Verset à verset Double colonne
Pour le titre, voir l’introduction.
Lorsque l’Éternel… l’Éternel dit… Ce nouveau titre se rapporte aux trois premiers chapitres et signale leur contenu comme le début du ministère d’Osée.
Va, prends une femme… On a beaucoup discuté sur la question de savoir si ce mariage d’Osée doit être envisagé comme un fait réel, ou s’il appartient uniquement au domaine de la vision ou du symbolisme prophétique. Nous n’hésitons pas à nous prononcer pour cette dernière alternative. Nous ne pouvons sans doute admettre, comme on l’a prétendu souvent, que, pris au sens littéral, cet ordre serait entaché d’immoralité ; car cette objection atteindrait aussi l’image dont se sert le prophète et par conséquent Dieu lui-même qui lui fait jouer ce rôle en vision ou symboliquement. Les vraies raisons sont les deux suivantes :
Dieu exprime par cette image si extraordinaire et si énergique le sentiment de répulsion et même de dégoût que lui fait éprouver la vue de l’état moral du peuple avec lequel il a contracté alliance. Son péché prend le caractère de la plus odieuse impureté ; c’est par cette image que Dieu caractérise le crime de l’idolâtrie chez ce peuple dont il a daigné faire son peuple.
Osée représente donc l’Éternel ; la femme prostituée, la nation idolâtre, dans son ensemble ; le mariage, l’alliance conclue entre Dieu et Israël ; et les enfants, les membres particuliers de ce peuple infidèle. Ce qui facilite l’emploi de cette figure, c’est le fait qu’en hébreu le mot Baal, qui signifie : maître et seigneur, signifie aussi : mari.
Osée est le premier qui ait employé cette image de l’adultère, devenue familière dès lors aux écrivains sacrés (Jérémie 3.8-9 ; Ézéchiel 23.1 ; Apocalypse 17.1-6). Quant à l’acte symbolique qui nous occupe, les livres des prophètes nous en présentent beaucoup d’autres pareils, qui, quoique ordonnés de Dieu, n’étaient nullement destinés à être accomplis littéralement, mais devaient simplement être racontés au peuple comme une sorte de parabole. On sait en effet combien cette forme d’enseignement était familière aux Israélites et usitée en ces temps-là (comparez par exemple : Jérémie 27.2 et suivants et Ézéchiel chapitres 3 et 4, notes et notre introduction générale aux prophètes).
Gomer, fille de Diblaïm. Comme les noms employés plus tard ont un sens symbolique, on peut supposer qu’il en est de même de ceux-ci. Gomer signifie consommation et ce nom peut par conséquent signifier soit la consommation du péché d’Israël, soit celle de son châtiment prochain, soit ces deux faits réunis.
Diblaïm signifie selon les uns : gâteaux de figues et dans ce cas, ce nom serait l’emblème d’un bien-être temporel corrupteur, comme dans Osée 3.1, les gâteaux de raisin : le peuple s’est corrompu dans sa prospérité. D’autres le font dériver de la racine daval : zaval, dans le sens de fiente, fumier ; il indiquerait ce qu’il y a de plus vil et qui cause le dégoût le plus profond.
Nomme-le Jizréel… Ce nom, choisi de Dieu, est employé ici sans qu’il soit fait allusion à son sens étymologique : Dieu sème, Dieu disperse, dont le prophète se servira plus tard (versets 5 et 11 ; Osée 2.22). Ce que ce nom doit rappeler, c’est le rôle historique qu’avait joué la localité ainsi désignée dans les événements les plus récents de l’histoire du peuple des dix tribus. On donnait le nom de plaine de Jizréel à la grande et large vallée située dans la tribu d’Issacar, qui de l’ouest à l’est coupe en deux le plateau occidental de la Palestine. Cette plaine est en quelque sorte la porte de tout le pays ; aussi est-elle devenue le théâtre ordinaire des luttes qui ont ensanglanté la Terre Sainte. Mais ce même nom de Jizréel désignait plus spécialement la ville située dans cette plaine, dont Achab avait fait sa résidence d’été et où Jéhu avait consommé le massacre de sa maison ; de là ce qui suit : Je punirai le sang de Jizréel… Ces paroles se rapportent évidemment à l’extermination de Jézabel et des soixante-dix fils d’Achab, ainsi que de tous les autres membres de sa famille par Jéhu (2 Rois 9.1-10.31). Cette mesure avait été ordonnée par l’Éternel, il est vrai (1 Rois 19.16-17 ; 2 Rois 9.6-10), comme punition du sang innocent de Naboth versé par Achab (2 Rois 9.21-26). Mais Jéhu avait égorgé en outre le roi de Juda Achazia et ses frères qui se trouvaient à Jizréel, ce que Dieu ne lui avait point commandé ; et surtout, ce jugement sanglant s’était transformé en un véritable crime, parce que Jéhu ne l’avait fait servir qu’à l’assouvissement de son ambition et qu’il avait maintenu le culte des veaux d’or, cette plaie du royaume des dix tribus qu’il avait mission d’extirper. Ce crime pesait donc encore sur sa maison et sa dynastie ; et le prophète annonce ici qu’il sera prochainement expié (voir introduction II).
Encore un peu de temps… Le quatrième et dernier rejeton de Jéhu, Zacharie, successeur du roi Jéroboam II sous le règne duquel Osée prononçait ces paroles, ne monta sur le trône que pour être assassiné au bout de six mois.
Je briserai l’arc d’Israël. La menace précédente est étendue par ces mots de la famille royale au peuple entier. Le prophète annonce une grande bataille qui aura lieu dans cette même plaine de Jizréel et dans laquelle sera détruite la force (l’arc) d’Israël. L’histoire ne mentionne pas expressément ce fait ; mais on doit l’envisager comme certain. Car lorsque, 62 ans après environ, Salmanasar vint mettre le siège devant Samarie (2 Rois 17.4-6), il ne put le faire qu’après avoir vaincu l’armée d’Israël et il est naturel de supposer que cette bataille, comme tant d’autres, eut lieu dans la plaine de Jizréel ; à moins que l’on ne préfère admettre que cette localité n’est nommée ici que comme le champ de bataille ordinaire dans ce pays. Toute cette prophétie est d’autant plus remarquable qu’elle a été prononcée à une époque où rien ne faisait prévoir la décadence et la chute d’Israël. Jamais ce royaume n’avait été aussi prospère que sous Jéroboam II (voir introduction).
Par le nom de la fille du prophète, Dieu déclare au peuple que le temps de sa patience a pris fin. Le sort de Juda est distingué de celui d’Israël : Juda sera gracié, mais son salut sera l’effet, non de sa propre puissance militaire ou d’un secours étranger, mais de la seule volonté de Dieu. Et, en effet, l’Éternel délivra miraculeusement Ézéchias, roi de Juda, de l’armée de Sanchérib (2 Rois 19.1-37) tandis que, peu de temps auparavant, Israël succombait sous les coups de la même puissance assyrienne.
Quel avertissement et quelle menace pour Israël que le nom de ce nouvel enfant ! Ne plus être le peuple de Dieu, c’est tout perdre ; car ce n’est que grâce à cette position privilégiée qu’Israël subsiste au milieu de ses puissants voisins. Cette déclaration implique que tous les liens formés entre Dieu et Israël depuis la sortie d’Égypte, vont être brisés.
Ces deux versets commencent dans le texte hébreu un nouveau chapitre. Nous pensons plutôt qu’ils forment avec le premier verset du chapitre 2 la conclusion du récit du chapitre 1.
On est frappé de la transition si brusque de la menace à la promesse ; ce trait se retrouvera souvent dans le prophète Osée ; son cœur plein d’amour semble pressé de relever ceux qu’il vient de traiter si sévèrement, lors même qu’il n’en a pas encore fini avec les reproches à leur adresse (comparez Osée 2.14-23).
Le nombre des fils d’Israël… Le prophète annonce dans l’avenir non seulement un rétablissement, mais un accroissement incommensurable du peuple ; ce sera l’accomplissement de la promesse Genèse 22.17.
Et là où on leur disait… Le prophète veut parler de toutes, les contrées de la terre où Israël aura été dispersé. On ne le reconnaissait plus, dans cet état de déchéance, pour le peuple de Dieu. Mais le jour viendra où on le reconnaîtra de nouveau pour son peuple et même pour sa famille : fils du Dieu vivant… Une telle reconnaissance suppose nécessairement chez les païens de la part desquels elle a lieu, la reconnaissance du Dieu vivant. Comme les Juifs étaient devenus en quelque sorte païens avec eux, eux sont à leur tour graciés avec les Juifs ; et c’est pourquoi dans le Nouveau Testament cette parole leur est expressément appliquée (Romains 9.25-26 ; 1 Pierre 2.10).
Et les fils de Juda… se donneront un même chef… Par le retour des dix tribus à David et à sa famille, le schisme prendra fin. Il avait été voulu de Dieu, il est vrai, mais uniquement comme châtiment momentané et la dynastie de David n’en restait pas moins la seule qui eût reçu les promesses (2 Samuel 7.1-29). L’avenir du peuple était donc lié à celui de cette famille. Aussi le retour à David est-il toujours envisagé comme l’idéal. Cet idéal voulu de Dieu se réalisera pleinement, quand le vrai David, le Messie, sera devenu le seul roi et chef de son peuple et que tout Israël sera sauvé (Romains 9.26) ; alors seulement s’accomplira cette prophétie. Il y a eu sans doute déjà, au temps de Zorobabel, un premier retour du peuple dirigé par ce chef issu de la famille de David, mais ce ne fut qu’une partie du peuple qui rentra alors en Judée.
Et monteront hors du pays… Ce pays ne peut être la Palestine, Canaan étant toujours dans l’Ancien Testament le symbole du bonheur. C’est ici une allusion à Exode 1.10 ; le pays, c’est l’Égypte, comme type de toutes les contrées où le peuple aura été exilé et dispersé ; le terme monter s’explique, parce qu’il faut monter pour aller d’Égypte en Canaan.
Car grande est la journée de Jizréel… Une nouvelle journée de Jizréel se lèvera et elle sera l’opposé de la précédente (verset 5). Celle-ci avait amené la ruine d’Israël et avait justifié le nom de Jizréel, dans le sens fâcheux de Dieu disperse ; la journée nouvelle justifiera aussi ce nom, mais dans le sens favorable de Dieu sème. Tout Israël réuni deviendra une sainte semence, une glorieuse plantation de Dieu (Osée 14.5-7 ; Ésaïe 61.3). Cette promesse se rapporte sans doute au peuple de Dieu des derniers temps, qui comprendra à la fois l’Israël converti et l’Église des Gentils formant ensemble le peuple messianique ; ainsi seulement s’expliquent les expressions : en aussi grand nombre que le sable de la mer qui ne peut ni se mesurer ni se compter (verset 10).