Verset à verset Double colonne
1 Malheur aux pasteurs qui perdent et dispersent les brebis de mon pâturage, dit l’Éternel.Malheur aux pasteurs : aux rois de Juda, à qui Dieu avait confié le peuple de l’ancienne alliance pour présider à toute son éducation religieuse et morale et le conduire enfin à son Messie.
Qui perdent : voir Jérémie 22.13-14 ; qui dispersent : en les menant d’infidélité en infidélité sur le chemin de l’exil. Ils les dispersent en obligeant Dieu à les disperser.
Vous les avez chassés : même explication que verset 1. Il faut remarquer la répétition de ce verbe au verset 3 : où je les aurai chassées ; expression qui fait intervenir Dieu plus directement encore.
Veillé sur elles. Ce mot signifie proprement : faire la revue du troupeau pourvoir s’il y manque quelque pièce. Mais il peut se prendre aussi en mauvaise part, dans le sens de visiter pour punir. Ce double sens rendait possible le jeu de mots que nous avons cherché à rendre dans ces deux propositions : Vous n’avez pas veillé sur elles ; je vais veiller sur vous. En d’autres termes : Vous avez oublié les brebis que vous deviez paître ; je n’oublierai pas, moi, ces mauvais pasteurs au jour du jugement.
Le pasteur fidèle connaît un à un les membres de son troupeau.
Le reste : un reste seul sera sauvé ; cette idée est constante chez les prophètes.
Des pasteurs : tous les hommes de Dieu qui, depuis le retour de la captivité, ont concouru à la restauration du peuple de Dieu, par exemple : Zorobabel et Néhémie. Mais le regard du prophète porte plus haut et plus loin ; au milieu de cette pluralité d’individus, son regard cherche le personnage unique qui achèvera ce que tous ses précurseurs et David lui-même, n’avaient fait que commencer.
Un germe juste. Ce terme prophétique apparaît pour la première fois Ésaïe 4.2 ; après Jérémie, Zacharie le reprend à son tour et le développe, Jérémie 3.8 ; Jérémie 6.12. C’est ainsi que la tradition prophétique se continue et s’enrichit d’éléments toujours nouveaux. On peut bien dire du fleuve de la prophétie : crescit eundo, il s’accroît en marchant. Tout le contexte nous prouve qu’il s’agit ici déjà, non pas d’une collectivité, comme plusieurs interprètes le pensent, mais d’un personnage unique qui se dégage dans l’horizon prophétique de ceux qui lui faisaient cortège, les pasteurs du verset précédent.
Il sera sage, autant qu’habile ; le mot hébreu réunit ces deux idées.
L’Éternel notre justice. Ce nom du Messie ne signifie pas que le Messie même sera l’Éternel, bien que l’identité du Messie et de Jéhova soit établie dans plusieurs oracles de l’Ancien Testament. En effet, ce nom est donné Jérémie 33.16 à la Jérusalem nouvelle, la cité du Messie. Nous devons donc entendre ce nom dans ces deux textes comme suit : Aux jours du Messie et dans la nouvelle Jérusalem, Jéhova donnera la justice à son peuple, parce qu’il sera lui-même la justice de son peuple. Dans ces temps d’injustice, c’était de justice que les âmes fidèles sentaient le plus le besoin.
Même prédiction que Jérémie 16.14-15 ; mais là sous forme de menace, ici comme promesse.
Jérémie 23.9-40. Aux prophètes : Ces mots sont le titre de tout ce morceau. Les prophètes de mensonge sont pris à partie après les mauvais rois (chapitre 22).
Les faux prophètes se retrouvent à toutes les époques à côté des vrais (Deutéronome 18.9 ; 1 Rois 22.12 ; Ésaïe 3.2 ; Ésaïe 9.14), mais jamais ils n’avaient été aussi nombreux qu’à la veille de la ruine de Jérusalem, comme le prouvent les fréquentes remontrances que leur adressent Jérémie et Ézéchiel (Ézéchiel 13.2 ; Ézéchiel 14.9). Nous apprenons par ce chapitre même qu’ils aimaient à imiter les vrais prophètes, leur empruntant, pour mieux en imposer aux foules, leurs formules de langage accoutumées. Toute cette végétation parasite, ce mouvement extraordinaire des esprits dans le domaine du prophétisme, témoignent de la vitalité du vrai prophétisme et du rôle extraordinaire qu’il a joué.
Mon cœur est brisé. Par sa sympathie pour son peuple à la fois si coupable et si malheureux, Jérémie devient la première victime des châtiments qu’il annonce.
Comme un homme ivre : le message dont il est chargé lui donne le vertige. Même image, employée dans un sens opposé, Psaumes 78.65.
D’adultères : au propre et au figuré ; comparez Jérémie 5.7-8 ; Jérémie 9.2 et surtout Jérémie 29.21-23, où Jérémie reproche ce même crime à deux faux prophètes.
À cause de la malédiction, dont la sécheresse était l’effet ; comparez chapitre 14.
Sont des profanes. Ce qui ajoute au crime de ces imposteurs, c’est qu’ils sont revêtus d’un caractère sacré qu’ils profanent par leur conduite.
Dans ma maison même. C’est ici le degré extrême de la profanation. Ils souillent de leurs crimes même la maison de Dieu. Comparez Jérémie 7.10-11.
Ils y seront poussés : Ils auront beau vouloir éviter le précipice ; le chemin qu’ils suivent les y conduit fatalement.
Le péché de Samarie, dès longtemps détruite, a déjà été mis en parallèle avec celui de Jérusalem Jérémie 3.6-13. Jérémie établit ici une comparaison entre les anciens prophètes de Baal et les faux prophètes de son temps qui se réclament du nom de Jéhova. Le mot hébreu qui caractérise la conduite des prophètes de Samarie, signifie proprement : chose fade, insipide. Le nom de Baal ne répondant à aucune réalité, la prophétie faite au nom de ce Dieu était sottise, illusion pure, tandis que celle où le nom de Jéhova est mêlé, a un caractère plus odieux et des effets plus funestes. Les actes des premiers faisaient pitié ; ceux des seconds font horreur.
Ils fortifient… En employant les formes de la vérité, ils ne rassuraient que mieux les coupables.
Eaux empoisonnées. Il s’agit ici, comme Jérémie 8.14, d’un narcotique. C’est l’image d’un jugement qui éteint le dernier reste de lumière morale.
Car qui a assisté… ? Le mot car rattache ce verset au commencement du verset 16 : N’écoutez pas… La réponse à cette question est : les vrais prophètes seuls ; et ceux-ci se reconnaissent à ce qu’ils prêchent la conversion (verset 22). Comparez Amos 3.7
Voir et ouïr : Dieu se révélait aux prophètes tantôt par des visions, tantôt par des paroles.
La tempête : réponse aux propos des faux prophètes qui criaient : paix, paix !
Les desseins de son cœur. Les desseins de Dieu varient avec la conduite bonne ou mauvaise de l’homme ; maintenant il ne s’agissait plus de sauver, mais de punir.
La fin des temps ne signifie pas ici, comment souvent ailleurs, le temps le plus éloigné auquel atteigne le regard du prophète, mais le terme de la période historique dans laquelle il vit, c’est-à-dire la captivité.
Ne suis-je un Dieu que de près ? Le Dieu vivant est à la fois infiniment près de nous, car il compte les cheveux de notre tête et infiniment au-dessus de nous, car les cieux et même les cieux des cieux ne le peuvent contenir. La Bible est aussi éloignée du paganisme ancien qui enferme Dieu dans la nature, que du déisme moderne qui le sépare de l’univers.
Est-ce que je ne remplis pas… ? Comparez 1 Rois 8.27. La triple répétition de la formule solennelle : dit l’Éternel, verset 23 et 24, est une protestation contre l’abus qu’en font les faux prophètes et que Jérémie va condamner.
Jusques à quand ? La construction de cette phrase, coupée par l’émotion et l’indignation, a été diversement comprise. Après Jusqu’à quand, nous sous-entendons agiront-ils ainsi ?
Les mots : faire oublier, dépendent à la fois des deux verbes : veulent-il ? et pensent-ils ?
Les uns aux autres. Ils racontent en public leurs rêves auxquels ils ne croient pas eux-mêmes et en encouragent d’autres à rassurer le peuple par des illusions pareilles.
Que le prophète qui a eu un songe…. Que, le prophète qui a eu réellement une révélation, la rapporte sans y mêler rien de son invention.
La paille : les imaginations et les pensées humaines ; le froment : la parole divine.
Ma parole est un feu…, un marteau : selon plusieurs : pour éprouver cette œuvre de mensonge et pour la réduire à néant. Ou bien ces mots expriment simplement la toute-puissance de la parole de Dieu pour accomplir son œuvre, en opposition à l’impuissance de la parole des faux prophètes (verset 16).
Qui dérobent mes paroles les uns aux autres. En se payant les uns les autres d’assurances imaginaires, ils se frustrent mutuellement des avertissements que Dieu leur donnait à tous pour leur salut par la bouche des vrais prophètes.
Dit l’Éternel. C’est la septième fois depuis le verset 23 que le prophète répète cette formule solennelle dans l’intention indiquée verset 24, note.
Qui remuent leur langue… Ils ont beau employer la formule la plus solennelle pour se donner de l’autorité ; leurs paroles ne sont que de vains sons.
Après avoir écarté la vraie parole de Dieu (verset 30) et annoncé qu’ils vont parler eux-mêmes de sa part (verset 31) ils débitent leurs propres imaginations (verset 32).
Leur légèreté. Ce est pas eux qui auraient dit : Mon cœur est brisé au-dedans de moi.
Charge ; en hébreu massa. Comme ce mot, qui signifie aussi sentence, était très souvent dans la bouche des prophètes (voir Ésaïe 13.1 ; Ésaïe 15.1 ; Ésaïe 17.1), les railleurs, jouant sur le double sens du mot, demandaient à Jérémie : Quelle est aujourd’hui la charge de l’Éternel ? Jérémie accepte ce jeu de mots et oppose à cette raillerie frivole une raillerie terrible : Oui, c’est bien d’une charge qu’il s’agit dans la sentence de l’Éternel. Car vous êtes vous-mêmes le fardeau dont il va se décharger (verset 33, fin).
On ne se joue pas de Dieu. Chaque plaisanterie que l’homme fait sur ses jugements, est une sentence qu’il prononce sur sa propre personne.
Je vous oublierai. Il y a ici en hébreu un nouveau jeu de mots du prophète, le mot qui signifie oublier ressemblant de très près au mot massa, charge et au verbe d’où il dérive.
Qui ne s’oublieront jamais : Vous serez oubliés de moi ; mais il restera de vous quelque chose qui ne s’oubliera jamais : c’est votre honte.