Verset à verset Double colonne
1 Et la parole de l’Éternel fut adressée à Jonas, fils d’Amitthaï, en ces termes :Il peut sembler étrange qu’un écrit commence par le mot et ; on retrouve néanmoins la même particularité dans plusieurs autres livres bibliques (comparez Josué 1.1 ; Ruth 1.1 ; 1 Samuel 1.1 ; Ézéchiel 1.1). Il n’est donc pas nécessaire de supposer que ce récit soit un fragment tiré d’un ouvrage historique plus considérable. N’eût-il pas été bien aisé dans ce cas de retrancher la copule et, qui le liait à ce qui précède ? Cette particule s’explique peut-être par le fait que l’auteur sent qu’il ne raconte pas ici un trait complètement isolé, mais que cet événement fait partie de tout un ensemble, de la grande histoire du règne de Dieu.
Sur Jonas, fils d’Amitthaï, voir l’introduction.
Ninive, la grande ville. C’est la capitale de l’Assyrie, déjà mentionnée Genèse 10.11-12. Elle était située sur la rive gauche du Tigre, vis-à-vis de la ville actuelle de Mossoul. L’étendue de ses ruines récemment découvertes, ainsi que les récits des anciens, confirment l’expression de grande ville qui lui est ici appliquée. D’après Ctésias, Diodore et Strabon, elle doit avoir été plus grande que Babylone elle-même ; elle avait 480 stades, soit environ 92 kilomètres de pourtour. Voir à Jonas 3.3, note et en général, sur les ruines de Ninive, Oppert, Expédition scientifique en Mésopotamie, tome III, pages 67 à 72.
Prêche contre elle. Nous avons beaucoup d’exemples dans les prophéties de menaces adressées à des peuples païens ; mais elles n’étaient prononcées que devant les Israélites, pour les avertir ou les encourager. C’est ici le seul cas où un prophète soit envoyé prêcher en personne à des païens.
Leur méchanceté est montée : voir les expressions analogues Genèse 18.20-21, où il est parlé de Sodome et de Gomorrhe. Dieu n’énumère pas les traits de cette perversité ; mais nous les connaissons par Nahum : c’étaient surtout la cruauté, la rapine, l’orgueil et la volupté.
Se leva pour s’enfuir. Le motif de cette désobéissance n’était pas, comme on pourrait le croire, la crainte des dangers qui accompagneraient cette mission ; c’était plutôt, comme le déclare Jonas lui-même (Jonas 4.2), la prévision de la non-réalisation de la menace divine. Comme il connaissait Dieu, Jonas savait que pour peu que la menace de l’Éternel produisit son effet sur les Ninivites, elle serait suivie de pardon et resterait sans effet, à la honte du prophète qui l’aurait prononcée. Ainsi l’opposition entre le sentiment du prophète et celui de Dieu, qui forme le point de départ du récit, se trouve aussi être le dernier mot du livre.
À Tharsis. La contrée ainsi désignée était l’extrémité la plus reculée du monde connu des anciens. C’était une colonie de Tyriens, fondée au sud-ouest de l’Espagne, probablement la Cadix actuelle. Dieu lui a dit d’aller à l’orient ; il prend la résolution réfléchie d’aller aussi loin que possible à l’occident.
Loin de la face de l’Éternel. Peut-être le sens est-il : dans une contrée où l’Éternel n’est pas invoqué et, par conséquent, n’habite pas. Lui, prophète, il semble oublier Psaumes 139.9-10 : Si j’allais demeurer à l’extrémité de la mer, là même ta main me conduirait. Dieu se chargera de lui rappeler cette vérité.
À Japho : dans le Nouveau Testament, Joppe (Actes 9.36), aujourd’hui Jaffa, l’un des rares ports de mer que présente la côte de la Terre Sainte à 50 kilomètres de Jérusalem, vers le nord-ouest.
Fit lever un grand vent. L’Éternel fait des vents ses messagers. Psaumes 104.4.
Chacun à son dieu. C’étaient des matelots appartenant à divers pays et adorant des dieux différents. On voit par le verset 7 qu’en s’adressant à leur dieu ils étaient mus non pas seulement par le désir de la délivrance, mais aussi par la crainte de l’avoir offensé et d’avoir ainsi attiré sa colère.
Au fond du bâtiment. Il avait fui la lumière et cherché dans le sommeil l’oubli de sa faute et le repos de sa conscience troublée.
Que fais-tu de dormir ? Le serviteur de l’Éternel est rappelé à son devoir par un païen. Ces détails sont destinés à montrer comment un prophète infidèle tombe en un instant dans un état spirituel inférieur à celui d’ignorants païens.
Jetons le sort. Coutume usitée dans ce temps-là pour découvrir un criminel qui avait échappé à toutes les recherches et qui attirait sur la société dont il faisait partie la malédiction divine. Comparez Josué 7.14 ; Proverbes 16.33.
Ces gens ne procèdent pas brusquement, lors même que le danger est pressant ; ils font une enquête complète avant de juger.
Comme il arrive souvent, ce verset ne contient qu’une partie de la réponse de Jonas. La suite (comparez verset 10) prouve qu’il leur avait confessé toute sa faute. Quelques-uns ont pensé cependant que les mots : ils savaient (verset 10), se rapportaient à un récit que Jonas leur avait fait avant de s’embarquer. Dans ce cas, ils l’auraient pris avec eux, espérant que son Dieu, qui régnait sur terre, ne pourrait l’atteindre sur mer et maintenant ils sont épouvantés en constatant que ce Dieu règne aussi bien sur un élément que sur l’autre. La première explication nous paraît plus naturelle.
Ils abandonnent au prophète lui-même le soin de prononcer sur l’expiation à accomplir.
Tout désobéissant que soit Jonas, il n’est point endurci ; il donne cours à la voix de sa conscience.
Encore ici, ces païens sont représentés comme pleins d’humanité et de respect pour la vie de leur prochain.
Enfin, au moment où le danger toujours plus pressant exige impérieusement l’exécution de la sentence prononcée par Jonas lui-même, ils s’excusent encore auprès du Dieu de Jonas de ce qu’il pourrait y avoir, à leur insu, de criminel dans cet acte eu quelque sorte désespéré. Remarquons que, dans l’invocation qu’ils lui adressent, ils ont soin d’adopter le nom sacré par lequel le prophète l’a désigné (Jéhova).
Le calme rétabli, ils font un pas de plus : ils se déclarent serviteurs de l’Éternel ; ils lui offrent immédiatement un sacrifice avec ce qu’ils ont sous la main et lui promettent pour l’avenir une offrande plus digne de lui.