Verset à verset Double colonne
Le livre commence par le mot Et, ce qui peut paraître étrange. Ce mot rattache les révélations qui vont suivre à toute la chaîne des révélations prophétiques antérieures.
La trentième année. On n’est pas d’accord sur le point de départ de ces trente années. S’agirait-il de l’âge du prophète ? Mais il paraît compter d’après une date généralement connue. Il s’agit probablement de l’ère datant de l’avènement de Nabopolassar, père de Nébucadnetsar et fondateur de la monarchie babylonienne, lors même qu’aucun indice historique ne prouve qu’une pareille ère ait été en usage. Cet avènement eut lieu en 625 ; la trentième année après cette date tombe donc sur l’an 595 avant Jésus-Christ, qui était précisément la cinquième année de la captivité de Jéhojachin (verset 2).
Le quatrième mois répond à peu près à notre mois de juillet.
Kébar : selon la plupart, le même fleuve que le Chabor, au bord duquel Salmanazar avait transporté les dix tribus (2 Rois 17.6) ; cependant les deux noms s’écrivent différemment ; le Kébar était probablement plus près de Babylone.
Les cieux s’ouvrirent : le monde invisible se dévoila à l’œil interne du prophète.
Visions de Dieu : venant de Dieu. Elles n’étaient pas l’effet de l’imagination du Voyant. Comparez Luc 3.21 ; Apocalypse 4.1.
La troisième personne employée dans ces deux versets, au lieu de la première (versets 1 et 4), prouve qu’ils ont été ajoutés après coup par les collecteurs du recueil des prophètes pour préciser par un événement marquant la date un peu obscure du verset 1. C’était six années avant la ruine de Jérusalem.
Buzi : personnage inconnu.
Sacrificateur. Le nombre des sacrificateurs emmenés captifs paraît avoir été considérable ; comparez Jérémie 29.1 et la liste des exilés qui revinrent de Babylonie, Esdras 2.36 et suivants.
Le caractère sacerdotal est empreint sur toute la prophétie d’Ézéchiel. Voir en particulier la première partie de son livre.
La main de l’Éternel… Expression fréquemment employée par Ézéchiel (Ézéchiel 3.22 ; Ézéchiel 8.1, etc.), pour désigner l’action de la puissance divine par laquelle l’homme est élevé à un état extatique et peut percevoir ou accomplir ce qui est au-dessus de sa connaissance ou de sa force naturelle ; comparez 1 Rois 18.46 et 2 Rois 3.15.
Je vis et voici… Le tourbillon représente la puissance irrésistible de la volonté divine ; cet ouragan est rendu sensible au prophète par la nuée qu’il chasse devant lui.
Du septentrion : c’est de ce côté que doivent venir pour la Palestine les instruments du jugement annoncé plus tard ; comparez Jérémie 1.13-14.
La nuée est le symbole de la présence de Dieu quand il se rend visible ; ainsi au désert (Exode 13.21), dans le temple (1 Rois 8.10), à la transfiguration, à l’ascension.
Une masse de feu : elle se dessinait sur le fond sombre de la nuée et répandait un éclat tout à l’entour. Du milieu de cet immense disque lumineux se détachait, par son éclat plus vif encore, un foyer ardent, semblable à du métal en fusion. Ce foyer est l’emblème de la vie divine, ici spécialement comme menaçant de destruction tout ce qui est souillé. Comparez Exode 24.17 ; Deutéronome 4.24. L’image du feu présage donc les jugements qui vont être annoncés.
Au milieu. À mesure que le globe de feu approche, ses proportions semblent grandir aux yeux du prophète ; et tous les détails suivants se dessinent avec une netteté croissante.
Quatre êtres vivants. Ces êtres portent, Ézéchiel 10.20, le nom de chérubins, qui ne leur est pas encore donné ici. Ézéchiel n’arriva que graduellement à la conscience de l’identité de ces êtres avec les chérubins mentionnés précédemment dans l’Écriture.
L’origine de ce mot chérubin est encore un objet de discussion. Les uns le mettent en relation avec le mot hébreu rachav (aller à cheval ou en char), les autres avec la racine arienne gribh (saisir, d’où griffon, etc.) ; d’autres différemment. La première étymologie est rendue vraisemblable par Psaumes 18.11.
Quant à la nature de ces êtres, elle peut être comprise de deux manières. Ou bien ils forment une classe de créatures à part, occupant avec les séraphins (Ésaïe chapitre 6) le sommet de l’échelle des êtres, les séraphins, comme représentants de l’adoration céleste ; les chérubins, comme agents, dans la nature, de l’action toute puissante de Dieu. En effet, les premiers se tiennent devant le trône ; ceux-ci volent portant le trône. Ou bien les chérubins sont la personnification poétique des forces divines qui pénètrent et vivifient la création tout entière et de cette création elle-même. La première interprétation paraît s’accorder mieux avec le rôle des chérubins dans le Lieu très saint (Exode 25.18-22) ; la seconde, avec Psaumes 18.11. Mais dans les deux cas ces êtres sont toujours en relation immédiate avec l’apparition personnelle de Dieu et fonctionnent comme porteurs de sa gloire, lorsqu’il se manifeste au milieu de son peuple. Il ne faut pas les confondre avec les anges, dont ils sont expressément distingués Apocalypse 5.11. Dans ce livre, les quatre animaux (êtres vivants) entourent immédiatement le trône divin, tandis que les anges en sont séparés par les vingt-quatre anciens, les représentants idéaux de l’Église.
Une ressemblance humaine. L’aspect qu’ils présentaient au premier coup d’œil était la forme humaine, non seulement à cause de la face d’homme qui, tournée en avant (voir plus loin), éveillait la première l’attention, mais à cause de la forme générale du corps, spécialement des mains (verset 8) et de l’attitude droite.
Quatre faces, quatre ailes. Le nombre quatre, tout en se rapportant aux quatre côtés du chariot divin qui va être décrit, représente l’universalité de l’action divine qui rayonne à la fois dans toutes les directions de l’espace.
Quatre faces : voir au verset 10.
Quatre ailes. Chez tous les peuples, l’idée de la rapidité instantanée de l’action divine a été figurée par le symbole d’animaux ailés. C’était particulièrement le cas chez les Assyriens et les Babyloniens.
Du pied d’un veau. L’intention de toute cette représentation symbolique est évidemment de figurer l’action toute présente de Dieu. De quelque côté que le chariot se meuve, il doit toujours marcher droit devant lui sans être jamais contraint à se retourner. C’est à cette condition que répond la forme du pied de veau, qui descend tout droit vers le sol, sans avoir en apparence ni devant, ni derrière, ni droite, ni gauche. Comme les ailes étaient des quatre côtés, une pour chaque côté, il en était de même des quatre bras (avec leurs mains) qui étaient recouverts par les ailes.
Des mains d’homme. La main humaine est ici l’emblème d’une activité intelligente et mesurée.
En marchant… Chacun des quatre chérubins ayant une face et une aile de chacun de ses quatre côtés, il voyait et marchait toujours devant lui, dans quelque direction qu’il se mût.
Détail des quatre faces : Le lion est le roi des animaux sauvages, le taureau celui des animaux domestiques, l’aigle celui des oiseaux, l’homme celui de la terre entière. Les chérubins paraissent donc bien représenter la création avec toutes ses forces :
Séparées par le haut. Les quatre faces étaient séparées l’une de l’autre ; des quatre ailes correspondantes, deux s’étendaient vers les ailes des deux chérubins voisins, tandis que les deux autres servaient à couvrir la partie inférieure du corps, en signe de respect ; comparez Ésaïe 6.2, note.
Allait devant soi… C’était là le but de la configuration de ce chariot, qui était le symbole visible de la toute présence invisible de Dieu.
L’Esprit : le souffle puissant, représentant la volonté divine, qui entraînait la nuée et faisait mouvoir tout ce qu’elle contenait.
Des charbons ardents. Le mouvement incessant et rapide de ces êtres ressemblait au zizag de l’éclair.
On peut remarquer dans tout ce tableau comme une succession de concentrations. D’abord, la nuée chassée par l’ouragan ; puis, sur ce fond sombre, le disque de feu resplendissant ; dans ce disque, le métal étincelant ; et au centre de cette lumière, les quatre êtres vivants, semblables à des torches enflammées.
Un nouveau trait de la vision : les roues (versets 15 à 21). Ces roues achèvent de donner à toute l’apparition la figure d’un chariot. C’étaient quatre roues qui étaient composées chacune de deux cercles se coupant à angle droit et qui pouvaient par conséquent se mouvoir en tous sens sans se tourner (verset 17). Cette configuration avait donc le même but que celle des chérubins. Et, en effet, tous les mouvements des êtres et des roues s’opéraient de concert et sous l’action du même souffle divin (versets 19 à 21). Ce rapport entre les chérubins et les roues paraît figurer celui qui existe entre les forces invisibles que la volonté de Dieu fait agir dans le monde et leurs effets visibles dans l’univers. Il y a harmonie parfaite entre les causes supérieures et les résultats terrestres.
Pierre de Tharsis. Cette pierre, qui figurait sur le pectoral du souverain sacrificateur (Exode 28.20) et qui est encore mentionnée Cantique 5.14 ; Daniel 10.6, s’appelle en grec chrysolithe (pierre d’or). C’est probablement la topaze, pierre précieuse de couleur jaune d’ambre. Cette dernière nuance doit, d’après le symbolisme général des couleurs, figurer la lumière divine dans toute sa richesse.
L’aspect des roues : ce terme se rapporte spécialement au premier trait (la pierre de Tharsis) ; le terme de forme (ou structure) se rapporte au trait suivant (une roue traversée par une autre roue). Les deux idées se trouvent réunies dans une même phrase.
Leurs jantes. La hauteur des jantes indique la rapidité et la puissance des roues. Plus en effet une roue est haute, plus son mouvement est rapide et puissant. De là l’impression de crainte que produisait la vue de ces roues.
Remplies d’yeux. Les yeux étaient l’emblème d’une intelligence supérieure qui présidait à leurs mouvements. Les forces de ce monde n’agissent pas avec une puissance aveugle ; elles obéissent à une divine sagesse, qui s’en sert pour l’exécution de ses plans. Comparez Apocalypse 4.6 et Zacharie 4.10.
Ces trois versets font ressortir le parfait accord existant entre les mouvements des animaux et ceux des roues. Cet accord, qui constituait l’unité du chariot, était pour le prophète un mystère ; car aucun lien visible ne l’expliquait. La répétition des expressions marque la surprise toujours nouvelle qu’il éprouvait en contemplant cet accord et en cherchant à en surprendre la cause cachée.
Du chariot, le regard du prophète se porte sur ce qui est au-dessus : le trône de Dieu, verset 26.
Immédiatement au-dessus du chariot, on voyait un dais de cristal qui servait comme de plancher au trône de Dieu.
Un firmament. Nous avons rendu ainsi le terme traduit ordinairement par le mot étendue (Genèse 1.6 ; Genèse 1.7). Ce firmament est ici l’emblème du ciel visible, qui sépare la création terrestre du ciel invisible où Dieu réside ; comparez Exode 24.10.
D’une splendeur auguste : c’était sans doute un éclat d’une couleur plus sombre, inspirant la crainte.
Les ailes des chérubins se rapprochaient de ce dais comme pour le porter, mais sans le toucher. Outre ces ailes qui se réunissaient, en se rapprochant, au-dessous du firmament, ils en avaient chacun deux dont ils couvraient leurs corps (verset 11).
Le bruit. Le bruit que faisaient les ailes des chérubins quand ils volaient, est l’emblème du mouvement puissant que Dieu imprime en certains moments à la marche des choses en vue du monde moral.
Quand ils s’arrêtaient. Le progrès de l’œuvre divine dans le monde semble présenter parfois des moments d’arrêt. Mais même quand les chérubins s’arrêtaient, le bruit ne cessait point dans la sphère supérieure. La continuité de ce bruit rappelait que toute l’impulsion partait d’en haut et que dans cette sphère élevée le mouvement ne cessait point. Il peut y avoir interruption dans les manifestations sensibles de l’action divine, mais non dans cette action elle-même (Jean 5.17).
Le trône lui-même.
Saphir. La couleur bleue du saphir est l’emblème du repos profond qui règne au sein de l’Être divin, au milieu même de la plus intense activité ; comparez Exode 24.10.
Une figure d’homme. Comparez Daniel 7.9. La figure humaine est la seule dans toute la création qui puisse représenter Dieu en quelque manière ; car l’homme seul est fait à l’image de Dieu. C’est sur ce principe que repose le mode de la suprême révélation divine dans l’histoire, la manifestation de Dieu dans le Fils de l’homme.
Néanmoins le prophète multiplie dans ce verset les expressions destinées à rappeler qu’il ne s’agit que d’une lointaine ressemblance. La vraie manifestation de Dieu ne peut être une affaire de figure extérieure ; elle est d’ordre moral.
Il ne faut point faire dépendre les deux : depuis ce qui paraissait, du premier verbe, mais l’un du premier verbe et l’autre du second ; comparez Ézéchiel 8.2.
Il y a opposition entre ce qui paraissait au-dessus des reins (un métal poli et resplendissant) et ce qui paraissait au-dessous (du feu, comparez Apocalypse 1.15).
Les mots : au-dedans et à l’entour, signifient sans doute : à l’intérieur du trône et à l’entour de la figure elle-même. Le tout ne se présentait pas d’une manière précise. C’était une forme vague, dont les contours ne se distinguaient pas nettement de ce qui les environnait.
Du feu : voir verset 4, note. Comme dans Exode 3.2-4, le feu représente la vie divine qui agit incessamment sans se fatiguer, qui se communique sans s’épuiser et qui finit par consumer irrésistiblement tout ce qui lui fait obstacle.
L’arc-en-ciel, avec ses couleurs à la fois éclatantes et douces, tempère la vivacité éblouissante de l’éclat de ce trône ; comparez Apocalypse 4.3. Si l’on rapproche ce symbole de Genèse 9.1-2, on l’appliquera naturellement aux promesses de grâce qui tempèrent pour les membres de l’alliance les sévérités du jugement divin.
C’était une apparition… Voilà le grand mot, qui résume la vision et en fait sentir la grandeur. Ézéchiel succombe à la puissance de cette révélation et demeure couché sur sa face jusqu’à ce que Dieu lui-même lui donne la force de se relever ; comparez Apocalypse 1.1-7 ; Daniel 9.8-10.
De tous temps, la vision que nous venons d’étudier en détail a été envisagée comme particulièrement importante et difficile. Elle porte chez les rabbins le nom de Mercaba : chariot. La Synagogue l’envisageait comme dépassant l’intelligence humaine et en interdisait la lecture avant l’âge de 30 ans. Il en était de même de quelques autres morceaux, tels que la fin de notre prophète, le premier chapitre de la Genèse, le Cantique des Cantiques, etc. Le Talmud dit : On n’explique pas la section des degrés de mariage défendus devant trois personnes, ni celle de la création devant deux, ni celle du Mercaba devant une seule, à moins que ce ne soit un sage qui, par sa propre intelligence, possède déjà la connaissance. (Chagiga, II).
Le sens de ce morceau n’est pourtant pas si difficile à comprendre, dès qu’on le met en relation avec la situation dans laquelle Ézéchiel fut appelé au ministère prophétique. Dieu se disposait alors à abandonner le sanctuaire auquel avaient été attachées jusqu’à ce moment la grâce de sa présence et les manifestations de sa gloire. Les chapitres suivants nous montreront le chariot, symbole de la gloire de l’Éternel, s’élevant de dessus le Lieu très saint où il était fixé, pour se transporter d’abord au seuil du temple (Ézéchiel 9.3), puis à l’entrée du parvis extérieur (Ézéchiel 10.19) ; après quoi il quittera entièrement le temple pour se transporter sur la montagne des Oliviers, à l’orient de la ville (Ézéchiel 11.23). Que veut dire cela ? Jusqu’ici l’arche de l’alliance, ce trône de l’Éternel, avec les deux chérubins qui la couvraient de leurs ailes, reposait immobile dans le Lieu très saint. L’Éternel n’avait-il pas trouvé là le lieu de son repos (Psaumes 132.8 ; Psaumes 132.14) ? Mais maintenant, à la suite des infidélités de son peuple, Dieu va livrer ce sanctuaire visible à la destruction ; son trône doit donc s’en éloigner. Voilà pourquoi ce trône est ici transformé en un chariot mobile. De là aussi le changement apporté à la forme des chérubins. Ils ont maintenant quatre faces au lieu d’une seule et quatre ailes au lieu de deux. C’est que tout est calculé maintenant pour le mouvement, comme précédemment pour le repos. Mais Dieu n’abandonne pas seulement son domicile précédent ; il va s’en chercher un nouveau. D’abord, il veut accompagner son peuple en captivité. Je serai là, dit-il, votre sanctuaire (Ézéchiel 11.16) ; puis c’est le moment où la révélation spéciale accordée à Israël va commencer à faire place à la révélation universelle. Nébucadnetsar et les Babyloniens, Cyrus et les Perses, vont être appelés à contempler le bras de l’Éternel. Et comme le chérubin à la face unique et au regard fixé vers l’arche représentait la révélation à Israël seul, le chérubin à quatre faces, tournées vers les quatre côtés de l’horizon, est le symbole de l’action universelle de Dieu et de sa révélation qui va s’adresser désormais au monde entier. Il y avait ici un problème graphique inouï à résoudre : c’était de représenter l’idée de la toute-puissance et de l’action universelle de Dieu sous une forme sensible, finie et localisée. C’est ce qui a produit les combinaisons étranges qui étonnent dans tout le tableau. Plus tard, quand la gloire de Jéhova, parfaitement révélée en Jésus, s’élèvera en sa personne sur le trône divin, tout cet appareil de mouvement disparaîtra de nouveau. Les quatre chérubins n’auront plus chacun qu’une face unique et au lieu de voler, ils seront couchés à l’entour du trône immobile où siège le Seigneur et d’où il remplit l’univers et règne sur toutes choses (Apocalypse 4.6-7 ; Romains 14.9).