Verset à verset Double colonne
Daniel venait de voir tomber l’empire chaldéen (538 avant Jésus-Christ) et celui des Mèdes et des Perses s’élever sur ses ruines. Ce changement de dynastie le rendit attentif aux prophéties de Jérémie (chapitres 25 et 29 ; comparez aussi chapitres 30 et 31) annonçant le rétablissement matériel et spirituel du peuple de Dieu après la chute de Babylone. Il pouvait de plus calculer que la période des soixante-dix années assignées par Jérémie à la dévastation de Juda (commencée en 606) approchait de son terme. En face de ces circonstances nouvelles, il exprime à Dieu par une prière instante l’attente de l’accomplissement des promesses et il s’humilie profondément au nom de son peuple, en demandant le pardon des péchés qui pouvaient entraver cet accomplissement.
La réponse de Dieu ne se fait pas attendre. Daniel reçoit la communication non seulement de la proximité du retour, mais encore des destinées de son peuple et des tribulations qu’il aura à traverser jusqu’à l’époque du salut parfait. Pour bien comprendre la forme du message divin, il faut se rappeler que, d’après les anciennes prophéties messianiques, l’apparition de ce salut semblait se rattacher directement au retour de l’exil. Mais l’état moral du peuple et les desseins de Dieu ne permettaient pas la réunion de ces deux événements en un seul et c’est ce que Dieu fait comprendre à Daniel et par lui au peuple, en lui déclarant qu’un temps long et pénible doit intervenir entre l’un et l’autre. Israël doit apprendre que ce retour qui se présente à lui sous les formes les plus brillantes, n’aura rien de flatteur pour la chair et que la venue du Messie, bien loin de clore la période de l’exil, ne peut arriver qu’au terme d’une période sept fois plus longue que n’a été celle-ci (sept fois soixante-dix ans). Alors seulement ce que demande surtout Daniel : l’abolition du péché et l’avènement de la parfaite justice (verset 24), pourra se réaliser.
Cette prophétie du chapitre 9 est ainsi le pendant de celle du chapitre 7 : Dans cette dernière, Daniel a contemplé la succession des monarchies terrestres, par conséquent l’avenir politique du monde jusqu’au Messie, venant comme roi sur les nuées ; dans le chapitre 9 lui est révélé le sort du peuple de Dieu jusqu’à l’accomplissement du salut spirituel qu’apportera l’Oint retranché, le Messie mis à mort. C’est également à l’histoire du peuple d’Israël pendant la même période que s’applique le chapitre 8, mais au point de vue politique plutôt que spirituel.
Darius, voir Daniel 6.1, note. C’est le personnage qui porte le nom de Cyaxare dans Xénophon. Celui-ci le fait fils d’Astyage, tandis que Daniel nomme ici son père : Assuérus. Cette différence peut s’expliquer par le fait que les deux noms d’Astyage et d’Assuérus paraissent être les titres honorifiques des rois médo-perses plutôt encore que des noms propres. Le premier nom Astyage (Ajis-dahaka ou Ashdahak) signifie le serpent mordant et a été porté par plusieurs souverains mèdes : Déjocès, le fondateur de la dynastie, Cyaxare I, son petit-fils et Astyage, fils de celui-ci. La signification du second, Assuérus (en perse Kschajarscho, de Kschaja : l’empire), semble être simplement : l’empereur. Il n’y a donc pas dans cette différence des noms des pères une raison suffisante contre l’identification du personnage de Darius le Mède et de Cyaxare II.
Fut fait roi. Cette expression indique une sorte de passivité : il n’avait pas conquis lui-même la Chaldée. C’était Cyrus qui avait commandé l’armée. Comparez Daniel 6.1 note.
La première année… En 538, au moment où le second empire venait de renverser le premier. C’était un moment solennel pour le prophète ; ce fut probablement cette même année qu’eurent lieu les événements racontés chapitre 6. On comprend comment, après avoir reçu l’exaucement de son ardente supplication, Daniel fut encouragé à persévérer dans ses prières (Daniel 6.10).
En lisant les livres. On a appliqué parfois cette expression à tout le recueil de l’Ancien Testament, formé longtemps après l’époque de Daniel et on y a trouvé ainsi une preuve contre la composition de ce chapitre par Daniel. Mais dans ce cas, le faussaire aurait été plus maladroit qu’il n’est permis de le supposer. On peut remarquer que, dans le temps des anciens prophètes, chacun d’eux cite plus ou moins textuellement les écrits de ses devanciers ; ainsi Joël cite Abdias ; Amos, Joël ; Ésaïe, Michée, Jérémie, un grand nombre des prophètes antérieurs. Ils possédaient donc un recueil des écrits prophétiques précédents et pourquoi n’en aurait-il pas été ainsi de Daniel ? Il est donc naturel de penser que par l’expression : les livres, il désigne les écrits prophétiques et peut-être plus spécialement celui de Jérémie.
Soixante-dix ans. Les deux prophéties de Jérémie où il est question de ces soixante-dix ans se trouvent en Jérémie 25.11, Jérémie 29.10. Le point de départ de cette période est pour Jérémie la première arrivée de Nébucadnetsar à Jérusalem, la quatrième ou au plus tard la cinquième année de Jéhojakim (606-605 avant Jésus-Christ). C’est ainsi que l’auteur du livre des chroniques (2 Chroniques 36.21) et de celui d’Esdras (Esdras 1.1) ont aussi compris Jérémie. Ce fut, il est vrai, en 588 seulement que Jérusalem fut réduite en ruines et la masse du peuple emmenée en captivité, mais le châtiment commença dès le moment où le pays fut ravagé et une partie des vases sacrés transportés à Babylone. C’est cette même année (606-605) que Daniel lui-même fut exilé de son pays et il n’est pas douteux qu’il ne fixât dans sa pensée le commencement des soixante-dix ans à cette année-là. Quant au terme de ces soixante-dix ans, d’après le chapitre 25 de Jérémie, il devait être marqué par la chute de la puissance chaldéenne, événement qui avait eu lieu sous les yeux de Daniel (Daniel 5.30). Mais, d’après le chapitre 29 de ce même prophète, cette chute devait être signalée par le rétablissement d’Israël, fait qui n’avait pas encore eu lieu, car, en réalité, il s’est écoulé deux ans entre la chute de Babylone (538) et le retour des Juifs (536). Il y avait là une cause d’indécision et d’angoisse pour le prophète, qui contribua sans doute à le pousser à la prière.
Me disposant… littéralement pour chercher la prière. La prière vivante et efficace est un don de Dieu (Zacharie 12.10) que Daniel cherchait à obtenir par le jeûne et l’humiliation.
Le sac et la cendre. Comparez Ésaïe 20.2 ; Jérémie 6.26.
Confession des péchés ;, et cela, en commençant par le présent, versets 4 à 10 et en remontant au passé qui a toujours été semblable, versets 11 à 14.
Qui gardes… à ceux qui gardent. Comparez Deutéronome 7.9. Cette idée de réciprocité est exprimée encore Psaumes 18.26-28.
Péché : proprement : manqué le but.
Commis l’iniquité : proprement : été retors.
Eté méchants : ce troisième terme marque une disposition hostile envers l’auteur de la loi.
Rebellés. C’est ici la révolte ouverte, le péché à main levée (Nombres 15.30), le plus haut degré de la perversité.
Tes serviteurs, les prophètes : comparez Jérémie 25.4.
Nos chefs : ce sont les principaux en Israël, tant dans l’ordre civil, les magistrats, que dans l’ordre religieux, les sacrificateurs : comparez Jérémie 44.17 ; Néhémie 9.32 ; Néhémie 9.34 ; Ésaïe 43.28.
La confusion de face : D’après le terme hébreu et le contexte, ce mot désigne la honte résultant du châtiment qui les a publiquement frappés ; comparez Esdras 9.7.
Habitants de Jérusalem : ceux qui formaient l’ancienne population de la capitale, à qui les prophètes ont autrefois parlé. Comparez par exemple Jérémie 35.13. Jérusalem est maintenant à Babylone.
Tout Israël : ce terme comprend avec les habitants de Jérusalem et du pays de Juda ceux des dix tribus, dès longtemps captifs.
Les compassions, les pardons : Ce pluriel est à remarquer. Il exprime une abondance de rédemption. Nous en avons besoin, car nous avons péché. Ou bien plutôt : Il faut que tu pardonnes, car un péché comme le nôtre, la rébellion ouverte, ne peut être effacé que par un acte de grâce ; non, comme le simple délit ou le péché involontaire, par une peine ou un sacrifice.
Déversées : comme un déluge de feu. Comparez Genèse 19.24 ; Nahum 1.6.
La malédiction : les menaces de la loi contre le pécheur.
L’imprécation : le vœu réclamant leur accomplissement.
Dans la loi de Moïse, voyez Lévitique 26.16 et suivants, Deutéronome 28.15 et suivants.
Les juges : ici, dans un sens général, les supérieurs, Psaumes 2.10 ; Psaumes 148.14.
Cherché à apaiser. littéralement : caressé la figure de l’Éternel.
Ta vérité : la fidélité de Dieu à ses menaces comme à ses promesses.
Veillé sur le mal… : qu’il voulait faire. Dieu s’est appliqué à l’amener au moment précis et convenable. Comparez Deutéronome 28.63, Jérémie 1.12 note et Jérémie 44.27.
La seconde partie du verset motive la première. Dieu a fait venir le mal sur nous, car il avait promis de punir et nous n’avons pas usé du seul moyen de détourner l’accomplissement de la menace : nous convertir.
Et maintenant. Cette expression indique un changement de ton ; Daniel va conclure, en demandant à Dieu non pas directement de pardonner les péchés à son peuple, mais d’avoir pitié de lui-même et de sa gloire.
Qui as tiré ton peuple. Il s’appuie sur un fait éclatant de la puissance de Dieu dans le passé.
Tel qu’il est aujourd’hui : Comparez Jérémie 32.20.
Nous avons fait le mal : c’est un fait certain, mais qui ne doit pas t’empêcher d’avoir souci de ton sanctuaire et de ta ville.
Selon toutes les justices. Le sens parait être celui-ci : Tu as justement puni nos péchés qui ont attiré sur les lieux saints de tels châtiments, mais ne sois pas injuste envers ces lieux saints et ton peuple eux-mêmes, ces objets de ton élection ; individuellement les membres de ton peuple ont besoin de grâce, car ils se sont révoltés, mais il en est autrement de ton sanctuaire et de ton peuple. Par une sainte habileté, Daniel met ainsi la justice de Dieu de son côté.
Et maintenant : Redoublement d’instance dans la prière.
Pour l’amour du Seigneur : de Toi-même qui es ici en cause.
Nous déposons. Daniel a commencé par s’humilier au nom de tout le peuple ; il en agit de même maintenant quant à la supplication.
À cause de tes grandes compassions. La liberté que peut prendre Daniel de faire appel à la justice de Dieu est elle-même un acte de compassion de la part de Dieu.
C’est ton nom que portent : comme une femme abandonnée de son époux ou un enfant de son père, mais qui portent toujours encore son nom. La prière aboutit à une série de cris adressés à la fidélité de Dieu.
Cette prière a des analogies avec celles d’Esdras chapitre 9 et de Néhémie chapitre 9. La parenté de certaines expressions s’explique bien par la communauté d’expériences et d’idées, pendant et après l’exil. Toutes les trois sont des confessions de péché où ceux qui prient s’identifient complètement avec leur peuple. Daniel, comme Esdras, souffre pour Israël du péché dont il se sent solidaire et responsable (comparez verset 20, mon péché) bien qu’il n’y ait pris extérieurement aucune part, Mais ce qui distingue profondément la prière de Daniel des deux autres, c’est que celles-ci en restent à la confession et au cri d’angoisse, tandis que la première aboutit à une ardente et irrésistible supplication. Ou bien, l’homme qui a composé cette prière au nom de Daniel se faisait une idée bien élevée de ce médiateur entre Dieu et son peuple, ou bien il est Daniel lui-même, ainsi que le dit le texte (verset 2) et que nous le pensons. Du reste, la prière d’Azaria, déjà mentionnée chapitre 3, montre clairement par ses allusions transparentes ce qu’aurait été la prière de Daniel si elle eût été composée sous les Maccabées.
Mon péché. Voyez verset 19, note.
Pour la sainte montagne. Ce que Daniel demande bien plus encore que le retour du peuple, c’est l’établissement du règne parfait de la sainteté divine représenté par la montagne du temple. Comparez Ésaïe 2.2 et suivants. On comprend ainsi la réponse, verset 24.
Auparavant. Voyez Daniel 8.16 et suivants.
Vers le temps de l’oblation du soir : D’après la tradition rabbinique, l’oblation devait être offerte vers trois heures et demie de l’après-midi.
Je suis venu : littéralement : sorti… ; d’auprès du Dieu en la présence duquel Gabriel se tient (Luc 1.19).
Une parole est sortie… : de la bouche de Dieu. Cette expression ne peut se rapporter simplement à l’ordre que Dieu a donné à Gabriel de se rendre auprès de Daniel. Car toute la valeur du message est celle de son contenu. Comparez aussi verset 23, où Daniel est invité à faire attention au sens de la parole. La parole est ici toute la révélation accordée a Daniel en réponse à sa prière (versets 24 à 27) ; comparez verset 25, note.
Homme favorisé : que Dieu juge digne de la faveur de recevoir et de communiquer aux autres ce message de grâce. Daniel a obéi, a souffert, a prié ; la préférence que Dieu lui témoigne, n’est donc pas arbitraire.
Ce verset décrit l’accomplissement du salut messianique au point de vue spirituel ; la destruction complète du mal et la réalisation parfaite du bien. Mais ce sens général permet trois applications différentes, en relation avec les trois manières dont on comprend le passage suivant (versets 26 et 27) :
Soixante-dix semaines. Israël, impatient de voir se réaliser le bonheur attendu, doit apprendre qu’un espace de temps septuple de celui de la captivité le sépare encore de l’apparition du salut parfait. Il avait été révélé à Jérémie que la puissance babylonienne et la captivité d’Israël dureraient soixante-dix ans ; il est révélé, maintenant à Daniel que le temps qui doit séparer ce retour d’avec le salut messianique sera de soixante-dix semaines, littéralement septaines ; il n’est pas dit si c’est de jours, de mois, d’années ou de siècles. C’est le rapport des nombres qui importe seul (70 fois 7). Sans doute, c’est à des années que l’on pense le plus naturellement. Mais cette omission de toute indication précise montre qu’il ne faut pas insister dans l’explication de cette prophétie sur l’exactitude chronologique. Il s’agit de cycles dont la valeur est avant tout symbolique. Le culte israélite présentait plusieurs cycles analogues : ainsi la période de 7 fois 7 jours qui séparait le jour de Pâques de la fête de Pentecôte. De même celle des 7 fois 7 années qui précédaient chaque année de jubilé. Mais on peut penser à une autre analogie plus remarquable encore : Toute purification d’un individu se faisait pendant 7 jours (Lévitique 12.2 ; Lévitique 13.4, etc.). Mais il s’agit ici d’un peuple entier. Son temps d’épreuve et de purification avait été mesuré d’abord à 7 fois 10 années. Il est étendu maintenant, en vue d’une purification complète et définitive, à 7 fois 7 fois 10 ans.
Sont déterminée : par un décret divin.
Ton peuple et ta ville sainte. Daniel se les est comme appropriés par la solidarité qu’il a établie entre eux et lui dans sa prière d’humiliation et Dieu les lui donne en quelque sorte.
Les six expressions qui suivent, décrivent dans leur ensemble la plénitude du salut, au point de vue purement spirituel. Ce n’est plus ici, comme dans le tableau du chapitre 7, le royaume messianique dans sa gloire extérieure, tel qu’il doit succéder aux monarchies terrestres ; c’est le péché anéanti dans le peuple de Dieu et la justice véritable établie pour toujours.
On peut répartir ces six expressions en trois couples : le premier se rapportant à la destruction du péché ; le second à l’œuvre de l’expiation ; le troisième à l’établissement de l’état de sainteté finale. Mais peut-être vaut-il mieux les répartir en deux groupes de trois : le premier annonçant l’entière destruction du mal sous toutes ses formes (infidélité, péché, iniquité) ; le second, l’établissement parfait du bien. Dans ce second cas, on peut aisément constater une corrélation entre le premier terme et le quatrième ; entre le second et le cinquième ; et entre le troisième et le sixième. Le nombre trois indique une œuvre divine et complète.
Pour enfermer l’infidélité : la rendre impuissante dans le peuple de Dieu dont une grande partie s’était jusque-là laissé entraîner par elle ; comparez Zacharie 5.8 ; Apocalype 20.3.
Sceller les péchés. C’est la continuation de l’image précédente. Comparez Daniel 6.17, où la porte de la fosse dans laquelle Daniel est renfermé, est scellée du double sceau du roi et de ses grands, afin qu’elle ne puisse légalement se rouvrir.
Les péchés sont les fruits multipliés de l’infidélité.
Couvrir l’iniquité. C’est-à-dire l’expier. Comparez Psaumes 32.1-2. L’anéantissement du péché exige non seulement que le péché soit réduit à l’impuissance dans le pécheur, mais que l’expiation complète ait été opérée et que l’acquittement du pécheur ait été prononcé par Dieu. Cette expression est la transition au premier terme du second groupe.
Amener la justice éternelle : Apporter, par l’œuvre du Messie, l’état de parfaite justice devant Dieu auquel l’humanité est éternellement destinée, mais qu’elle ne peut produire par elle-même ; faire ainsi succéder à toutes les condamnations antérieures la justification divine qui doit durer à toujours. Comparez Ésaïe 53.11 et Ésaïe 51.6-8.
Sceller vision et prophète. L’image de sceller a ici une portée un peu différente de celle qu’elle avait dans le second terme. Elle signifie que les promesses de Dieu étant toutes accomplies d’une manière définitive, l’ère des visions et de la prophétie est close à toujours. L’abolition de la prophétie résulte de son accomplissement même (Matthieu 5.17).
Oindre le Saint des saints. Le terme : Saint des saints, peut se rapporter à un lieu, à un objet ou à une personne. Dans le culte mosaïque, il désignait la portion particulièrement sacrée du tabernacle, ordinairement appelée dans nos versions Lieu très saint ; c’était là que se tenait la nuée et que Moïse conférait avec l’Éternel. Mais ce terme est aussi appliqué aux viandes et aux ustensiles sacrés, à l’autel, à Aaron lui-même (1 Chroniques 23.13) et dans Ézéchiel 43.12 au temple avec tout le terrain qui lui appartient.
Le terme de oindre fait penser ici à l’onction qui fut pratiquée à l’égard du tabernacle lors de son inauguration par Moïse, ainsi qu’à l’égard d’Aaron lors de sa consécration (Exode 30.22 et suivants ; Exode 40.1-16). Il est à remarquer que cette onction ne fut répétée ni à l’inauguration du temple de Salomon, ni à celle du temple de Zorobabel, ni lors de la purification du temple sous les Maccabées, parce que ce n’étaient pas là de nouveaux sanctuaires, mais la continuation ou le renouvellement de l’ancien. Il en est autrement de celui dont parle ici le prophète. Il annonce l’inauguration d’un nouveau Saint des saints et par conséquent d’un culte nouveau. Ce Saint des saints désigne sans doute le sanctuaire et le souverain sacrificateur de l’alliance nouvelle dont avait parlé Jérémie 31.31 et suivants et nous y voyons la sainte humanité du Christ consacrée à Dieu par le Saint-Esprit et le corps spirituel qu’il se crée dans l’assemblée de ceux qui sont consacrés avec lui. C’est là le temple vivant de la nouvelle alliance. Comparez Matthieu 12.6 et Jean 2.21 pour Jésus et 2 Corinthiens 6.16 ; Éphésiens 2.20-22 pour l’Église. La réalisation parfaite de ce temple spirituel est décrite Apocalypse 21.1-3, quand il sera dit : C’est ici le tabernacle de Dieu avec les hommes.
Comme la purification des personnes souillées (voir plus haut) se préparait pendant les six premiers jours de la semaine et s’accomplissait au septième, ainsi le salut, décrit au verset 24, se préparera pendant le temps d’épreuve des soixante-neuf semaines, pour se consommer en la soixante-dixième. Dans le passage suivant, le verset 25 résume en peu de mots le contenu des sept semaines et soixante-deux semaines et les versets 26 et 27 décrivent plus longuement celui de la soixante-dixième, la plus importante de toutes.
Depuis la sortie de la parole ordonnant de… Au verset 23, Gabriel avait employé l’expression semblable : une parole est sortie, qui désignait l’ordre divin dont le contenu était essentiellement le verset 21. Ici, il fait allusion par l’expression la parole ordonnant à un ordre humain qu’Israël attendait comme devant mettre fin aux soixante-dix années de captivité ; c’était l’édit du roi païen qui autoriserait le retour que Jérémie avait prévu et annoncé dès le commencement de la captivité. Cette parole sortie, dont parle le verset 25, est par conséquent le premier pas dans l’accomplissement du salut décrit verset 24.
Ceux qui rapportent les versets 26 et 27 à l’époque des Maccabées, cherchent naturellement à reculer le plus possible le point de départ des soixante-dix années et voient dans cette expression : la parole sortie, la prophétie même de Jérémie annonçant le rétablissement, telle qu’elle est renfermée dans Jérémie 30.18 et suivants, Jérémie 31.38 et suivants. Ils supposent que ces prophéties non datées furent prononcées à l’époque de la ruine de Jérusalem, en 588 et arrivent ainsi à faire de cette année-là (et non de 536) la première des soixante-dix semaines qu’ils identifient avec la première des soixante-dix années de l’exil. Mais nous devons dire ici déjà que cette manière de compter nous paraît inadmissible :
Si l’on voulait réellement rapporter l’expression la parole est sortie, au moment où Jérémie a prophétisé, il faudrait penser, non aux promesses des chapitres 30 et 31, mais à celles des chapitres 25 et 29 où les soixante-dix années sont expressément indiquées et dont la première a été prononcée en l’an 606. Mais ce point de départ ne peut convenir à cette interprétation, comme on le verra.
D’autres rapportent la sortie de la parole à l’un des deux édits du roi postérieur Artaxerxès soit à celui qui autorisa le retour d’Esdras (année 457) soit à celui relatif à la mission de Néhémie (445). Cela nous paraît également impossible, car ces deux faits le signalent point une époque marquante, dans l’histoire du peuple de Dieu et ne sont que le continuation de ce qui avait été fondé par l’édit de Cyrus. On objecte que dans l’édit de Cyrus (Esdras 1.1-4), il n’est question que de la restauration du temple, tandis qu’il est parlé ici de la reconstruction de Jérusalem. Mais il est clair que le temple ne pouvait être rebâti sans la ville ; et si le roi Cyrus s’exprime comme il le fait, c’est que ce qui lui importait, à lui, c’était que la maison de l’Éternel fut rebâtie. Il voulait, sans doute, s’assurer par là la faveur de ce Dieu d’Israël dont il avait, aussi bien que les souverains babyloniens ses prédécesseurs, reconnu la puissance. Comparez les paroles de Darius Esdras 6.10 : Afin qu’ils (les Israélites) offrent des sacrifices de bonne odeur au Dieu des cieux et qu’ils prient pour la vie du roi et de ses enfants ; et celles d’Artaxerxès, Esdras 7.20.
Jusqu’à un oint-chef. En rattachant étroitement ce verset au précédent et en particulier au dernier des six termes, on est naturellement conduit à appliquer cette expression au personnage qui doit réaliser le décret de salut, verset 24, au Messie. Le titre d’oint le désigne comme un de ceux que Dieu a choisis et revêtus de son esprit (comparez Ésaïe 61.1 et suivants) et celui de chef (en hébreu nayid : celui qui est à la tête), soit comme le chapitre du peuple, soit peut-être comme le premier entre tous les oints eux-mêmes, en tant que réunissant en lui la royauté et la sacrificature : Psaumes 110.1 ; Psaumes 110.4 ; Zacharie 6.12-13.
Ceux qui appliquent les versets suivants à l’époque des Maccabées séparent, comme nous allons le voir, les sept semaines des soixante-deux semaines et placent l’oint-chef à la fin des premières, en rapportant cette expression à Cyrus, le libérateur d’Israël qui, comme tel, est appelé dans Ésaïe 45.1, maschiach, oint. C’est en raison de cette application qu’ils placent la sortie de la parole, non en 536 (édit de Cyrus) ni en 606 (prophétie de Jérémie sur les soixante-et-dix semaines), mais en 588 (ruine de Jérusalem), afin d’obtenir par là un espace de quarante-neuf ans (sept semaines) aboutissant à peu près exactement au roi Cyrus. Nous avons reconnu déjà l’impossibilité de cette application. Et l’expression même de Daniel ne convient pas bien à Cyrus qui aurait dû plutôt être appelé : chef-oint, que oint-chef, car la première qualité qui frappe chez ce roi païen est celle de chef et non celle de oint. Nous verrons d’ailleurs que cette interprétation forcée se heurte encore à une grosse difficulté chronologique à l’égard des soixante-deux semaines.
On a proposé aussi de voir dans l’oint-chef Esdras, qui est rentré en Palestine quatre-vingts ans après le retour de l’exil. Mais ce sens de l’expression ne nous paraît pas soutenable.
Sept semaines et soixante-deux semaines. Ces deux périodes sont séparées par la ponctuation du texte hébreu, dans ce sens : jusqu’à l’oint-chef, sept semaines, puis, pendant soixante-deux semaines, elle reviendra… C’est l’interprétation suivie par ceux qui voient Cyrus dans l’oint-chef. La ponctuation hébraïque ne peut dans un pareil passage avoir une grande autorité ; elle est de beaucoup postérieure à l’ère chrétienne et peut avoir été influencée par le désir d’échapper aux conséquences que les chrétiens tiraient de notre passage en faveur de la dignité messianique de Jésus. Rien dans le texte n’empêche de réunir les deux périodes dans ce sens : jusqu’à l’oint-chef sept semaines et soixante-deux semaines : et la phrase suivante décrit alors le caractère général de ces deux périodes : un temps de rétablissement, mais aussi de détresse permanente. Seulement on se demande dans ce cas à quoi bon séparer cette période uniforme en deux sous-périodes, l’une de sept, l’autre de soixante deux semaines ? Il nous parait qu’il faut envisager le premier cycle, celui de sept fois sept ans, comme représentant symboliquement l’époque de la reconstruction de la ville et de la fondation du nouvel état de choses. Le chiffre sept met à part ce temps de restauration et lui imprime un caractère de sainteté et de grâce particulière. C’est une époque de protection spéciale de Dieu, pendant laquelle Israël eut ses derniers prophètes (Aggée, Zacharie, Malachie) et les derniers envoyés spécialement qualifiés (Esdras, Néhémie). Le cycle de soixante-deux représente symboliquement tout le temps de la conservation du peuple depuis cette rénovation jusqu’à la consommation finale, figurée par la soixante-dixième semaine. Ce chiffre de soixante-deux n’a rien de sacré, il résulte simplement de la soustraction des deux chiffres réunis : sept et un, de la somme totale : soixante-dix. Ainsi trois cycles : l’un de rétablissement, l’autre de maintien, le troisième de consommation (l’ère messianique). Il est certain que, dans l’explication que nous proposons ici, l’on n’arrive pas à une entière exactitude chronologique. Car, depuis le retour de la captivité jusqu’au Messie, il s’est écoulé en réalité 536 ans, tandis que soixante-neuf semaines ne font que 481 ans ; mais dès qu’il est entendu que l’auteur parle ici en prophète et non en historien et qu’il décrit des cycles symboliques cette divergence n’a pas de gravité. Il en est autrement dans l’interprétation maccabéenne, d’après laquelle l’auteur écrirait non en prophète, mais en historien. Dans cette hypothèse, il faut nécessairement que les dates aient une certaine exactitude et c’est ce qui n’est nullement le cas. Car du retour de l’exil en 536, où commencent selon cette explication les soixante-deux semaines, jusqu’à la mort d’Antiochus, en 461, il ne s’est écoulé que 372 ans et non pas 431 ans (équivalent des soixante-deux semaines). Cela fait 62 ans de trop, ou même 111, si l’on fait dater les 49 ans (équivalent des sept semaines) du retour de la captivité, comme il nous a paru que c’est le sens le plus naturel. Une si énorme erreur de la part d’un auteur écrivant au vu des faits et qui s’est montré si bien instruit des coutumes et de l’histoire babylonienne, n’est-elle pas inadmissible ? Tous les expédients imaginés pour échapper à cette difficulté, comme de faire rentrer les sept semaines dans les soixante-deux ou de les placer chronologiquement après les soixante-deux, sont d’une impossibilité exégétique qui saute aux yeux.
Il resterait la troisième explication, qui voit dans la soixante-dixième semaine l’époque finale de l’Antéchrist et du retour du Seigneur. À ce point de vue, l’on rapporte les sept premières semaines à tout le temps écoulé depuis le retour de la captivité jusqu’à la venue du Christ (l’oint-chef) et les soixante-deux à tout le temps de l’économie chrétienne. Nous verrons si cette explication peut s’accorder avec les termes des versets suivants.
Elle reviendra. Le sujet sous-entendu est Jérusalem transportée en Babylonie dans la personne de ses habitants. Cette expression se rapporte surtout à la période des sept semaines, le moment de restauration où avec Zorobabel, Esdras et Néhémie sont revenues les différentes troupes d’exilés.
Sera rebâtie, places et enceintes. Pendant les soixante-deux semaines, Jérusalem est redevenue une ville considérable, l’une des capitales de l’orient.
Dans l’angoisse des temps. Durant toute cette période, Israël n’a pas joui d’un moment de sécurité. Il a passé des mains des Perses à celles des Syriens et bientôt des Égyptiens, puis de nouveau des Syriens et après l’époque des Maccabées, dans celles des Romains.
Les versets 26 et 27 décrivent la soixante-dixième semaine ; selon nous, l’ère messianique où doit être opéré le salut parfait décrit verset 24. L’événement saillant de cette période est mis en tête dans les mots :
(Un) oint sera retranché. Ceux qui appliquent ces versets au temps d’Antiochus voient dans cet oint retranché le souverain sacrificateur Onias III, qui fut assassiné à Antioche vers 172 ou 174 avant Jésus-Christ, par le lieutenant d’Antiochus. Il est raconté dans le second livre des Maccabées que le grand sacrificateur Onias fut destitué par Antiochus et remplacé par son frère Jason, que celui-ci à son tour subit le même sort trois ans après par les intrigues de Ménélas. Ce dernier, devenu grand-sacrificateur, gagna le gouverneur d’Antioche où Onias s’était réfugié dans un lieu envisagé comme inviolable et le fit assassiner. Ce fait, dit le livre cité, produisit une grande sensation chez les Juifs et païens et il ne serait pas impossible qu’il eût été mis en relief dans un livre composé à cette époque. On peut citer plusieurs passages, par exemple : Lévitique 4.3 ; Lévitique 4.5 ; Lévitique 4.16, où l’épithète de oint est donnée au grand sacrificateur et lors même qu’Onias était destitué au moment de sa mort, il restait pourtant aux yeux des Juifs un personnage oint. Mais ce qui paraît contraire à cette explication, c’est que ce meurtre est resté un fait isolé, sans la moindre relation morale avec l’invasion de Jérusalem et le pillage du temple, qui sont ici mises en connexion étroite avec le retranchement de l’oint (verset 26). Si l’on part de cette dernière observation, on sera plutôt conduit à appliquer ces mots au retranchement du Messie qui a eu pour conséquences la chute du temple et la ruine du peuple juif. Le terme solennel : sera retranché, convient mieux dans ce sens, puisqu’il s’applique ordinairement à un retranchement exigé par la loi. Dans Ésaïe 53.8, la mort violente du Messie est désignée par une expression analogue. Il est donc naturel de voir dans cet oint celui du verset 25, dont la venue avait simplement été indiquée comme, date de la clôture des soixante-neuf semaines : Les sept semaines et les soixante-deux semaines vont jusqu’à un oint-chef… et après les soixante-deux semaines, l’oint sera retranché.
Cette expression l’oint sera retranché constitue l’objection la plus forte contre la troisième interprétation indiquée, celle qui rapporte ce passage au temps de l’Antéchrist. En effet, il faudrait lui faire signifier, non : sera retranché personnellement, mais sera supprimé comme Messie, en tant que toute obéissance lui sera refusée alors sur la terre et que pour un temps son Église disparaîtra. Ce sens est certainement impossible.
Et personne pour lui. On a rendu ce texte de bien des manières ; par exemple : Et il n’y est pour rien (comparez Ésaïe 53.3 ; Ésaïe 53.8). La traduction la plus littérale serait : Et rien pour lui ; ce qui pour le sens ne diffère pas de la nôtre, que nous avons préférée pour plus de clarté. Une fois le Messie retranché, son œuvre paraît anéantie ; nul ne semble pouvoir la relever ; ses adhérents, les saints, ont comme disparu.
La conséquence de ce retranchement de la personne du Christ et de son œuvre est indiquée dans les paroles suivantes. Une fois la théocratie privée de celui qui en était l’âme, elle ne peut plus que crouler. Comparez Luc 13.31 ; Luc 13.35 ; Jean 2.19. Abattre le Messie, c’est abattre le temple et Israël lui-même.
Le peuple d’un chef. On pourrait traduire aussi : le peuple-chef, qui viendra. Ce serait le peuple du quatrième empire, dominant alors sur toute la terre. Si l’on traduit, comme nous l’avons fait : le peuple d’un chef qui viendra, ce chef est le dominateur de cet empire, qui doit venir un jour pour accomplir ce jugement. La destruction est la rétribution divine pour le meurtre du Messie.
Détruire la ville et le sanctuaire. Le terme de détruire : schachat paraît bien fort pour désigner ce qui se passa sous Antiochus-Épiphane. Trois ans après le meurtre d’Onias, mais sans relation aucune avec cet événement, le temple de Jérusalem fut pillé, un grand nombre d’habitants de la ville massacrés et un autel de Jupiter olympien, dressé sur l’autel des holocaustes. Mais ni le temple ni la ville ne furent détruits.
Et sa fin sera en débordement. On peut rapporter les mots : sa fin, au sanctuaire ; le sanctuaire extérieur est comme emporté par un débordement d’eau, afin de faire place au nouveau Saint des saints, annoncé verset 24. Mais cette expression peut aussi s’appliquer à l’ennemi dont il vient d’être parlé : Et après avoir détruit ville et temple, il périra lui-même comme par un débordement. Peut-être y aurait-il allusion à Pharaon et à son armée (Exode 14.28). Quoi qu’il en soit, c’est une relation morale, plutôt que chronologique, que celle qui est signalée ici, dans ce sens : le destructeur sera détruit à son tour ; comparez verset 27 et la relation établie verset 26 entre le retranchement de l’oint et la destruction de la ville et du sanctuaire. Le quatrième empire (romain), après avoir détruit Jérusalem, sera détruit à son tour, et cela, par des invasions semblables à un débordement d’eau. Le mot débordement (schéteph) est fréquemment appliqué aux invasions d’armées ennemies, et cela, dans Daniel lui-même et ailleurs ; comparez Daniel 11.20 ; Daniel 11.22 ; Daniel 11.26 ; Esdras 8.8, etc. Ceux qui admettent l’application à Antiochus voient ici l’indication de la mort de ce monarque. Mais comment expliquer l’expression en débordement ? Antiochus est mort tout simplement d’une maladie qui l’a atteint au retour d’une expédition contre la Perse.
Et jusqu’à la fin. On peut entendre : la fin de cette époque déterminée. Le sens est dans de cas : La guerre ne cessera pas que la Terre Sainte n’ait été absolument désolée. Ou bien l’on peut donner au mot la fin une portée plus absolue : jusqu’à la fin de l’ordre actuel. La paix ne s’établira plus d’une manière durable et solide ; il y aura guerre entre la bête et les saints jusqu’à la fin, cette guerre ne cessera pas que la grande désolation qui doit précéder l’établissement du règne de Dieu ne soit arrivée.
Sont décrétées : quelque impossible que cela puisse paraître à ceux qu’il concerne, le décret de Dieu doit s’accomplir jusqu’au bout. C’est la seconde destruction d’Israël qui est ainsi annoncée.
Au verset 26, la soixante-dixième semaine n’avait pas été mentionnée : l’horizon prophétique restait indéfini. Ce verset renfermait tout ce qui devait suivre les soixante-neuf semaines jusqu’à la fin des temps. C’est là ce qu’expriment les mots : et après les soixante-deux semaines. Au verset 27, le prophète mentionne expressément la soixante-dixième semaine et indique les points essentiels de son contenu.
Il conclura. Plusieurs interprètes ont donné pour sujet au verbe conclura le mot : une semaine, ce qui est peu naturel. Le sujet est certainement sous-entendu. On peut penser, selon les applications diverses des versets précédents, à Antiochus-Épiphane avec lequel font alliance les Israélites apostats, ou bien au Messie qui durant la semaine établit l’alliance nouvelle. Mais peut-être le plus naturel est-il de penser à l’Éternel lui-même qui préside à l’œuvre messianique. C’est dans ce dernier sens qu’on s’explique le mieux l’ellipse.
Une alliance ferme : celle dont Jérémie avait, déjà parlé en l’opposant à l’alliance de Sinaï que les Juifs avaient rompue (Jérémie 31.31 et suivants). Le retour de la captivité n’a été que la reprise de l’ancienne alliance et non la fondation de la nouvelle.
Ce qui est nouveau dans cette prophétie, ce n’est ni l’idée d’une nouvelle alliance, ni celle du Messie mourant, peint déjà dans Ésaïe chapitre 53 ; c’est uniquement la relation établie entre ces deux faits.
Avec un grand nombre. La même expression (rabbim) avait déjà été employée par Ésaïe 52.14 ; Ésaïe 53.11-12 : Mon serviteur juste en justifiera un grand nombre (comparez Matthieu 20.28 ; Matthieu 26.28). C’est la partie fidèle de l’ancienne alliance, le saint reste, qui devient le noyau de la nouvelle.
Pendant une semaine : la soixante-dixième, pendant laquelle s’accomplit le salut spirituel décrit verset 26.
À la moitié de la semaine. On peut traduire aussi : pendant la moitié de la semaine ; soit la première soit la seconde moitié. Dans l’application du passage à Antiochus, cette moitié de semaine représenterait les trois ans et demi que dura la suppression du culte de Jéhova et en particulier de l’holocauste journalier. Sans doute depuis le 15 kislev 168 où fut placé, sur l’autel des holocaustes celui du Jupiter olympien, jusqu’au 25 kislev 165, où le culte de Jéhova fut rétabli, il n’y a eu que trois ans et dix jours ; mais on suppose que le culte de Jéhova avait été supprimé quelques mois avant l’établissement de celui de Jupiter (comparez Daniel 8.14, note). Il n’en est pas moins vrai que trois ans dix jours ne sont pas trois ans et demi et que cette indication ne s’accorde pas avec celle du chapitre 8, qui, de l’aveu de tous, s’applique à la suppression de l’holocauste sous Antiochus-Épiphane. Pourquoi, dans le même écrivain qui est supposé parler ici comme historien, deux dates différentes se trouveraient-elles appliquées au même événement, surtout si l’on tient compte de la précision extrême du chapitre 8 (2300 soirs et matins) ?
Il résulte de là, nous paraît-il, que la date d’une demi-semaine, qui correspond à celle de un temps, des temps et la moitié d’un temps (Daniel 7.25), doit avoir comme celle-ci un caractère et une signification symboliques plutôt que strictement chronologiques (voir Daniel 7.25, note).
Il fera cesser sacrifice et oblation : toute offrande sanglante ou non sanglante. Dieu ne peut faire cesser le sacrifice de l’alliance ancienne qu’en consommant un sacrifice nouveau, fondement de l’alliance nouvelle. C’est donc ici qu’il faut placer l’immolation du Messie (verset 26). Dès ce moment, le culte juif perd sa valeur et son efficacité, qui passent tout entières dans le sacrifice messianique. Le mot schabath : se reposer, cesser, employé dans le texte, s’applique plus naturellement à une cessation de ce genre qu’à une suppression violente, telle que celle qui eut lieu sous les Maccabées. Les cérémonies lévitiques ne sont plus dès lors que des formes sans vie dont l’abolition ne peut tarder ; sur le corps mort, les aigles s’assembleront. Le déchirement du voile du temple au moment de la mort de Christ a été le symbole frappant du rejet et de la profanation du sanctuaire par Dieu même.
Sur l’aile des abominations… Ces mots sont très obscurs. Les deux principales traductions sont : Sur l’aile viennent les abominations désolatrices ; ou du désolateur ; cette traduction n’est pas tout à fait correcte au point de vue grammatical. Ou bien celle que nous avons donnée et qui est plus littérale.
Les abominations sont le terme employé fréquemment dans l’Ancien Testament (par exemple 1 Rois 11.5 ; 2 Rois 23.13 ; Jérémie 7.30, note) pour désigner les idoles.
Le mot traduit par aile a été appliqué à la surface plane de l’autel des holocaustes, sur laquelle les Syriens avaient dressé l’autel de Jupiter olympien. Mais comment justifier cet emploi du mot aile ? On l’a pris aussi dans un sens figuré : Porté sur l’aile des abominations, c’est-à-dire par son exaltation idolâtre, viendra le désolateur. Ou bien on l’a appliqué aux aigles romaines qui souilleront un jour Jérusalem et le temple. Le mot hébreu signifie littéralement : une chose étendue qui sert à couvrir. Il pourrait donc bien désigner ici les deux pans du toit du temple (comparez le terme qui en grec signifie aussi aile, Matthieu 4.5). Le toit du temple serait appelé ici aile des abominations, comme servant d’abri, depuis la mort du Messie, à un culte sans vie et réprouvé de Dieu. Le sens serait donc : Sur le temple de Jérusalem, privé de la présence de Dieu et réduit ainsi à n’être plus qu’un temple idolâtre, fond le désolateur. C’est dans le même sens que, dans Ézéchiel 43.7, le temple est appelé les hauts-lieux d’Israël. On sait par l’historien Josèphe de quelles abominations le temple fut le théâtre pendant le dernier siège de Jérusalem.
Le désolateur est la puissance romaine, désignée déjà, verset 26, par les mots : le peuple d’un chef qui viendra.
L’abomination de la désolation. Cette expression est employée dans le premier livre des Maccabées pour désigner l’autel de Jupiter (1 Maccabées 1.54). Jésus s’en sert aussi en annonçant la profanation du temple par les Romains. Elle n’est pas tirée directement de notre passage, mais plutôt de ceux Daniel 11.31 et Daniel 12.11 (voir les notes).
Et cela jusqu’à ce que… La désolation du temple de Jérusalem dure encore. Elle ne cessera que lorsque le désolateur deviendra un désolé. Le quatrième empire qui détruit le sanctuaire sera détruit à son tour avec ses dix cornes (comparez Daniel 7.11).
Résumons d’abord le contenu de la révélation renfermée dans le passage précédent.
L’étude impartiale de ce morceau ne nous permet pas de l’appliquer aux événements qui ont eu lieu sous Antiochus Épiphane, soit en supposant avec quelques interprètes que, pris dans ce sens, ce tableau ait été une véritable révélation accordée à Daniel, soit en prétendant y retrouver un exposé de cette histoire fait après coup sous la forme d’une prophétie. La première supposition est le produit bâtard de l’explication actuellement en vogue et du désir de conserver à ce passage son caractère prophétique. Elle se heurte d’ailleurs à plusieurs des raisons que nous allons alléguer contre la seconde. Contre cette dernière, voici nos raisons :
Voilà les raisons par lesquelles ces deux faits se sont de plus en plus imposés à nous :