Verset à verset Double colonne
Dans cette élégie, l’auteur exhale sa douleur sur l’état d’abaissement et d’abandon auquel Jérusalem est réduite. Mais il ne parle pas encore, comme dans les suivantes, de ses maux les plus extrêmes et de sa ruine totale. Après avoir épanché sa plainte, le prophète fait intervenir Sion et la laisse décrire elle-même sa détresse. Ce changement de personne permet de diviser l’élégie en deux parties, de 11 versets chacune, sans pourtant, comme on le verra, que cette division soit d’une exactitude rigoureuse.
Jérusalem est représentée comme une princesse devenue pauvre et veuve.
Assise : c’est l’attitude de la faiblesse, du découragement et, chez les Hébreux, du deuil (Ésaïe 3.26). La médaille frappée par Titus après la prise de Jérusalem par les Romains, représente dans cette attitude la Judée vaincue.
Capitale parmi les nations : une des villes considérables du monde.
Princesse sur les provinces : dominant non seulement sur Israël, mais sur les divers pays conquis par les rois de Juda.
Durant la nuit : le sommeil lui-même a fait place aux larmes.
Ses amants : ses anciens alliés (comparez verset 19), particulièrement l’Égypte (Jérémie 2.36 ; Ézéchiel 29.6-16), qui ne fait plus rien pour elle.
Ses compagnons : ce sont sans doute les petits peuples voisins, en compagnie desquels Sédécias avait conspiré contre le roi de Babylone (Édomites, Moabites, Ammonites, Phéniciens ; Jérémie 27.3). Ils se sont tournés contre elle ; comparez Psaumes 137.7 ; Ézéchiel 25.3-6.
Juda : le peuple du pays tout entier, non les habitants de Jérusalem seulement.
Les défilés étroits sont l’image de la situation désespérée où s’est trouvé Juda quand il a été enveloppé par l’ennemi.
Les chemins… Comparez Ésaïe 33.8-9.
Les sacrificateurs et les vierges. C’étaient les personnes qui avaient dans les fêtes le rôle principal, les uns dans le culte, les autres dans des cortèges joyeux, tels que ceux qui sont dépeints Exode 15.20 ; Juges 11.34 ; 1 Samuel 18.6-7 ; Psaumes 68.26 ; Jérémie 31.13. Il ne s’agit spécialement ni des Israélites qui pouvaient être restés en Palestine, ni de ceux qui étaient en captivité, mais en général de tous ceux qui ont survécu à la catastrophe.
Ses petits enfants : que l’armée ennemie chasse brutalement devant elle.
De ce qu’il y a de plus tendre (verset 5), l’auteur passe à ce que Sion avait possédé de plus éminent.
La fille de Sion : voir Ésaïe 1.8, note.
Sa gloire : les grands, les princes le roi lui-même. Epuisés par les souffrances du siège, ils n’ont plus eu la force suffisante pour se sauver par la fuite. C’est ainsi, par exemple, que Sédécias a été atteint dans les campagnes de Jéricho (Jérémie 52.8).
La voient : se repaissent de cette vue.
Son chômage : le mot hébreu fait allusion au repos du sabbat. Ces étrangers, qui se moquaient souvent de cette institution israélite, se rient maintenant du repos forcé auquel est condamnée Jérusalem et la terre d’Israël. L’Écriture elle-même représente sous l’image d’un sabbat les longues années de l’exil durant lesquelles la terre d’Israël devait être condamnée à rester inculte (Lévitique 26.34-35 ; 2 Chroniques 26.21).
Une chose souillée : que la loi défendait de toucher ; comparez Lévitique 15.19 et suivants.
Ceux qui l’honoraient : Jérusalem a perdu le prestige dont elle jouissait dans le monde.
Sa nudité : l’état de nudité déshonorante auquel on réduisait les captifs (Ésaïe 47.3).
Se détourne : comme quelqu’un qui n’ose plus regarder en face.
Jusqu’au moment de son dépouillement sa robe avait caché sa souillure.
À sa fin : comment cela finirait.
Ma misère. Jérusalem, ne pouvant se contenir, interrompt ici le poète avant de prendre d’une manière suivie la parole, comme elle le fera depuis la fin du verset 11.
Ses trésors. Les mots suivants font supposer qu’il s’agit surtout des vases sacrés et du trésor du temple (2 Rois 24.13 ; 2 Rois 25.13 ; 2 Chroniques 26.7 ; 2 Chroniques 26.10.
Elle a vu les nations entrer. Ils ont pénétré dans le sanctuaire, ceux qui ne devaient pas même faire partie de l’assemblée du peuple ! La défense à laquelle l’auteur fait allusion se trouve Deutéronome 23.3 ; elle est appliquée ici aux païens en général, comme elle le fut plus tard de fait (Néhémie 13.1-3).
Il s’agit de ceux qui ont survécu au siège ; ils ont peine à se procurer quelque nourriture dans le pays dévasté.
Vois, ô Éternel ! Jérusalem interrompt de nouveau le poète, pour garder dès maintenant la parole jusqu’à la fin (sauf dans le verset 17). C’est pour donner à ce discours de Jérusalem le caractère d’une interruption que l’auteur le fait commencer avec les derniers mots du verset 11 et non avec le verset 12, comme l’exigerait la symétrie exacte des deux moitiés de l’élégie.
Cette seconde artie se compose de deux strophes, de cinq versets chacune (versets 12 à 16 et 18 à 22) séparées par le verset 17, où le poète reprend un instant la parole.
Ces images diverses : feu, filet, désolation, langueur, représentent peut-être les différentes souffrances du peuple de Jérusalem, qui est à la fois incendiée, prise, ravagée, affamée.
Dans mes os. Cette image hardie s’explique par la personnification de Jérusalem.
Fait reculer : en mettant subitement obstacle à ma fuite.
Le joug de mes forfaits. Les forfaits librement commis deviennent eux-mêmes le joug à porter, en ce sens que Dieu tire la punition des conséquences mêmes qu’entraînent après elles les fautes commises.
Par sa main. L’Éternel seul a pu former entre le péché et sa punition ce nœud que nul ne peut défaire.
Convoqué des gens : comme un propriétaire qui appelle ses gens à la vendange.
Pour la vierge. Les ennemis qui ont répandu le sang des guerriers de Jérusalem, sont comparés ironiquement à des ouvriers qui auraient foulé pour son compte le raisin de sa vigne. Comparez pour l’image Ésaïe 63.1 et suivants.
Ce verset, où l’auteur reprend la parole, donne à Jérusalem le temps de se recueillir un moment entre l’expression de sa douleur et la confession de sa faute.
Le sentiment de la sainteté de Dieu ne permet jamais aux auteurs sacrés de se borner à la plainte.
Mes amants : encore l’Égypte (verset 2) sur laquelle on comptait pour la nourriture, comme autrefois pour les secours militaires.
Ont péri : durant le siège.
Le cri de la prière, comme à la fin de la première partie (verset 11).
Regarde : il lui semble que Dieu ne peut voir son état sans s’émouvoir et agir.
C’est la mort : littéralement, comme la mort. Comme si la mort elle-même habitait dans la maison, tandis que l’épée sévit dans la rue. Il s’agit de la mort sous ses diverses formes, la faim, la langueur, la peste, conséquences du siège.
Agi : pas seulement parlé, menacé.
Le jour : celui du jugement de Jérusalem. Mais par là même que Dieu est juste, il est impartial ; et le jugement de son peuple ne peut être que le prélude de celui des peuples païens. C’est dans ce sentiment de la justice divine, dont elle est elle-même en ce moment la victime, que Jérusalem ajoute les derniers mots : Ils deviendront… Autant elle accepte avec soumission son propre châtiment, autant elle réclame l’application de la même règle à ses ennemis. Le sentiment humble de la justice divine qui règne dans tout ce passage ne permet pas de confondre ce cri de la conscience avec un vœu formé par le ressentiment naturel.
À cause de tous mes forfaits. Le sentiment de la propre culpabilité, éveillé par la souffrance, est le principe fécond du relèvement que la douleur est destinée à produire.
Malade : non seulement d’avoir tant souffert, mais surtout d’avoir tant péché ; c’est là le trait qui distingue la tristesse selon Dieu qui mène au salut, de la tristesse du monde qui produit la mort (2 Corinthiens 7.9).