Verset à verset Double colonne
Le prophète élève sa plainte au nom des fidèles qui souffrent de l’oppression des méchants. L’exclamation : jusques à quand ? indique que cette conduite des méchants dure depuis longtemps déjà sans que Dieu s’y oppose. Cela paraît être en contradiction avec sa sainteté. De là la question du verset 3 ; le prophète adjure l’Éternel de faire cesser cette contradiction.
Contemples-tu… c’est-à-dire regardes-tu sans t’émouvoir ni intervenir.
Ce verset décrit les conséquences de cet état de corruption. La loi révélée qui, dans son ensemble, devait être l’âme de toute la vie civile, religieuse et domestique du peuple, est morte et le droit, la bonne cause, ne parvient pas à triompher ; car le juste est comme cerné par une troupe de méchants qui l’oppriment.
Sort faussé… par la sentence du juge.
Ce qui suit (versets 5 à 11) est la réponse (le l’Éternel : elle est adressée au peuple entier.
Regardez… soyez étonnés… Ce qui doit exciter l’étonnement des auditeurs du prophète, c’est l’apparition subite des Chaldéens, peuple dépendant de l’Assyrie à cette époque et le rôle qu’ils vont jouer, comme agents de l’Éternel, dans le châtiment et la destruction du royaume de Juda. Ce châtiment surpassera en sévérité, tout ce que ce peuple pensait avoir à redouter. De là la citation de saint Paul (Actes 13.41) qui applique ces paroles au rejet des Juifs.
En vos jours… voir l’introduction.
Les Chaldéens, habitants de la Babylonie, avaient été, durant des siècles, asservis à l’empire d’Assyrie. À la fin du VIIe siècle avant Jésus-Christ, le Chaldéen Nabopolassar, vice-roi de Babylone, s’allia avec Cyaxare, roi des Mèdes, secoua le joug de Ninive et s’empara de cette ville en 606. Ce fut le début de la monarchie chaldéenne qui atteignit avec une rapidité extraordinaire l’apogée de sa puissance sous le règne de Nébucadnetsar, fils de Nabopolassar. Cette grandeur fut du reste de courte durée, puisque 68-70 ans après, vers l’an 538, Cyrus, roi de Perse, s’empara de Babylone et, remplaça l’empire chaldéen par l’empire médo-perse.
De lui viendra son droit. Il ne s’inquiète ni de la légitimité de ses actes, ni du droit d’autrui, mais il entend imposer à tous, comme leur loi, sa propre volonté.
Comme un aigle qui fond… Cette comparaison revient souvent chez les prophètes lorsqu’il s’agit des Chaldéens (Jérémie 48.40 ; Jérémie 49.22 ; Lamentations 4.19). Jérémie reproduit également, en les appliquant aux Chaldéens, les images employées par Habakuk Jérémie 4.13 ; Jérémie 5.6.
Ces versets décrivent le caractère irrésistible de l’attaque des Chaldéens.
Il entasse de la poussière : il élève une terrasse pour s’approcher des remparts de la ville assiégée.
Il est chargé de crimes. Cette expression laisse entrevoir que les Chaldéens outrepassent leur mission de châtiment ; elle fait ainsi pressentir qu’ils seront punis à leur tour, car elle se trouve dans la bouche même de Dieu et non pas seulement dans celle du prophète.
Après cette annonce, pleine de menaces du jugement de Dieu, le prophète prend la parole à son tour. Il fait appel, au nom de l’Israël croyant, à la miséricorde divine et puise dans la pensée de la sainteté de Dieu l’assurance que l’Éternel, après avoir châtié son peuple pécheur, ne laissera pas non plus impunis les crimes de ces Chaldéens : car ce peuple féroce frappe non seulement les vrais coupables qui ont attiré sur eux la colère céleste, mais encore les justes, les membres innocents de la nation.
Ces premiers mots du verset 12 se rattachent étroitement aux derniers du verset 11 ; le dieu du Chaldéen est sa propre force ; fragile appui ! Tandis que le Dieu d’Israël est l’Éternel, celui qui, sous ce nom même (Exode 3.14 ; Exode 3.6), a conclu alliance avec son peuple.
Mon Saint, voir Ésaïe 1.1.
Nous ne mourrons pas : ces mots expriment la certitude qu’après que le Chaldéen aura accompli l’œuvre du châtiment dont il est chargé auprès du peuple de Dieu, celui-ci ressortira sain et sauf et purifié du creuset.
Malgré cette attente de la foi, la conduite actuelle de Dieu paraît, cependant contradictoire à sa sainteté ; comment peut-il se servir ainsi du bras des méchants ? C’est cette objection que le prophète présente à l’Éternel dans les paroles suivantes.
Un plus juste que lui. Ces hommes, plus justes que les Chaldéens qui les dévorent, ne sont pas le peuple juif dans son ensemble, car les versets 2 et 3 ont décrit son état de corruption : ce sont les fidèles en Israël qui, enveloppés dans la catastrophe générale, doivent souffrir en même temps que les impies.
Tu traites donc. C’est une plainte à l’Éternel contre l’Éternel lui-même, ainsi en réalité un hommage rendu à cette justice divine que le prophète, parlant au nom du peuple, ne reconnaît plus complètement dans cette manière d’agir.
Pas de chef. Personne, dans ces classes d’êtres infimes, ne fait rendre compte ; le faible est dévoré sans scrupule et sans jugement.
Il les prend à l’hameçon. Israël est pris et serré dans le filet par le Chaldéen, comme les poissons par le pêcheur. Dieu l’a livré, en lui retirant sa protection, au pouvoir de ses ennemis et a cessé en apparence d’être son roi. Comparez une plainte toute semblable Ésaïe 63.19 : Nous sommes depuis longtemps un peuple que tu ne gouvernes pas. Il y a dans ces versets 14 et 15 une allusion évidente à Genèse 1.16. Dieu avait fait l’homme supérieur à l’animal ; maintenant il le fait rentrer dans l’ordre animal et même aux tout derniers rangs.
Ces images (l’hameçon, le filet ordinaire, puis le grand filet qui doit ramasser jusqu’au fond de l’eau) désignent tous les moyens de ruse et de violence qu’emploie le Chaldéen pour subjuguer les peuples.
Il sacrifie à son filet. C’est à sa propre force qu’il rend hommage, en faisant honneur de ses victoires à ces instruments.
Vider son filet. L’idée est celle-ci : Lui sera-t-il donc toujours permis de vider son flet afin de pouvoir recommencer sans cesse sa pêche cruelle ?