Verset à verset Double colonne
Après avoir délivré les Israélites du joug d’un maître étranger, l’Éternel est venu faire sa demeure au milieu de leur camp, dans le sanctuaire (Exode 40.34). C’est là un grand honneur et ce doit être pour Israël une source de grandes bénédictions ; mais à ce privilège de posséder Dieu si près de lui s’attache aussi un grand danger, car ce peuple est souillé. Comment des hommes pécheurs pourront-ils non seulement ne pas souffrir, mais encore bénéficier de la présence au milieu d’eux d’un Dieu saint ?
Il faut pour cela que le peuple se laisse sanctifier par son Dieu et tel est le but des institutions que Dieu établit dans le livre qui va nous occuper. Je suis l’Éternel qui vous sanctifie, voilà tout le Lévitique en quelques mots (Lévitique 22.32).
Du sanctuaire la sainteté doit se répandre dans toute la vie de tous les habitants du camp ; le péché doit être continuellement contenu, refoulé, supprimé. Si le peuple prend à cœur cette parole qui revient si souvent dans notre livre : Soyez saints, car je suis saint ! (Lévitique 11.44-45 ; Lévitique 19.2 ; Lévitique 20.7 ; Lévitique 20.26), il y aura pour lui prospérité spirituelle et temporelle.
Avant tout, l’Israélite pécheur doit pouvoir s’approcher de Dieu. Il en est indigne sans doute ; mais Dieu lui donne le droit de présenter à sa place des animaux sans défaut (chapitres 1 à 7, loi sur les offrandes ou korbans), et cela, par les mains d’hommes consacrés dans ce but (chapitres 8 à 10, consécration des sacrificateurs).
Si les offrandes déposées devant l’Éternel doivent être pures, il doit également en être ainsi de tout ce qui paraît sur la table privée de chaque Israélite (chapitre 11, loi sur les animaux impurs).
Il y a des souillures qui proviennent de l’infirmité de la nature humaine et de la maladie ; c’est le sujet des chapitres 12 à 15. Mais au fond de toutes ces impuretés particulières, il y en a une générale, qui s’étend à tous les instants de la vie, ainsi qu’à tous les membres de la congrégation, jusqu’au souverain sacrificateur ; le sanctuaire même en est atteint et il n’y est pas remédié par les sacrifices spéciaux. Il faut donc une grande purification générale et collective, qui se répète d’année en année ; c’est celle qui s’accomplit le jour des Expiations (iôm kippour, chapitre 16). Cette institution est le couronnement de toutes les précédentes, qui ont en vue les différentes formes de purification.
Dans le reste du livre, nous trouvons indiquée, d’abord, toute une série d’impuretés qui ne peuvent être lavées par des sacrifices et qui se produisent à l’occasion de la nourriture animale, du mariage, des travaux agricoles et de la mort. Toutes ces souillures doivent être absolument évitées par qui veut demeurer au bénéfice des institutions bienfaisantes en vigueur dans la théocratie (chapitres 17 à 22).
Enfin, dans un dernier groupe d’ordonnances, il est parlé des solennités religieuses, du sabbat, des trois grandes fêtes annuelles, des années sabbatiques et du jubilé, qui sont destinées à entretenir la piété nationale en réveillant périodiquement dans le peuple de Dieu le sentiment de la sainteté dans laquelle il doit vivre. S’il profite de ces institutions, la bénédiction divine le comblera de biens, comme aussi, dans le cas contraire, la sainteté de son Dieu deviendra la cause de sa ruine (chapitres 23 à 26).
Un appendice, chapitre 27, traitant des vœux, dont le caractère est la pleine spontanéité, forme la clôture du livre.
Les anciens Juifs appelaient ce livre le code des sacrificateurs ou la loi des offrandes. Dans les Bibles hébraïques il est intitulé Vajjikera, ce qui est le premier mot du livre. Les LXX ont mis en cours le nom de Lévitique, dénomination qui est jusqu’à un certain point inexacte puisqu’il n’y est parlé des lévites qu’une seule fois (Lévitique 25.32), mais qui a sa vérité en ce sens qu’il y est constamment question des sacrificateurs, qui étaient une des familles de la tribu de Lévi.
Cette section réglemente :
Les lois précédentes avaient été soit prononcées aux oreilles du peuple entier (Décalogue), soit adressées à Moïse seul, les unes comme les autres sur la montagne de Sinaï. Maintenant que le Tabernacle est dressé, c’est de là que Dieu appelle le législateur et là qu’il lui parle, du lieu où réside sa gloire, au-dessus des chérubins.
Appela Moïse. Cette formule n’a été employée jusqu’ici que dans trois circonstances particulièrement solennelles :
Quand quelqu’un d’entre vous… poussé par un besoin de consécration et d’expiation.
Les directions données dans les trois premiers chapitres sont la réglementation de sacrifices dès longtemps en usage et qu’Israël offrait spontanément à son Dieu. Au chapitre 4, Dieu en instituera qui n’existaient pas encore et qui auront un caractère absolument obligatoire ; dans ces derniers le choix de la victime ne sera pas non plus laissé à la volonté de l’Israélite.
Une offrande, en hébreu korban, c’est-à-dire don. Cette expression est la plus générale de toutes celles qui servent à désigner les offrandes avec lesquelles les Israélites se présentaient devant Dieu ; elle comprend tous les sacrifices proprement dits, sanglants et non sanglants, volontaires ou obligatoires, puis aussi les prémices (Lévitique 2.12) et les dons en argent (Nombres 7.13).
Le verbe hébreu karav, d’où vient le mot korban, signifie s’approcher. Le peuple ne pouvait s’approcher de son Dieu qu’en lui présentant une offrande, car en Orient on n’aborde jamais un grand sans lui offrir quelque présent (Exode 34.20 ; Deutéronome 16.16).
Du bétail. Le tour de la phrase suppose que, quand on fera une offrande, ce sera avant tout un don d’animal.
D’après les prescriptions qui suivent, la victime ne pourra être choisie que parmi les animaux domestiques et seulement parmi ceux d’entre eux qui peuvent servir de nourriture (bœufs, moutons et chèvres). Les cerfs, gazelles et daims sont donc exclus, quoi qu’on pût les manger (Deutéronome 14.5), parce qu’ils n’étaient pas domestiques ; les chameaux et les ânes sont également exclus, quoiqu’animaux domestiques, parce qu’on ne pouvait les manger.
On comprend le motif de cette prescription. Pour qu’il y eût vraiment sacrifice les victimes devaient premièrement être la propriété familière de l’Israélite et deuxièmement appartenir à la classe des aliments dont il aurait pu se nourrir lui-même.
Holocauste, en hébreu ôlah, du verbe alah, monter ; peut-être parce que dans l’holocauste la victime était tout entière élevée sur l’autel, ou plutôt (Genèse 8.20) parce que, consumée tout entière, elle montait en fumée vers l’Éternel.
Aucune partie de l’holocauste n’était mangée, ni par les sacrificateurs, ni par l’Israélite qui offrait le sacrifice.
De gros bétail…, un mâle sans défaut. C’est ici la victime par excellence. Par sa taille, le taureau a le pas sur les béliers et les boucs. Comme mâle il appartient au sexe fort. Il doit en outre tout naturellement être sans défaut ; autrement il ne serait pas digne de l’Éternel. Chez les Égyptiens, le prêtre faisait une inspection minutieuse du taureau qui devait être immolé, et, lorsqu’il l’avait déclaré parfait, il fixait à ses cornes, avec de la cire, un certificat qu’il scellait de son sceau afin d’éviter toute substitution.
À l’entrée… : dans le parvis, près de l’autel d’airain.
Agréé. Ce mot se rapporte non à la victime, mais à celui qui l’offre. La victime légale, légalement offerte et montant tout entière en fumée vers l’Éternel, est le symbole du don que l’Israélite, délivré de ses péchés et désireux d’appartenir à Dieu, lui fait de sa personne ; elle rend celle-ci agréable au Seigneur. Cette expression d’être agréé n’est employée qu’en parlant des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces. Mais elle se rencontre dans Exode 28.38 à propos de la lame d’or de la tiare du souverain sacrificateur et dans le même sens : par sa pureté extérieure parfaite, cet ornement attirait sur le peuple le bon plaisir de l’Éternel.
Il appuiera sa main sur la tête… C’est ici le premier acte du sacrifice. L’imposition des mains est toujours le symbole d’une transmission et le sens de ce symbole est de constituer celui qui en est l’objet le représentant, sous un rapport quelconque, de celui qui l’accomplit à son égard. Ainsi, lorsque Moïse impose les mains à Josué (Nombres 27.23), c’est le symbole de la transmission de sa charge de conducteur du peuple de Dieu ; lorsque les pères de famille israélites imposent les mains aux Lévites (Nombres 8.10), c’est pour représenter la transmission qu’ils font à ceux-ci du devoir de leurs fils aînés de s’employer au service du sanctuaire ; lorsqu’Aaron au jour des Expiations pose les mains sur la tête du bouc en confessant sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et les met sur la tête du bouc (Lévitique 16.21), l’interprétation du symbole est donnée dans ce passage même. Il en est de même dans le Nouveau Testament ; ainsi, lorsque les apôtres imposent les mains aux sept élus de l’Église de Jérusalem (Actes 6.6), c’est pour se décharger sur eux d’une fonction qu’ils avaient remplie eux-mêmes jusque là ; ou quand Paul et Barnabas imposent les mains aux Anciens élus comme pasteurs des églises de Lystre et de Derbe, c’est pour leur transmettre la direction de ces églises qu’ils avaient fondées et dirigées dans les premiers temps. Ainsi donc, dans le cas de l’holocauste, l’Israélite par cette cérémonie consacre la victime pour que, par son entière combustion, elle représente la consécration qu’il va faire de sa personne à son Dieu.
Sera acceptée…, littéralement : sera acceptée avec satisfaction. L’expression dit plus que le terme de sacrifice d’agréable odeur.
Pour faire propitiation. Cette expression montre que dans l’holocauste à la notion de consécration se joignait encore celle d’expiation. Non que l’holocauste se rapportât, comme le sacrifice pour le péché, à quelque faute particulière à expier ; mais chaque fois que l’homme s’offre lui-même à Dieu, il est impossible que la conscience de son état général de péché ne se réveille pas chez lui et que, dans un moment si solennel, il ne sente pas le besoin de se décharger, sur la victime qu’il présente à Dieu à sa place, de tout le fardeau de péché qui l’accompagne jusque dans l’acte saint qu’il accomplit.
Nous avons traduit exactement par appuiera, au lieu de posera ; les rabbins paraphrasent en disant : de toute sa force.
Et il égorgera… C’est le second acte de l’holocauste, l’immolation, suivie de l’offrande du sang. C’est l’Israélite qui doit égorger lui-même la victime ; voir Lévitique 4.4 le sens de cet acte. Le sacrificateur, qui avait auparavant constaté l’absence de défauts chez la victime (verset 3), en recueille maintenant le sang et le répand contre l’autel (verset 5) ; puis il arrange les pièces sur le feu de l’autel (verset 8) et veille à ce que tout se consume (verset 9).
Entre ces deux séries d’actes dont la première est assignée à l’Israélite, la seconde au sacrificateur, s’en trouvent quelques autres (écorcher la victime, la découper, laver les entrailles et les jambes) dont le sujet est indéterminé (verset 6 et 9). Nous pouvons supposer que c’étaient les sacrificateurs aidés soit des lévites, soit de l’Israélite lui-même, qui s’en acquittaient.
Devant l’Éternel. Là même où avait eu lieu l’imposition des mains, au côté nord de l’autel (verset 11). L’immolation devait avoir lieu tout près de l’Éternel ; il fallait que le sang fût répandu chaud encore, contre le pied de l’autel. Dans ce but il était recueilli dans un vase d’airain (Exode 27.3 ; Exode 38.3).
On écorchera. La peau est pour le sacrificateur (Lévitique 7.8) ; c’est la seule partie de l’holocauste qui n’appartienne pas à l’autel.
En ses pièces, c’est-à-dire d’après la division naturelle des membres dont se compose le corps de la victime et non pas à bien plaire. Ceci rappelle la défense de briser les os de l’agneau pascal. Les membres ne devaient pas être offerts mutilés.
Mettront du feu. Ceci ne s’applique qu’au premier sacrifice. Car une fois le feu allumé et le service du sanctuaire inauguré, le feu devra être constamment entretenu et il suffira d’alimenter le brasier (verset 12 ; Lévitique 3.5 ; Lévitique 6.11).
Arrangeront les pièces ; ils ne les poseront pas pêle-mêle, négligemment.
La fressure : le cœur, les poumons et le foie. Le terme hébreu que nous rendons par fressure ne se trouve qu’ici, au verset 12 et Lévitique 7.20. On a cru parfois que ce mot désignait la graisse qui s’attache aux intestins et qu’il ne fallait pas oublier d’y joindre, après qu’on avait sorti les intestins pour les laver. Mais pourquoi dans ce cas ce mot ne serait-il pas employé ? (Lévitique 3.3 ; Lévitique 3.9 ; Lévitique 3.14, etc.).
Entrailles. Le cœur, le foie, les poumons n’avaient pas besoin d’être lavés ; mais il fallait nettoyer les organes de la digestion, ainsi que la partie inférieure des jambes, qui pouvait être souillée de boue.
Le tout, voir au verset 3.
Fera fumer. L’homme ne peut faire parvenir visiblement ses dons à l’Éternel que sous cette forme de la fumée qui monte au ciel.
Un sacrifice fait par le feu. Cette expression répond à un seul mot hébreu : ischsché, qui signifie combustions (Exode 29.18 ; Exode 29.25). Il s’applique aux sacrifices qui sont brûlés sur l’autel soit en totalité, soit en partie.
D’agréable odeur (Genèse 8.21) : odeur d’apaisement. Voir note, verset 4. Cette expression revient à propos de tous les sacrifices, sanglants ou non sanglants, qui sont consumés en totalité ou en partie (versets 13, 17 ; Lévitique 2.2 ; Lévitique 2.9 ; Lévitique 3.5 ; Lévitique 3.16 ; Lévitique 4.31 ; Lévitique 6.8 ; Lévitique 6.14).
Deux remarques sur la loi de l’holocauste de gros bétail :
Les deux genres d’holocauste dont nous allons nous occuper sont moins considérables, mais tout aussi complets et efficaces que l’holocauste principal que nous venons de voir, lors même que le mot de propitiation (verset 4) n’y est pas répété.
D’après Lévitique 5.7 ; Lévitique 12.8 ; Lévitique 14.21 ; Lévitique 14.22 nous pouvons supposer que ce genre d’holocauste était prescrit en faveur des personnes qui ne pouvaient faire la dépense d’un taureau. Cependant l’agneau, c’est-à-dire le bélier encore jeune (voir Lévitique 4.23, note), était la victime ordinaire pour l’holocauste quotidien, pour celui du sabbat et des grands jours de fête, ainsi que pour les naziréens et divers sacrifices de purification ; et le chevreau, c’est-à-dire le bouc (aïl), ni tout jeune (atthoud), ni vieux (saïr), était prescrit par exemple pour l’holocauste du souverain sacrificateur.
Nord. À l’est étaient les cendres le plus près de la sortie (verset 16) ; à l’ouest, la cuve, pour que les sacrificateurs la trouvassent sur le chemin du sanctuaire et s’y lavassent avant d’y entrer (Exode 40.7 ; Exode 40.32) ; au midi, la rampe (d’après Josèphe). Au nord avait lieu l’immolation de la victime.
Tourterelles ou pigeonneaux. L’antiquité hébraïque ne connaît pas les gallinacées. En fait d’oiseaux les pigeons étaient les seuls animaux domestiques. Quant aux tourtereaux (ramiers), il y en avait une si grande quantité qu’ils formaient la principale nourriture animale des pauvres. Ils se laissent prendre si facilement qu’ils pouvaient être considérés comme des animaux domestiques (Taureaux, béliers, boucs, tourterelles et pigeonneaux, ces cinq espèces d’animaux, admises pour l’holocauste, figurent en Genèse 15.9).
Lui détachera la tête : avec l’ongle. Cette opération, qui correspondait à l’immolation des autres victimes, était très difficile, au dire du Talmud. Voilà pourquoi elle devait être pratiquée par le sacrificateur lui-même. L’Israélite indigent pouvait voir par là que sa modeste offrande n’était pas moins estimée de Dieu que les victimes plus considérables.
Quatre détails distinguent cet holocauste des précédents :
Nous ignorons ce qu’on faisait des plumes. Comme la peau de l’holocauste n’était pas brûlée (Lévitique 7.8), on peut supposer que les plumes ne l’étaient pas non plus.
Un léger changement dans un mot du verset 16 (nôtsa au lieu de notsa) permettrait de traduire : Il éloignera le gésier joint aux plumes de l’oiseau et il le jettera…
Les cendres. On enlevait chaque jour les cendres de l’autel et on les mettait en tas à l’est de l’autel. Lorsque la quantité en devenait gênante, on les transportait hors du camp (Lévitique 4.12).