On a vu dans ce chapitre un second récit du fait raconté 1 Samuel 23.19 et suivants. Ce sont encore les Ziphiens qui veulent livrer David, la localité est la même ; David épargne de nouveau Saül ; celui-ci, touché, renonce à le poursuivre. Mais, d’autre part, les deux récits présentent des traits tout différents ; ce n’est plus Saül qui se trouve dans le lieu où se cache David, c’est David qui pénètre dans le camp de Saül ; au lieu du pan de son manteau, il emporte sa lance et son aiguière ; enfin l’émotion de Saül a un caractère moins profond que dans le premier récit. On ne voit pas ce qui aurait pu empêcher que, dans une situation qui se prolongeait, un fait analogue se fût répété deux fois en des circonstances toutes différentes. Nous ignorons ce qui avait pu produire chez les Ziphiens, membres de la tribu de Juda, un sentiment d’hostilité aussi persévérant contre David. Voulaient-ils mériter les faveurs de Saül, ou craignaient-ils d’encourir sa vengeance s’il apprenait que David avait de nouveau trouvé asile dans leur contrée ?
1 Et les Ziphiens vinrent auprès de Saül à Guibéa, et dirent : David n’est-il pas caché sur la hauteur de Hakila, en face de la lande ?
Sur la hauteur de Hakila : voir 1 Samuel 23.19, note. David était donc revenu de Paran et rentré en Juda (verset 19).
En face de… : à l’est, d’après le sens ordinaire de en face de. 1 Samuel 23.19, Hakila était placée au sud de la lande. Sur le mot lande (jéschimon), voir à 1 Samuel 23.19.
2 Et Saül se leva et descendit au désert de Ziph, ayant avec lui trois mille hommes d’élite d’Israël, pour chercher David au désert de Ziph.
Trois mille hommes : la troupe d’élite que Saül avait constamment avec lui (1 Samuel 13.2 ; 1 Samuel 24.3).
3 Et Saül campa sur la hauteur de Hakila, en face de la lande, près du chemin, et David se tenait au désert, et il vit que Saül était venu à sa recherche au désert ;
Sur la hauteur de Hakila. Dans 1 Samuel 23.19 c’était David qui se tenait sur cette montagne, tandis qu’ici c’est Saül. David est dans le désert voisin.
Il vit : nous ne savons à quels indices il s’aperçut de son approche.
4 et David envoya des espions et il connut que Saül était réellement arrivé. 5 Et David se leva et vint au lieu où Saül était campé, et David vit la place où couchait Saül, avec Abner, fils de Ner, chef de son armée. Et Saül était couché dans le parc des chars et le peuple campait autour de lui.
Et David vit la place : le soir, en faisant une reconnaissance.
Abner : voir 1 Samuel 14.50.
6 Et David prit la parole et dit à Ahimélec le Héthien et à Abisaï, fils de Tséruja et frère de Joab : Qui descendra avec moi vers Saül au camp ? Et Abisaï dit : Moi, je descendrai avec toi.
Ahimélec le Héthien : un représentant de cette race, très puissante dans les siècles qui avaient précédé (Genèse 10.15, note).
Abisaï, mentionné ici pour la première fois ; il était, ainsi que Joab et Asaël, fils de Tséruja, sœur de David (1 Chroniques 2.16).
7 Et David et Abisaï arrivèrent de nuit vers la troupe, et voici, Saül était couché et dormait dans le parc des chars, et sa lance était plantée en terre à son chevet ; et Abner et la troupe étaient couchés autour de lui. 8 Et Abisaï dit à David : Dieu a livré aujourd’hui tes ennemis entre tes mains ; et maintenant laisse-moi le frapper de la lance [en le clouant] à terre d’un seul coup ; je n’aurai pas à y revenir. 9 Et David dit à Abisaï : Ne le tue pas, car qui porterait la main sur l’oint de l’Éternel et serait innocent ? 10 Et David dit : L’Éternel est vivant ! C’est à l’Éternel seul à le frapper, soit que son jour arrive et qu’il meure, soit qu’il descende à la guerre et qu’il périsse. 11 Que l’Éternel me préserve de porter la main sur l’oint de l’Éternel ! Et maintenant prends la lance qui est à son chevet et la cruche d’eau, et nous nous en irons. 12 Et David prit la lance et la cruche d’eau qui étaient au chevet de Saül, et ils s’en allèrent. Et il n’y eut personne qui les vit ou qui s’aperçût de rien, ou qui s’éveillât, car ils dormaient tous, parce que l’Éternel avait fait tomber sur eux un profond assoupissement.
Profond assoupissement (thardéma) : Genèse 2.21.
13 Et David passa de l’autre côté, et se tint au sommet de la montagne au loin ; un grand espace les séparait. 14 Et David cria à la troupe et à Abner, fils de Ner : Ne répondras-tu pas, Abner ? Et Abner dit : Qui es-tu, toi qui cries vers le roi ? 15 Et David dit à Abner : N’es-tu pas un homme, toi ? Et qui est comme toi en Israël ? Pourquoi donc n’as-tu pas veillé sur le roi ton seigneur ? Car quelqu’un du peuple est venu pour tuer le roi ton seigneur.
N’es-tu pas un homme… ? Éloges ironiques : L’ennemi du roi, qu’on prétend que je suis, aurait facilement pu faire son œuvre avec un aussi vigilant gardien que toi.
16 Ce n’est pas bien, ce que tu as fait là. L’Éternel est vivant, que vous avez mérité la mort, vous qui n’avez pas veillé sur votre maître, sur l’oint de l’Éternel. Regarde maintenant où sont la lance du roi et la cruche d’eau qui étaient à son chevet !
David ne montre pas encore ces objets. Il invite seulement Abner à constater leur disparition.
17 Et Saül reconnut la voix de David, et dit : Est-ce ta voix, mon fils David ? Et David dit : C’est ma voix, mon seigneur le roi !
Est-ce ta voix ? Toujours chez Saül ce même caractère immédiatement accessible aux impressions les plus diverses.
18 Et il dit : Pourquoi mon seigneur poursuit-il ainsi son serviteur ? Car qu’ai-je fait, et quel mal ma main a-t-elle fait ? 19 Et maintenant, que mon seigneur le roi veuille écouter les paroles de son serviteur ! Si c’est l’Éternel qui t’incite contre moi, qu’il reçoive une oblation ! Mais si ce sont des hommes, qu’ils soient maudits devant l’Éternel, puisqu’ils m’ont maintenant chassé, pour m’ôter ma place dans l’héritage de l’Éternel, en disant : Va servir des dieux étrangers !
Qu’il reçoive une oblation ! Afin que, par l’effet de ce sacrifice offert par toi, tu sois délivré de l’esprit malfaisant qui te domine en punition des fautes que tu as commises. Naturellement David ne fait qu’insinuer cette pensée.
L’héritage de l’Éternel : la terre donnée à Israël, avec tous les privilèges religieux attachés à ce séjour (Deutéronome 12.29, note).
20 Et maintenant, que mon sang ne tombe pas en terre loin de la face de l’Éternel ; car le roi d’Israël est sorti pour chercher une puce, comme qui poursuivrait une perdrix dans les montagnes.
Loin de la face de l’Éternel, c’est-à-dire sur une terre étrangère. L’Éternel ne manifeste, sa présence et sa grâce que dans le pays dont il a fait choix.
Une perdrix. Cette seconde comparaison semble plus faible que la première. Son sens est-il : Comme un insensé qui prendrait beaucoup de peine pour obtenir peu de chose ? Ou bien l’expression comme qui se rapporterait-elle, non à un homme, mais à un oiseau de proie qui poursuit et déchire une perdrix sans défense et caractériserait-elle la dureté de la conduite de Saül envers David ?
21 Et Saül dit : J’ai péché ; reviens, mon fils David, car je ne te ferai plus de mal, en retour de ce que ma vie a été précieuse à tes yeux en ce jour ; voici j’ai agi follement et j’ai fait une grande faute.
Reviens. Cette invitation de Saül n’est pas une ruse et néanmoins David ne se fie pas à la durée de l’impression favorable sous laquelle se trouve en ce moment Saül.
22 Et David répondit et dit : Voici la lance du roi ; qu’un de tes jeunes gens vienne la prendre. 23 Et l’Éternel rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité, parce que l’Éternel t’avait livré aujourd’hui entre mes mains, et que je n’ai pas voulu porter la main sur l’oint de l’Éternel.
David remet sa juste cause à la justice de Dieu, non qu’il se dise absolument juste, mais il se sait innocent des intentions qu’on lui impute contre Saül.
24 Voici, comme ta vie a été d’un grand prix à mes yeux aujourd’hui, ainsi ma vie sera d’un grand prix aux yeux de l’Éternel, et il me délivrera de toute détresse. 25 Et Saül dit à David : Sois béni, mon fils David ! Certainement tu agiras et tu réussiras. Et David passa son chemin, et Saül retourna chez lui.