Verset à verset Double colonne
Le modèle de la prière
L’efficacité de la prière
Pour encourager ses disciples à prier ainsi, Jésus leur persuade qu’ils sont certains d’être exaucés. Il leur en donne trois preuves :
Luc passe, sans détermination de temps, à un nouveau récit. Il ne nous dit pas non plus quel est le lieu où Jésus était en prière ; il lui suffit de noter une fois de plus l’un de ces moments, si fréquents dans la vie de Jésus, qu’il consacrait à l’acte de la prière, aux entretiens intimes avec son Père (Luc 5.16, note).
Le disciple qui adresse à Jésus cette demande n’était très probablement pas l’un des apôtres. Sa requête est provoquée par l’impression que produit sur lui la prière de Jésus. Or les apôtres étaient trop habitués à le voir en prière pour être frappés de ce fait. Jésus les avait du reste depuis longtemps initiés à l’esprit de la prière ; ils n’avaient plus a lui demander une semblable instruction. Ce pouvait être plutôt l’un des soixante-dix disciples qui depuis peu l’avaient rejoints, ou l’un des disciples de Jean, comme semble l’indiquer l’exemple dont il s’appuie.
Cet enseignement donné par Jean à ses disciples, concernant la prière, nous est entièrement inconnu.
Luc assigne à la prière du Seigneur une place tout autre que Matthieu (Matthieu 6.9 et suivants) Selon ce dernier, elle fait partie du sermon sur la montagne, tandis que, d’après notre évangéliste, elle fut enseignée plus tard à la demande expresse d’un disciple.
Un grand nombre d’excellents exégètes (Calvin, Ebrard, de Wette, Olshausen, Neander, Godet) en ont conclu que Matthieu, selon son habitude de grouper certains enseignements homogènes du Sauveur, avait librement introduit cette prière dans le discours sur la montagne, tandis que Luc lui assigne sa vraie place. Cette opinion peut s’appuyer sur plus d’un fait semblable. Mais est-il vrai que cette prière soit déplacée dans le sermon sur la montagne ?
Dans ces instructions sur les diverses manifestations de la piété, l’aumône, la prière, le jeûne, après avoir condamné les prières hypocrites, faites avec ostentation et en « usant de vaines redites », n’était-il pas tout naturel que Jésus ajoutât : « Vous, mes disciples, priez ainsi » et que, au milieu de la foule qui l’entourait, les yeux levés vers le ciel, il prononçât d’un ton pénétré cette prière si profonde dans sa simplicité, si riche dans sa brièveté ? Nul n’en aurait jamais douté, sans le récit de Luc qui nous occupe.
Mais ce récit nous oblige-t-il à rejeter celui de Matthieu ? Nullement, à moins qu’on n’admette que jamais Jésus n’ait pu, en des circonstances différentes, redire quelques-unes de ses paroles les plus importantes. Or, les évangiles nous présentent des exemples nombreux de paroles prononcées à diverses reprises.
Pourquoi Jésus n’aurait-il pas répondu à ce disciple qui lui demandait de lui enseigner à prier, en répétant cette admirable prière, qu’il présente du reste dans une forme différente et quelque peu abrégée ?
Ainsi l’ont admis Tholuck, Meyer, Stier, Gess et d’autres, qui voient une confirmation de leur opinion dans le fait que Matthieu seul nous a conservé dans sa plénitude cet inimitable modèle de prière.
Voir, sur la prière du Seigneur, Matthieu 6.9-13, notes.
C’est sous cette forme abrégée que Luc l’a rapportée. Le texte reçu, qui la renferme tout entière, a été complété d’après Matthieu.
La formule de Luc présente, en outre, quelques expressions qui diffèrent du texte de Matthieu. Ainsi : « Donne-nous chaque jour, au lieu de aujourd’hui, notre pain quotidien ». Le terme de Luc peut s’étendre à l’avenir, tandis que celui de Matthieu limite la demande au jour présent.
Luc dit : « Remets-nous nos péchés », au lieu de nos dettes, terme qui, même dans Matthieu, ne peut naturellement s’entendre que des péchés dont nous demandons le pardon ; mais Luc conserve la même image dans ces mots : à quiconque nous doit.
Matthieu motive cette demande de pardon en disant : comme nous remettons, Luc : car nous remettons. Il ne veut pas dire qu’en pardonnant aux autres nous méritions le pardon de Dieu.
La tournure employée suppose, suivant M. Godet, un raisonnement semblable à celui que nous trouvons au verset 13 « Si vous qui êtes mauvais,…combien plus le Père céleste… » De même ici : « Pardonne-nous nos péchés, toi la Miséricorde suprême, puisque nous aussi, tout mauvais que nous sommes, nous pardonnons ».
L’expression absolue : à quiconque nous doit, ne s’accorde pas bien avec cette explication. Elle montre que le motif ajouté à la requête est un vœu, une résolution prise pour l’avenir et par laquelle celui qui prie manifeste des dispositions qui le rendent propre à recevoir le pardon de Dieu.
La formule de Luc a ainsi le même sens que celle de Matthieu (Matthieu 6.12, note).
Jésus enseigne l’efficacité de la prière, soit par des analogies (versets 11-13), soit par des contrastes, comme dans la parabole versets 5-8 (comparer Luc 18.3 et suivants).
Cette parabole renferme à la fois une promesse et une exhortation, selon que nous considérons les deux hommes mis en scène. La promesse pourrait se traduire ainsi : « Si un homme, par pur égoïsme et pour se délivrer d’un solliciteur, lui accorde sa demande, même au temps le plus inopportun (minuit), combien plus Dieu, qui connaît tous vos besoins et qui est amour ! »
Quant à l’exhortation, c’est le solliciteur lui-même qui nous la fait entendre par son exemple : Puisque, dans les circonstances les plus défavorables, mais pressés par vos besoins, vous ne craignez pas d’importuner avec insistance un homme que vous savez si peu généreux, pourquoi ne faites-vous pas de même envers Dieu qui, dans sa miséricorde infinie, est toujours prêt à vous accorder bien au-delà de toutes vos prières (comparer Matthieu 15.22 et suivants) ?
La pleine confiance qu’une telle requête ne sera pas vaine est exprimée par ce verbe au futur : il lui donnera.
Matthieu 7.7-8, note.
Et moi, je vous dis. C’est par ces mots que Jésus introduit (versets 9-13) une admirable application de sa parabole, à laquelle il emprunte les images et les expressions mêmes dont il se sert.
Demandez, cherchez, heurtez, c’est là ce qu’a fait l’homme de la parabole ; il vous sera donné, vous trouverez, il vous sera ouvert, telle a été son expérience ; combien plus certainement sera-ce la vôtre auprès de Dieu !
Voir Matthieu 7.9-11, note.
Encore une preuve plus intime et plus persuasive que Dieu exauce la prière. Il faut remarquer cette progression : un ami (verset 5), un père (verset 11), le Père céleste (verset 13).
Parmi les dons que l’enfant demande à son père, Matthieu ne désigne que du pain et un poisson : c’étaient les provisions que l’on prenait d’ordinaire pour le voyage (Marc 6.38) ; Luc ajoute un œuf, qui faisait souvent aussi partie de ces provisions.
Notre hôte nous remet, au départ, de quoi faire notre repas : des pains (je dis des pains et non du pain, car on les fait ici fort petits, verset 5), des œufs durs, comme toujours, plus quelques poissons frits. On voit que la nourriture est absolument la même que du temps de Jésus.
À ces trois aliments sont opposés : une pierre, cruelle ironie ; un serpent, très dangereux ; un scorpion plus nuisible encore.
Qui est le père qui répondra par de tels dons à la demande de son enfant ? Et cette question devient plus frappante quand, à la place d’un père quelconque, Jésus nomme le Père céleste.
Vous qui êtes mauvais :
Remarquable témoignage du péché originel.
Quel contraste avec la bonté et l’amour du Père qui est du ciel !
D’après Matthieu, Jésus dit : votre Père donnera des biens, ou de bonnes choses, à ceux qui les lui demandent.
Cette expression est plus simple et plus en harmonie avec l’image qui précède, que les termes employés par Luc : donnera l’Esprit-Saint. Mais d’autre part, le Saint-Esprit est le plus précieux des dons de Dieu et le gage de tous les autres.
L’occasion de ces discours
C’est la guérison d’un démoniaque muet, à la suite de laquelle les uns accusent Jésus de chasser les démons par Béèlzébul, les autres lui demandent un signe du ciel (14-16).
Réponse de Jésus à l’accusation
Un incident
Jésus est interrompu par une femme qui célèbre le bonheur de celle qui a porté le Messie dans son sein. Il réplique qu’un bonheur plus grand est la part de celui qui écoute et pratique la Parole de Dieu (27, 28).
Réponse de Jésus à la demande
Voir, sur cette guérison et sur le discours qui suit : Matthieu 9.34 ; Matthieu 12.22-29, notes ; comparez Marc 3.22-30.
La tournure de l’original : il était chassant un démon, signifie que Jésus était occupé en ce moment à accomplir cette guérison.
Matthieu rapporte que, non seulement les foules furent dans l’admiration à la vue de ce miracle, mais qu’elles en prirent occasion de se demander si Jésus n’était point le Messie.
Luc introduit ici cette demande d’un signe, que Matthieu (12.38) ne fait intervenir qu’après le discours qui va suivre, ce qui est plus naturel.
Mais notre évangéliste distingue fort bien ensuite ces deux classes de contradicteurs (versets 15 et 16) ; Jésus répond aux uns verset 17 et suivants et aux autres verset 29 et suivants.
En outre, d’après Luc, les adversaires demandent un signe venant du ciel ; ce trait est omis par Matthieu dans le passage parallèle, mais conservé par lui dans une autre occasion (Matthieu 16.1, note), ce qui prouve que les adversaires dirigèrent plus d’une fois contre Jésus ce genre d’attaques.
Matthieu et Marc appliquent à la maison ce qui vient d’être dit de tout royaume : si elle est divisée contre elle-même, elle tombe en ruine.
Le mot maison est alors entendu dans le sens de famille.
Plusieurs versions conservent ici la même idée, en sous-entendant le verbe de la phrase précédente : une maison divisée contre elle-même. Mais telle n’est pas la pensée dans notre texte, littéralement traduit.
Jésus entend le mot de maison dans son sens matériel et il veut dire que dans la destruction d’un royaume (ou d’une ville, comme dit encore Matthieu), on voit réellement s’écrouler maison sur maison. La pensée du Sauveur a ainsi quelque chose de pittoresque et de saisissant.
Ces derniers mots, directement adressés aux adversaires, motivent (puisque) la question qu’il vient de leur faire ; et, sans doute, Jésus les a prononcés avec un accent d’indignation, car l’accusation qu’il réfute n’était rien moins qu’un blasphème (Matthieu 12.31-32).
Second argument contre l’accusation des pharisiens : elle est injuste et montre à quel point ils sont prévenus contre Jésus, puisqu’ils n’ont garde d’attribuer à une telle cause les guérisons de leurs disciples (Matthieu 12.27, note).
C’est la conclusion de ce qui précède : Si je chasse les démons et détruis le royaume de Satan, c’est preuve que le moment actuel est grave et que le royaume de Dieu, dont vous attendez l’avènement par quelque manifestation extérieure, est déjà parvenu jusqu’à vous.
Au lieu de cette expression caractéristique : par le doigt de Dieu, Matthieu dit : « par l’Esprit de Dieu ».
Ces deux termes expriment la même idée, avec cette seule différence que Matthieu indique proprement quelle est la puissance divine par laquelle Jésus agit, tandis que Luc désigne, dans un langage figuré, la même puissance divine, comme s’exerçant d’une manière apparente et avec une extrême facilité (Exode 8.15).
Dieu est représenté sous l’image d’un homme qui n’a qu’à lever le doigt pour accomplir sa volonté (comparer Matthieu 12.28, note).
Cette parabole, que Luc rapporte en des termes plus dramatiques que Matthieu et Marc, confirme la pensée exprimée au verset 20, que Jésus est, non l’instrument de Satan, mais son puissant adversaire.
C’est en vain que l’homme fort, bien armé, fait la garde à l’entrée de sa maison (grec sa cour, entourée de murs) et croit tout ce qu’il a en sûreté (grec en paix) ; quand un plus fort que lui est venu le surprendre, il le désarme et lui enlève ses dépouilles !
Satan (dont Jésus reconnaît ici clairement l’existence et la personnalité) était cet homme fort, confiant dans ses moyens de séduction : il a été surpris et vaincu par le Sauveur, qui opère maintenant le partage de ses dépouilles, c’est-à-dire, selon le contexte, la libération des victimes qu’il avait en sa possession.
Voir Matthieu 12.30, note.
Attribuer au démon les œuvres du Sauveur (verset 15), c’était la pire manière de se déclarer contre lui.
C’était aussi disperser le bien qu’il faisait aux âmes et les âmes elles-mêmes, en les éloignant de lui.
Matthieu 12.43-45, notes.
Dans le premier évangile, cette parabole figure la condition actuelle du peuple juif, qui s’endurcit dans son incrédulité.
Selon Luc, elle est appliquée plus spécialement aux pharisiens qui viennent d’accuser le Sauveur. Jésus a d’abord réfuté leur accusation blasphématoire (verset 15 et suivants) ; puis, déclaré par une image (verset 23) qu’ils sont les ennemis de sa personne et de son œuvre ; il montre enfin, par cette parabole (versets 24-26), que leur état moral est incorrigible et désespéré.
La guérison du démoniaque, qu’il vient de délivrer sous leurs yeux, lui fournit l’image sous laquelle il présente sa pensée.
Cette femme, probablement une mère, qui proclame ainsi bienheureuse la mère du Sauveur, a saisi ce que Jésus a donné à entendre dans le discours précédent ; elle a compris que Jésus est le Messie ; cette vérité a pénétré dans son esprit comme un trait de lumière. Dans l’émotion qu’elle en ressent, elle pense aussitôt à celle qui a donné le jour au Sauveur.
L’admiration qu’elle exprime trahit son sentiment maternel, plutôt qu’une foi religieuse bien éclairée et affermie.
Son sentiment est bon, mais elle parle comme une femme.
Il est inconcevable que malgré la réponse de Jésus les interprètes catholiques s’appuient des paroles de cette femme pour sanctionner le culte de la Vierge. Cette réponse sans doute n’est point un blâme absolu.
Jésus saisit plutôt avec bienveillance ce mouvement d’un cœur sincère, mais c’est pour l’élever jusqu’à son vrai objet, la parole de Dieu écoutée et gardée comme une semence de vie divine. Il fait sentir à cette femme qu’elle-même peut être heureuse comme celle dont elle vient de célébrer le bonheur.
Luc seul a conservé ce trait remarquable de l’histoire évangélique.
Voir, sur cette seconde partie du discours : (versets 29-32) Matthieu 12.39-42, notes et Matthieu 16.4, note.
Jésus répond à la requête qui lui a été faite d’un signe venant du ciel (verset 16, note) et il la repousse, parce que ceux qui la présentaient étaient des hypocrites, qui ne voulaient que lui tendre un piège. Il a attendu pour cela que la foule se fût assemblée autour de lui, afin de rendre publique la répréhension sévère qu’il adresse à toute la génération d’alors. Aussi voit-on qu’ici, comme dans Matthieu, les reproches de Jésus, d’abord adressés aux seuls pharisiens, se généralisent et s’étendent à tout le peuple.
Il faut remarquer ce mot de signe quatre fois répété, comme un reproche adressé à ceux qui le demandaient.
Le texte reçu porte : Jonas le prophète ; ce dernier mot manque dans Codex Sinaiticus, B, D, etc.
Ce que Jésus entend par le signe de Jonas donné à sa génération est expliqué au verset 32.
Matthieu 12.42, note ; comparez 1 Rois 10.1 et suivants ; 2 Chroniques 9.1 et suivants.
Matthieu cite en premier lieu l’exemple des Ninivites, auquel la mention du signe de Jonas amenait naturellement et en second lieu, l’exemple de la reine du Midi.
M. Godet défend l’ordre de Luc par cette considération :
il présente une meilleure gradation morale. Il est plus grave de rester insensible au mal qu’on a commis que de ne pas être avide de nouvelles révélations.
Ainsi le signe de Jonas, que le Seigneur donne à sa génération, c’est, d’une part, sa propre mission, infiniment supérieure à celle du prophète, et, d’autre part, la repentance des habitants de Ninive opposée à l’endurcissement de son peuple (Matthieu 12.41).
Dans Matthieu (Matthieu 12.40, voir la note), ce que Jésus appelle le signe de Jonas, c’est le séjour du prophète pendant trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson. Il sera de même enseveli trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Sa mort et sa résurrection seront le vrai et grand signe donné à sa génération.
Luc passe entièrement sous silence cette pensée. On a voulu la retrouver au verset 30, où Jésus dit que le Fils de l’homme sera un signe ; le verbe au futur ne peut désigner, pense-t-on, que le grand événement par lequel se terminera la vie du Sauveur sur la terre. Cette allusion est possible, mais peu évidente.
Nous trouvons ici une nouvelle application de cette belle et profonde image que Jésus employait souvent dans ses discours (voir Luc 8.16 ; Matthieu 5.15 ; Marc 4.21, note).
La liaison avec ce qui précède est évidente : Il y a ici plus que Salomon, plus que Jonas ; Dieu vous donne en moi la vraie révélation, la vraie lumière et vous ne pouvez donner pour excuse de votre incrédulité que cette lumière ait été mise dans un lieu caché ou sous le boisseau.
L’apparition du Messie a été suffisamment préparée et publiée ; si, au lieu de fermer les yeux de votre esprit et de demander d’autres signes, vous aviez une vue saine (verset 34), votre âme serait toute remplie de la lumière divine qui rayonne de moi.
La maladie qui affecte votre organe spirituel est la seule cause de votre manque de discernement.
Voir Matthieu 6.22-23, note.
Ici, Jésus ajoute à cette image si vraie et si profonde une exhortation à veiller sur l’état de cette lumière intérieure par laquelle seule nous pouvons percevoir la lumière qui nous vient du dehors ; puis il termine (verset 36) par une observation sur l’harmonie de ces deux lumières, dont l’action combinée procure la connaissance parfaite.
Pour comprendre ce verset difficile et diversement interprété et pour éviter la tautologie qu’il présente à première vue, il faut remarquer que dans la première phrase l’accent est mis sur tout entier, dans la seconde sur éclairé.
Le sens est que si l’homme est pénétré entièrement de la lumière divine perçue par un organe spirituel en parfait état, c’est-à-dire par un cœur droit (Psaumes 112.4), cette lumière resplendira au dehors, son corps sera tout lumineux (grec) comme quand il reflète la lumière d’une lampe qui l’inonde de son éclat (grec : par l’éclair).
Ce phénomène décrit ici par Jésus, remarque M. Godet, est celui qui s’était accompli en lui-même, au degré le plus éminent, dans le fait de la transfiguration.
Quelques exégètes estiment qu’il n’est possible d’obtenir ce sens que moyennant une correction du texte et ils proposent de lire : « Si ton œil est éclaire, tout ton corps sera éclairé… »
Le verset entier manque dans D et dans deux anciennes versions (Éphésiens 5.8 ; 2 Corinthiens 3.18).
L’occasion
Les discours que Jésus vient de tenir portent un pharisien à l’inviter à dîner chez lui. Jésus entre et se met à table sans procéder aux ablutions traditionnelles. Par cette omission, il excite l’étonnement de son hôte (37, 38).
Trois vices des pharisiens
Trois reproches aux légistes
Un légiste, se sentant atteint par ces paroles, proteste. Jésus s’adresse alors aux légistes et les censure
Conclusion historique
Au sortir de la maison, Jésus est violemment pris à partie et assailli de questions insidieuses (53, 54).
Les mots : comme il parlait, se rapportent au discours qui précède (verset 29 et suivants).
Comme ce discours était dirigé contre les pharisiens, on peut supposer que celui d’entre eux qui, après l’avoir entendu, invita Jésus à prendre un repas chez lui, le fit dans une intention malveillante afin de l’épier et de pouvoir l’accuser (comparer 14.1).
C’est ce qui explique la sévérité des paroles de Jésus (comparer verset 39, note).
Le mot que nous traduisons par dîner et que d’autres rendent par déjeuner, désigne le repas qu’on prenait vers le milieu du jour, tandis qu’un autre repas principal avait lieu vers le soir. Il en était ainsi chez les Juifs comme chez les Romains.
On peut traduire ce mot par dîner ou déjeuner, selon les usages du pays où l’on parle.
Jésus s’étant mis à table dès son entrée, le pharisien s’étonne qu’il n’eût pas d’abord fait d’ablution (comparer Marc 7.4).
Cet étonnement pouvait paraître d’autant plus fondé que Jésus revenait du milieu de la foule, où il avait pu contracter des souillures légales et où même il avait chassé un démon et guéri un malade.
Mais peut-être Jésus s’abstint-il de ces cérémonies précisément à cause de l’importance superstitieuse que les pharisiens y attachaient. Qui sait même si ce n’était pas là le point spécial sur lequel ils voulaient l’épier ?
Matthieu 23.25, note.
Eh bien oui…quelques interprètes prennent la particule grecque que nous traduisons ainsi dans son sens temporel, maintenant : « les choses en sont maintenant venues chez vous à ce point, que vous nettoyez ».
Mais rien ne prouve qu’il y eût eu récemment dans l’hypocrisie des pharisiens un progrès que Jésus pût relever. Le sens logique est donc préférable.
Dans le premier évangile, Jésus déclare que la coupe et le plat eux-mêmes sont remplis de rapine, c’est-à-dire en contiennent les fruits (comparez Luc 20.47), tandis que Luc fait de la coupe et du plat l’image de l’état moral de ses auditeurs. La rédaction de Matthieu n’exclut point ce sens, mais, au contraire, le suppose.
Ici se présente une question de critique qui n’est pas sans difficulté. Luc rapporte un discours dont il indique avec précision la scène et les circonstances (verset 37). De son côté, Matthieu (Matthieu 23.1 et suivants) nous a conservé un discours très semblable, mais plus étendu, qu’il place en un temps et en des circonstances tout autres.
Si l’on admet l’identité des deux discours, il faut choisir entre les deux récits et donner raison à l’un ou à l’autre évangéliste, quant à la situation historique.
Plusieurs interprètes se décident pour Luc contre Matthieu, à cause de la précision avec laquelle le premier décrit l’occasion du discours.
Mais d’autres donnent la préférence à Matthieu :
Matthieu (Matthieu 23.2, 1re note). Marc (Marc 12.38-40) et Luc lui-même (Luc 20.45-47) rapportent des paroles qui attestent que Jésus a fait un grand discours contre les pharisiens à Jérusalem.
Matthieu seul nous l’a conservé en entier. Mais s’ensuit-il que le récit de Luc soit sans aucun fondement historique ? Nullement. On peut être certain que Jésus a fait entendre en plus d’une circonstance de vives protestations contre l’esprit du pharisaïsme. L’une de ces protestations fut provoquée par le formalisme hypocrite d’un hôte qui l’avait invité à sa table.
Luc nous en a conservé le souvenir. Seulement, on peut admettre qu’il prête à Jésus plus d’une parole puisée dans la tradition apostolique et qui, originairement, appartenait au grand discours de Matthieu.
Nous dirons avec Stier et d’autres exégètes, que nous avons dans notre chapitre un prélude de ce discours.
Ces paroles font sentir la folie (insensés) du procédé pharisaïque, relevé au verset précèdent : vous nettoyez le dehors, tandis que l’intérieur est plein de corruption ; mais Celui (Dieu) qui a créé le dehors n’a-t-il pas aussi créé le dedans (l’être moral), qui a beaucoup plus d’importance à ses yeux ?
C’est donc là ce qu’il faut purifier avec le plus grand soin ; car Dieu ne vous a prescrit certaines purifications extérieures que pour vous rappeler le devoir de la pureté morale. Or en négligeant celle-ci pour vous en tenir aux premières, vous anéantissez l’intention divine.
Il est évident que les termes de cette sentence sont encore empruntés à l’image du verset précédent.
Dans Matthieu (Matthieu 23.26) se trouve une pensée semblable, exprimée en termes différents.
Le contenu (grec ce qui est dedans), c’est-à-dire, d’après le contexte, ce qui est dans les coupes et les plats. Ces mets et ces vins, faites-en part aux pauvres, avec une charité qui provienne du cœur et vous comprendrez que la loi suprême de l’amour est infiniment supérieure à toutes vos règles formalistes de purification ; et voici, par le fait même, tous ces biens vous seront purs, ils le sont déjà par la puissance de l’amour.
Cette parole ne renferme aucunement l’idée du mérite des œuvres. Jésus serait-il retombé dans le pharisaïsme au moment même où il le pulvérisait ? L’amour, qui fait le prix du don, exclut, par sa nature même, la recherche du mérite, qui est l’essence du pharisaïsme.
Voir Matthieu 23.23, 1re note.
Matthieu dit : Vous négligez le jugement (ou la justice), la miséricorde et la foi (ou fidélité).
Luc ne parle que du jugement, du discernement de ce qui est juste, équitable dans les rapports avec le prochain et de l’amour de Dieu, qui est la source de toutes les vertus.
Comparer Luc 20.45-47 et voir Matthieu 23.6.
Après ce : Malheur à vous ! le texte reçu avec A, D, ajoute : scribes et pharisiens hypocrites, mots qui ne sont pas authentiques ; en effet, Jésus ne s’adresse aux scribes qu’à l’occasion du verset 45.
Voir Matthieu 23.27-28, note.
Dans Matthieu, Jésus compare les pharisiens à des « sépulcres blanchis qui paraissent beaux au dehors, mais qui, au dedans, sont pleins d’ossements de morts et d’impureté ».
D’après Luc, il emploie la même comparaison dans un sens tout différent : les pharisiens sont comme des sépulcres qu’on ne voit pas, parce qu’on a négligé de les entretenir et de les blanchir et qu’ils sont recouverts de terre et de plantes.
On marche donc dessus sans s’en douter et l’on contracte involontairement la souillure (Nombres 19.16). Tels sont les pharisiens : on s’approche d’eux, on se livre à eux sans défiance et l’on est bientôt infecté de leur esprit.
Jusqu’ici, Jésus avait adressé ses reproches aux pharisiens (v 39) ; mais il y avait dans ces paroles des vérités qui atteignaient directement aussi les légistes, ces savants scrutateurs de la loi, que les évangélistes nomment plus souvent scribes ou docteurs de la loi (voir Matthieu 23.2, 2e note).
Aussi l’un d’eux se sent offensé : Tu nous outrages, nous aussi. Par ce nous aussi, le légiste se distinguait des pharisiens ; mais Jésus, bien loin de nier l’intention qui lui est attribuée, répond (verset 46) : Et à vous aussi, légistes, malheur !
À partir de cet incident, Jésus adresse aux scribes la suite de son discours (verset 52), mais sans perdre de vue les pharisiens, qui ont certainement leur part à ses reproches.
Dans Matthieu, Jésus s’adresse constamment et en même temps, à l’une et à l’autre de ces classes d’hommes.
Voir Matthieu 23.4 note.
Matthieu 23.29-31, note.
Le reproche que Jésus adresse ici à ses auditeurs diffère de celui qui se lit dans le premier évangile.
Bâtir les tombeaux des prophètes était, dans leur intention, une œuvre réparatrice de piété ; mais, par une ironie des faits que Jésus relève, ils perpétuent le souvenir de la conduite de leurs pères en consommant leur œuvre.
Au lieu de laisser tomber leurs crimes dans l’oubli, ils en élèvent les monuments ; ils se constituent les témoins du meurtre des hommes de Dieu (Deutéronome 17.7 ; Actes 7.58) et ils l’approuvent ; car eux, les ont tués, ajoute Jésus, et vous, vous bâtissez (le texte reçu ajoute : leurs tombeaux, ce qui s’entend de soi-même et affaiblit l’expression brève et énergique de ce contraste).
Sans doute, les auditeurs de Jésus auraient pu répondre qu’en honorant les prophètes martyrs, ils protestaient contre leur meurtre ; mais comme, en présence même de Jésus, le plus grand des prophètes, ils se montraient remplis de haine contre la vérité divine, ils témoignaient par là que leurs soins pour les tombeaux des prophètes n’étaient qu’un acte d’hypocrisie. Jésus dévoile dans leur cœur le vrai commentaire de leurs actions.
C’est pourquoi aussi, afin qu’il apparaisse avec évidence que les fils sont semblables aux pères…
Luc introduit les paroles qui vont suivre par une formule qui fait attendre une citation de l’Ancien Testament ; mais ce passage ne s’y trouve pas. On a cru le reconnaître, soit dans 2 Chroniques 24.19, soit dans Proverbes 1.20-31, soit dans quelqu’un des livres apocryphes que Jésus ne cite jamais : rapprochements plus ou moins arbitraires qui, sans être inadmissibles, sont pourtant peu probables.
D’autres interprètes ont pensé que Jésus, s’appelant lui-même la sagesse de Dieu, déclare, comme dans Matthieu, que c’est lui qui enverra des prophètes et des apôtres.
On pourrait admettre cette explication, vraie au fond, sans ce verbe au passé : la sagesse a dit, qui évidemment suppose une citation. Pour éviter cette objection, d’autres ont pensé que Jésus rappelait une de ses propres déclarations, faite dans une autre occasion, ce qui parait peu probable.
Enfin, on a supposé que, dans la tradition apostolique, on s’était habitué à citer les paroles de Jésus qui vont suivre, avec cette formule : « la sagesse divine a dit » et que Luc a simplement suivi cet usage. C’est là une hypothèse peu vraisemblable.
Hofmann, Bernhard Weiss, M. Godet appliquent le terme de sagesse de Dieu, comme Luc 7.35, au plan conçu par Dieu pour le salut : « Dieu dans sa sagesse a dit ».
Si l’on admet cette explication, la relation que Luc nous a conservée de ce discours est conforme à celle de Matthieu, où Jésus dit sans formule de citation : « C’est pourquoi, voici, je vous envoie des prophètes », etc.
Quelque sens que l’on donne aux mots par lesquels Luc l’introduit, la parole même de Jésus est simple et lumineuse. Il allait, en effet, envoyer dans son Église des prophètes et des apôtres (Éphésiens 4.11), qui devaient être persécutés et mis à mort par leur génération.
Voir Matthieu 23.34-36, notes.
L’expression répétée : redemandé (versets 50 et 51) correspond au cri de Zacharie mourant : « Que l’Éternel voie et redemande ! » (2 Chroniques 24.22)
Matthieu 23.13, note.
Dans le premier évangile, ces paroles s’adressent à la fois aux scribes et aux pharisiens, comme tout le discours.
Dans le récit de Luc, elles ne concernent que les légistes auxquels Jésus parle depuis le verset 45.
Cette application est plus exacte, car, en effet, c’étaient les docteurs de la loi qui avaient enlevé la clef de la connaissance ou de la science, c’est-à-dire, qui s’étaient arrogé le droit d’interpréter les Écritures, de les enseigner aux jeunes rabbins et de les appliquer au peuple, dans les diverses circonstances de la vie sociale (Matthieu 23.2, note).
La connaissance de Dieu et du salut est comparée par Jésus à une maison ou à un temple que les scribes ont fermé après s’être saisis de la clef.
Non seulement ces savants théologiens n’y sont point entrés, mais ils ont empêché, par leurs erreurs et leur opposition, ceux qui voulaient entrer. Il y a dans le grec le présent : ceux qui entrent, par ou Jésus désigne ceux qui, alors, voulaient s’attacher à lui et à son enseignement.
Les manuscrits présentent sur ces versets plusieurs variantes. Le texte reçu avec A, D, majuscules, versions, porte : et comme il leur disait ces choses…cette scène violente se serait donc passée encore dans la maison du pharisien (verset 37) ; ce qui est très improbable d’après la suite du récit (Luc 12.1).
C’est plutôt comme il sortait de là (Codex Sinaiticus, B, C) que ses adversaires, cédant à la violence de leur haine, ont dû se mettre à l’obséder de questions insidieuses, auxquelles ils demandaient impérieusement des réponses, avides de surprendre quelque parole (grec quelque chose) de sa bouche.
Le texte reçu avec A, C, D, majuscules, versions, ajoute : afin de l’accuser, paroles qui sont parfaitement dans la situation et qui expriment très bien l’intention des ennemis du Sauveur, mais dont la suppression, dans Codex Sinaiticus, B, donne à la narration un tour plus simple.