Verset à verset Double colonne
1 Et l’Éternel me dit : Quand Moïse et Samuel se tiendraient devant moi, mon âme ne reviendrait pas vers ce peuple ; chasse-les de devant ma face et qu’ils partent !Moïse et Samuel, les deux grands intercesseurs des temps passés. Comparez Exode 33.1-23 et 1 Samuel 12.23. Ils sont nommés ensemble dans le Psaumes 99.6-8. Comparez Ézéchiel 14.14-20. Dieu a bien vu que les sentiments et les désirs exprimés par le prophète étaient les siens personnellement, mais non ceux du peuple qui reste toujours le même.
De devant ma face : à la fois de la Terre Sainte et de l’alliance divine ; car c’était en Canaan que l’alliance devait se réaliser.
Chasse les. Les paroles du prophète sont des sentences efficaces, Jérémie 1.10
Réponse d’une justice implacable à la question : Où irons-nous ?
La mort désigne ici la peste, comme Jérémie 43.11 ; Jérémie 14.12. Comparez Apocalypse 6.8. Il y aura de l’ordre dans ce désordre, un plan dans ce chaos.
Quatre familles, sous-entendu : de maux ; le premier fléau amassera les cadavres sur lesquels les trois suivants s’acharneront.
Aux outrages ; d’autres traduisent : Je les présenterai comme objet d’effroi aux nations.
Manassé. La mention de ce roi semble indiquer que nous ne sommes pas encore au temps de Jéhojakim, dont la conduite aurait fait oublier celle de son arrière-grand-père. Sans doute, Manassé s’était repenti, mais trop tard pour effacer les conséquences de ses crimes.
Pour s’informer de ton état. On ne se dérangera pas même en faveur de Jérusalem, comme on le fait quand on va s’informer de l’état d’un malade.
Contraste entre le peuple qui étend sa main pour repousser Dieu et Dieu qui étend la sienne pour détruire le peuple.
Aux portes de la terre. S’agit-il des limites du monde habitable, d’où le prophète Ézéchiel annonce que Dieu fera revenir le peuple (Jérémie 7.2 ; Jérémie 37.9), ou bien seulement des frontières de Canaan ? Les deux interprétations ont été données et la première, quoique hardie, peut se défendre. La seconde est cependant plus simple. Le rouleau passera sur eux dans l’aire (la terre de Canaan) ; puis le van (l’exil) les jettera hors de leur pays. Comparez la même image Amos 9.9.
Je les priverai d’enfants… La nation sera privée de ses guerriers, qui sont les époux des veuves et les fils des mères mentionnées verset 8 et 9.
La mère du jeune homme : expression désignant collectivement toute mère dans cette situation.
En plein midi. À l’heure de la plus grande sécurité, les mères des jeunes guerriers tués deviendront les victimes de la soldatesque.
Quel contraste ! La mère de sept fils, le type de la mère heureuse, n’est plus mère !
Son soleil : le soleil de son bonheur se couche en ce même jour avant celui de la nature.
Couverte de honte : privée à la fois de son époux et de ses fils.
Leurs restes ; ailleurs, les restes sont sauvés ; mais ici il s’agit des restes de ces rebelles qui périssent jusqu’au dernier.
Jérémie est comme désespéré de l’insuccès de ses prières. Le découragement auquel se livre le prophète est si profond que cette tristesse finit par devenir coupable et attire sur lui les répréhensions divines. Premier dialogue (versets 10 à 14) ; second dialogue (versets 15 à 21). Puis l’Éternel donne à Jérémie de nouvelles directions (Jérémie 16.1-21). Les menaces sont irrévocables (Jérémie 17.1-4)
Malheur à moi. Cette plainte rappelle celle Job 3.1 ; toutefois le prophète ne va pas encore jusqu’à maudire le jour de sa naissance, comme il le fera plus tard (Jérémie 20.14). Il s’afflige d’être sans cesse et sans trêve en butte à ses ennemis personnels, qu’il rencontrait même, nous l’avons vu, au sein de sa propre famille.
Homme de contestations. Il était l’objet et la victime, mais non l’auteur de ces querelles.
Je n’ai rien prêté… Plusieurs entendent : Je n’ai été ni un créancier exigeant, ni un débiteur déloyal. Mais ces qualificatifs sont inutiles ; il suffit trop souvent d’être simplement créancier ou débiteur, pour avoir dans le monde un adversaire. La loi de Moïse interdisait non seulement de se livrer à l’usure, mais même de prêter à intérêt ; Deutéronome 23.19. Jérémie, n’ayant eu aucune affaire d’argent à traiter avec ses compatriotes, s’étonne de ne pas jouir au moins du bénéfice de l’indifférence générale. Mais il ne faut pas oublier que, si l’argent est une grande cause de divisions entre les hommes, la vérité en est une plus grande encore. Comparez Luc 12.51.
Tous me maudissent. Cela prouvait du moins la puissance de sa parole et sa fidélité à son ministère.
Ces versets ont paru si incohérents, si peu liés à ce qui précède et d’un style si insolite, que plusieurs interprètes modernes ont cru devoir les déclarer inauthentiques, ce parti désespéré ne nous paraît pas nécessaire.
Si je ne : formule sacramentelle chez les Juifs, équivalant à : Si je ne fais pas ce que je dis ici, je ne suis pas Dieu.
Dieu revêtira son serviteur d’une force nouvelle dans ces temps fâcheux et les hommes qu’il redoute maintenant, viendront un jour implorer son secours. Peut-être cela s’est-il accompli lors de la ruine de Jérusalem, pendant laquelle Jérémie fat l’objet de la faveur de Nébucadnetsar.
Ce verset a été expliqué de bien des manières. Les uns entendent : Ton intercession (le fer) brisera-t-elle mon dessein (le fer du nord et l’airain) d’envoyer Juda en captivité ?
D’autres : L’hostilité opiniâtre de Juda (le fer) l’emportera-t-elle sur la fermeté et la persévérance (le fer du nord, l’airain) du prophète de Dieu ?
D’autres : La force du pauvre Juda (le fer) brisera-t-elle l’irrésistible puissance de l’empire chaldéen (le fer du nord, l’airain) ?
Le second sens serait très plausible. Il répondrait bien à la promesse divine faite Jérémie 1.18 et rappelée au verset 20 de notre chapitre et il se rattache très naturellement au sentiment que le prophète vient d’exprimer. Mais la relation de notre verset avec le suivant nous fait préférer le troisième sens. L’expression fer du nord s’explique mieux aussi, si l’on y voit une allusion aux Chaldéens qui venaient du nord.
Fer du nord. Le fer le plus réputé dans l’antiquité était celui que fabriquaient les Chalybes, dans le pays du Pont, au nord de la Palestine.
Dieu, qui vient de parler du peuple au prophète, s’adresse tout à coup à Juda lui-même, pour compléter sa réponse ; car les calamités qu’il annonce seront en même temps le signal de la délivrance de son serviteur.
Tes biens ; littéralement : tes forces : les forces productives du pays.
Sans paiement : ils seront à qui voudra les prendre ; on n’aura que la peine de les emporter.
Mêmes paroles Jérémie 17.3-4.
Tu le sais : littéralement : tu sais. L’objet sous-entendu de ce verbe, ce sont les machinations dont Jérémie s’est plaint au verset 10. Ce sujet est si amer, qu’il n’aime pas à l’énoncer.
Venge-moi, littéralement : venge-toi pour moi ! En me vengeant, tu te venges toi-même.
Ne m’emporte pas : que ta longanimité envers mes adversaires ne dégénère pas en cruauté envers moi, qui suis leur victime. Rappelons-nous que c’est l’homme naturel qui parle dans ce passage et qu’il va être repris de son langage par Dieu même. Que l’homme, dit Gerlach, qui dans la même situation que Jérémie aurait montré la même constance, lui jette le premier la pierre.
Le prophète rappelle le cas qu’il a fait des paroles de Dieu et l’empressement avec lequel il a consenti à les publier, pour réclamer un peu de pitié de sa part. Celui qui a accepté avec amour une si redoutable mission, a-t-il mérité que Dieu le traite avec indifférence ?
Se sont trouvées : au-dedans de moi. Les révélations divines descendaient dans l’âme des prophètes comme des communications étrangères qu’ils trouvaient devant eux, quoique en eux.
Parce que ton nom a été invoqué : lors de son installation dans son ministère de prophète.
Dans le cercle : les divans où l’on se rencontre pour se divertir ; comparez Jérémie 6.11.
Sous ta main, littéralement : de devant ta main ; après que ta main s’était posée sur moi lorsqu’elle avait fait de moi un prophète. Comparez Jérémie 1.9.
Assis solitaire : sous le lourd fardeau de sa tâche et sans pouvoir prendre part à la gaieté de ceux dont la conduite envers Dieu remplissait son cœur d’indignation.
Le prophète va jusqu’à accuser Dieu de ne pas tenir ses promesses, de ne lui avoir donné que les premiers élans d’une force déjà épuisée.
Des eaux qui trompent : ces cours d’eau, si fréquents en Orient, que la chaleur fait tarir et qui deviennent une déception pour la caravane altérée, Que d’hommes de Dieu ont fait la même expérience et proféré de pareilles plaintes ! Comparez par exemle Exode 5.22-23. À l’ardeur des premiers moments succèdent les dégoûts et la lassitude que fait éprouver une lutte sans terme et sans grandeur et où Dieu paraît retirer à lui le secours qu’il a promis. Mais c’est afin d’en faire d’autant mieux mesurer la valeur et la nécessité.
L’Éternel répond cette fois-ci au prophète par des réprimandes : Jérémie accuse Dieu au lieu de s’accuser lui-même. Lui, chargé de convertir les autres, il faut qu’il revienne le premier au Dieu contre lequel il murmure et qu’il est en voie d’abandonner.
Si tu sépares, non pas : dans le peuple (comme plusieurs l’ont pensé), mais : en toi-même. Jérémie a failli un moment, comme Asaph (Psaumes 73.2 ; Psaumes 73.15 ; Psaumes 73.22). L’interdit (les impulsions de la chair et du sang) doit être éloigné avant tout du for intérieur du serviteur de Dieu, pour qu’il puisse redevenir la bouche de Dieu auprès d’Israël.
Ils reviendront à toi. Ces mots ne signifient pas qu’ils se convertiront à Dieu ; mais que, obéi ou non, Jérémie recouvrera son rôle et sa place au sein du peuple ; qu’il parlera de nouveau en prophète et sans baisser le ton.
On ne peut qu’admirer la candeur et la sincérité avec lesquelles le prophète nous dévoile ici les secrets les plus intimes de sa vie morale et la répréhension sévère dont il a été l’objet de la part de Dieu. Il nous met ainsi en part des confidences les plus intimes entre lui et son Dieu et nous pouvons le suivre dans ses découragements comme dans son relèvement.
Répétition des assurances qu’avait reçues Jérémie au jour de sa vocation, Jérémie 1.18, mais qui ne doivent se réaliser complètement qu’à la condition posée tout à l’heure : Si tu reviens à moi.
Je te délivrerai. Cette promesse s’est accomplie par la manière dont Jérémie échappa à la ruine. On sait les propositions honorables qui lui furent faites par Nébucadnetsar et que son dévouement à sa mission l’empêcha seul d’accepter.