Verset à verset Double colonne
Étonnement et incrédulité des habitants
Comme Jésus, faisant une visite à Nazareth, enseignait dans la synagogue, beaucoup de gens s’étonnaient de sa sagesse et de sa puissance ; mais ce qui les empêchait de recevoir sa parole, c’est que son humble position et celle de sa famille leur était trop bien connue (1-3).
La réponse de Jésus
Jésus leur rappelle ce proverbe : qu’un prophète n’est méconnu que dans sa patrie. À cause de leur incrédulité, il ne fit là que peu de miracles (4-6a).
Et il partit de là, c’est-à-dire, selon notre évangéliste, de la maison de Jaïrus (Marc 5.38 et suivants).
Sa patrie, c’est Nazareth.
Voir, sur ce récit, Matthieu 13.53-58, notes ;
Matthieu place cette visite de Jésus à Nazareth immédiatement après le grand discours en paraboles.
Une variante de Codex Sinaiticus, B, porte : « de tels miracles qui se font par ses mains ».
De tels miracles, grec de telles puissances, c’est-à-dire de tels actes de la puissance divine ; c’est le terme le plus usité pour désigner les miracles.
Les habitants de Nazareth ont en vue les miracles que Jésus avait faits à Capernaüm et ailleurs et dont ils avaient entendu parler ; de là la tournure interrogative de la phrase.
Leur étonnement n’est donc pas causé seulement par la sagesse de ses discours, à lui qui n’a pas reçu l’instruction des rabbins ; il s’y mêle un sentiment d’envie provoqué par le fait que des dons si extraordinaires ont été départis à un homme de si humble condition (verset 3).
Le mot par ses mains peut être un hébraïsme, signifiant par son moyen (Actes 5.12 ; Actes 19.11), ou, si on le prend littéralement, ce serait une allusion à ce que Jésus guérissait le plus souvent par l’imposition des mains (Marc 5.23).
Grec : Ils se scandalisaient à son sujet, trouvaient une occasion de chute et d’incrédulité dans cette connaissance qu’ils avaient de Jésus selon la chair, qui les empêchait de le connaître selon l’esprit.
« Dieu manifesté en chair », n’est-ce pas toujours le « grand mystère ? » (1 Timothée 3.16).
Selon Matthieu, les habitants de Nazareth nomment Jésus « le fils du charpentier ; » d’après Marc, simplement le charpentier, sans doute parce qu’ils l’avaient vu travailler de ses mains dans l’atelier de son père adoptif.
Telle est, en effet, la tradition recueillie par quelques Pères de l’Église (Justin, Dialogue avec Triphon, 88 ; Théodoret, Histoire Ecclésiastique III, 23).
Voir, sur les frères et les sœurs de Jésus, Matthieu 12.46, note.
Dans toutes ces occasions où les membres de sa famille sont énumérés, il n’est plus question de Joseph. Peut-être était-il déjà mort, comme l’admet la tradition.
Maison est pris dans le sens de famille (Marc 3.25).
Si ce proverbe était vrai, appliqué au Prophète saint et sans tache, combien plus le sera-t-il pour ses serviteurs, dont les infirmités et les défauts ne sont nulle part mieux connus que parmi leurs amis et dans l’intérieur de leurs maisons.
Nous avons admis (Matthieu 13.54, 1re note) qu’il ne faut pas identifier cette visite de Jésus à Nazareth, racontée par Matthieu et Marc, avec celle que rapporte Luc (Luc 4.16 et suivants).
Et, en effet, les deux récits sont tellement différents, qu’on est forcé d’y voir deux faits et non un seul. Mais comme, d’autre part, il est difficile d’admettre que, dans l’un et dans l’autre de ces séjours, les habitants de Nazareth aient fait la même objection et Jésus la même réponse, n’est-il pas probable que ces paroles ont été transférées d’un fait à l’autre par la tradition apostolique, recueillie telle quelle par les évangélistes ?
Il ne put. Voir sur ce mot Matthieu 13.58, note. Ce petit nombre de malades guéris est regardé comme peu de chose, tellement la bienfaisante activité du Sauveur était riche et abondante.
Jésus s’étonne de l’incrédulité comme il s’étonne de la foi (Matthieu 8.10).
Il faut prendre ce mot à la lettre ; Jésus ne s’attendait pas à ce que ses concitoyens de Nazareth seraient à ce point aveuglés par les préjuges.
Leur incrédulité marque le point culminant des dispositions défavorables que Jésus rencontre chez son peuple ; elle va le déterminer à accentuer sa retraite en s’éloignant de la contrée. Auparavant, toutefois, il adressera aux Galiléens un dernier appel par la mission des douze.
Jésus, parcourant lui-même le pays en enseignant, envoie pour la première fois ses apôtres, deux à deux, après leur avoir donné pouvoir sur les esprits impurs (6,7).
Il leur donne diverses instructions sur leur équipement et sur la conduite qu’ils devront tenir là où ils seront reçus et là où ils ne le seront pas (8-11).
Les apôtres prêchent la repentance et guérissent les malades (12, 13).
Moment solennel que notre évangéliste marque, selon sa coutume, par le verbe au présent.
Voir, sur cette mission des disciples, Matthieu 10.1-15 et comparez Luc 9.1-6.
Dans le premier évangile, où ce récit est précédé des noms des douze apôtres, la mission que Jésus leur confie est admirablement préparée par une description de la détresse profonde où Jésus trouvait le peuple, semblable à des brebis sans berger. « La moisson, disait-il, est grande, mais il y a peu d’ouvriers ». C’est alors qu’il envoie ses disciples pour soulager toutes ces misères.
Il commença à les envoyer ; ce mot n’est pas superflu ; Marc indique par là le point de départ d’une mission qui devait se perpétuer et s’étendre à la vie entière des apôtres.
Deux à deux, trait particulier de Marc ; mesure de sagesse et d’amour de la part du Sauveur. Par là il s’accommode à la faiblesse de ses disciples, il répond à des besoins profonds de leur âme, il prévient les dangers de l’isolement et ceux d’une domination personnelle et exclusive dans leur œuvre.
Pouvoir ou autorité. Matthieu et Luc ajoutent à ce pouvoir de guérir les démoniaques celui de guérir les maladies.
Il y a quelque chose de plus grand que de prêcher, c’est de faire des prédicateurs ; il y a quelque chose de plus grand que de faire des miracles, c’est de communiquer le pouvoir d’en faire.
Il est clair que, pour communiquer à ses apôtres le pouvoir de guérir, il dut leur communiquer aussi une nouvelle mesure de l’Esprit de Dieu ; car, sans une puissance spirituelle, ils n’auraient exercé aucune action semblable. Nous avons donc ici une première indication du don de l’Esprit que Jésus confirma plus tard (Jean 20.22) et que le jour de la Pentecôte rendit complet.
Il est évident du reste que Jésus ne s’est pas borné à conférer à ses disciples ces pouvoirs miraculeux, mais qu’il les envoyait avant tout pour « prêcher le royaume de Dieu », comme le disent expressément Matthieu et Luc (Matthieu 10.7 ; Luc 9.2 ; comparez ci-dessous verset 12, note).
Grec : Mais étant chaussés de sandales et ne revêtez pas deux tuniques.
Suivant le texte de Codex Sinaiticus, A, C, D, le discours passe de la forme indirecte à la forme directe dans ce dernier précepte.
Voir, sur ce verset, Matthieu 10.10, note. Il faut se garder de presser les termes de ces prescriptions dans un esprit strictement légal.
En enjoignant à ses disciples de ne point faire de provisions pour le chemin, Jésus élevait leurs pensées vers d’autres richesses : en partant pour leur mission sans secours humains ils devaient vivre du riche trésor de leur Père céleste. Plus tard, le Maître leur prouva qu’il ne les avait pas trompés (Luc 22.35). Le Sauveur, qui lui-même n’avait pas un lieu où reposer sa tête, place donc ses disciples au point de vue de la foi pure. Comme ouvriers de Dieu (Matthieu 10.10), ils doivent attendre de lui leur subsistance. Pour exercer et éprouver leur foi, Jésus les envoie sans les précautions que prend et que doit prendre l’homme du monde. Il serait possible que tel des disciples eût eu encore avec lui quelque argent ; il n’aurait point agi en cela contrairement à cet ordre de Jésus, pourvu qu’il ne le fit pas par incrédulité. Il faut donc entendre ces paroles aussi comme étant esprit et vie et comme devant être saisies par la foi. Elles ont ainsi leur vérité perpétuelle pour tous les ouvriers du royaume de Dieu, de tous les temps et de tous les lieux.
C’est-à-dire, demeurez dans cette maison jusqu’à ce que vous partiez de ce lieu, de cette ville. Par là Jésus leur déconseille sagement de quitter des hôtes qui les auraient reçus, pour aller chez d’autres ; et en même temps il leur donne, après les prescriptions qui précèdent, une indication de la manière dont Dieu pourvoira à leurs besoins, par l’hospitalité de ceux à qui ils annonceront la parole.
Voir Matthieu 10.14, note.
Le témoignage qui serait ainsi rendu signifierait que le message du salut était parvenu à ces gens-là et qu’ils l’avaient repoussé par endurcissement.
Le texte reçu porte au commencement du versets : « Et tous ceux qui ne vous recevront pas ; » la vraie leçon (Codex Sinaiticus, B) est : « Tout lieu qui ne vous recevra pas et où ils ne vous écouteront pas ».
Le texte reçu ajoute à ce verset : En vérité, je vous le dis, Sodome et Gomorrhe seront dans un état plus tolérable au jour du jugement que cette ville-là.
Ces paroles ont été transcrites de Matthieu 10.15.
Exhorter les hommes à se repentir (voir sur le sens de ce mot. Matthieu 3.2, note) n’était sans doute pas tout le contenu de la prédication des apôtres ; mais c’est par là que doit commencer toujours et partout le renouvellement de la vie religieuse et morale.
Il faut remarquer tous ces verbes à l’imparfait, indiquant une action continue, souvent répétée.
Oindre d’huile (Marc seul a conservé ce trait) était un moyen curatif très fréquemment employé en Orient ; (Luc 10.34) ce qui ne veut point dire que les apôtres opérassent les guérisons uniquement par ce moyen, puisque l’évangéliste raconte évidemment une action miraculeuse, mais il ne faut pas croire non plus que les apôtres employassent cette huile dans le simple but de réveiller l’attention des malades, ou comme signe de leur guérison.
Elle servait plutôt de moyen de communication aux puissances spirituelles qui opéraient la guérison (comparer Jacques 5.14).
C’est dans le même but que Jésus lui-même se servait quelquefois de la salive ou d’un attouchement pour opérer une guérison (Marc 8.23 ; Jean 9.6 ; Matthieu 8.3).
Cette explication, du reste, n’exclut point l’idée des interprètes qui attribuent à l’emploi de l’huile une signification symbolique ; car on sait que, partout dans l’Écriture, l’huile est l’image du Saint-Esprit, par la puissance duquel les apôtres agissaient.
Terreurs superstitieuses d’Hérode
La renommée de Jésus parvient à Hérode ; tandis que d’autres disent que Jésus est Élie ou un prophète, Hérode affirme qu’il est Jean ressuscité (14-16).
L’emprisonnement de Jean
L’évangéliste raconte à ce propos l’issue tragique du Baptiste. Jean avait été emprisonné parce qu’il blâmait l’union d’Hérode avec Hérodias, la femme de son frère. Celle-ci poursuivait le prophète de sa haine, mais ne pouvait obtenir sa mort. Hérode protégeait Jean, l’écoutait volontiers et était troublé par ses entretiens avec lui (17-20).
La mort de Jean
Le jour de naissance d’Hérode offrit à Hérodias une occasion propice. Sa fille dansa au festin qu’Hérode offrit à ses grands. Hérode enivré lui promit avec serment ce qu’elle voudrait. La jeune fille, après être allée consulter sa mère, demanda la tête de Jean-Baptiste. Le roi, tout attristé qu’il fût, n’osa refuser. Il envoya un garde décapiter Jean dans sa prison. Le garde apporta la tête de Jean sur un plat et la donna à la jeune fille, qui l’apporta à sa mère. Les disciples de Jean vinrent rendre les derniers devoirs à leur maître (21-29).
Voir sur ces paroles Matthieu 14.1-2, notes, comparez Luc 9.7-9.
Hérode est nommé roi selon l’usage populaire ; ce n’était pas son titre officiel. Matthieu et Luc le nomment plus exactement le tétrarque.
Grec : Et le roi Hérode ouït dire, car son nom était devenu célèbre. Il ouït dire ce que faisaient les disciples (12, 13).
Mais comme ceux-ci ne prêchaient et n’opéraient des guérisons qu’au nom et en la puissance de leur Maître, l’évangéliste, par un tour elliptique, ajoute que son nom, le nom de Jésus, avait acquis de la renommée par l’activité des apôtres.
Quant à l’opinion d’Hérode, que Jean était ressuscité d’entre les morts (voir verset 16, note), une variante de B, D, adoptée par Lachmann, Westcott et Hort et d’autres, l’attribue, dans ce verset-ci, non à Hérode, mais au public : ils disaient, on disait.
Comparer Matthieu 16.14, note.
La seule différence qu’il y ait entre ces diverses opinions, c’est que les uns estimaient que Jésus était Élie, c’est-à-dire un envoyé de Dieu animé de l’Esprit d’Élie, ou peut-être Élie lui-même revenant sur la terre ; (Malachie 4.5) tandis que d’autres pensaient qu’il était un prophète comme l’un des prophètes, c’est-à-dire un prophète semblable à l’un des anciens prophètes.
Ceux qui exprimaient ces divers jugements pouvaient se trouver dans l’entourage d’Hérode, mais ne faisaient que répéter des opinions qui avaient cours parmi le peuple et ce sont à peu prés ces mêmes opinions que les disciples rapportèrent à Jésus dans une autre occasion (Matthieu 16.14).
Hérode n’admet pas ces opinions, comme le montre déjà la particule adversative mais ; il insiste sur l’idée qu’il a exprimée (verset 14) et il le fait en termes énergiques que le texte reçu rend ainsi : « Ce Jean que j’ai décapité, c’est lui qui est ressuscité d’entre les morts ».
Les mots soulignés sont supprimés par Tischendorf, d’après Codex Sinaiticus, B et des version.
Le texte reçu porte en outre : « c’est lui ; lui-même est ressuscité… »
Les paroles d’Hérode trahissent le trouble d’une conscience tourmentée par le souvenir d’un meurtre. On a objecté à ce récit qu’il est inadmissible qu’Hérode, prince éclairé, rattaché au parti des sadducéens, crût à la résurrection de Jean.
Les paroles qu’on lui prête signifieraient simplement : « J’ai fait décapiter un de ces prophètes et en voici un autre qui reparaît ».
Mais il est évident que tous les évangélistes entendent ces paroles d’Hérode dans leur sens littéral. Et pourquoi se seraient-ils trompés ? Chez un homme faible, voluptueux, débauché, troublé dans sa conscience comme l’était Hérode, la superstition s’allie fort bien avec l’incrédulité.
En outre, la haute estime qu’il avait du caractère de Jean-Baptiste (verset 20) ne pouvait qu’augmenter les remords qui le faisaient parler ainsi.
Voir sur ce récit Matthieu 14.1-13, notes.
Marc raconte avec beaucoup plus de détails, le drame sanglant de la mort de Jean-Baptiste. Nous noterons les traits qui lui sont propres.
Il faut remarquer ce verbe à l’imparfait : Jean disait à Hérode.
Ce courageux témoignage à la vérité morale avait été rendu à plus d’une reprise par le prophète, qui savait cependant qu’il ne le faisait qu’au péril de sa vie. Il avait eu en effet maintes occasions de parler à Hérode (verset 20).
La femme de ton frère ; tout le crime d’Hérode était là !
Remplie de haine contre Jean, parce qu’il contrariait sa passion et son ambition Hérodias aurait voulu le faire mourir (grec, le tuer).
Pourquoi ne le pouvait-elle pas ?
Le verset suivant nous le dit clairement, en attribuant à Hérode, à l’égard de Jean, des sentiments tout autres que ceux de sa femme. Mais ici se trouve entre Marc et Matthieu une différence qu’il faut reconnaître.
Ce dernier dit, en effet, qu’Hérode eût voulu faire mourir Jean et qu’il n’en était retenu que par la crainte du peuple (Matthieu 14.5).
Marc (verset 20) exprime une appréciation toute différente.
On remarquera toutefois que, quand il s’agit de juger un homme faible, sans résolution, débauché, vacillant aux impressions variables, le jugement peut dépendre du moment où on le prend.
Hérode pouvait avoir eu le désir de se défaire de ce témoin importun, dans le temps où il le fit mettre en prison ; mais après avoir eu l’occasion de le voir de près plusieurs fois, il put très bien changer de sentiment à son égard. Marc constate ces nouvelles dispositions envers le précurseur.
Cela n’empêche pas que l’autre motif que Matthieu attribue à Hérode, la crainte du peuple, pût exercer aussi sur lui son influence.
La crainte qu’Hérode avait de Jean est très bien motivée par cette remarque qu’il voyait en lui un homme juste et saint ; car il pouvait penser que, s’il mettait à mort un tel homme, cela lui porterait malheur.
Ainsi il le gardait avec soin dans la prison, où il le protégeait contre les desseins d’Hérodias, et, comme il l’écoutait volontiers, il lui arrivait, après s’être entretenu avec lui, d’être perplexe, troublé sur beaucoup de choses.
Ce dernier mot peint admirablement la situation et les dispositions d’Hérode ; il explique cette crainte qu’il avait de Jean.
Cette idée si naturelle n’a pas été comprise des copistes, oui ont corrigé le verbe et font dire à l’évangéliste qu’Hérode « faisait beaucoup de choses après avoir entendu Jean ».
Bien que cette leçon se trouve dans A, C, D, la plupart des majuscules et des versions, il faut, sans hésiter, admettre l’autre variante.
Ce jour était favorable aux desseins d’Hérodias, qui pouvait mettre à profit l’enivrement d’un grand festin pour parvenir à son but.
Hérode réunit dans cette fête les trois classes d’hommes qui avaient accès à sa cour : les grands dignitaires civils, les chefs militaires (grec les chiliarques, qui avaient le commandement de mille hommes) et les principaux de la province où il se trouvait.
Voir, sur la fille d’Hérodias, Matthieu 14.6, note.
Hérode, ivre de vin, de volupté et de fausse gloire, promet avec serment ce qu’il ne pouvait pas donner. Il parle de son royaume, lui qui n’était que l’administrateur d’une petite tétrarchie ; il parodie le langage du grand Assuérus (5.3), lui qui n’a aucune souveraineté. Et ce langage, il le tient à une jeune fille qui vient de lui plaire par sa danse !
Matthieu se borne à dire que la jeune fille fit sa demande à l’instigation de sa mère.
Marc décrit la scène d’une manière plus dramatique : Salomé sort, se rend auprès de sa mère, qui ne craint pas de donner à son enfant un conseil où se trahissent toute sa haine et sa cruauté ; puis cette enfant rentre avec empressement dans la salle du festin et tient à Hérode ce langage impérieux qui nous montre en elle la digne fille de sa mère : Je veux à l’instant, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste !
Cette tristesse d’Hérode se conçoit très bien d’après le verset 20 ; la cause en est dans sa conscience troublée ; mais il obéit plutôt à une mesquine vanité, à laquelle il sacrifie la vie du précurseur.
Marc emploie ici un terme latin : speculator, surveillant.
C’était un des soldats de la garde du corps, auxquels incombaient aussi les exécutions capitales.
Tous les termes si simples du récit : il apporta la tête sur un plat et la donna à la jeune fille et la jeune fille la donna à sa mère, font mieux sentir l’horreur de cette scène que ne le feraient les expressions les plus pathétiques.
Quant à ce meurtre de Jean-Baptiste, résolu et exécuté au même moment, voir Matthieu 14.11, note.
Retour des disciples, Jésus les prend à l’écart
Les disciples, de retour de leur mission, s’assemblent auprès de Jésus pour lui en rendre compte. Jésus les invite à traverser le lac pour se rendre avec lui dans un lieu désert, afin d’y trouver un peu de repos ; car ils étaient tellement pressés par les foules, qu’ils n’avaient pas même le temps de prendre leurs repas (30-32).
Son projet déjoué par la foule
La multitude les ayant vus partir, les suit à pied, afin de les retrouver sur l’autre bord du lac. Jésus, touché de compassion, leur adresse des enseignements prolongés (33, 34).
Les préparatifs du repas
Comme l’heure est avancée, les disciples invitent Jésus à congédier la multitude, qui n’a rien à manger dans ce lieu désert. Jésus leur répond : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Les disciples, étonnés, lui font observer qu’il faudrait pour plus de deux cents deniers de pain. Jésus leur dit de s’assurer combien ils ont de pains. Ils constatent qu’ils n’ont que cinq pains et deux poissons (38-38).
Le repas
Jésus ordonne de faire asseoir la foule par groupes sur l’herbe verte. Puis il prend les pains et les poissons et prononce la bénédiction ; et il les donnait à ses disciples pour les distribuer à tous. Tous sont rassasiés et l’on emporte douze paniers pleins de ce qui restait. Or il y avait là cinq mille hommes (39-44).
Comparer Matthieu 14.13-21 ; Luc 9.10-17 ; Jean 6.1-15.
L’évangéliste, après sa digression sur la mort de Jean-Baptiste, reprend le récit de la mission des douze (verset 7 et suivants).
Le verbe au présent nous reporte à l’époque où la renommée de Jésus parvient aux oreilles d’Hérode (verset 14).
Les apôtres viennent rendre compte à Jésus des résultats de leur première mission. À l’exemple de leur Maître, ils ont joint à l’action l’enseignement (Fait et enseigné, Actes 1.1).
Ce passage est le seul de son Évangile où Marc emploie le mot d’apôtre. Voir Matthieu 10.2, note.
Vous seuls, grec vous-mêmes, pour votre compte, pour vos personnes.
Voir, sur les motifs de cette retraite, Matthieu 14.13, note.
D’après Marc l’intention de Jésus pour lui-même et pour ses disciples est d’échapper pour un temps au bruit et aux fatigues que leur occasionnaient tous ces nombreux allants et venants, afin de se reposer un peu.
Ce repos dans la solitude et dans la communion de leur Maître était surtout nécessaire aux apôtres, après leur premier voyage de mission. Il n’est pas moins nécessaire à tous les serviteurs de Dieu, que trop d’activité extérieure peut épuiser de corps et d’âme, de manière à paralyser cette activité même.
Marc fait pour la seconde fois cette observation : que Jésus et ses disciples n’avaient pas même le temps de manger (Marc 3.20).
C’est-à-dire qu’ils se rendirent sur la rive orientale du lac qui, moins peuplée que la contrée de Génézareth, leur offrait mainte retraite solitaire.
L’article (la barque), qu’on trouve souvent dans ces récits, parait désigner une barque dont Jésus se servait ordinairement et qui, sans doute, appartenait à l’un de ses disciples.
Ce verset présente, dans les manuscrits, des variantes, qui ne modifient guère le sens. De plus, le texte est susceptible de diverses traductions. On peut prendre le premier verbe dans un sens impersonnel. « On les vit partir et beaucoup connurent… »
D’après B, D, le verbe connurent n’a pas de régime ; le plus naturel est de sous-entendre : la direction et le but de leur course.
Le texte reçu porte : « ils le reconnurent », une variante de Codex Sinaiticus, A, version adoptée par Tischendorf : « ils les reconnurent ».
Quelque leçon qu’on adopte, notre récit nous dit qu’un grand nombre de ceux qui avaient entoure Jésus et ses disciples, les ayant vus s’embarquer et sachant qu’ils se rendaient sur l’autre rive, y accoururent à pied et les devancèrent.
Le texte reçu avec A et des majuscules ajoute : et ils s’assemblèrent vers lui.
Pour atteindre ce but, ils durent contourner l’extrémité septentrionale du lac. La courbe de la rive se rapproche sensiblement de la ligne droite, de sorte qu’ils purent arriver en même temps que la barque et même avant elle.
De toutes les villes, qui se trouvèrent sur leur chemin, plusieurs les accompagnèrent. Le récit de Matthieu a le même sens (Matthieu 14.13).
Étant sorti ; d’où ?
D’après Matthieu 14.14 (comparez Jean 6.3), Jésus sortait de la solitude de la montagne, où il avait passé quelques heures avec ses disciples, selon son intention rapportée par Marc lui-même (verset 31).
Mais cet évangéliste, nous ayant dit (verset 33) que la foule accourue à pied avait devancé Jésus sur l’autre rive, parait vouloir indiquer que Jésus ne put trouver la solitude et le repos qu’il cherchait ; son expression : étant sorti, a pour complément sous-entendu la barque (verset 32) et se rapporte au moment où Jésus descend sur le rivage.
Comparer Matthieu 14.14 ; Matthieu 9.36, note.
Voir, sur ce récit de la multiplication des pains, Matthieu 14.15 et suivants, notes et comparez Luc 9.10-17, Jean 6.5 et suivants.
Le texte reçu porte : qu’ils s’achètent des pains, car ils n’ont pas de quoi manger.
Cette question des disciples parait trahir un étonnement mêlé d’un peu d’humeur, causé par l’ordre inexécutable que Jésus leur donnait.
Marc seul rapporte cette évaluation des disciples qui estiment à deux cents deniers la quantité de pain nécessaire pour donner à chacun un peu de nourriture.
Ce détail est confirmé par Jean 6.7, où nous voyons que c’est Philippe qui fit le calcul et estima que cette somme ne suffirait même pas. Comme, en effet, le denier romain valait un peu moins d’un franc, cette somme, répartie sur cinq mille hommes (verset 44), aurait donné pour chacun la valeur de quelques centimes.
On a supposé, bien gratuitement, que les disciples indiquaient ce chiffre parce que c’était là tout l’argent qu’ils possédaient dans la bourse commune. Leur langage semble bien plutôt dire que jamais ils n’en ont possédé autant et qu’ils seraient fort embarrassés de se procurer cette richesse.
D’où provenaient ces cinq pains et ces deux poissons ?
Jean (Jean 6.8-9), qui raconte avec l’exactitude du témoin oculaire, a répondu à cette question.
Au reste, des pains et des poissons frits et souvent des œufs durs étaient la provision ordinaire de ceux qui se mettaient en voyage (Luc 11.11-12). Voir Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, 7e édition, p. 361.
Grec : groupes par groupes, rangées par rangées (hébraïsme, Exode 8.10).
Le premier de ces mots signifie littéralement une société de convives assis pour un repas ; le second un carré semblable à la plate-bande d’un jardin. Ces sociétés étaient assises sur deux lignes, entre lesquelles on pouvait passer pour les servir, chacune étant composée de cinquante ou de cent hommes.
Cet ordre, prescrit par le Seigneur lui-même, facilitait le service, assurait à chacun sa part et permettait de compter le nombre exact de convives (verset 44).
Marc achève de peindre la scène qui s’offrait alors aux regards, en nous disant que tous ces groupes étaient assis sur l’herbe verte. Or on sait par Jean qu’on était alors à l’époque de la fête de Pâque, en pleine efflorescence du printemps et qu’ainsi tous avaient sous les yeux les magnificences de ces campagnes qui s’étendaient des montagnes jusqu’au lac. C’est là que le Seigneur Jésus, déployant sa puissance et son amour, va rassasier d’aliments miraculeux ces multitudes que sa parole avait nourries du pain de vie.
Voir, sur cette bénédiction prononcée par le Sauveur, Matthieu 14.19, note.
Marc ajoute : levant les yeux au ciel.
Jésus cherchait toujours du regard, en Dieu, les bénédictions et les grâces qu’il communiquait aux hommes.
Il faut remarquer ce verbe à l’imparfait : il les donnait, à mesure qu’il les rompait. Marc indique par là que l’action dura aussi longtemps que la distribution et que c’est dans les mains de Jésus que les pains se multipliaient. Il parait plutôt ressortir du récit de Matthieu que la multiplication se fit dans les mains des disciples.
Il les distribua par les disciples, qui ainsi accomplirent réellement l’ordre que Jésus leur avait donné (verset 37) et qui leur avait paru inexécutable (Matthieu 14.19, 2e note).
Grec : « On ramassa des morceaux de quoi remplir douze paniers et (des restes) des poissons ».
Marc seul fait observer qu’on recueillit aussi ces restes de poisson. On peut se demander si ces derniers étaient en plus des douze paniers de morceaux de pain.
Voir, sur ce miracle, Matthieu 14.21, note.
Les disciples sur le lac, Jésus sur la montagne
Jésus contraint ses disciples d’entrer dans la barque pour repasser le lac, congédie la multitude et se retire sur une montagne pour prier. La nuit étant venue, il est là seul, tandis que les disciples se trouvent vers le milieu du lac (45-47).
Jésus vient au secours des disciples
Jésus, voyant qu’ils ont beaucoup de peine à ramer par un vent contraire, vient à eux, marchant sur les eaux. Le prenant pour un fantôme, ils poussent des cris d’effroi. Mais Jésus les rassure ; il monte dans la barque et le vent cesse. Tous en éprouvent le plus extrême étonnement (48-52).
Nombreuses guérisons dans la contrée de Génézareth
Jésus, ayant débarqué dans la contrée de Génézareth, se voit aussitôt entouré de gens qui, le reconnaissant, lui apportent des malades. Dans quelque lieu qu’il entre, dans les villes et dans les campagnes, on met devant lui les malades sur les places publiques et tous ceux qui touchent la frange de son vêtement sont guéris (53-56).
Comparer Matthieu 14.22-36 ; Jean 6.16-21.
Jésus obligea ses disciples à se séparer de la foule, car ils y répugnaient par diverses raisons (Matthieu 14.22, note).
Bethsaïda, petite ville située sur la rive occidentale du lac, en Galilée (Jean 12.21), lieu natal de trois apôtres (Jean 1.44), près de Capernaüm et de Chorazin (Luc 10.13), ce qui explique comment Jean (Jean 6.17) peut dire, sans contradiction avec le récit de Marc que les disciples naviguaient « vers Capernaüm ».
Il y avait aussi une ville du nom de Bethsaïda (nom qui signifie maison de pêche) sur la rive orientale du lac (Marc 8.22, note), dont Josèphe (Guerre des Juifs, III,10, 7) désigne la situation.
C’est à tort que quelques interprètes admettent cette dernière localité comme celle vers laquelle tendaient ici les disciples.
Voir Matthieu 14.23 note.
Matthieu 14.25, note.
Les voyant, il vient.
C’est ainsi que Marc rend présente cette scène ; deux mots lui suffisent pour nous montrer à la fois le regard pénétrant de Jésus qui, de sa retraite sur la montagne, aperçoit ses pauvres disciples en danger et sa tendre sollicitude qui le porte à leur secours.
La quatrième veille de la nuit commençait à trois heures du matin. Comme ils s’étaient embarqués la veille au soir, on a trouvé étrange que les disciples eussent lutté toute la nuit contre les flots. Mais Marc, en parfait accord avec Matthieu, a déjà prévenu cette objection par la simple observation que le vent leur était contraire.
Les devancer ou les dépasser.
Ce trait qui appartient à Marc seul est assez difficile à expliquer. Quel était le but de Jésus ?
Un interprète dit qu’il voulait passer inaperçu de ses disciples ; un autre, qu’il voulait les encourager en marchant devant eux comme le vainqueur des flots déchaînés. N’est-il pas plus conforme au récit de penser qu’il voulait les rassurer en se montrant à eux ? Ou, puisque ce but ne fut pas atteint et que leur trouble ne fit qu’augmenter, Jésus voulait-il mettre leur foi à l’épreuve et désirait-il que l’initiative de la délivrance vint de leur part et qu’ils implorassent son secours ?
Quoi qu’il en soit, le cri d’angoisse qu’ils firent entendre parvint à son cœur (verset 50).
Voir Matthieu 14.27 note.
Jésus est auprès d’eux, la tempête s’apaise sans qu’il ait à commander aux flots et à la mer, comme dans une autre occasion (Marc 4.39).
Au terme si fort, ils furent stupéfaits, le texte reçu avec A, D, majuscules ajoute : et ils s’étonnaient.
Cette réflexion, qui est particulière à notre évangéliste, jette une sorte de blâme sur l’extrême étonnement des disciples et peut-être aussi sur la peur dont ils avaient été saisis en voyant Jésus marcher sur les eaux.
Il n’en aurait pas été ainsi s’ils avaient compris au sujet ou à l’occasion du miracle des pains ; (verset 35 et suivants) ils auraient conclu de la puissance de Jésus dans la première occasion, à sa puissance dans la seconde.
La cause de ce manque d’intelligence se trouvait dans leur cœur endurci.
Ce dernier mot ne doit pas s’appliquer seulement à un aveuglement, une sensibilité de leur cœur dans le cas actuel, mais s’étendre à l’état moral dans lequel ils étaient à cette époque.
Cette observation intime sur les disciples ne peut provenir que d’un témoin oculaire ou même d’un homme qui avait éprouvé les impressions dont il s’agit. Or ce témoin, c’est l’apôtre Pierre, dont Marc a conservé les récits (voir l’Introduction). Et c’est là aussi peut-être la cause pour laquelle nous ne trouvons pas dans notre Évangile le trait relatif à Pierre marchant sur les eaux (Matthieu 14.28-31).
Pierre, en racontant cette grande scène dans ses prédications, passait sous silence ce qui le concernait personnellement.
Grec : Ayant traversé vers la terre, ils arrivèrent en Génézareth.
Telle est la leçon de Codex Sinaiticus, B ; dans le texte reçu, dans A, D et les majuscules, les mots sont dans un autre ordre ; vers le pays est joint à Génézareth : ils vinrent dans le pays de Génézareth.
Voir, sur cette contrée de Génézareth, Matthieu 14.34, note.
Voir sur ce récit Matthieu 14.36, note.
Marc nous peint avec plus de détails ces scènes émouvantes, cet extrême empressement des malades et de leurs proches, ces nombreuses guérisons accomplies par le Sauveur, qui marquèrent le point culminant de l’activité de Jésus en Galilée et provoquèrent un redoublement d’hostilité de la part des adversaires (Marc 7.1 et suivants).