Verset à verset Double colonne
Ce morceau paraît appartenir au document jéhoviste, à l’exception peut-être du verset 6, qui indique l’âge de Noé selon la forme usitée dans le document élohiste.
Entre. L’arche est achevée et il n’y a plus que sept jours jusqu’au commencement du déluge (verset 4).
Du rapprochement des mots toi et toute ta famille et je t’ai vu juste, il résulte que la piété de Noé est imputée à tous les siens. Cette solidarité est bien conforme à toute l’institution de l’ancienne alliance.
Dans l’arche. Cette manière de s’exprimer prouve que le récit jéhoviste du déluge dans sa forme primitive avait certainement renfermé l’ordre de construire l’arche. Le rédacteur, selon sa méthode constante, a retranché de l’un de ses documents ce qui faisait double emploi avec ce qu’il empruntait à l’autre.
Il résulte de l’observation précédente que l’ordre donné ici n’est pas le même que celui énoncé 6.19-21. Celui qui nous occupe ici est donné sept jours avant le déluge, au moment où Noé doit faire entrer les animaux dans l’arche, tandis que l’autre faisait partie des indications générales données à Noé au moment où il devait commencer à construire l’arche, c’est-à-dire bien longtemps avant ce moment-ci.
Sept paires… littéralement : sept, sept, le mâle et sa femelle. Plusieurs entendent : à chaque fois au nombre de sept : trois mâles et trois femelles, plus un mâle (sans doute). Ce sens est peu naturel et les mots mâle et femelle font plutôt penser qu’il s’agit de sept paires.
Dans le récit élohiste il n’est question que d’une seule paire de chaque espèce (Genèse 6.19). Mais, comme nous l’avons vu, le premier ordre avait été donné longtemps à l’avance ; c’était une instruction générale ; l’ordre actuel, donné au moment de la catastrophe, peut fort bien y ajouter un détail nouveau.
Le but de cet ordre spécial relatif aux animaux purs était de fournir à Noé des victimes pour le sacrifice qu’il offrirait après sa sortie de l’arche et d’assurer la reproduction rapide des animaux purs sur la terre nouvelle.
La distinction entre animaux purs et impurs doit être très ancienne ; on la retrouve chez la plupart des peuples dès la plus haute antiquité. En Israël, elle exista sans doute comme coutume avant d’être réglementée par la loi. Voir sur cette question Lévitique 11.
Et aussi des oiseaux. Non pas de tous les oiseaux en général, mais seulement des oiseaux purs. Cette restriction, qui s’entend d’elle-même, a été expressément introduite dans le texte grec par les LXX. La conservation d’une paire unique pour les oiseaux non purs résultait de l’ordre général.
Je ferai pleuvoir quarante jours et quarante nuits. Si l’on prend cette expression isolément, on doit en conclure que la cause du déluge sera uniquement la pluie tombant pendant six semaines. C’est là la pensée qu’un grand nombre d’interprètes attribuent, au jéhoviste, dont le récit se trouverait ainsi contredire les données du récit élohiste, qui assigne, comme nous verrons, une seconde cause à l’inondation : l’élévation des eaux de la mer, durant cent cinquante jours.
Se basant là-dessus, ces mêmes interprètes attribuent au jéhoviste tous les passages suivants où revient l’expression de quarante jours (Genèse 7.12 et Genèse 7.17 ; Genèse 8.6) et y voient à chaque fois une nouvelle preuve de la contradiction entre les deux documents. Nous ferons ici deux seules observations :
Tous les êtres que j’ai faits. Il y a dans cette expression comme un sentiment de douleur.
La parole Genèse 6.22 se rapportait à la construction de l’arche, celle-ci s’applique à l’entrée dans l’arche. L’expression Noé fit… est développée dans les versets 7 à 9.
L’indication de l’âge de Noé et la tournure employée pour désigner le déluge font supposer que ce verset appartient au récit élohiste. C’était dans ce document la transition entre Genèse 6.22 et Genèse 7.11.
Chaque paire… entra : littéralement, deux à deux entrèrent ; non pas deux mâles ou deux femelles à la fois, mais à chaque fois un mâle et une femelle.
Ce verset faisait dans le document jéhoviste la transition du récit des préparatifs à celui du déluge lui-même.
L’auteur commence ici le récit du déluge d’après le document élohiste, dans lequel ce verset 11 se rattachait au verset 6, comme ce dernier à Genèse 6.22.
L’an six cent. Il s’agit ici de l’année civile qui commençait en automne et non de l’année religieuse commençant au printemps, qui ne fut instituée qu’à la sortie d’Égypte. Le premier mois était donc celui de Tischri, correspondant à la fin de septembre et à la plus grande partie d’octobre.
Le second mois, dont il est question ici, était celui de Marcheschvan ou Bul (1 Rois 6.38), mois de la pluie ; c’était en effet avec ce mois que commençait la saison des pluies. Le dix-septième jour tombait donc dans la première quinzaine de novembre.
Toutes les fontaines du grand abîme. Nous avons vu Genèse 1.2 que l’abîme désigne les profondeurs de la mer. C’est donc l’océan qui, attiré ou soulevé par une force inconnue, fait irruption sur les terres.
Les écluses des cieux, image indiquant que les conditions qui retiennent ordinairement les eaux suspendues dans les nuées vont cesser d’exister, d’où la conséquence indiquée dans le verset 12 : la pluie se précipitant sur la terre pendant six semaines. C’est l’accomplissement de la menace du verset 4.12La pluie est mentionnée ici comme celle des deux causes qui s’est fait sentir la première et qui a cessé le plus tôt.
En ce jour même. L’historien élohiste revient ici en arrière pour insister sur le fait que le déluge commença au jour même où Noé et sa famille entrèrent dans l’arche, où les animaux s’étaient réfugiés dans le cours des jours précédents.
Et l’Éternel ferma la porte. Expression faisant ressortir l’inviolabilité de l’abri que Dieu avait préparé aux êtres vivants.
Dans la suite du récit, nous distinguons trois phases :
Le déluge fut quarante jours… Ce verset est généralement attribué au jéhoviste ; ceux qui pensent que les deux documents se contredisent y voient renfermée toute l’histoire de la période des eaux montantes, différemment racontée par l’élohiste dans les versets 18-20.
Mais il y a un autre sens possible de ces versets : Après qu’il eut plu pendant quarante jours, les eaux arrivèrent au point de soulever l’arche, qui commença à voguer, puis (verset 18) les eaux continuèrent à grossir par l’action de l’autre cause (l’élévation de la mer) et elles finirent par atteindre la hauteur décrite au verset 20. C’est dans tous les cas le sens admis par le rédacteur.
De quinze coudées au-dessus. On s’est demandé comment Noé avait mesuré la hauteur de l’eau au-dessus des montagnes et l’on a supposé que ce fut une conclusion tirée par lui de ce fait que l’arche, qui avait une hauteur de trente coudées et un tirant de quinze coudées, toucha alors le sommet de la montagne.
Le même résultat tragique est énoncé deux fois : au verset 21, d’après le récit élohiste, aux versets 22-23, d’après le récit jéhoviste (du moins si l’on tient compte des caractères du style).
La comparaison de Genèse 7.11 et de Genèse 8.3-4 montre qu’il s’écoula juste cinq mois, c’est-à-dire cent cinquante jours entre le moment où les eaux commencèrent à monter et celui où elles commencèrent à décroître. Il faut donc renfermer les quarante jours et quarante nuits de pluie indiqués plus haut dans les cent cinquante jours dont parle notre verset.