Verset à verset Double colonne
Ces deux premiers chapitres constituent l’introduction historique du livre, dont ils renferment la clef. C’est ce qu’on appelle, dans un drame, l’exposition, qui généralement forme la première scène. Job, homme à la fois très riche et très pieux, est accusé par Satan de n’être pieux que parce que Dieu l’a rendu riche. L’Éternel, qui connaît son serviteur et qui a confiance en lui, permet à Satan de lui enlever tous ses biens et tous ses enfants, mais sans toucher à sa personne ; puis, cette première épreuve victorieusement subie sans que pourtant l’accusateur se déclare convaincu, celui-ci est autorisé à frapper Job dans son corps, mais sans attenter à sa vie. Job supporte avec foi cette seconde épreuve.
Uts. Job étant rangé parmi les Orientaux (verset 3), nous devons placer le pays où il habitait à l’est de la Palestine et probablement, d’après Genèse 10.23, où est mentionné un Uts, fils aîné d’Aram, dans le désert de Syrie. Ainsi s’explique qu’il soit exposé aux incursions des Sabéens et des Chaldéens (versets 15 et 17). Jérémie 25.20 distingue clairement le pays de Uts du pays d’Édom : la coupe de la colère divine passe aux rois du pays de Uts, puis aux Philistins et seulement ensuite à Édom. Une tradition chrétienne qui remonte jusqu’au deuxième siècle place le pays de Uts sur le plateau du Hauran, dans la Trachonite, où l’agriculture existe conjointement avec l’élève du bétail, ce qui est aussi le cas dans le livre de Job (Job 1.3 ; Job 1.14). C’était déjà l’opinion de Josèphe (Antiquités Judaïques, I, 6).
Job. On a parfois signalé le rapport de ce nom avec la racine verbale ajab, haïr et on lui a donné le sens de haï : celui qui est traité en ennemi. Mais il ne convient pas d’insister sur l’étymologie d’un nom au sens symbolique duquel il n’est nulle part fait allusion et qui est cité comme celui d’un personnage historique (Ézéchiel 14.14).
Intègre. Les versets 4 et 5, ainsi que les chapitres 29 et 31, fourniront la preuve de sa piété.
Avoir beaucoup d’enfants et surtout des fils était considéré comme une bénédiction et une récompense (Psaumes 127.3).
Pour n’être pas nomade (Job 29.7), Job n’en avait pas moins de grands troupeaux et ce sont ses bestiaux qui servent à donner une idée de sa richesse, suivant l’usage constant de l’Orient : en hébreu un seul et même mot (mikné) signifie à la fois propriété et bétail. Voyez en latin pecus (bétail) et pecunia (argent).
Sept… trois. Ces nombres qui ont déjà figuré au verset 2, trahissent la nature fictive de ces détails.
Cinq cents paires de bœufs et non pas mille bœufs, parce qu’ils servent deux à deux au labour, verset 14.
Anesses. Elles ont plus de valeur que les mâles et par cette raison sont seules mentionnées ; aujourd’hui en Syrie le prix d’une ânesse est le triple de celui d’un âne.
Et des serviteurs. Comme souvent (Genèse 20.14), les serviteurs sont indiqués après les bestiaux : le nombre des bergers dépend de la plus ou moins grande prospérité des troupeaux.
Le plus grand. Voir Job 29.7-10 ; Job 29.21-25. On a conclu de cette expression, ainsi que de Job 3.14 et Job 19.9, que Job était un roi. Mais c’est à tort, car nulle part ce titre ne lui est donné.
Job veillait à ce que cette grande prospérité ne nuisît pas à la piété de sa famille. Ce trait prépare en même temps l’intelligence de ce qui sera dit de ses malheurs aux versets 13 et 18.
Allaient… Ils demeuraient chacun dans des maisons différentes.
Un festin. On ne peut pas se représenter, dans la famille de cet homme de Dieu, une série ininterrompue et régulière d’invitations s’étendant sur tous les jours de l’année. Il faut penser plutôt à un tour de festins revenant une fois par an pour chacun des frères, peut-être à leurs jours de naissance. Les mots rendus par à tour de rôle pourraient aussi signifier à son anniversaire. Chacune de ces fêtes de famille durait sans doute plusieurs jours.
Job les faisait venir. Ils devaient assister aux sacrifices et s’y préparer la veille par des purifications.
Holocauste. L’holocauste était le sacrifice expiatoire du temps des patriarches ; le sacrifice spécial pour le péché n’apparaît qu’avec Moïse. Job sacrifie lui-même ; pas encore de sacrificateurs à côté du père de famille.
Peut-être. Dans sa grande piété il tient compte de la simple possibilité d’un péché commis par ses fils.
Renié Dieu, littéralement : Béni, dans le sens défavorable de : rompre avec quelqu’un. On donne sa bénédiction aux personnes dont on se sépare. Voir 1 Rois 21.10, note. Un homme aussi fidèle à Dieu aurait dû, à vues humaines, être fidèlement béni. Mais l’intégrité ne préserve pas de l’épreuve et peut même l’attirer.
Comment l’auteur est-il au courant de choses qui se sont passées dans les lieux célestes ? Comment lui seul sait-il ce qu’ignorent tous les acteurs qui vont entrer en scène ? La réponse se trouve peut-être dans l’exemple analogue de Michée, fils de Jimla, quand il disait : J’ai vu (en esprit) l’Éternel assis sur son trône et toute l’armée des cieux se tenant auprès de lui à sa droite et à sa gauche. Et l’Éternel dit : Qui abusera Achab ? Et l’esprit s’avança et dit : Moi, je l’abuserai. (1 Rois 22.19 et suivants ; voir aussi 1 Chroniques 21.1).
Les fils de Dieu : les anges. Comparez Genèse 6.2 ; Job 28.7. Le poète représente l’Éternel comme un souverain recevant les rapports de ses employés et de ses ministres. Il est assis et ses messagers se tiennent debout devant lui. Il est assez souvent dans l’Ancien Testament parlé d’un pareil conseil, réuni autour de Dieu, voir Job 15.8 ; Jérémie 23.18 ; Psaumes 89.8. On verra deux fois encore dans des livres postérieurs Satan figurer ainsi devant Dieu (Zacharie 3.1-2 ; 1 Chroniques 21.1).
Satan. Ce mot, qui signifie l’adversaire, a dans le texte original l’article défini, mais n’en est pas moins ici un nom propre. Il se trouve au milieu des anges sans que ce fait excite l’étonnement des assistants ; il paraît avoir encore accès auprès de Dieu. Par ce trait le poète a voulu montrer que la puissance du mal est subordonnée à la volonté de Dieu et limitée par elle. C’est Dieu, en réalité, qui permet l’épreuve et qui la veut par conséquent. Au reste, la notion d’un chef des anges déchus ne s’est développée que dans la nouvelle alliance ; alors les fidèles trouvent dans l’apparition du Fils unique de Dieu, sauveur des hommes, une garantie contre les machinations du prince du mal.
Et l’Éternel dit… Il avait déjà son plan à l’égard de Job.
De parcourir la terre et de m’y promener. Le premier de ces verbes indique une course rapide ; le second, un examen plus approfondi des choses.
L’Éternel ne craint pas de diriger l’entretien sur Job ; Job 5.8 corrobore le jugement porté sur lui au verset 1.
Il est dans le rôle de Satan de chercher le mal partout. Ici, il ne peut nier les faits. Mais il remonte aux mobiles secrets : il accuse Job d’être pieux par égoïsme ; selon lui il y a un marché entre Dieu et Job : Adore-moi, sois-moi fidèle et je t’enrichirai.
N’est-ce pas toi… ? Job sait bien ce qu’il a fait en cultivant ton amitié. Voilà les inconvénients de la toute-puissance : tu n’as en lui qu’un adorateur intéressé.
Entouré d’une haie, pour le préserver.
Couvrent le pays, littéralement : ont envahi le pays, ont fait irruption partout.
Notre verset montre que c’est à tort qu’on a souvent reproché à l’Ancien Testament de se contenter d’une piété extérieure.
Par les mots : on verra, qui ne se trouvent pas dans le texte, nous avons cherché à rendre le sens de l’original : S’il ne te renie pas en face… ! Sous-entendez : Je veux être puni, ou bien : Je serai bien surpris.
En face : ouvertement et non pas seulement dans son cœur. Alors on saura à quoi s’en tenir.
Satan sortit, content et sans tarder.
L’Éternel a autorisé Satan à enlever à Job tout ce qu’il avait, d’après les versets 2 à 4 ; il ne lui restera que les choses précieuses (Job 22.23-25) et les gens (Job 29.15-17) qu’il avait dans sa propre demeure. Cette ruine s’accomplira en un seul jour ; mais les divers bestiaux de Job étant à trois endroits différents et ses enfants en un quatrième endroit, il devra se produire quatre calamités qui seront annoncées à Job séparément, ce qui en augmente l’effet. La répétition des mêmes termes et le fait qu’à chaque fois tout est exterminé, excepté la personne du messager, font voir qu’il s’agit d’une description poétique.
Chez leur frère aîné. C’était donc au commencement d’un nouveau tour, en sorte que ces jeunes gens n’avaient guère eu le temps de pécher (verset 4), en dépit de la malveillante supposition de Bildad (Job 8.4).
Les Sabéens : peuplade de l’Arabie Heureuse. Voir la note de Genèse 10.7 sur Schéba.
Le feu de Dieu : la foudre. Comparez 1 Rois 18.38 et 2 Rois 1.12. Sur les dégâts que cause le feu du ciel quand il tombe comme ici sur des troupeaux de menu bétail, voir Psaumes 78.48.
Les Chaldéens. Cette mention des Chaldéens ne prouve point que notre livre soit du temps où cette race a commencé à faire parler d’elle dans l’histoire générale (septième siècle), car nous n’avons pas à faire avec les troupes régulières de l’empire chaldéen, mais avec des hordes pillardes venant du désert de Babylonie.
Formés en trois bandes : pour fermer toute retraite même aux chameaux, si rapides à la course. Voir Juges 7.16 ; 1 Samuel 11.11 ; 1 Samuel 13.17.
Du désert : d’Arabie, si nous plaçons le pays de Uts sur le plateau du Hauran.
Un vent violent : un cyclone, d’après la manière dont il assaille la maison et à en juger par les effets qu’il produit.
Job manifeste sa douleur par le deuil le plus profond ; tombant à terre, il adore.
Nu j’y retournerai : la terre est envisagée comme le sein maternel d’où il est sorti nu et où il rentrera nu. On se rappelle ces peuplades qui donnaient à leurs morts en les enterrant la position des enfants dans le sein de leurs mères. Voir aussi Ecclésiastique 40.1.
Job s’attend à succomber sous tant de coups.
N’attribua rien de malséant à Dieu. Job ne comprenait pas, mais il ne donna de ses maux aucune explication ternissant la gloire de Dieu.