Verset à verset Double colonne
L’activité de Jésus, jusqu’à son ascension, sujet d’un premier livre
L’auteur rappelle à Théophile qu’il a exposé dans un premier livre les actes et les enseignements de Jésus jusqu’au jour où il fut enlevé après avoir donné des ordres à ses apôtres et les avoir convaincus qu’il était vivant en leur apparaissant pendant quarante jours (1-3).
La dernière entrevue de Jésus avec les apôtres
Grec : Le premier traité je l’ai fait touchant toutes les choses…
Dès les premiers mots, l’auteur rappelle qu’il a déjà écrit, dans un premier livre, la vie de Jésus. Il s’agit de l’Évangile de Luc, désigné par un mot qui peut signifier parole, discours, récit, histoire ou livre.
Luc l’avait dédié au même Théophile dont le nom reparaît ici (Luc 1.3, note).
Cet Évangile est résumé en deux mots : il renferme toutes les choses que Jésus a faites et enseignées.
Il est évident qu’il ne faut pas presser ce mot : toutes les choses ; Luc entend par là tout ce qui, dans la vie si riche de Jésus, est nécessaire à la connaissance que nous pouvons avoir de lui (comparer Jean 20.30, note :).
Ce que l’auteur a relevé dans cette vie du Sauveur, ce sont ses œuvres et ses révélations, ce qu’il a fait et enseigné.
Pour sauver le monde, il ne fallait pas seulement une doctrine nouvelle, quelque grande et divine qu’elle pût être ; il fallait des actes opérés par la puissance de Dieu. Luc caractérise par ces deux termes : faire et enseigner toute l’activité de Jésus sur la terre, y compris ses souffrances, sa mort et sa résurrection. Il place même ses œuvres avant son enseignement, parce que c’est par elles, plus encore que par ce dernier, qu’il a révélé Dieu et sauvé notre humanité.
Mais il faut remarquer aussi cette expression : « ce que Jésus a commencé et de faire et d’enseigner ».
Quelques exégètes (de Wette, Meyer, Wendt) ne voient dans ce terme qu’un hellénisme fréquent dans les synoptiques (Matthieu 11.20 ; Marc 2.23 ; Luc 3.8 ; Luc 4.21 ; Luc 5.21) et destiné à relever l’action exprimée par l’infinitif qu’il accompagne. Nous le traduisons par : « Il se mit à… » De même dans notre passage, disent-ils, il ne faut pas mettre l’accent sur ce verbe.
D’autres (Olshausen, Baumgarten, Lechler, Zahn, Barde) estiment que la pensée de Luc est celle-ci : Jésus, durant sa vie sur la terre, n’a fait que commencer l’œuvre immense du salut du monde ; il en a posé le fondement et il la poursuit du haut de sa gloire par son Esprit et par le moyen de ses disciples, jusqu’à ce qu’elle arrive à sa perfection (Hébreux 2.3).
Or cette action du Sauveur glorifié, qui est la continuation de l’œuvre du Christ historique, c’est précisément le sujet du livre des Actes, ainsi intimement rattaché par Luc à son évangile. Et ceux qui soutiennent cette interprétation la trouvent confirmée par cette circonstance que l’auteur donne, pour introduction à son second livre, les derniers faits de la vie de Jésus après sa résurrection (versets 2-11), indiquant par là que les Actes ne sont que la suite de l’évangile.
On peut objecter cependant à ce sens donné au verbe : il commença, le complément : toutes ces choses. Jésus n’a fait que commencer l’ensemble de son œuvre, mais non toutes les choses racontées dans l’Évangile, ce qui voudrait dire que chacune d’elles attend son achèvement.
Ceux qui trouveront cette objection décisive pourront prendre l’expression de Luc comme une sorte de prolepse. Il voulait dire : « J’ai raconté toutes les choses que Jésus a faites et enseignées depuis qu’il a commencé son ministère jusqu’au Jour où il fut enlevé ».
L’emploi analogue de ce verbe au verset 22 : (grec) « ayant commencé depuis le baptême de Jean », est en faveur de cette interprétation (Blass).
C’est jusqu’à ce jour, jour où il fut enlevé (grec pris en haut, verset 9, note), qu’allait le récit de l’Évangile de Luc (Luc 24.50-52).
Mais l’auteur veut rappeler ici avec plus de détails ce qui avait précédé ce jour suprême.
Ainsi d’abord Jésus ressuscité avait donné des ordres (Luc 24.49 ; Matthieu 28.19-20) aux apôtres ; il le fit par l’Esprit Saint, dont lui-même était rempli, car ces ordres étaient de la plus haute importance, c’était la charte de son royaume sur la terre. Luc rappelle encore que ces apôtres, Jésus les avait choisis (Luc 6.13-16) ; c’étaient les seuls qu’il eût appelés à l’apostolat et en leur donnant ces ordres, il confirmait une dernière fois leur autorité apostolique.
Quelques exégètes (Olshausen, de Wette, Wendt) rapportent ces mots : par l’Esprit Saint, à ceux-ci : qu’il avait choisis, en sorte que l’Esprit de Dieu aurait présidé à ce choix.
Il est plus naturel de rattacher cette action de l’Esprit aux ordres donnés par le Sauveur (Meyer, Reuss, Holtzmann).
Dans versets 1 et 2, Luc a rappelé ce qu’il a raconté dans son premier livre ; la tournure de la phrase grecque montre qu’il se proposait d’introduire ensuite son second livre ; mais la mention faite (verset 2) des derniers rapports de Jésus avec les apôtres s’empare de son esprit et il interrompt le développement de sa pensée pour épuiser ce qu’il a à dire de ces rapports (verset 3 et suivants). Que de choses il concentre ici en peu de mots !
Plusieurs Pères de l’Église, la Vulgate et plusieurs exégètes modernes (Meyer, Wendt, Holtzmann, Blass), attribuant à ce mot une étymologie différente, le traduisent ainsi : « comme il mangeait avec eux ».
Ce serait donc un repas d’adieux que Jésus aurait eu avec ses disciples (comparer Luc 24.41-43).
Ici se présente une question sur laquelle les interprètes diffèrent : Luc mentionne-t-il deux réunions distinctes, la première versets 4 et 5, la second verset 6 et suivants (Meyer) ? Ou bien continue-t-il aux versets 4 et 5 la description générale des rapports de Jésus ressuscité avec les disciples (Wendt) ? Ou enfin commence-t-il au verset 4 le récit de la dernière réunion, récit qu’il poursuit verset 6 et suivants (Holtzmann) ?
Le contexte nous paraît décider pour cette dernière explication : nous avons ici la relation d’une seule rencontre, celle que Jésus eut avec ses disciples le jour même de son ascension (verset 9) et qui eut lieu sur le mont des Oliviers (verset 12).
Comparer Luc 24.49. Jésus savait combien peu les disciples étaient préparés encore à entreprendre leur œuvre ; il veut donc qu’ils attendent à Jérusalem l’accomplissement de la promesse du Saint-Esprit.
Sans doute, comme le remarque Lechler, c’était un dur renoncement pour eux de rester dans cette ville ennemie où, quelques semaines auparavant, leur Maître avait souffert la mort et où eux-mêmes couraient des dangers.
Sans doute aussi, Dieu aurait pu leur envoyer le Saint-Esprit partout ailleurs qu’à Jérusalem ; mais tel était le plan de sa miséricorde éternelle que ses plus grandes grâces fussent encore répandues sur la ville coupable, que l’Évangile y fût annoncé en premier lieu et que, de là, il se répandît dans le monde (comparer Ésaïe 2.2-3).
Jésus appelle promesse du Père celle qu’ils avaient si souvent entendue de lui.
Pour expliquer cette désignation, les interprètes se réfèrent aux nombreuses promesses concernant le Saint-Esprit qui se trouvent déjà dans les prophètes (2.17) ; Baumgarten montre même dans l’effusion de l’Esprit l’accomplissement de l’ancienne alliance tout entière.
Cela est vrai, mais il suffit de remarquer que le Sauveur, en annonçant aux disciples l’envoi de l’Esprit, attribue toujours à la souveraine puissance du Père ce grand miracle qui devait régénérer le monde (Luc 24.48 ; Jean 14.16-26 ; Jean 15.26, comparez Actes 2.33).
Grec : baptisés (c’est-à-dire plongés) dans l’Esprit Saint : expression qui indique la plénitude de l’action de l’Esprit, destiné à pénétrer l’homme tout entier.
Nous retrouvons dans ce verset le contraste frappant, souvent exprimé dans l’Écriture entre le baptême d’eau et le baptême du Saint-Esprit, qui sont l’un le symbole, l’autre la réalité et qui, ensemble, constituent le vrai baptême (Matthieu 3.11 ; Luc 3.16 ; Jean 1.33 ; Jean 3.5).
Grec : Non après beaucoup de ces jours-ci, ajoute le Sauveur, c’est-à-dire d’ici peu de jours, dix jours après qu’il aura été glorifié (comparer Jean 7.39, note).
La particule donc reprend le récit au verset 4 et indique qu’il s’agit bien de la même réunion.
Les disciples rattachent avec raison à la promesse du Saint-Esprit le rétablissement (Actes 3.21, note ; Marc 9.12-13, note) de ce royaume dont Jésus leur parlait si souvent (verset 3) ; et ils attendent sa restauration de Jésus lui-même : que tu rétabliras ; mais en le limitant à Israël (grec le royaume pour Israël) ils montrent à la fois leur patriotisme et leur peu d’intelligence de la spiritualité et de l’universalité de ce royaume.
Ils sont encore imbus de ce particularisme juif auquel ils ne renonceront que par degrés et au moyen de révélations positives (Actes 10.9 et suivants). Et cette première erreur les induit à croire au rétablissement terrestre et matériel de ce royaume à une époque prochaine, au sujet de laquelle ils interrogent leur Maître.
Dans sa réponse, Jésus ne blâme pas la question des disciples ; mais pourtant il refuse expressément de leur révéler les temps ou les moments, c’est-à-dire les époques générales et les dates précises (ou les moments favorables) du rétablissement du royaume de Dieu (1 Thessaloniciens 5.1).
Ce n’est pas à vous de les connaître, ces temps dépendent exclusivement de l’autorité du Père.
Ailleurs, Jésus va jusqu’à déclarer que le Fils lui-même, dans son état d’humiliation, les ignorait (Marc 13.32). Par ces paroles le Sauveur rectifie aussi indirectement ce qu’il y avait d’erroné dans la question des disciples ; car il leur donne à entendre que le rétablissement du royaume est encore dans un lointain avenir (les temps, les moments) et ne sera pas seulement pour Israël, mais pour tout le peuple de Dieu, Juifs et païens sauvés. Toutefois ce rétablissement reste certain, sans quoi il n’aurait pas ses temps et ses moments que le Père a fixés.
Chose singulière ! Ces paroles positives : Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments, le savant et pieux Bengel pensait qu’elles ne concernaient que les apôtres à l’époque où elles leur furent adressées, attendu que les révélations divines ont leurs degrés et que Dieu a fait connaître par l’Apocalypse ce que Jésus refusait alors.
À quoi son compatriote, Lechler, répond que Bengel lui-même a totalement échoué quand il a voulu, d’après ce livre, déterminer les temps et les moments. Et il en conclut avec beaucoup de raison que les mots : Ce n’est pas à vous de connaître, subsistent pour nous.
Mais hélas ! Aujourd’hui encore, les disciples veulent être plus sages que le Maître !
Grec : Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit étant venu sur vous.
Par ces paroles Jésus oppose (mais) la promesse, qui va s’accomplir, aux vaines spéculations des disciples sur les temps et les moments. Ils seront préparés à leur tache par l’Esprit de Dieu, qui sera en eux une puissance, intellectuelle et morale, telle qu’ils n’en ont encore aucune idée et leur œuvre consistera à être les témoins de Jésus-Christ ; témoins de sa vie sainte, de ses œuvres, de sa vérité et tout particulièrement de sa résurrection (Luc 24.48).
Où rendront-ils ce témoignage !
Tout d’abord à Jérusalem et dans toute la Judée (voir verset 4, note) ; puis dans la Samarie et enfin jusqu’aux extrémités de la terre.
Ces mots : jusqu’aux extrémités de la terre paraissent au premier abord une exagération ; mais ils sont littéralement vrais, car, si l’action personnelle des apôtres fut limitée à un petit nombre de pays, c’est bien leur témoignage écrit qui, aujourd’hui même, atteint les extrémités de la terre par l’œuvre des missions. Les prophètes avaient annoncé cette extension du règne du Christ (Ésaïe 49.6 ; comparez Actes 13.47 ; Romains 10.18).
Il est digne de remarque que Luc emploie deux verbes différents pour exprimer l’acte de l’ascension et les deux au passif ; ici : il fut élevé ; aux versets 2 et 11 : il fut prit en haut.
D’où l’on peut conclure que ce fut l’action, non du Sauveur lui-même, mais de la puissance de Dieu. Il ne faut pas oublier du reste que Jésus, déjà glorifié, n’était plus assujetti aux lois de la pesanteur (comparer Jean 20.19, note).
La nuée, probablement lumineuse (Matthieu 17.5), qui déroba le Sauveur aux regards des disciples
était la manifestation de la présence de Dieu, qui prenait à lui le Fils dans la gloire du ciel
Deux messagers célestes dont les vêtements resplendissaient de lumière (Luc 24.4 ; Jean 20.12). Ils avaient un important message pour les disciples qui restaient là, les regards arrêtés vers le ciel, comme ne pouvant se séparer de ce Maître qu’ils aimaient.
Consolez-vous, disent les anges, vous ne serez pas toujours séparés de votre Sauveur, il reviendra ; ce même Jésus que vous contemplez (grec) viendra ainsi de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel.
C’est ainsi qu’il se montra à Saul sur le chemin de Damas et c’est ainsi qu’il reviendra au dernier jour d’une manière visible pour tous.
La seconde venue du Sauveur, si souvent annoncée par lui-même et par ses apôtres (Matthieu 24.30 ; Matthieu 25.31 ; Luc 21.27 ; 1 Thessaloniciens 4.16 ; 2 Thessaloniciens 1.7 ; Hébreux 9.28 ; Apocalypse 1.7), suppose le fait de son ascension, ici raconté en détail (voir Luc 24.53, note).
Cette ascension, accomplie sous les yeux des disciples, leur donna la certitude que Jésus, toujours vivant, accomplirait toutes les promesses qu’il leur avait faites. Ils reçurent par là aussi l’assurance de toutes les réalités du monde invisible. Là où est Jésus, là est le ciel.
C’est donc sur la montagne des Oliviers, si connue par les évangiles (Matthieu 21.1, etc.), qu’eut lieu l’ascension, cette même montagne au pied de laquelle se trouvait Gethsémané ; la scène des douleurs et des humiliations les plus profondes de Jésus fut aussi le témoin de sa gloire.
Ce rapprochement dut se présenter à l’esprit des disciples et les encourager, dans l’attente de leurs propres souffrances.
Le chemin d’un sabbat était de 2000 coudées, environ un kilomètre.
D’après les traditions des rabbins juifs, il n’était pas permis à un Israélite de dépasser cette distance le jour du sabbat. Quant à la distance de Jérusalem à Béthanie, où, d’après Luc 24.50 (voir la note), eut lieu l’ascension, elle est environ trois fois plus forte (Jean 11.18-19, note).
La chambre haute était la partie supérieure d’une maison où l’on avait coutume de se retirer pour des communications intimes ou pour prier (Actes 9.37 ; Actes 20.8).
Dans celle qui est ici mentionnée comme la chambre haute, bien connue, les disciples (grec) étaient demeurant, c’est-à-dire s’assemblaient d’ordinaire. Ce terme de « chambre haute » montre qu’il s’agit d’une maison privée et non de quelque appartement attenant au temple, comme on l’a quelquefois supposé, d’après Luc 24.52-53.
Quant à la liste des apôtres, qui se trouve ici pour la quatrième fois (Matthieu 10.2-4 ; Marc 3.17-19 ; Luc 6.14-16), elle est conforme à celle de Luc 6.14-16 ; seulement Jean et Jacques séparent Pierre d’André et Jean se trouve placé avant Jacques, de manière à être à côté de Pierre. Les récits de Actes 3.1, suivants, Actes 8.14, suivants ont motivé ce changement. Voir Matthieu 10.4 ; Luc 6.16, notes.
Les disciples, privés de la présence visible de Jésus, éprouvaient le besoin de rester d’autant plus étroitement unis (d’un commun accord, comparez Actes 2.1) et de persévérer dans la prière (Le texte reçu ajoute : et dans la supplication, mots qui ne sont pas authentiques). Sans doute ils demandaient à Dieu l’accomplissement de la promesse (verset 4).
Avec les apôtres se trouvaient aussi les femmes, que nous connaissons par les évangiles (Matthieu 27.61 ; Marc 15.40 ; Luc 24.10), entre lesquelles Luc nomme spécialement Marie, mère de Jésus. C’est la dernière mention qui soit faite d’elle dans le Nouveau Testament ; dès ce moment elle rentre dans une obscurité complète et ce n’est pas sans dessein qu’il en est ainsi.
Pour la première fois nous trouvons les frères de Jésus au nombre des disciples. Il paraît que leur incrédulité (Marc 3.21 ; Marc 3.31-35 ; Jean 7.5) avait été vaincue par la résurrection (1 Corinthiens 15.7). Meyer fait observer que ces frères sont distingués des apôtres (verset 13), d’où il conclut qu’aucun d’eux n’était du nombre de ces derniers (voir les Introductions aux épîtres de Jacques et de Jude).
Le discours de Pierre
Pierre prend la parole dans une assemblée de cent vingt personnes environ (15).
Le choix de Matthias
L’assemblée présente deux candidats. Elle demande au Seigneur de désigner celui qu’il a choisi. Le sort, consulté, tombe sur Matthias, qui est adjoint aux onze (23-26).
En ces jours-là, c’est-à-dire dans les jours qui s’écoulèrent entre l’ascension et la Pentecôte. Pierre occupe ici, dès l’abord, parmi les frères (Codex Sinaiticus, B, A, C), c’est-à-dire parmi les disciples, comme porte le texte reçu, la première place que le Seigneur lui avait assignée.
Il propose à la communauté de remplacer Judas par un douzième apôtre. Il se garde bien de le nommer lui-même, comme l’aurait fait son prétendu successeur de Rome ; ni les apôtres réunis, ni la petite Église qui les entourait ne voulurent prendre la responsabilité du choix à faire (versets 24 et 26, notes).
Luc remarque que le nombre des disciples alors réunis était de cent vingt personnes (grec) ; cent vingt noms. C’étaient là probablement tous les disciples qui se trouvaient à Jérusalem ; mais il y en avait beaucoup d’autres en Galilée, puisque cinq cents d’entre eux s’assemblèrent autour de Jésus ressuscité (1 Corinthiens 15.6).
Le crime et la fin horrible de Judas (verset 18) avaient fait sur tous les disciples une impression qui aurait pu ébranler leur foi. Pierre a donc à cœur de montrer à ses frères que la destinée de cet homme était l’objet de la souveraine prescience de Dieu et qu’elle avait été prédite dans, l’Écriture.
Le Seigneur lui-même avait plus d’une fois exprimé cette redoutable pensée (Jean 13.18 ; Jean 17.12, note), dans laquelle il ne faut point voir l’affirmation d’une fatalité inévitable, car jamais l’homme n’est privé de sa liberté, ni partant de sa responsabilité.
Pierre attribue à l’Esprit Saint les paroles de l’Écriture qu’il va citer (verset 20) ; et voilà pourquoi, à ses yeux, il fallait qu’elles fussent accomplies.
Les paroles que Pierre a en vues sont celles qu’il citera au verset 20 et non, comme on l’a supposé, le passage bien connu en Psaumes 41.10 (comparer Jean 13.18).
Avant de citer les passages de l’Écriture auxquels il a fait allusion, Pierre tient à rappeler à tous qui était Judas et quelle sainte et belle vocation il avait abandonnée pour s’en aller à une fin si affreuse.
Il introduit cette caractéristique par la conjonction car, parce que, qui prend ici, comme Jean 2.18 ; Jean 9.17, le sens de : en tant que.
Le second passage cité au verset 20 parle de la destitution d’un serviteur infidèle à sa charge ; c’est pourquoi, par anticipation, Pierre accentue le contraste entre le rôle de Judas et sa qualité d’apôtre : il était compté parmi nous (apôtres) et (grec) il avait obtenu le lot de ce ministère (ou de ce service).
Ce mot le lot désigne ce qui est échu à quelqu’un par le sort ; puis, par extension, toute part qu’on obtient, soit par héritage, soit par une charge dont on est revêtu. Pour Judas, c’était l’apostolat. Or ce malheureux vendit ce précieux lot et reçut en échange le salaire de l’injustice, avec lequel il acquit un champ.
L’apôtre rattache à cette triste acquisition la fin tragique du traître. Son récit diffère notablement de celui de Matthieu (Matthieu 27.3-10). D’après ce dernier, Judas mit fin à ses jours en s’étranglant et le sanhédrin, après avoir délibéré sur l’emploi qu’il devait faire des trente pièces d’argent jetées par Judas dans le temple, décida l’acquisition du champ d’un potier pour la sépulture des étrangers.
On a supposé, pour accorder les deux traditions divergentes, que Judas s’était pendu et que, la corde ayant cassé, son corps tomba et se rompit et que, d’autre part, Pierre attribue à Judas lui-même l’acquisition du champ faite par le sanhédrin, parce que le prix de ce champ appartenait au fond à Judas. Pour ingénieuses que soient ces tentatives de conciliation, elles donnent de notre texte une interprétation qui s’écarte de son sens premier et naturel.
Ce qui a été généralement connu à Jérusalem, c’est tout ce qui est raconté au verset 18. De là le nom donné par le peuple à cette sinistre localité, le champ du sang (Matthieu 27.8, note).
À cause de ces mots : dans leur propre langue et de l’interprétation grecque d’un nom hébreu, inutile dans le discours de Pierre qui parlait en cette langue à un auditoire israélite, on a supposé que verset 19 est une remarque insérée ici par Luc, ce qui est très probable.
Calvin et plusieurs interprètes modernes considèrent versets 18 et 19 comme une parenthèse explicative de l’auteur des Actes. Mais le donc du verset 18 semble prouver que celui-ci fait partie du discours de Pierre.
Dans le Psaumes 69.26, le texte hébreu porte : Que leur demeure soit dévastée et qu’il n’y ait plus d’habitants dans leurs tentes.
La seconde citation, Psaumes 109.8, est conforme à l’hébreu et à la version des Septante. Dans l’un et l’autre de ces Psaumes, l’auteur parle de ses ennemis, qu’il considère comme les ennemis de Dieu et de son peuple (Psaumes 69.28). Pierre applique à Judas les paroles du psalmiste (comparer Jean 13.18).
Dans cette application, la demeure que Judas a laissée devenir déserte par son crime, c’est son apostolat, comme cela ressort de la seconde citation. D’autres voient dans cette demeure la propriété acquise par Judas (verset 18) ; la première partie de la prophétie est accomplie, voudrait dire Pierre ; il nous reste à en accomplir la seconde, en donnant la charge de Judas à un autre.
Le terme traduit par charge signifie proprement la fonction d’un surveillant (épiscopat).
La proposition que Pierre a préparée par son discours est de nommer un apôtre à la place de Judas. Mais puisqu’un témoin doit être parfaitement instruit de tout ce qu’il affirme, Pierre pose comme condition que l’élu ait (grec) marché avec les premiers disciples de Jésus, qu’il ait partagé la vie errante du Sauveur et des siens, et cela, pendant tout le temps que le Seigneur Jésus (grec) est entré et sorti parmi nous.
Les limites du ministère caractérisé par cet hébraïsme (Jean 10.9, note) sont le baptême de Jean, qui l’inaugura (grec ayant commencé depuis le baptême de Jean) et l’ascension, qui en marqua le terme.
L’homme qui aura ainsi suivi Jésus du commencement à la fin de sa carrière terrestre pourra seul être témoin de sa résurrection. Il sera témoin de sa vie entière ; mais Pierre concentre celle-ci dans la résurrection, qu’il considère comme le fondement de l’Évangile (comparer Actes 10.38-42).
On voit par ces paroles quelle haute idée les apôtres eux-mêmes se faisaient du témoignage apostolique, source unique et seule autorisée de tout ce que nous connaissons du Sauveur et de son œuvre.
On reconnut donc dans ces deux hommes les conditions qui précèdent.
D’où nous pouvons conclure que plusieurs disciples de Jésus le suivirent dans tout son ministère, comme les apôtres, ce qui n’est point expressément raconté dans les évangiles, mais ressort de récits tels que Luc 6.13 ; Luc 9.57 à 10.20.
Ils furent présentés par l’assemblée comme les deux candidats entre lesquels le sort devait décider.
On peut se demander si le sujet du verbe : ils présentèrent, ce sont les onze ou l’assemblée des cent vingt. D’après le cas analogue Actes 6.3-5, il s’agit plutôt de celle-ci.
Ces deux hommes ne sont du reste point connus dans l’histoire. Selon une tradition rapportée par les Actes apocryphes, ils avaient été des soixante-dix disciples envoyés en mission par Jésus.
C’est sans doute encore l’apôtre Pierre qui prononce cette prière au nom de tous (verset 15), mais c’est avec raison qu’elle est attribuée à tous les assistants, parce que tous priaient dans leur cœur.
Ce qu’ils demandent au Seigneur, c’est de montrer, de révéler par le sort qui va être jeté (verset 26), lequel de ces deux il avait choisi, afin que ce choix fut bien de lui et non des hommes.
Les mots ministère (service) et apostolat s’appliquent à une seule et même fonction. Judas l’avait abandonnée pour s’en aller en son propre lieu. Parole tragique qui, ici, ne peut signifier autre chose que le lieu ou l’état d’un malheur sans remède (Matthieu 26.24). Ainsi chacun, en mourant, s’en va en son propre lieu qui est déterminé par les dispositions intérieures de son âme.
D’autres explications données de ce terme, comme sa maison, ou le champ qu’il avait acquis (verset 18), ne se discutent pas.
À qui s’adresse cette prière ? Au Seigneur Jésus, répondent Bengel, Olshausen, Baumgarten, Ebrard, Lechler, parce que c’est par le nom de Seigneur que les disciples désignent toujours leur Maître (verset 6) et parce que c’est lui qui avait choisi tous ses apôtres et qui devait aussi choisir celui-ci.
C’est à lui également que s’adressera la dernière prière d’Étienne (Actes 7.59). Meyer pense, au contraire, que Pierre parle à Dieu, à qui appartient cet attribut de connaître les cœurs de tous (Actes 15.8 ; Luc 16.15 ; Jérémie 17.10).
Mais Jésus, même dans son état d’humiliation, « savait ce qui était dans l’homme » (Jean 2.25 ; Jean 21.17). Il n’y a rien dans le texte qui décide la question d’une manière péremptoire.
Les apôtres eurent recours à ce moyen du sort, parce que, d’une part, ils étaient convaincus que Judas devait être remplacé et le nombre de douze apôtres, voulu par Jésus, complété ; et que, d’autre part, ils ne voulaient pas prendre la responsabilité de cette élection.
Mais ils n’agirent ainsi qu’après avoir prié et certains que le sort manifesterait réellement la volonté du Seigneur.
Bengel fait cette remarque que, tant que Jésus fut avec eux, les disciples n’employèrent jamais ce moyen, parce qu’il les conseillait en toutes choses et qu’après la Pentecôte, ils n’y eurent jamais recours, parce que l’Esprit de Dieu les conduisait en toute vérité.
Cette observation est très juste et surtout applicable aux élections dans les Églises ; mais notre récit prouve au moins que consulter ainsi la volonté de Dieu, quand on n’a aucun autre moyen de la connaître, n’a rien de contraire à cette volonté.
Quant à l’Ancien Testament, voir Lévitique 16.8 ; Nombres 26.52-56 ; Josué 7.14 ; 1 Samuel 10.20 ; 1 Chroniques 24.5 ; 1 Chroniques 25.8 ; Proverbes 16.33 ; comparer Luc 1.9.