Verset à verset Double colonne
1 Mes petits enfants, je vous écris ces choses, afin que vous ne péchiez point. Et si quelqu’un a péché, nous avons un défenseur auprès du Père, Jésus-Christ le juste ;Mes petits enfants, expression de tendresse. Le vieil apôtre considère comme des enfants ceux auxquels il écrit, parce qu’ils sont d’une autre génération.
Le but de Jean, lorsqu’il présente la sainteté de la conduite comme un effet nécessaire de la communion avec Dieu (1 Jean 1.5-7) et qu’il insiste sur le devoir du chrétien de confesser ses péchés avec une humble repentance (1 Jean 1.8-10), est d’inspirer à ses frères une sainte horreur du péché : Je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez point.
Il sait, toutefois et il a déclaré hautement, que les plus avancés ont toujours besoin de pardon (1 Jean 1.8-10) et comme il a déjà indiqué le moyen d’obtenir ce pardon, le sang de Jésus (1 Jean 1.7), il revient sur ce moyen pour l’exposer plus complètement. Quiconque a péché est par là même accusé devant Dieu et serait infailliblement condamné si son péché restait sur lui. Jean présente à l’homme convaincu de péché et de condamnation le Sauveur et son œuvre sous un double aspect.
D’abord, il lui montre en Jésus un défenseur auprès de Dieu, plaidant par son intercession Romains 8.34 ; Hébreux 2.17 ; Hébreux 2.18, notes ; comparez Hébreux 7.25 ; Hébreux 9.21, notes, ensuite verset 2, il lui fait envisager le sacrifice de Christ.
Le terme que nous rendons par défenseur et d’autres par avocat, est le même que Jésus, dans les discours de la chambre haute, applique au Saint-Esprit et que la plupart des versions traduisent là par consolateur. Ce mot est formé d’un verbe qui signifie appeler auprès de soi et aussi encourager, consoler. L’adjectif substantif dérivé de ce verbe désigne l’avocat ou l’intercesseur qu’on appelle à son aide devant un juge ou un maître. On a cru, à tort, y trouver le sens de consolateur ce serait plutôt consolé (voir Jean 14.16, note).
Quant à la différence qu’il y a entre l’intercession du Sauveur et celle du Saint-Esprit, dont il est dit aussi qu’il « prie pour les saints selon Dieu » voir Romains 8.26, 2e note.
Ce défenseur, Jean le nomme Jésus-Christ juste, épithète qui le caractérise comme celui qui est saint, sans tache, le seul membre de notre humanité qui soit exempt de péché : c’est là son titre auprès de Dieu pour intercéder en notre faveur. Dieu regarde à lui, à sa justice et non à nous, à nos injustices et il « l’exauce toujours » (Jean 11.42 ; 2 Corinthiens 5.21 ; 1 Pierre 3.18).
Par la conjonction et, qui a, ici comme ailleurs (1 Jean 1.2), la valeur d’un car, Jean introduit le second et principal aspect de l’œuvre de Christ, sa propitiation, qui donne à son intercession une efficacité infinie et porte le calme et la paix dans les âmes des pécheurs.
Le mot propitiation désigne l’action de rendre Dieu propice en couvrant le péché au moyen d’un sacrifice (comparer sur ce mot 1 Jean 4.10 et sur la doctrine elle-même Romains 3.25, note ; Romains 5.10, note ; 2 Corinthiens 5.19-21 et Hébreux 10, notes).
Une vérité importante ressort encore de l’expression que l’apôtre donne à sa pensée : il ne dit pas que Jésus a fait la propitiation par un acte spécial, mais qu’il est propitiation ; il l’est par sa personne sainte, par toute sa vie d’abaissement volontaire et d’obéissance, dont sa mort sur la croix a été le couronnement (Jean 17.19), par la position d’intercesseur qu’il occupe auprès de Dieu depuis sa glorification.
Et Jean accentue encore cette idée en employant le terme abstrait propitiation au lieu du terme concret victime propitiatoire (que lui prêtent à tort nos versions). Il veut faire sentir que le Sauveur n’a accompli notre réconciliation avec Dieu par aucun moyen extérieur mais qu’il est lui-même propitiation (1 Corinthiens 1.30).
Enfin, pour exprimer la valeur infinie de ce sacrifice et pour que tous puissent y avoir recours dans leur angoisse, l’apôtre affirme que son efficacité s’étend, non seulement à ceux qui déjà ont cru, ou même aux élus de Dieu, comme le prétend une certaine théologie, mais expressément au monde entier.
Il peut et doit être présenté à tous comme l’unique moyen de salut. Non seulement Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Timothée 2.4), mais Jésus a souffert et est mort comme le second Adam, le représentant de notre race ; celle-ci a tout entière le bénéfice de la rédemption qu’il a accomplie (1 Corinthiens 15.22 ; 1 Corinthiens 15.45 ; Romains 5.12-21).
L’observation des commandements de Dieu, preuve de notre amour pour lui
C’est par elle que nous acquérons la certitude d’avoir connu Dieu. Prétendre le connaître et ne pas pratiquer sa loi, c’est mentir. Mais garder sa parole, c’est l’aimer parfaitement. Si nous disons que nous demeurons en lui, nous devons vivre comme Jésus a vécu (3-6).
Le commandement ancien et nouveau de l’amour fraternel, condition pour marcher dans la lumière
L’apôtre ne présente pas à ses frères un commandement nouveau ; ils le connaissent dès l’origine de leur vie chrétienne. Et pourtant il est nouveau, car il est le fruit d’une vie nouvelle, manifestée en Christ et dans les croyants et dont l’apparition a été comme la lumière qui dissipe les ténèbres. Dès lors, celui qui se dit dans la lumière et hait son frère est encore dans les ténèbres. Celui qui aime ne risque pas de broncher, tandis que celui qui hait ne sait où il va (7-11).
Connaître (versets 3, 4, 13, 14), dans l’Écriture et surtout dans le style de Jean, ne signifie jamais une connaissance intellectuelle, théorique, mais une connaissance expérimentale du cœur.
Connaître est presque synonyme d’aimer (verset 5), ou de ces autres termes être en lui (verset 5) demeurer en lui (verset 6). C’est-à-dire que chacune de ces expressions, entendue dans son sens complet, rend, par un de ses côtés, l’idée de « communion avec Dieu » (1 Jean 1.3 ; 1 Jean 1.6), dont Jean traite dans cette première partie de sa lettre.
Ici, en effet, il veut donner à ses frères les signes auxquels ils reconnaîtront s’ils sont dans cette communion : négativement, ne pas garder ses commandements (verset 4), de même que « marcher dans les ténèbres » (1 Jean 1.6) et prétendre vivre dans cette communion, c’est mentir ; positivement, garder ses commandements (verset 3 ; comparez Jean 14.15-21 ; Jean 15.10), c’est-à-dire toute sa parole et y conformer sa conduite (verset 5) ; marcher comme il a marché, c’est-à-dire suivre Jésus, l’imiter, lui ressembler en toutes choses et en particulier dans cette communion permanente avec Dieu qui a été le principe de sa vie (Jean 5.19 ; Jean 5.30 ; Jean 14.10 ; Jean 17.21), c’est la démonstration seule évidente que nous sommes en communion avec lui et que l’amour de Dieu, notre amour pour Dieu, est véritablement parfait en nous (verset 5) car cet amour seul se plaît dans la volonté de Dieu et seul il peut l’accomplir (comparer versets 7-11).
Il est bien évident, du reste, que Jean considère ici la vie chrétienne à son point de vue idéal ; car il ne peut pas se mettre en contradiction avec ce qu’il vient de dire (1 Jean 1.8-10). Mais cet idéal, quiconque le reconnais et y tend de toutes ses forces, avec la grâce de Dieu, celui-là connaît Dieu (versets 3, 4 et 13).
Expression du tendre amour de l’apôtre, qui doit faire pénétrer ses paroles au fond du cœur de ses lecteurs.
Au lieu de : Bien-aimés (Codex Sinaiticus, B, A, C, versions), le texte reçu porte : Frères.
Ce commandement qui n’est pas nouveau, qui est ancien et qui toutefois, sous un autre rapport, est nouveau, c’est évidemment le commandement de l’amour, ainsi nommé par Jésus (Jean 13.34 ; comparez ci-dessous 1 Jean 2.9-11 ; 1 Jean 3.11 ; 1 Jean 4.7 ; Jean 15.12).
Il est ancien, car les chrétiens auxquels écrit Jean l’avaient dès le premier moment où ils ont connu l’Évangile, dès le commencement (verset 7). C’était même là l’essence de la parole évangélique qu’ils ont entendue (Le texte reçu répète ici les mots : dès le commencement, contre le témoignage de Codex Sinaiticus, B, A, C).
Et pourtant ce commandement est nouveau, non pas seulement, selon l’interprétation de Calvin, parce qu’il faut le pratiquer toujours de nouveau, mais parce que, comme l’exprime clairement notre apôtre, les ténèbres passent et que la véritable lumière luit déjà.
Les ténèbres, c’est l’état de l’humanité avant l’apparition de Christ (Jean 1.5), c’est la vie de l’homme naturel, où domine l’égoïsme (Matthieu 6.22 ; Matthieu 6.23) ; la lumière, c’est la révélation de Dieu qui est lumière (1 Jean 1.5) et spécialement celui qui est le porteur de cette révélation, Jésus-Christ (Jean 1.8-9 ; Jean 8.12 ; Romains 13.12-14 ; 2 Corinthiens 4.6 ; Éphésiens 5.8-13 ; Colossiens 1.12 ; Colossiens 1.13), qui nous rend capables d’aimer.
On peut connaître l’Évangile sans avoir encore éprouvé dans son cœur toute la portée, la beauté, la douceur du commandement de l’amour ; mais que le cœur change, que la vie chrétienne se développe dans la communion du Sauveur et du Dieu qui est amour, alors ce commandement divin devient tout nouveau ; il le devient tous les jours davantage et il le deviendra surtout quand l’amour aura atteint la perfection.
Ce qui prouve encore que cette interprétation est la vraie, ce sont les mots qu’ajoute l’apôtre : ce qui est vrai en lui et en vous, en lui, car Christ a vécu de cette vie nouvelle de l’amour, il l’a créée dans le monde et en vous, car les chrétiens peuvent et doivent la vivre dans la communion avec Christ.
Il est d’autres interprétations de ce passage qui nous paraissent moins en harmonie avec l’ensemble du texte. Ainsi par le commandement nouveau les uns entendent le devoir de vivre comme Christ a vécu (verset 6) d’autres l’ensemble de la doctrine et de la vie chrétiennes.
En admettant qu’il s’agit du commandement de l’amour quelques exégètes pensent qu’il est ancien, parce qu’il a été donné par Moïse (Lévitique 19.18) et nouveau depuis l’Évangile. Bien plus, on a dit qu’il était ancien, parce que Dieu l’a implanté au cœur de l’homme, en créant celui-ci à son image (comparer Jean 13.34, note).
Le contraste entre la lumière et les ténèbres désignait ci-dessus (1 Jean 1.5-7) l’opposition absolue qu’il y a entre Dieu et le péché dans toutes ses manifestations (comparer Jean 3.19-21, notes).
Aimer ses frères, être avec les enfants de Dieu dans une communion intime, vivante, dévouée, c’est, aux yeux de Jean, une preuve qu’on est et demeure en communion avec Dieu, qui est lumière et amour.
La lumière divine nous pénètre elle éclaire notre chemin et nous ôte toute (grec) occasion de chute, toute occasion de pécher, dans nos rapports avec nos frères. Tel est le sens de ce mot (Jean 11.9 ; Jean 11.10).
D’autres l’entendent, avec moins de raison, du scandale que nous donnons au prochain (Matthieu 18.7).
À côté de l’amour, Jean ne connaît que la haine, car pour lui l’indifférence de l’égoïsme n’est pas autre chose que la communion avec les ténèbres. L’une ou l’autre de ces dispositions décident de la vie morale : celle-ci sera tout entière lumière ou ténèbres, selon que l’une ou l’autre domine.
Celui qui marche dans les ténèbres et risque ainsi de faire une chute (verset 10), ne sait, d’une manière générale, où il va (Jean 12.35) ; parce qu’il refuse de voir, il est peu à peu privé de la faculté de percevoir la lumière : les ténèbres ont aveuglé ses yeux (Jean 12.40 ; Ésaïe 6.10).
Jean s’adresse à ses lecteurs selon leur âge
Jean prémunit ses lecteurs contre le danger d’aimer le monde
Qu’ils n’aiment point le monde ni les choses qui y sont. L’amour du monde et l’amour du Père s’excluent : la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, la fausse sécurité et l’orgueil qu’inspirent les biens terrestres ne viennent point du Père. Le monde et sa convoitise passent ; celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement (15-17).
L’appellation : Petits enfants, répétée du verset 1, s’applique à tous les chrétiens, sans distinction.
Ils ont obtenu le pardon de leurs péchés à cause de son nom, du nom de Jésus-Christ, de ce nom par lequel il s’est révélé à eux comme le Sauveur.
Ensuite, pour rendre son exhortation plus incisive, l’apôtre interpelle ses lecteurs selon leurs divers âges : pères, jeunes gens. Ces termes sont pris au sens propre et non comme désignant divers degrés de l’expérience chrétienne.
Jean dit trois fois : je vous écris et trois fois : je vous ai écrit (selon Codex Sinaiticus, B, majuscules).
Quelques interprètes pensent que le verbe au passé se rapporte à ce qui précède dans l’épître, le verbe au présent à ce qui va suivre.
D’autres voient dans ce changement de temps, comme dans la répétition des assurances données aux pères et aux jeunes gens, l’intention de l’auteur de confirmer ce qu’il vient de dire pour l’affermissement de leur foi : « Je vous l’écris et je n’ai rien à en retrancher, je vous l’ai écrit, cela subsiste » (comparer une expression semblable dans Jean 19.22).
Quelques interprètes pensent que le mot j’écris se rapporte à cette lettre et le mot j’ai écrit, à un autre ouvrage de l’apôtre, à l’Évangile ou à une lettre perdue.
Beaucoup plus naturelle est l’explication qui admet que le présent se rapporte à la lettre dans son ensemble ou à l’acte même d’écrire (1 Jean 1.4 ; 1 Jean 2.1) et le passé à ce qu’il a déjà écrit dans cette lettre et spécialement aux dernières paroles (versets 3-11), qui présentent l’obéissance aux commandements de Dieu, notamment à celui de l’amour fraternel, comme la condition essentielle de la vie en Dieu. Pour posséder celle-ci, les chrétiens doivent remplir une autre condition, négative, que Jean va indiquer (versets 15-17)
Quant aux grâces spéciales que l’apôtre rappelle a ses frères pour leur affermissement, il présente d’abord à tous (mes petits enfants, verset 12) l’assurance du pardon de leurs péchés à cause du nom de Jésus ; car cette assurance seule, avec la paix et la liberté qu’elle procure, peut élever le chrétien au-dessus de tous les doutes, le préserver de tous les dangers, en lui donnant un filial accès auprès de Dieu qui est sa force.
Aux pères, l’apôtre rappelle deux fois (versets 13 et 14) qu’ils ont eu le bonheur de connaître (versets 5 et 6, note) depuis longtemps le Sauveur, Celui qui est dès le commencement (1 Jean 1.1) et de faire déjà l’expérience de sa fidélité et de son amour. Comment donc ne pas se confier en lui jusqu’à la fin ?
Aux jeunes gens, il redit deux fois (versets 13 et 14) que, malgré la puissance des tentations qui assaillent leur âge, ils ont vaincu le malin (1 Jean 3.12 ; 1 Jean 5.18 ; 1 Jean 5.19), qu’ils sont forts en Dieu (Luc 11.21 ; Éphésiens 6.10) et par sa parole qui demeure en eux (2 Timothée 2.19). Comment maintenant deviendraient-ils lâches pour le combat, perdant ainsi tous les fruits de leurs victoires ?
Enfin, aux chrétiens de tout âge, qu’il embrasse de nouveau dans ce terme de tendresse : petits enfants, l’apôtre aime à rappeler qu’ils ont eu, dès leur entrée dans la vie, l’immense privilège de connaître Dieu comme un tendre Père dont l’amour réclame justement tout leur cœur, toute leur vie. Que ces paroles devaient être puissantes pour tous, venant d’un apôtre qui avait vieilli dans les combats où il encourage ses frères !
Voici maintenant l’exhortation qui découle de ce qui précède et qui, selon le contexte et selon la nature des choses, s’adresse surtout aux jeunes gens (verset 14).
Le monde, l’amour du monde, le Père, l’amour du Père : telle est la grande antithèse que l’apôtre établit ici et dont les deux termes, considérés comme les objets de notre amour, s’excluent absolument.
Mais pour ne pas abuser de ce précepte, ce qui arrive si fréquemment, il faut se faire une idée juste de ce que Jean appelle le monde. Il n’entend point par là l’univers créé, œuvre de Dieu, où se manifestent sa sagesse, sa puissance et sa bonté (Romains 1.20) ; car nous pouvons, nous devons l’aimer, comme les hommes de Dieu qui le chantent dans leurs cantiques (Psaumes 19 ; Psaumes 104).
Il ne désigne point non plus les hommes qui sont encore du monde (1 Jean 3.13 ; 1 Jean 3.5-19) ; car, dans ce sens, Dieu lui-même « a aimé le monde » (Jean 3.16) et nous devons l’aimer comme il l’aime, c’est-à-dire nous efforcer de le sauver, ce qui ne peut avoir lieu sans amour.
Par ce mot, de même que Paul par l’expression « le siècle présent » (Romains 12.2 ; Galates 1.4 ; 2 Timothée 4.10, etc.), Jean entend l’esprit charnel, mauvais, corrompu, qui, depuis la chute, règne parmi les hommes du monde, avec toutes les choses indifférentes en elles mêmes que cet esprit rend funestes en les pénétrant et en les assujettissant à son service.
Le même objet, la même action, la même jouissance peuvent être du monde ou n’en être pas, selon l’esprit qu’on y apporte. En un mot, tout est monde, même les choses les plus saintes en apparence, là où n’est pas l’amour de Dieu, occupant la première place ; et là où est cet amour, rien n’est monde, car il exclut naturellement, nécessairement, tout ce qui, par sa nature, est incompatible avec lui.
Mais l’apôtre lui-même précise sa pensée (verset 16) en réduisant à trois chefs principaux les choses qui sont dans le monde, qu’il a prescrit à ses lecteurs de ne point aimer ; et ces trois chefs ne sont pas trois objets particuliers de nos affections, mais trois passions ou convoitises, qui donnent à tout ce qu’elles affectent ce caractère de mondanité.
D’abord, la convoitise de la chair, par où il faut entendre, toute action, tout désir, toute pensée tendant à la jouissance des sens et dont est remplie l’âme vide de l’amour de Dieu (comparer le développement de cette antithèse dans Galates 5.16-25). Celui qui cherche dans la satisfaction de la chair son trésor (son souverain bien), y met tout son cœur (Matthieu 6.21).
Ensuite, la convoitise des yeux, qui éveille, par le moyen de la vue, la convoitise de la chair. En effet, par cela seul que le mal règne dans le monde aussi bien que dans le cœur, tout ce que l’homme voit est propre à exciter la convoitise et ainsi il y a perpétuellement action et réaction entre la double puissance du mal en nous et hors de nous. Même quand elle n’aboutit pas au péché de la chair, la convoitise des yeux est coupable au jugement de Dieu (Matthieu 5.8). D’autres interprètes entendent la convoitise des yeux de tout désir du bien d’autrui (Exode 20.17) et l’identifient avec l’amour de l’argent.
Les biens de ce monde non seulement excitent les désirs de l’homme et lui fournissent le moyen de satisfaire ses convoitises ; mais, quand il les possède il en tire vanité, il se fait un piédestal de sa fortune, de ses talents, de sa beauté. C’est là ce que l’apôtre appelle l’orgueil de la vie.
Le mot que nous traduisons par orgueil, se retrouve, au pluriel, Jacques 4.16, dans le sens de « pensées orgueilleuses » ; un substantif de la même racine signifie : vain, vantard (Romains 1.30 ; 2 Timothée 3.2). Quant au terme rendu par vie, il désigne proprement ce qui sert à entretenir la vie (1 Jean 3.17 ; Marc 12.44).
La disposition contre laquelle l’apôtre met en garde est donc la fausse sécurité, l’orgueilleuse assurance de l’homme qui possède des biens en abondance (Luc 12.19). Elle est à la fois dangereuse et coupable, parce qu’elle nous porte à croire que nous pouvons nous passer de Dieu, à oublier par conséquent Dieu et la vie éternelle, à faire des biens terrestres des idoles, à nous adorer nous-mêmes, à rendre hommage, en un mot, au prince de ce monde.
Que tout ce qui est dans le monde et qui porte ces caractères, ne soit pas du Père, c’est là une vérité évidente en elle-même ; par conséquent, quiconque aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui.
On retrouve, en quelque mesure, ces trois convoitises dans la tentation en Éden (Genèse 3.6) et dans la tentation de Jésus au désert (Matthieu 4.3-10)
Le monde passe (1 Corinthiens 7.31), tout ce qu’il renferme, tout ce dont l’homme jouit et s’enorgueillit, périt, et sa convoitise aussi ; ce mot de convoitise est pris ici pour l’objet de la convoitise, des désirs terrestres et charnels.
« Or si, lorsque tout ce que l’homme a aimé sur la terre passe et périt, il se sent saisi déjà de cette solitude, de cet abandon sans consolation et sans espérance qui est si horrible, que sera ce quand lui-même, livré sans retour à une misère sans espérance, portant en lui sa convoitise sans objet, il sera comme dévoré d’une soif ardente que rien ne pourra étancher » !
Le triste sort que se préparent ceux qui s’attachent à un monde périssable est mis en évidence par le terme opposé du contraste : celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ; car il a sa vie en Dieu même, en qui rien ne passe et rien ne périt.
Leur apparition
Jean avertit ses lecteurs que la dernière heure vient, car les antéchrists sont à l’œuvre. Ils sont sortis des rangs des disciples, dont ils n’étaient pas vraiment. Dieu a permis leur défection, pour montrer que ceux qui professent la foi chrétienne ne sont pas tous des disciples (18, 19)
La protection contre leur influence
C’est l’Esprit dont les lecteurs ont été oints par le Saint et qui leur révèle toute la vérité. Jean leur a écrit, parce qu’ils connaissent cette vérité qui exclut tout mensonge (20, 21)
Le mensonge des antéchrists
Il consiste à nier que Jésus soit le Christ et par conséquent à nier le Père et le Fils (22, 23)
Exhortation à demeurer dans la vérité
Qu’ils restent fidèles aux instructions reçues dès l’origine et ils seront en communion avec le Fils et avec le Père. La promesse du Sauveur, c’est la vie éternelle (24, 25)
L’Esprit est le seul vrai docteur des fidèles
Jean leur a écrit pour les mettre en garde contre ceux qui les égarent. Mais l’Esprit dont ils ont été oints le dispense de les instruire davantage ; cet Esprit les instruit de tout. Qu’ils demeurent en Dieu ! (26, 27)
Les pensées que Jean vient d’exprimer sur l’amour du monde et sur le renoncement à un monde qui passe (versets 15-17), reportent naturellement son esprit sur les derniers temps et sur les adversaires de la vérité qui, entraînés précisément par l’amour du monde, doivent faire alors leur œuvre de ténèbres.
L’apôtre se sent pressé d’avertir sérieusement ses lecteurs des dangers qui les menacent et de décrire, dans leurs traits principaux, les séducteurs qui déjà sont parmi eux, afin qu’étant sur leurs gardes ils ne s’y laissent pas tromper.
Par la dernière heure ou les derniers jours (Hébreux 1.1 ; 1 Pierre 1.20), expression non moins fréquemment usitée dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau (Ésaïe 2.2 ; Actes 2.16 et suivants), les auteurs sacrés entendent toujours l’économie du règne de Dieu qui s’ouvre avec l’établissement de l’Évangile et dont la durée était inconnue des apôtres, Jésus-Christ ayant refusé de la leur révéler (Marc 13.32 ; Actes 1.7).
La plupart des interprètes actuels estiment que la dernière heure comme « le dernier jour » (Jean 6.39) désigne, d’une manière précise, la fin de l’économie présente et le jugement dernier. Jean, comme Pierre (1 Pierre 4.7), croyait que cette dernière heure allait venir.
Ils en jugeaient ainsi par « les signes des temps » et en particulier par celui que Jean décrit ici, la venue d’antichrists (comparez 2 Thessaloniciens 2) ; et ils insistaient sur le devoir des chrétiens d’attendre, dans une sainte vigilance, la venue du Maître, de l’attendre chaque jour.
Se sont-ils trompés en attendant, comme imminent le retour du Seigneur ? Si l’on veut ; mais leur ignorance des desseins de Dieu sur l’avenir les a entretenus dans une vigilante attente et ils ont été en cela les modèles de l’Église entière, dont telle est la situation naturelle et nécessaire jusqu’à la venue du juste Juge (voir sur ce sujet 1 Thessaloniciens 4.15, note).
Un antéchrist (Codex Sinaiticus, B. C ; texte reçu, majuscules : l’antéchrist) vient, les chrétiens auxquels écrit Jean le savaient, l’avaient entendu, soit par la prédication de Paul dans l’Asie Mineure, soit par celle de Jean lui-même.
Ces deux apôtres enseignaient que, avant le retour du seigneur, toutes les puissances ennemies du Christ et de son règne se personnifieront en un seul homme qui ne sera pas seulement un adversaire du Christ, mais prétendra jouer le rôle du Christ, être le Sauveur et le roi de l’humanité, mais en attendant l’esprit d’apostasie et de mensonge se manifeste sous les formes les plus diverses ; il paraissait déjà au temps de l’apôtre en des docteurs hérétiques : (grec) plusieurs antéchrists sont devenus, se sont produits.
Jean les caractérise dans ce qui suit (versets 19, 22 et 23). De ces signes avant-coureurs il conclut que la dernière heure approche : par là nous connaissons que c’est la dernière heure. L’antéchrist (1 Jean 4.3) est celui que Paul nomme « l’homme du péché, le fils de perdition » (voir 2 Thessaloniciens 2.1-12, notes).
L’apôtre enseigne, comme Paul (2 Thessaloniciens 2.1 et suivants), que l’antéchrist et ceux qui sont animés de son esprit sortent du milieu de l’Église même.
Jésus appelle les faux docteurs des loups revêtus de peaux de brebis (Matthieu 7.15 ; Actes 20.29 ; Actes 20.30).
Cette circonstance les rend plus dangereux. Les âmes peu éclairées, mal affermies dans la grâce, se laissent prendre à des apparences de science ou de piété, tandis qu’elles n’éprouveraient que répulsion pour une incrédulité ou une impiété déclarées. Jean exprime encore une double vérité bien importante.
D’une part, les vrais membres de l’Église, qui est le corps de Christ, ne l’abandonnent jamais, ils ne succombent point dans les temps d’épreuve où le Seigneur crible le froment : douce et puissante consolation pour eux à la vue des défections !
Mais, d’autre part, il faut que ces défections aient lieu afin qu’il soit manifesté avec évidence qu’il y a dans l’Église des membres qui en sont les ennemis secrets et que les âmes sincères soient excitées à la vigilance et à la prière (1 Corinthiens 11.19).
Grec : « afin qu’ils fussent manifestés, que tous ne sont pas des nôtres ». Dieu veut qu’ils soient ainsi connus, démasqués. Leurs chutes sont des jugements anticipés, qui annoncent le grand triage du dernier jour, après lequel il n’y aura plus ni mélange, ni confusion ni séduction possible.
Voilà le vrai préservatif contre les séductions des faux docteurs : l’onction du Saint, administrée par le Saint (verset 27), c’est-à-dire par Dieu (Jean 17.11) ou par Christ (Apocalypse 3.7), qui, en donnant l’Esprit, donne la vie, la réalité divine, l’expérience personnelle de la vérité révélée par la Parole.
L’huile sainte (Exode 29.7 ; Exode 30.31), dont on oignait, sous l’ancienne alliance, les prophètes les sacrificateurs, les rois, était l’image de l’Esprit de Dieu. Christ, l’Oint par excellence a reçu l’Esprit dans sa plénitude (Actes 10.38 ; Matthieu 3.13, note) ; et ce même Esprit, qu’il possède sans mesure, il en oint aussi ceux qui lui sont unis par une foi vivante (Jean 1.16), en sorte que, par cette onction, ils savent toutes choses, tout ce qui appartient au salut éternel de l’âme et acquièrent un discernement sûr de la vérité et de l’erreur.
Vous savez toutes choses, est la leçon de la plupart des majuscules, des versions et des Pères.
Codex Sinaiticus, B. portent : Vous savez tous, vous avez tous la connaissance.
Les critiques modernes adoptent généralement cette dernière leçon. Mais n’est-elle pas une correction provenant de ce que l’autre expression paraissait trop hyperbolique ? D’autre part, il se pourrait aussi qu’on ait écrit : vous savez toutes choses, pour que le verbe ne fût pas sans objet et parce que tous paraissait inutile.
On trouve dans les premiers mots de ce verset la même tournure qu’aux verset 12 et suivants Je vous écris ces choses non parce que vous ignorez la vérité, mais parce que vous la connaissez et qu’ainsi je n’ai qu’à vous la rappeler pour vous mettre sur la conscience d’agir en conséquence et vous faire sentir votre responsabilité.
Aucun mensonge (grec) n’est de la vérité, ne peut venir de la même source, ni être inspiré par le même Esprit (Jean 8.44) que la vérité. Vous reconnaîtrez donc les conséquences fausses qu’on voudrait déduire de la vérité, ce qui est la méthode la plus subtile, la plus dangereuse des séducteurs.
Le menteur par excellence, auquel l’apôtre pensait en disant : « Vous savez que nul mensonge ne vient de la vérité », c’est l’antéchrist ; mais ceux qui sont animés de son esprit (verset 18) sont menteurs comme lui.
Le Christ, l’Oint, le Messie divin, la Parole éternelle faite chair en Jésus de Nazareth (Jean 20.31).
Plus tard (1 Jean 4.2), l’apôtre précisera davantage cette négation de la vérité divine concernant la personne de Christ.
Dès les temps de l’apôtre et à travers tous les âges de l’Église jusqu’à nos jours, il y a eu deux manières, qui paraissent opposées, mais qui proviennent au fond de la même erreur, de nier que Jésus soit le Christ ou de « nier le Fils » (verset 23).
L’une consiste à admettre sa divinité, en niant son humanité réelle (ainsi, dès les temps apostoliques, de faux docteurs enseignaient qu’il n’avait éprouvé nos besoins, nos souffrances et la mort qu’en apparence, prétendant que le contraire eût été indigne de Dieu), l’autre consiste à admettre son humanité vraie, mais en niant, à des degrés divers, sa divinité.
Avec l’une ou l’autre de ces erreurs, on supprime la personne de l’Homme-Dieu et dés lors on n’a plus réellement en Jésus, le Christ le Sauveur, le Médiateur entre Dieu et les hommes. L’Évangile est sapé par sa base ; Jean appelle cela un mensonge.
Il n’y a donc ni connaissance de Dieu comme Père ni communion avec lui pour quiconque nie le Fils ; de fait, il nie aussi le Père : car le Fils est le seul chemin qui conduise au Père (Jean 14.6).
Les mots : celui qui confesse le Fils a aussi le Père, qui ne sont pas dans le texte reçu, se lisent dans la plupart des documents.
Il faut bien remarquer cette expression : avoir le Père, le posséder par une communion vivante, ce qui est plus que le connaître (Jean 14.23).
Ce verset dit d’une manière positive ce que le précédent exprimait négativement et de plus l’apôtre applique directement à ses lecteurs cette profonde vérité.
Si ce qu’ils ont entendu dès le commencement (comparez verset 7), savoir que la Parole éternelle a été faite chair en Jésus-Christ (1 Jean 1.1-4, Jean 1.18), demeure en eux par une foi vivante, cette vérité ne sera point une croyance stérile, une spéculation de leur intelligence, mais elle deviendra en eux une communion réelle et intime avec le Fils et par lui avec le Père (Jean 14.20-24 ; Jean 17.21).
« Dieu manifesté en chair » est le « grand mystère de piété » (1 Timothée 3.16).
Cette remarque confirme et complète ce qui précède : demeurer dans le Fils et dans le Père, c’est obtenir l’accomplissement de la promesse faite par le Père ou par le Fils, c’est posséder la vie, la vie éternelle, qui commence dès ici-bas par cette communion divine, pour s’épanouir dans la perfection à venir.
On peut se demander s’il faut rattacher le pronom lui-même au Père (Jacques 1.12) ou au Fils (Jean 3.15 ; Jean 6.40 ; Jean 10.28 ; Jean 17.2), cette dernière attribution est plus conforme à la pensée de Jean.
À tous les artifices des faux docteurs (verset 26), l’apôtre se contente d’opposer une fois encore (comparez verset 20), l’onction que ses lecteurs ont reçue de Dieu.
Elle suffira pleinement à les préserver, car elle demeure en eux. Cette onction, réalité divine, fait d’expérience qui a transformé leur cœur et leur vie, est véritable. Elle n’est pas un mensonge. Ils en ont le vivant témoignage en eux-mêmes.
Son onction (grec l’onction de lui, Codex Sinaiticus, B, C ; le texte reçu, avec A et quelques majuscules, porte : cette même onction) les instruit (Jean 14.26 ; Jean 16.13 ; 1 Corinthiens 2.12 ; 1 Corinthiens 12.10) ; ils n’ont pas besoin d’autre enseignement.
Mais, ajoute l’apôtre, comme elle vous instruit de toutes choses et selon qu’elle vous instruit, demeurez en lui.
Telle est la leçon de Codex Sinaiticus, B. A, C ; le texte reçu porte : Vous demeurerez en lui. La leçon des principaux manuscrits peut aussi se traduire par l’indicatif : Vous demeurez en lui. Ce serait une affirmation répondant à celle qui précède : L’onction demeure en vous.
Demeurer en lui, tout est là.
Notre assurance à l’avènement du Seigneur
Jean invite ses frères à demeurer dans le Seigneur, afin d’être pleins d’assurance lors de son glorieux retour. Dieu est juste et l’on reconnaît qu’un homme est né de Dieu quand il pratique la justice (28, 29)
Les enfants de Dieu, leur bonheur présent, leur gloire à venir
Jean invite ses lecteurs à considérer l’amour que Dieu leur a témoigné en les appelant ses enfants. Ils ont vraiment cette qualité. C’est pourquoi le monde, qui n’a point connu Dieu, ne les connaît pas. Dès à présent, nous sommes enfants de Dieu. Notre condition future n’a pas encore été révélée ; mais nous serons semblables à Dieu, parce que nous le verrons tel qu’il est (1, 2)
Les enfants de Dieu et le péché
En vue de l’avènement du Seigneur, les enfants de Dieu doivent pratiquer la justice et l’amour fraternel 2.28 à 4.6
Et maintenant, à la « dernière heure » (verset 18).
Afin que nous ne soyons pas confus loin de lui à son avènement, que nous ne soyons pas rejetés avec honte loin de lui, ou : « que nous n’ayons pas à nous éloigner de lui, couverts de honte » (Stapfer, Weiss).
L’apôtre pense à l’avènement de Christ, à son retour glorieux pour le jugement (comparez Colossiens 3.4) et non à la présence de Dieu comme plusieurs interprètes le concluent du verset 29, où Dieu est sujet.
Il veut que nous ayons alors une pleine assurance (1 Jean 4.17 ; Philippiens 1.20 ; Éphésiens 3.12).
Lorsqu’il sera manifesté ; le texte grec (Codex Sinaiticus, B, A, C) porte : S’il est manifesté, mais cette tournure ne met pas en doute que la manifestation ait lieu, elle fait ressortir son imminence.
La perspective du jugement, qu’il vient d’entrouvrir (verset 28), élève la pensée de l’apôtre vers Dieu qui est juste.
La justice, qui est l’essence de Dieu, confond le pécheur et ne lui permet pas d’avoir de l’assurance (verset 28).
Mais les chrétiens doivent reconnaître que tout homme aussi (Sin, A, C). qui pratique la justice est né de lui.
Or ils font la justice ; ils sont donc des enfants de Dieu, nés de lui, ressemblant à leur Père qui est juste (la même vérité intime et profonde est exprimée au sujet de l’amour : 1 Jean 4.7), et, par conséquent, ils n’ont pas à craindre d’être confus à l’avènement du juste Juge.
Plusieurs interprètes entendent ici par celui qui est juste, non Dieu le Père, mais Christ, dont l’apôtre parle au verset précédent comme du Juge. Mais l’expression nés de lui, se rapporte toujours, à Dieu (Jean 1.13).
Cette consolante assurance conduit maintenant Jean à parler de « l’amour du Père et des glorieux privilèges des enfants de Dieu ».