fonction que dans la première. Là, c’est le Seigneur lui-même qui agit, après avoir donné l’ordre et la promesse ; ici, au contraire, dans la prédication, il faut au serviteur de Dieu, non seulement une mesure de son Esprit qui le rende propre à cette œuvre, mais encore des dons particuliers et indispensables. Malgré cela, les paroles de l’apôtre n’ont point pour but de rabaisser le baptême, ni de rien changer à l’ordre donné par le Seigneur (Matthieu 28.19 ; Marc 16.16) ; mais seulement de préciser la position qui lui a été assignée par le Maître, conformément aux dons qu’il avait reçus de lui.
Grec : « Non en sagesse de parole », ou de discours. L’apôtre, en indiquant négativement comment il prêchait l’Évangile, oppose une sagesse de parole à la croix de Christ et arrive ainsi tout naturellement au grand sujet qu’il veut développer.
Sa prédication, aussi simple que forte, avait eu à Corinthe de grands effets pour la conversion des âmes ; mais, lorsqu’au milieu de ce peuple mobile de la Grèce, peuple si sensible à la beauté de la forme, parut Apollos, avec sa culture d’Alexandrie et son éloquence naturelle, une partie de l’Église crut trouver en lui une exposition plus haute et plus belle de la vérité.
Sans doute, ni Apollos, ni ses sectateurs, ni ceux qui se réclamaient exclusivement du nom de Christ et qui prétendaient à une connaissance plus immédiate et plus profonde, n’entendaient professer une autre doctrine que celle que Paul avait prêchée ; aussi n’est-ce point à eux seuls que s’adresse sa sévère polémique contre une sagesse de parole, une « sagesse en discours persuasifs », une « sagesse humaine ; » (1 Corinthiens 2.4-13) mais, comme leurs prétentions à une science autre que la « sagesse de Dieu », comme leur besoin d’une exposition de l’Évangile distinguée par la recherche de l’idée et par la beauté de la forme oratoire pouvaient facilement les éloigner de la simplicité, disons plus, de la folie de la croix, Paul jette un regard pénétrant sur tout ce que les Grecs admiraient comme philosophie et comme culte du beau (verset 22).
Cette philosophie humaine qui, comme doctrine, n’a jamais posé en principe l’incapacité de l’homme pour le bien, ni la nécessité d’une réconciliation avec Dieu, parce qu’elle nie le péché, prend dans l’homme même un point de départ toujours faux et ne peut, dans les meilleurs de ses représentants, que bâtir la vérité sur l’erreur.
Or, dans la pensée de Paul, se rapprocher de cette philosophie, ne fût-ce que pour lui emprunter ses formes d’exposition, c’est déjà élever l’homme, en flattant son orgueil et ses goûts, au lieu de commencer par l’humilier ; et comme, en toute science, mais surtout en philosophie, il est bien difficile de séparer la forme du fond, ce dernier se trouve insensiblement modifié par la première, jusqu’à ce qu’il n’y reste plus que les apparences de la pensée d’où l’on était parti.
De là, la crainte de l’apôtre que la croix de Christ ne soit rendue vaine (grec : « vide »). La croix de Christ, « la parole de la croix » (verset 18), « Christ crucifié » (verset 23), voilà ce que saint Paul oppose à la sagesse humaine.
C’est la doctrine du salut de l’homme par le sacrifice expiatoire du Sauveur que l’apôtre pose ainsi comme le point central et vivant de l’Évangile, d’où émane tout le reste. Or, cette doctrine, qui abaisse l’homme avant de le relever, qui le tue avant de le vivifier, est irréconciliable avec la sagesse humaine, elle lui est une folie (verset 18) ; donc, il est impossible d’admettre celle-ci, dans aucun de ses éléments, sans s’exposer à rendre vide la croix.
L’argumentation de l’apôtre, au point de vue où il devait se placer pour répondre aux besoins de ses lecteurs, est encore entièrement applicable à notre temps ; puisque, d’une part, l’esprit humain, de l’autre, la parole de la croix restent toujours identiques à eux-mêmes.
Toutefois, ce serait mal le comprendre que de vouloir, par ses paroles, condamner toute application des méthodes philosophiques à la vérité chrétienne et tout travail de l’esprit pour présenter l’Évangile dans l’ordre le plus accessible à l’intelligence, à la conscience et au cœur. D’éclatants exemples prouvent que l’esprit philosophique peut être mis au service de la foi et que le soin de la forme, lorsque celle-ci n’est que l’expression la plus élevée et la plus pure de la vie intérieure, ne rend pas vaine la croix de Christ.
Toute la question est de savoir sur quel terrain on se trouve, à quelles sources on puise : « sagesse humaine », « sagesse de Dieu », voilà les contraires qui ne se concilient pas (voyez Études Évangéliques de Vinet, La philosophie et la tradition, page 157 et suivantes).
Si la prédication de la croix est pour les uns une folie, elle est pour les autres la puissance de Dieu ; et Dieu lui-même anéantit par cette puissance la sagesse des sages ; il a démontré qu’elle n’est que folie ; comment ? Par ce double fait que, les hommes n’ayant jamais connu Dieu par la sagesse, Dieu a voulu sauver les croyants par la sainte folie de la croix (18-21).
En vain donc les Juifs demandent la puissance matérielle des miracles et les Grecs poursuivent la sagesse par la spéculation : nous, apôtres, nous opposons aux uns et aux autres Christ crucifié, scandale aux uns, folie aux autres, mais en réalité sagesse et puissance divines (22-25).
Cette démonstration, empruntée à la nature même de l’Évangile, se reproduit dans ses effets parmi les hommes : qui sont les appelés ? non les sages, les puissants, les nobles ; car Dieu a choisi pour confondre et anéantir ces privilèges, ce qui est insensé, faible, méprisé, de nulle apparence aux yeux des hommes, afin que nul ne puisse se glorifier dans son orgueil (26-29).
C’est même uniquement par l’œuvre de sa grâce que vous êtes en communion avec Christ, qu’il a donné pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification, notre pleine délivrance (30, 31)
L’apôtre donne la raison de ce qu’il vient d’affirmer (car), que la sagesse humaine rend vaine la croix (verset 17).
La parole de la croix (verset 17, note) est ou une folie, un système qui doit paraître tel à la sagesse incrédule, ou une puissance de Dieu (Romains 1.16, note) qui se manifeste comme telle en répondant à tous les besoins moraux de l’homme et en l’amenant à sa destination éternelle.
Pour contraster avec folie on aurait attendu : sagesse de Dieu ; mais puissance dit plus encore et du reste le contraste est complété (versets 21 et 24).
Mais pour qui l’Évangile est-il folie ou puissance ? Ici se trouve un autre contraste que Paul exprime à dessein dans les termes les plus absolus : d’une part, ceux qui périssent, de l’autre, nous qui sommes sauvés, afin de faire vivement sentir qu’il ne reste aucun moyen de salut pour ceux qui rendent vaine la croix de Christ et que ceux, au contraire, qui en ont éprouvé la puissance, ont, en cela même, un garant de la libre grâce de Dieu qui les a sauvés (comparer 2 Corinthiens 2.15 ; 2 Corinthiens 2.16 ; 2 Thessaloniciens 2.10).
Ainsi, le mépris de la simplicité de l’Évangile et de la bassesse de la croix est un signe certain de perdition (sauf repentance) ; les estimer, au contraire, les aimer, en être touché, telle est la véritable marque de ceux qui sont sauvés.
Ésaïe 29.14. Cette parole, dont le premier accomplissement eut lieu au temps du prophète, s’est accomplie dans la suite, relativement à tous les systèmes de sagesse humaine, par l’apparition de la croix de Christ et elle se vérifie chaque jour encore dans le monde en général et dans les individus : (verset 20) « se disant sages, ils sont devenus fous » (Romains 1.22).
Le sage est le philosophe grec ; le scribe représente les savants juifs ; le disputeur (le mot original signifie aussi chercheur) peut s’entendre de tous ces esprits légers et vains qui font de la science en amateurs, qui poursuivent les idées du temps pour l’amour de la dispute. Tels étaient encore les sophistes chez les Grecs.
La confiance de l’apôtre dans la puissance de l’Évangile est si grande, qu’il considère tous ces représentants de la sagesse humaine comme défaits et demande hardiment où ils sont ! En effet, il répond déjà : Dieu a rendu folle la sagesse du monde, soit en la manifestant comme telle à ceux dont il a ouvert les yeux par l’Évangile, soit en faisant que les sages du monde se confondissent eux-mêmes par les égarements de leur pensée, ou les uns les autres en montrant réciproquement la vanité de leurs systèmes.
Peut-être faut-il voir dans les paroles de l’apôtre une allusion à Ésaïe 33.18, où le prophète représente Sion délivrée de ses orgueilleux oppresseurs et se demandant avec joie où ils sont. Ainsi le chrétien qui, après avoir longtemps été l’esclave des hommes et de leurs systèmes, a trouvé enfin dans la croix de Christ la vérité, la liberté, la vie, regarde en arrière vers ce temps-là et reconnaît, en bénissant Dieu, la folie de sa prétendue sagesse.
Démonstration des versets 19 et 20 (car).
Ce passage, dont la construction est difficile, a été diversement interprété.
Par la sagesse de Dieu, il ne faut pas entendre sa vérité révélée dans l’Évangile, puisque la folie de la prédication, autre moyen auquel il a eu recours, est précisément l’Évangile ; mais plutôt sa sagesse manifestée dans la nature et dans la conscience de l’homme (Romains 1.19-20 ; Romains 2.15) ; or, dans cette sagesse-là, dans cette sphère où elle était manifeste aux yeux de tous, le monde n’a pas connu Dieu par le moyen de la sagesse, c’est-à-dire de sa philosophie, de ses facultés naturelles, de toutes ses recherches.
Et à cause de cela, il a plu à Dieu de confondre cette sagesse humaine par une prédication qui lui paraît une folie, mais par laquelle les croyants sont sauvés.
Il eût été légitimement dans l’ordre que l’homme, contemplant Dieu dans ses ouvrages, fût parvenu à sa connaissance au moyen de la sagesse dont Dieu l’avait doué ; mais, puisque cet ordre a été renversé par la corruption de la nature humaine, Dieu veut rendre l’homme fou avant de le rendre sage à salut. L’homme a mérité, par son ingratitude, ce renversement de l’ordre et il faut que Dieu prenne une autre voie pour l’instruire.
Ces versets (versets 22-24) expliquent comment et pourquoi Dieu a rendu folle la sagesse de ce monde (verset 20). L’apôtre nomme ici les deux principaux partis du monde incrédule.
Les Juifs charnels demandent un Messie terrestre avec des miracles toujours renouvelés (un signe, selon le texte reçu ; d’autres manuscrits portent des signes) ; miracles propres à nourrir leur orgueil théocratique et une vaine curiosité. Ils ont vu ces signes en Jésus et dans ses apôtres ; mais, par l’effet de leur aveuglement, la chose signifiée, la vérité et la vie divine, leur a échappé (Matthieu 12.38 suivants ; Matthieu 16.1 et suivants ; Jean 2.18-22 ; Jean 4.48 ; Jean 6.26-30).
Tout pour eux devait être visible, terrestre, matériel, incapables qu’ils étaient de s’élever à la spiritualité qui seule peut constituer la vie de l’âme.
Les Grecs recherchent la sagesse, par la spéculation philosophique. Pour eux, à l’inverse des premiers, la manifestation de Dieu sur la terre dans un Être personnel, défini, à la fois divin et humain ; la révélation de la vérité, non dans des systèmes, mais dans des faits, surtout dans le grand fait de la rédemption, a quelque chose d’irrationnel, d’absurde. Leur raison, prévenue et bornée, ne sait pas voir que la vérité la plus élevée, la plus universelle, peut être renfermée dans ce qu’il y a de plus petit, de plus individuel : ils ignorent que Dieu a fait l’homme à son image.
Les Juifs et leurs pareils haïssent le pur Évangile ; les Grecs et ceux qui leur ressemblent le méprisent.
Aux uns et aux autres l’apôtre oppose, avec une sainte hardiesse, Christ crucifié. Un Sauveur, Fils de Dieu et Fils de l’homme, mourant dans l’infamie de la croix et en imposant les flétrissures à ses disciples (Galates 6.17) quoi de plus contraire au Messie glorieux, au puissant thaumaturge que demandent les Juifs ! Ils se heurtent à cette vérité divine, elle leur est en scandale. Et quoi de plus éloigné d’un sage de ce monde, que Celui qui manifeste le plus haut degré de la vérité et de la gloire divines dans les dernières profondeurs de son renoncement et de son humiliation ; qui, par le fait de son dévouement jusqu’à la mort de la croix, sauve un monde perdu dans le péché et l’erreur ; qui, enfin, exige des siens, avant toute sagesse, qu’ils meurent et ressuscitent avec lui ! C’est là pour des païens (le texte reçu porte ici Grecs) une folie (verset 18).
Quant aux appelés, c’est-à-dire à ceux que la grâce divine attire et convertit par l’Évangile (Romains 1.7 ; Romains 8.28-30), Christ crucifié est la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu. Vaincre en succombant, telle est la puissance de Dieu manifestée dans le sacrifice du Sauveur et tout croyant confesse qu’aucune autre puissance n’aurait pu opérer sa justification, ni sa sanctification, l’une et l’autre devant commencer et s’achever par le renoncement et par le dépouillement et la mort du vieil homme.
La croix est encore la sagesse de Dieu, parce qu’elle seule concilie les contradictions profondes qui existent dans les rapports de l’homme avec Dieu et dans l’homme lui-même, elle seule est la clef des mystères du péché et de la vie humaine en général. Toute philosophie qui veut se passer du fait de la rédemption, repose sur une erreur par laquelle tout le système devient faux. Paul oppose cette puissance de Dieu au scandale que les Juifs prennent en Jésus-Christ à cause de sa basse condition sur la terre et cette sagesse de Dieu à la folie que trouve la philosophie des Grecs dans l’idée d’un Dieu manifesté en chair et rachetant l’humanité par son sacrifice.
Il n’y a pas, dans l’original, la folie de Dieu, la faiblesse de Dieu, mais (l’adjectif neutre) ce qui est fou, ce qui est faible, ce qui, en Dieu, paraît tel aux hommes.
Ces expressions, à la fois plus respectueuses quand il s’agit de Dieu et moins absolument paradoxales, ne peuvent pas se rendre d’un mot dans notre langue.
L’apôtre, se plaçant au point de vue de ceux qui n’ont su découvrir que faiblesse et folie dans l’apparition du Fils de Dieu sur la terre (verset 23), complète, en la généralisant, la grande pensée qu’il leur a opposée au verset précèdent (verset 24, note).
C’est-à-dire, considérez quels sont ceux qui sont appelés parmi vous, quelle est leur condition dans ce monde.
Dieu se manifeste dans ses élus de la même manière qu’il s’est manifesté en Christ, par la faiblesse et en reniant complètement ce que les hommes appellent sagesse, puissance, noblesse.
Les membres du corps de Christ ne doivent pas s’attendre à une position ici-bas autre que celle de leur chef. De même que le Sauveur a vécu sur la terre dans une faiblesse non apparente, mais réelle, de même il ne faut pas entendre par ces choses folles, faibles, viles (grec : « non nobles »), méprisées, ce qui parait tel, mais ce qui l’est réellement dans l’estimation des hommes.
La vérité de Dieu s’est manifestée dans l’Évangile comme une sagesse absolument nouvelle, étrangère à ce monde. Elle a commencé par répudier la sagesse et la culture des hommes, tout ce qu’ils estimaient et recherchaient, afin de se révéler dans la pauvreté, la bassesse, l’humiliation, l’ignominie de la croix, aussi bien pour les disciples que pour le Maître.
La contradiction qui se trouve ici entre les apparences et la réalité ne sera conciliée qu’à l’accomplissement du règne de Dieu et lorsque le « fils du charpentier », le Roi couronné d’épines reviendra dans sa gloire.
C’est pourquoi il est aussi faux qu’inutile de vouloir présenter aux hommes du monde le christianisme comme la plus haute philosophie, ou comme une source de puissance et de gloire. Toute tentative de ce genre ne peut conduire qu’à dénaturer l’Évangile, ainsi que le prouvent les essais modernes de conciliation, soit avec les systèmes humains, soit avec la puissance et la gloire mondaines (dans la papauté).
Afin de rendre cette pensée aussi absolue que possible, l’apôtre ajoute à son énumération même les choses qui ne sont point, pour détruire celles qui sont. Dieu, par l’Évangile, « fait toutes choses nouvelles ; » il n’y a point de place dans cette création nouvelle pour les choses vieilles qui voudraient s’y maintenir (comparer Romains 4.17-21, note ; Matthieu 10.39 ; Luc 14.26).
Il n’y a donc pas de milieu : il faut mépriser ce que Dieu méprise, ou porter la témérité jusqu’à préférer le jugement du monde au jugement de Dieu.
Nulle chair signifie nul homme, avec l’idée de faiblesse, de mortalité, de péché, que l’Écriture attache toujours à ce mot. La première intention de Dieu dans l’Évangile est d’humilier l’homme, afin de le relever ; de le dépouiller, afin de l’enrichir à sa manière.
Le texte reçu porte devant lui ; devant Dieu est plus autorisé.
Grec : « C’est de lui que vous êtes », que vous émanez, que vous venez ; vous êtes nés de lui en Jésus-Christ, c’est-à-dire vous avez été créés de nouveau par l’œuvre de Jésus-Christ et par votre communion avec lui (comparer Jean 8.47 ; Romains 11.36).
Grec : « Qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu, justice et sanctification et rédemption ; » de sorte que les trois derniers attributs ne sont que l’explication du premier, la sagesse. La sagesse qu’il nous fallait, celle que Dieu nous a donnée en Jésus-Christ, ce n’est point seulement une sagesse intellectuelle et spéculative, car nous n’avions pas seulement besoin d’être éclairés, mais surtout un remède qui guérit tous nos maux, parce que nous sommes des malades, des mourants.
De plus, l’apôtre ne dit pas simplement que Christ nous a révélé la sagesse, la justice, etc. ; mais qu’il l’est, lui ; et ainsi tout ce qui nous manque encore de ces biens spirituels, nous le trouverons certainement et jusqu’à la perfection en lui, si nous lui sommes unis par une foi vivante.
La justice est distincte de la sanctification ; sous ce terme de justice, Paul entend la justification du pécheur devant Dieu par la foi au sacrifice expiatoire du Sauveur (Romains 1.17, note ; Romains 8.32-34, notes).
Mais la sanctification en est inséparable, c’est la purification graduelle du cœur et de la vie, dont la source est encore Christ, parce qu’elle n’a lieu que par la communion intime et vivante que la foi établit et maintient entre lui et notre âme.
La rédemption, qui, d’ordinaire, signifie le rachat de l’âme, sa délivrance de l’esclavage du péché et de la condamnation, indique ici (car il ne faut pas y voir un simple synonyme de la justification) la délivrance finale et parfaite de tout mal, laquelle n’aura lieu qu’après la résurrection, dont Christ encore est le principe et le garant. C’est ce que l’apôtre nomme ailleurs (Romains 8.23) « La rédemption de notre corps ».
L’apôtre cite ici, en l’abrégeant, le beau passage qui se lit dans Jérémie (Jérémie 9.23 ; Jérémie 9.24) L’intention de Dieu a été et a dû être, afin de déraciner complètement l’orgueil du cœur de l’homme, que tout, dans le salut gratuit, tendit à glorifier Dieu seul.
Si le pécheur n’a rien qu’en Jésus-Christ et si Jésus-Christ est un don de la pure miséricorde de Dieu, où serait la gloire de l’homme (Romains 3.19-27) ? « Ô Seigneur ! à toi est la justice, à nous la confusion de face » (Daniel 9.7).