Verset à verset Double colonne
1 Et l’Éternel dit à Moïse : Taille-toi deux tables de pierre comme les premières, et j’écrirai sur ces tables les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées.La rupture des premières tables avait signalé celle de l’alliance du Sinaï ; le rétablissement de ces tables figure celui de l’alliance.
Taille-toi deux tables. Il est convenable que Moïse répare lui-même ce qu’il a fait en brisant les tables précédentes ; c’est ce que font sentir les mots : que tu as brisées.
Au sommet de la montagne. Sur le rocher que Dieu lui avait indiqué Exode 33.21
Personne ne montera. La montagne redevient un Lieu très saint, par la présence de l’Éternel, comme au commencement (Exode 19.12-13).
D’après plusieurs interprètes, ce serait Moïse qui serait le sujet des verbes il se tint là et il prononça.
Le récit dit uniquement ce qu’entendit Moïse, car pendant que l’Éternel passait, il ne pouvait rien voir (Exode 33.22).
C’est Dieu qui proclame et qui est proclamé. L’objet de la proclamation est avant tout ce que Dieu avait annoncé à Moïse, sa bonté, qui compatit, pardonne et supporte, mais qui n’exclut pas la justice, qui poursuit le péché et punit le pécheur.
À mille générations…, sur la troisième et quatrième génération. Voir à Exode 20.5-6.
À l’ouïe de la voix divine, Moïse se prosterne et adore.
Mais il n’oublie pas un instant sa tâche et son peuple : il recommence aussitôt à intercéder et sa prière n’est pas une simple répétition de la précédente, par laquelle il avait réclamé à deux reprises le retour de Jéhova au milieu de son peuple.
Les mots : Car c’est un peuple au cou roide, révèlent sa pensée. Il s’agit non du présent, mais de l’avenir : Que malgré les fautes qu’un tel peuple ne manquera pas de commettre encore, tu marches et continues à marcher avec nous, nous pardonnant, nos crimes.
Et fais de nous ton héritage : ta propriété inaliénable.
On a dit : Mais l’alliance n’était-elle pas conclue depuis longtemps ? Oui, mais n’avait-elle pas été rompue ? Ce pacte nouveau, par lequel Dieu la rétablit, repose sur les mêmes bases fondamentales que le précédent, mais les présente à bien des égards sous un jour nouveau. Il renferme deux choses : ce que Dieu promet de faire (versets 10 et 11) et ce qu’il attend du peuple (versets 12 à 26).
Je ferai des miracles. Il s’agit de ceux par lesquels Dieu introduira le peuple dans la terre promise.
Une chose redoutable : l’épouvantable destruction des nations cananéennes, prélude de celle des Israélites eux-mêmes s’ils deviennent cananéens par leurs mœurs.
On a cherché à trouver ici un décalogue et l’on a prétendu y voir une autre forme de celui d’Exode chapitre 20, qui aurait été tirée d’un document différent. Mais les interprètes ne se sont point encore mis d’accord sur la répartition en dix des prescriptions suivantes ; et cette supposition d’un décalogue qui ne serait qu’une autre forme du précédent, est incompatible avec tout le cours des faits tel qu’il vient d’être raconté. À ce moment solennel du rétablissement de l’alliance on s’explique fort bien une instruction qui en inculque de nouveau les bases et qui est en rapport plus direct avec la situation actuelle. Et d’abord, ce qu’Israël devra éviter (versets 12 à 17).
Cette recommandation, en relation directe avec la promesse précédente du secours divin dans la conquête de Canaan, répète et développe celle de Exode 33.14.
Leurs idoles, littéralement leurs Astartés. Ce sont les monuments élevés à la déesse de ce nom (la divinité féminine des Phéniciens). C’étaient ordinairement des troncs plantés en terre, figurant la force productive de la nature. Comparez Juges 6.25
Reproduction sommaire du premier et du second commandement (Exode 20.3-6).
Cette défense est entièrement nouvelle. Le récit Nombres 25.1 et suivants montre combien le danger était réel.
Quand ils se prostituent… Ce mot est pris au sens moral et il désigne le péché de l’idolâtrie. Dieu, l’époux d’Israël, envisage l’adoration d’autres divinités comme un adultère de la part de son peuple. Cette expression rappelle en même temps l’étroite relation qu’il y avait entre tous ces cultes idolâtres et la pratique de l’impureté. Comparez Juges 3.6
Pas de dieu de métal : expression rappelant le péché récent d’Israël.
Jusqu’ici Dieu a parlé au peuple, en vue de son entrée prochaine en Canaan, de ce dont il devra surtout se garder : ou de ce qui pourrait le conduire à l’idolâtrie. Maintenant Dieu lui inculque la manière dont il devra le servir dans cette terre promise (versets 18 à 26).
La célébration régulière de la fête de Pâques ; comparez Exode 23.15. Cette fête est mise en tête, comme la principale des fêtes annuelles. Les deux autres fêtes viendront plus tard.
L’offrande des premiers-nés, qui, comme Exode 13.12, est rattachée étroitement à la fête de Pâques. Voir l’explication Exode 13.12-13 et Exode 23.15
L’on ne paraîtra pas : pour célébrer cette fête.
Devant moi : dans le lieu où je serai adoré.
La loi du sabbat, comme seconde loi rituelle fondamentale. Au commandement sabbatique, promulgué Exode 20.8, est ajouté un détail relatif à la vie prochaine du peuple en Canaan : le repos sabbatique ne devra subir aucune interruption, même en temps de labour et de récolte.
Les deux autres grandes fêtes : celle de Pentecôte, ou des Semaines et celle des Tabernacles, ou des récoltes achevées ; comparez Exode 23.16, note. Le nom de fête des Semaines provenait de ce qu’on comptait 7 semaines (49 jours) depuis la Pâque ; le cinquantième jour était la Pentecôte.
Les trois pèlerinages annuels (Exode 23.17). Cette institution suppose celle d’un sanctuaire unique. Ici est ajoutée cette promesse remarquable : qu’aucune des nations voisines n’osera profiter de ces temps de pèlerinage pour envahir le territoire d’Israël, tant Dieu aura agrandi le domaine du peuple ; la crainte de la puissance d’Israël les tiendra en respect. Comparez Exode 23.27
La loi des prémices ; voir à Exode 23.16
Il semble que la défense relative au chevreau qui ne doit pas être cuit dans le lait de sa mère, soit rappelée ici pour faire comprendre que dans la loi de l’Éternel tout est sacré, depuis le commandement fondamental, celui du monothéisme, jusqu’au précepte en apparence le moins important, ou, comme a dit Jésus, jusqu’au plus petit trait de lettre.
Pour l’explication, voir à Exode 23.19
Écris, toi, ces paroles-là. Cet ordre ne peut porter que sur les paroles versets 10 à 26, base de l’alliance que l’Éternel traite de nouveau avec son peuple à la suite de la rupture de l’ancienne. Ce n’est point ici en effet une répétition du Livre de l’alliance, c’en est un abrégé fait en rapport direct avec l’établissement d’Israël en Canaan.
Le pronom toi, ajouté à l’impératif écris, distingue expressément la rédaction dont il s’agit ici de celle dont il sera question dans le verset suivant.
Quarante jours et quarante nuits. Ces mots n’autorisent point à identifier ce séjour avec celui dont il avait été parlé Exode 24.18. Les deux faits sont expressément distingués Deutéronome 9.9 et Exode 10.4-5, aussi bien qu’ils le sont dans notre narration.
Sans manger ni boire. Cette circonstance n’a pas été mentionnée dans le récit Exode 24.18 mais comparez Deutéronome 9.9
L’Éternel écrivit. Il y a littéralement il écrivit. Mais le verset 1 ne laisse aucun doute relativement au sujet du verbe. C’est ce que confirme Deutéronome 10.2-4
Quant aux expressions : les paroles de l’alliance, les dix paroles, le même verset 1 ne permet de les rapporter qu’aux dix commandements promulgués sur Sinaï (chapitre 20). Autrement le récit, que le verset 1 avait commencé de cette manière (J’écrirai…), resterait incomplet et sans conclusion.
Moïse vient d’arracher le peuple au courroux de l’Éternel, plus redoutable que celui de Pharaon. Cette lutte intense a ouvert son âme à une relation plus intime avec Dieu et les quarante jours et quarante nuits de communion directe avec Dieu, qui l’ont suivie, ont fait passer à son insu sur son visage comme un reflet de la majesté divine.
Était devenue rayonnante. Le verbe employé : projeter des rayons, vient en hébreu du mot cornes, ce qui a fait que d’anciennes versions ont traduit à tort : son front avait des cornes lumineuses.
L’apôtre Paul attribue une puissance analogue, dans le domaine spirituel, à la contemplation intérieure du Seigneur Jésus glorifié (2 Corinthiens 3.18).
Par rapport à ce sommaire qui, comme nous l’avons vu, se rapportait tout entier et très spécialement à l’établissement du peuple en Canaan, il faut bien se rappeler que les 40 années du désert ont été un imprévu, résultant d’un nouveau péché du peuple, mais qu’au moment où nous place notre récit, cette entrée paraissait un événement très rapproché, qui devait suivre immédiatement le départ du Sinaï.
En se mettant à ce point de vue la différence entre ce nouveau pacte et le Décalogue, donné au moment de l’arrivée à Sinaï, saute aux yeux et l’on ne peut plus songer à les identifier.
Se couvrit le visage…. ôtait le voile. On explique ordinairement le premier de ces actes par le désir de Moïse de faciliter ses relations avec les Israélites que la vue de son visage resplendissant aurait intimidés. Mais le premier moment de crainte était passé et Moïse venait d’avoir sans voile un long entretien avec eux. Cet emploi du voile semble donc avoir en un autre motif. Voici celui qu’indique saint Paul (2 Corinthiens 3.13) : Moïse voulait éviter que, comme l’éclat de son visage diminuait naturellement entre une visite au sanctuaire et la suivante, le peuple ne s’aperçût de cette diminution, ce qui aurait nui à son autorité. L’acte d’ôter le voile en rentrant dans le sanctuaire, acte qui avait certainement pour but de raviver l’éclat de son visage qui s’évanouissait, s’explique mieux dans l’interprétation de Paul que dans l’opinion commune.
Les fils d’Israël voyaient : au moment où Moïse sortait d’auprès de Dieu.
Cette description rappelle ce qui a été raconté (Exode 33.8-10) de la manière en laquelle le peuple suivait du regard son médiateur, quand il se rendait auprès de l’Éternel ou revenait d’auprès de lui.
Ce morceau est l’un des passages dans lesquels la critique moderne a cru découvrir le plus grand nombre d’incohérences. On a conclu de ce fait à l’emploi par le rédacteur de trois et même de quatre documents contradictoires.
Nous ne discutons point ici la question des sources auxquelles l’auteur a puisé tout ce récit. La question littéraire est à nos yeux secondaire en comparaison de celle de la valeur historique du contenu. Or, celle-ci nous paraît suffisamment résolue par l’étude que nous venons de faire. Par l’acte d’idolâtrie grossière auquel il venait de se livrer, Israël avait rompu l’alliance qu’il avait contractée avec Dieu. Il avait perdu sa dignité de peuple de l’Éternel ; il ne méritait plus de l’avoir pour conducteur et de posséder sa Demeure au milieu de son camp. Bien plus, il avait mérité de périr. Car la peine capitale était prononcée sur le crime d’idolâtrie.
Que fait Moïse ? Par son intercession héroïque et persévérante, il reconquiert successivement toutes ces positions perdues. Le récit mentionne quatre actes d’intercession, tous suivis d’effet.
Le premier, Exode 22.11 et suivants, est celui par lequel il obtient la conservation du peuple ; Dieu ne le détruira pas pour y substituer un peuple nouveau descendant de Moïse lui-même (verset 14).
Le second acte d’intercession est raconté Exode 32.30 et suivants : l’Éternel n’abandonnera pas entièrement Israël, il lui donnera un ange pour le conduire.
Par la troisième intercession, rapportée Exode 33.12, Moïse obtient de l’Éternel qu’il retire cet arrêt de dégradation et qu’il continue à conduire lui-même le peuple en la personne de l’ange qui s’appelle sa Face (Exode 33.14).
Mais Dieu n’a rien dit encore de sa propre habitation au milieu d’Israël ; l’ordre de partir de Sinaï, donné déjà deux fois (Exode 32.34 et Exode 33.1-3), subsiste encore et il est incompatible avec la construction du sanctuaire dont Dieu a montré le modèle à Moïse. La réhabilitation d’Israël ne sera complète que lorsque l’ordre du départ immédiat aura été retiré et la permission de construire le sanctuaire rendue. C’est là l’objet de la quatrième intercession (Exode 33.15-16). Moïse supplie l’Éternel de permettre qu’un signe visible et reconnaissable à tous montre qu’il marche lui-même avec le peuple. Ce signe, ce sera la Demeure de l’Éternel dressée de nouveau au milieu du camp. Cette dernière demande lui est aussi accordée (Exode 33.17).
Après que Moïse a ainsi regagné par son intercession tout ce que le peuple avait perdu par son péché, il sent le besoin d’une nouvelle faveur pour lui-même en vue de la tâche qu’il a devant lui et il demande à Dieu de mettre le sceau à toutes les grâces qu’il vient de lui accorder, en lui donnant de le connaître mieux qu’il ne l’a connu jusqu’alors (Exode 33.18) ; et cette dernière prière est encore exaucée (Exode 34.5 et suivants).
Qu’y a-t-il d’incohérent, de contradictoire dans une telle histoire ? Cette série d’intercessions et d’exaucements ne se justifie-t-elle pas sans peine ? Il faut sans doute qu’à côté de cela Israël comprenne la gravité de la faute qu’il a commise et du danger qu’il a couru. Voilà pourquoi la mort des trois mille hommes (Exode 32.28) doit lui rappeler le châtiment que tous auraient mérité de subir. Il doit aussi sentir qu’il est indigne d’invoquer Dieu comme son Dieu et de s’appeler encore son peuple. Voilà pourquoi le remplacement de l’Éternel par un simple ange lui est deux fois annoncé. Enfin il est nécessaire que le transfert de la Tente sacrée hors du camp lui mette clairement sous les yeux le divorce qui s’est produit entre l’Éternel et lui et la déchéance qu’il s’est attirée. Ce n’est que par cette sévérité, compagne de la grâce, qu’il pourra mesurer la gravité de son péché, la grandeur du pardon accordé et le prix d’un intercesseur tel que Moïse.
Malgré toutes les critiques dont la narration de ces trois chapitres a été l’objet, il nous paraît donc qu’on ne peut rien imaginer de plus suivi, de plus conséquent, de plus saint, de plus profondément pédagogique que l’histoire ici racontée. On comprend ainsi la parfaite convenance et l’application directe à la situation actuelle de ces paroles qui pourraient paraître banales, mais dans lesquelles se résume si bien l’esprit de toute cette scène : Le Dieu compatissant et miséricordieux, qui pardonne le crime, la défection et le péché, mais qui ne les laisse pas impunis (Exode 34.6-7).
Tout en laissant ouverte la question des sources auxquelles le narrateur a puisé, ce récit et en le comprenant dans le sens qu’il y a attaché lui-même, nous constatons sa véracité absolue et sa parfaite impartialité, par la franchise avec laquelle il met au grand jour, d’un côté, le péché de son peuple et, de l’autre, la honteuse faiblesse et la lâcheté d’Aaron, le futur grand sacrificateur. Il n’y a assurément dans ce récit aucune trace de vanité nationale ou d’étroitesse sacerdotale. La vérité de Dieu y règne seule.