Verset à verset Double colonne
Cette introduction comprend trois morceaux :
La critique moderne a vu dans ce chapitre un second récit de la conquête elle-même ; ce récit serait parallèle à celui du livre de Josué, mais fort abrégé. Elle appuie cette explication sur la répétition de certains faits déjà mentionnés dans le livre de Josué. Mais ce sont ou des traits anecdotiques qui ont été racontés occasionnellement (Caleb) ou des faits réellement nouveaux, quoique analogues à ceux qui avaient déjà eu lieu comme la prise des villes de la Philistie. Cette explication de plusieurs modernes est contraire avant tout aux premiers mots du chapitre : Après la mort de Josué… ; puis à l’union étroite de Juda et de Siméon, union qui ne peut dater de l’ordre du campement (Nombres, chapitre 2, note) où ces deux tribus n’étaient point voisines et qui provient de ce qu’elles ont déjà reçu une demeure commune dans leur nouvelle patrie ; en troisième lieu à l’expression du verset 3 : le pays qui m’est échu ; et enfin à la manière dont, dans tout ce chapitre, les tribus sont présentées comme déjà établies chacune chez elle et acceptant de faire vie commune avec les restes des anciens habitants cananéens. À la guerre de conquête a succédé un temps d’armistice entre les vainqueurs qui ne demandent qu’à jouir de leurs nouvelles propriétés et les vaincus, qui ne réclament que la tolérance et le droit de vivre. Mais cet état ne peut être que provisoire, car Dieu, dans sa sagesse, a ordonné l’extermination totale des vaincus. La guerre doit donc tôt ou tard recommencer, non pour le peuple dans son ensemble, mais pour chaque tribu dans son propre domaine. C’est à ce moment que nous place le commencement du chapitre 1.
Et, après la mort de Josué. Voir sur la conjonction et, comme premier mot d’un livre, Exode 1.1, note.
Consultèrent l’Éternel : par l’Urim et le Thummin (Exode 28.30, note). C’était probablement à Silo, dans un jour de fête solennelle qui avait réuni le peuple autour du sanctuaire.
Lequel de nous montera le premier, c’est-à-dire ouvrira cette nouvelle ère des hostilités ?
Juda montera. C’était la tribu la plus forte et qui tenait toujours le premier rang (Nombres 2.3).
Le pays : celui qui lui est échu.
Juda dit à Siméon, son frère. Tous deux étaient fils de Léa. Juda invite Siméon, qui vit dans les mêmes parages, à prendre part avec lui à cette expédition contre les parties de son domaine qui ne sont pas encore soumises à charge de réciprocité.
Cananéens, habitants du bas-pays ; Phéréziens, habitants des montagnes ; voir Genèse 13.7, note et Genèse 34.30. L’expédition rapide faite dans le Midi par Josué, à la suite de la grande victoire de Gabaon, n’avait pas mis d’une manière durable ces contrées en la possession d’Israël ; une fois l’armée éloignée, les populations cananéennes avaient promptement recouvré une partie de leur ancien territoire.
Bézek. Il est parlé dans 1 Samuel 9.8 d’une ville de ce nom, située dans la montagne d’Éphraïm entre Guibéa de Saül et Jabès ; mais cette ville était bien au nord du territoire de Juda et l’on ne comprendrait pas comment dans cette contrée si centrale aurait pu se trouver la place de soixante-dix rois, tandis que Josué dans la conquête de Canaan n’en a battu que trente et un. Il est donc probable qu’il faut admettre l’existence d’une autre Bézek, inconnue encore, située dans les immenses territoires du pays du Midi qui s’étendaient d’Hébron à Kadès-Barnéa. Les rois désignés sont des chefs de petites villes avec leurs territoires.
Ils lui coupèrent les pouces : traitement fréquemment infligé dans l’antiquité aux vaincus pour les mettre hors d’état de combattre.
Sous ma table : les restes de mes repas ; comparez Luc 16.21 et Matthieu 15.27.
Jérusalem. Il est dit Josué 10.23-26 que Josué avait tué le roi de Jérusalem, mais non qu’il avait pris la ville ; comparez Josué 15.63. À ce moment-ci les fils de Juda, prenant en mains la cause des Benjamites, s’emparèrent d’une partie de la ville qu’ils détruisirent ; mais la forteresse resta au pouvoir des Jébusiens (verset 21) jusqu’au temps de David et la partie de la ville incendiée fut bientôt rebâtie et occupée par une population mélangée de Benjamites (verset 21) et d’étrangers. Voir à Juges 19.11-12. On comprend que les Israélites ne pouvaient habiter en sécurité une ville constamment dominée par l’ennemi qui occupait la forteresse.
Après la prise d’une partie de Jérusalem, les deux tribus alliées continuèrent à travailler à la conquête de leur territoire en chassant les Cananéens des trois régions qu’ils occupaient, la montagne (Josué 15.48), le Midi (Josué 15.21) et le bas-pays (Josué 15.33). Cette dernière contrée formait la limite occidentale de Juda et de Siméon.
Hébron. Cette prise de possession d’Hébron par Caleb avait été indiquée par anticipation, Josué 15.13, à l’occasion du cadastre de la tribu de Juda ; mais évidemment c’était là une anecdote insérée occasionnellement. Nous trouvons ici le fait raconté à sa place historique. Il est fort probable que Caleb fut, du moins pour la prise, de la ville qui lui était promise, le commandant des Israélites. La prise d’Hébron qui est racontée Josué 10.36 n’avait rien eu de définitif, non plus que celle de Débir, verset 11.
Au reste, il semble dans quelques passages que l’auteur de notre livre ait eu sous les yeux le même document dont s’est servi l’auteur du livre de Josué.
Kirjath-Sépher : voir Josué 15.15. Ce nom prouve l’emploi de l’écriture chez les Cananéens à une époque reculée.
Anecdote déjà racontée dans Josué 15.16 et suivants et répétée ici à sa place chronologique.
Notice sur les Kéniens, se rattachant à l’expédition de Juda et de Siméon dans le sud. Après avoir accompagné les Israélites à la demande de Moïse, les Kéniens avaient passé le Jourdain avec le peuple et s’étaient établis dans les environs de Jéricho, probablement sans prendre part à la guerre. Et comme c’était une peuplade vivant sous la tente, ils se joignent maintenant à Juda pour aller chercher dans les vastes steppes du midi un territoire mieux approprié que la vallée du Jourdain à leur genre de vie. Nous verrons plus tard qu’une autre branche alla s’établir au nord (Juges 4.11).
Arad : une des villes les plus méridionales du Négueb.
Et Juda alla avec Siméon. Jusqu’ici c’était plutôt Siméon qui était allé avec Juda. Maintenant le moment est venu pour Juda de remplir son engagement (verset 3).
Tséphath ou Horma :ville siméonite dont le roi avait été pris précédemment par Josué (Josué 12.14). Mais les Cananéens en avaient repris possession. Le nom de Horma, qui signifie malédiction, lui fut donné en souvenir de la défaite que subirent là les Israélites lorsqu’ils s’étaient avancés de Kadès-Barnéa vers le nord contre l’ordre de l’Éternel (voir Nombres 14.45, note). Horma figurant dans la liste des villes dont les rois furent pris par Josué, il faut la ranger au nombre de celles qui furent reprises par les Cananéens durant, les dernières années de Josué.
Trois villes appartenant au pays des Philistins et qui sont indiquées dans l’ordre où les trouva la troupe expéditionnaire venant du sud et marchant vers le nord.
Sur Gaza, voir Josué 11.22 ; Josué 15.47.
Sur Ékron, Josué 15.45 ; Josué 13.3 ; Josué 19.43.
Askalon, aussi nommée dans Josué 13.3, est au bord de la mer, à 20 km au nord de Gaza : aujourd’hui Askulân. Ces villes furent prises par les deux tribus alliées, mais ne demeurèrent point en leur pouvoir, pour la raison qu’indique le verset suivant.
Ce verset indique le résultat sommaire de la guerre.
Prit possession de la montagne : d’une manière durable, de telle sorte que ce district resta sans contestation ni changement propriété israélite.
Il ne put déposséder les habitants de la plaine. La prise des principales villes de la Philistie ne fut qu’un fait passager ; immédiatement après, les Philistins recouvrèrent leur indépendance et la maintinrent au moyen de chars, qui, dans ce pays de plaine, leur donnaient sur les Israélites une incontestable supériorité. Néanmoins certains passages prouvent qu’avec plus de foi Juda aurait surmonté cette difficulté (Josué 11.6 ; Josué 17.18).
Sur ces chars, voir Exode 14.7 ; ils étaient montés par trois personnes : une pour tenir les rênes, une pour combattre, une pour tendre les armes et tenir le bouclier.
Bien que l’Éternel eût, été avec Juda, celui-ci ne put maintenir sa domination sur la plaine (comparez Juges 14.19 ; Juges 16.1 ; 1 Samuel 5.10).
Conclusion du récit versets 12 à 15, en relation avec ce qui est dit ici de la prise de possession de tout le district montagneux.
Juda, en prenant la ville de Jérusalem (verset 8), n’avait point chassé les Jébusiens de la forteresse, qui paraissait imprenable. Les Benjamites, à qui il incombait proprement de s’en emparer, puisqu’elle était, dans leur territoire, la laissèrent également entre leurs mains.
La maison de Joseph : Éphraïm et Manassé occidental réunis.
Elle aussi, comme Juda et Siméon au midi.
Ou bien les Cananéens étaient restés possesseurs de la portion fortifiée de cette ville lorsque le roi avait péri dans la poursuite des Israélites avec celui de Aï (Josué 8.12-13), ou bien ils s’en étaient de nouveau rendus maîtres. Et comme elle formait l’extrémité nord du territoire de Benjamin sur les confins d’Éphraïm, il était arrivé, comme pour la forteresse de Jérusalem, frontière sud des Benjamites, qu’elle était restée jusqu’alors au pouvoir de l’ennemi. Ce sont maintenant les Éphraïmites qui se chargent d’en faire la conquête.
Luz : voir Josué 16.2.
Le pays des Héthiens ne peut désigner ici un district palestinien, comme Hébron (Genèse 23.2-3 ; Nombres 13.30), où il est parlé, d’une population héthienne. Ce terme désigne une contrée étrangère, patrie de ce peuple des Chatti ou Chétas si souvent nommé dans les récits égyptiens et assyriens, qui a occupé autrefois, les contrées orientales de l’Asie-Mineure jusqu’à l’Euphrate. Le nom de Kittim donné aux îles de Chypre et de Rhodes est sans doute le même que celui de Héthiens. Et il se pourrait que ce fût dans l’une de ces îles qu’eût été s’établir l’habitant de Béthel qui avait livré la ville. Le Talmud prétend que, dans cette ville de Luz fondée par lui (ce réchappé), se trouvaient des fabriques de pourpre ; or on sait que cette industrie florissait sur les côtes de la Méditerranée.
Après avoir décrit l’action commune des deux tribus formant la maison de Joseph, l’auteur les sépare pour indiquer les lacunes que chacune laissa subsister dans son propre territoire. Ainsi Éphraïm et Manassé ne prirent pas à cœur l’exhortation que leur avait adressée Josué (Josué 17.17-18). Pour les villes du verset 27, voir Josué 17.7-11.
Et lorsque Israël se fut fortifié. Cette expression indique que ce résultat ne se produisit pas immédiatement, mais seulement à la longue et c’est là peut-être ce qui explique ici ce terme d’Israël dans lequel s’exprime le sentiment plus développé de l’unité du peuple.
Guézer : Josué 10.33 ; Josué 16.10.
Kitron, inconnue. Plusieurs l’identifient avec Kattath (Josué 19.15) parce que là comme ici il est parlé immédiatement après de Nahalal (ou Nahalol).
Acco : voir Michée 1.10, note.
Achlab : inconnue, ainsi que Helba. Les autres villes ici indiquées ont déjà paru Josué 19.24-31.
Demeurèrent au milieu des Cananéens. Dans cette tribu ce n’étaient déjà plus les Cananéens qui demeuraient parmi les Israélites, mais l’inverse. Asser fut une tribu des moins fidèles. Voyez bientôt, Juges 5.17, les reproches qu’elle s’attirera.
Nephthali eut au moins sur Asser cet avantage, qu’il rendit tributaires les habitants de Beth-Sémès et de Beth-Anath (Josué 19.38), deux villes qui tirent leur nom de l’idolâtrie indigène. Beth-Sémès signifie maison du soleil (Baal) et Beth-Anath maison d’Anath (déesse cananéenne). Cette dernière localité est peut-être la moderne Aïnata, à l’ouest de Kédès et du lac Mérom.
Dan fut si resserré par les Amorrhéens qui occupaient une partie de la montagne et même la plaine, qu’il fut forcé d’émigrer en partie (Josué 19.47 ; Juges 18.1).
Dans le livre de Josué, lors du partage du pays, cette tribu est, comme ici, indiquée la dernière après les tribus les plus septentrionales.
Ces trois villes faisaient partie du territoire de Dan. Seulement dans Josué 19.41, au lieu de Har-Hérès, la montagne du soleil, nous lisons Ir-Sémès, la ville du soleil et au lieu de Saalbim Saalabbim. Quant à Ajalon, voir Josué 10.12.
La main de la maison de Joseph. Ce ne furent pas les Danites qui rendirent les Cananéens corvéables, mais les tribus voisines plus puissantes d’Éphraïm et de Manassé. Ce sont là des détails trop particuliers pour ne pas procéder d’une source très rapprochée des faits.
L’auteur fait remarquer l’énorme extension de ce peuple, dont la limite méridionale était, au midi de la mer Morte, la montée d’Akrabbim (Nombres 34.4, note) et, dans le désert de Tsin, le Rocher, probablement celui qu’avait frappé Moïse (Nombres 20.10). Le mot hébreu signifiant rocher est séla que plusieurs ont appliqué à la ville de Séla ou Pétra, capitale des Édomites (Abdias 1.3) ; mais il est impossible de supposer que le domaine des Amorrhéens s’étendit jusque-là.