Verset à verset Double colonne
Rapports personnels, actions de grâces et requêtes
Signature, adresse, vœu apostolique (1, 2).
Actions de grâces de l’apôtre pour l’état spirituel des Philippiens, sa confiance que Dieu achèvera l’œuvre commencée en eux (3-6).
Cette confiance se fonde sur leur communion dans l’Évangile et sur sa tendre affection pour eux (7, 8).
Il demande à Dieu qu’ils abondent en charité, en connaissance, en pureté, en fruits de justice pour glorifier Dieu (9-11).
Bien que Paul soit seul l’auteur de cette lettre, il nomme avec lui son bien-aimé Timothée par un sentiment de délicate affection pour ce dernier, peut-être aussi afin de lui préparer une réception d’autant plus cordiale à Philippes, où il comptait l’envoyer bientôt (Philippiens 2.19-23). Désirant se placer sur un pied de fraternelle égalité avec celui qui avait été son collaborateur dans la fondation de l’Église de Philippes (Actes 16), Paul ne se donne pas, comme à l’ordinaire, son titre d’apôtre, mais partage avec lui le beau nom de serviteur de Jésus-Christ (comparer 1 Thessaloniciens 1.1 ; 2 Thessaloniciens 1.1 ; Colossiens 1.1).
Saints en Jésus-Christ, c’est-à-dire saints par leur communion avec le Sauveur (comparer 1 Corinthiens 1.2, note).
La lettre est adressée à tous les membres de l’Église, qui sont même nommés avant les évêques et les diacres.
C’est ici la seule de ses lettres où l’apôtre désigne une Église en énumérant tous les éléments qui la composent : les saints (chrétiens), les évêques (Grec : « surveillants », les mêmes que les anciens ou pasteurs, Actes 20.17 ; Actes 20.28 ; 1 Pierre 5.1) et les diacres (Grec : « serviteurs »), dont l’origine et les fonctions remontent à Actes 6.1 et suivants.
Il serait difficile de dire pourquoi Paul désigne ainsi, contre son habitude, l’Église de Philippes ; mais ce qui est bien plus important, c’est que ce passage, en nous montrant quelle était, dès les temps apostoliques, la composition d’une Église fondée par l’apôtre lui-même, nous fournit une précieuse confirmation de ce que l’on a appelé plus tard la constitution presbytérienne de l’Église (comparer Actes 11.30 ; Actes 14.23 ; Actes 1.5).
Et toutefois, bien que Paul nomme ici ceux qui exercent des fonctions très honorables à ses yeux, il s’adresse avant tout au peuple de l’Église.
Les écrits apostoliques sont envoyés plus directement à l’Église qu’à ceux qui la président
Voir Romains 1.7, note.
Ce verset 5 indique le sujet des actions de grâces de l’apôtre, de ses prières, de sa joie (versets 3 et 4) ; c’est la communion des Philippiens à ou pour l’Évangile, c’est-à-dire d’abord leur participation à ses immenses bienfaits, puis la part qu’ils ont prise aux souffrances et aux combats par lesquels l’Évangile s’est affermi et étendu au milieu d’eux, et cela, depuis le premier jour où cet Évangile leur fut annoncé jusqu’à maintenant (verset 7).
C’est là pour l’apôtre le double sujet d’une reconnaissance qu’il exprime très souvent dans ses lettres (Romains 1.8 ; Éphésiens 1.15 ; Éphésiens 1.16 ; Colossiens 1.4 ; 2 Corinthiens 1.7).
Grec : « la perfectionnera », la rendra parfaite.
Cette bonne œuvre par excellence, l’œuvre de la foi, de la conversion, du salut, que Paul vient d’indiquer comme une communion à l’Évangile, il en attribue ici le commencement, la continuation et la fin à Dieu, ce qui est conforme à tous les enseignements de l’Évangile sur ce grand sujet.
C’est parce que cette œuvre est l’œuvre de Dieu que l’apôtre parle avec tant d’assurance de son achèvement jusqu’au jour de Jésus-Christ (verset 10, note).
Il ressort clairement aussi de cette parole qu’il y a pour la vie du chrétien un développement et une croissance, de telle sorte que la puissance de vie qui est là dès l’origine se déploie toujours plus complètement et dans des sens plus divers
Quelques interprètes entendent par la « communion ou participation à l’Évangile » (verset 5) uniquement la part active qu’ont prise les Philippiens à le propager et par la bonne œuvre, cette coopération même. Dans l’un et l’autre cas, c’est une explication très incomplète et superficielle des paroles de l’apôtre.
Paul montre combien est justifiée et légitime de sa part, cette certitude qu’il a du salut final de ses frères de Philippes.
Les mots soit dans mes liens, soit dans la défense et la confirmation de l’Évangile peuvent se rattacher à ceux qui précèdent : je vous porte dans mon cœur. L’apôtre justifierait son assurance de leur salut en la fondant sur son affection pour eux qui, loin d’être relâchée, est fortifiée par la captivité qu’il endure.
Mais ces mots peuvent se rattacher aussi à ceux qui suivent : « vous tous étant participants avec moi de la grâce » (grec) et l’apôtre voudrait dire : « Je vous ai dans mon cœur, vous qui, dans mes liens, dans mes souffrances et mes travaux, êtes tous participants de la grâce, de cette grâce de souffrir pour le nom de Christ » ; il invoquerait comme motif de son assurance, non pas tant le fait qu’il les porte dans son cœur, que le fait qu’ils ont part eux aussi aux souffrances pour la cause du Sauveur (comparer verset 29).
Cette pensée rend mieux compte de l’assurance de l’apôtre. Quand on voit des chrétiens souffrir pour leur Maître, il est juste de croire qu’ils sont en état de grâce.
Grec : « Que je vous chéris tous dans les entrailles de Jésus-Christ », ou plus exactement encore : « que je vous désire tous » ; le cœur aspire vers ceux qu’il aime (Philippiens 2.26 ; 2 Corinthiens 9.14 ; Romains 1.11) ; expression non seulement d’une profonde tendresse pour ses frères, mais de la plus intime communion avec Jésus-Christ.
En Paul ce n’est pas Paul qui vit, mais Jésus-Christ ; c’est pourquoi en Paul s’émeuvent non les entrailles de Paul, mais les entrailles de Jésus-Christ.
Paul est tellement un avec son Sauveur qu’il souffre les souffrances de Christ et que Christ souffre et combat en lui (2 Corinthiens 1.5 ; Colossiens 1.24).
Paul vient de dire à ses frères qu’il prie sans cesse pour eux (verset 4) ; il leur indique maintenant quelles sont les grâces qu’il réclame surtout de Dieu.
Après leur avoir exprimé vivement son amour, comment pourrait-il le leur témoigner mieux qu’en adressant de telles supplications à Dieu en leur faveur ?
Ce qu’il demande avant tout, c’est que cet amour dont ils sont animés déjà, abonde encore de plus en plus. Il sait, en effet, que l’amour est l’âme de la vie chrétienne, l’âme de tous les autres dons de Dieu.
Toutefois, l’Évangile doit produire le développement simultané de toutes nos facultés, l’amour, force, chaleur et vie du cœur, a besoin d’être éclairé de la lumière d’en haut pour ne pas s’égarer dans les voies trompeuses de ses propres impressions.
Paul demande donc qu’il abonde avec toute connaissance et intelligence. Ces deux mots ne sont pas tout à fait synonymes : le premier exprime surtout la perception claire et nette de la vérité, le second ce sens délicat, ce tact moral qui sert de guide dans la vie pratique. Le résultat que l’apôtre attend de ces dons est indique aux versets 10 et 11.
Ou bien : « Les choses contraires, qui diffèrent » (Romains 2.18).
Le mot grec a les deux sens, qui, dans la pratique, se réduisent à un seul ; car, avoir le discernement de ce qui est bien, conforme à la vérité et à la volonté de Dieu (Romains 12.2), c’est aussi discerner ce qui y est opposé, soit dans la doctrine, soit dans la vie.
Rien de plus rare parmi les chrétiens que ce discernement ! Aussi devraient-ils sentir le besoin d’adresser sans cesse à Dieu, chacun pour soi et les uns pour les autres, la prière de l’apôtre.
Tel sera le fruit du discernement. Purs ne signifie pas seulement, dans ce verset, exempts de souillure, mais sincères, sans alliage (Cet adjectif ne se lit qu’ici et 2 Pierre 3.1, mais le substantif de la même racine se retrouve entre autres dans 2 Corinthiens 1.12 ; voir à ce passage la note qui en indique le sens étymologique).
Le mot rendu ici par sans achoppement, faux pas, chute, peut avoir un sens passif, se rapportant à nous-mêmes : sans broncher, ni tomber ; ou un sens actif : sans causer de scandale et être pour d’autres une occasion de chute.
Toujours l’apôtre dirige sa pensée vers ce dernier terme, le jour de Christ (verset 6), c’est-à-dire le grand jour de son apparition (comparer Philippiens 1.6 ; Philippiens 2.16 ; Romains 2.5 ; Romains 2.16 ; 1 Corinthiens 1.8 ; 1 Corinthiens 5.5 ; 2 Corinthiens 1.14 ; Éphésiens 4.30 ; 2 Thessaloniciens 1.10 ; 2 Timothée 1.12, etc.).
Voilà le côté positif de la vie chrétienne tendant à la perfection, tandis que le verset précédent n’en indiquait encore que le côté négatif, la préservation du mal.
Une vie remplie de fruit de justice (tel est le vrai texte et non des fruits selon le texte reçu) rappelle l’image d’un arbre chargé de fruits.
Le mot justice est pris ici dans le sens de justice pratique, intérieure et non dans celui de justification. Un puissant motif pour le chrétien d’abonder dans le fruit de justice, c’est que ce fruit est par Jésus-Christ, qui le rend acceptable, à la gloire et à la louange de Dieu.
Ses liens ont encouragé plusieurs à annoncer hardiment l’Évangile ; quelques-uns, il est vrai, le font par de mauvais motifs : il s’en réjouit cependant, puisque Christ est annoncé (12-18).
Tout cela lui tournera à salut, car il a la ferme assurance que Christ, qui est sa vie, sera glorifié, soit par sa vie, soit par sa mort (19-21).
Il ne sait ce qu’il doit choisir, partir ou rester ; lui, préférerait être avec Christ, mais puisque sa présence est plus utile pour eux, il est persuadé qu’il restera pour leur joie en Jésus-Christ (22-26).
C’était pour l’apôtre une douce consolation dans sa captivité et ce devait être pour les Philippiens un précieux encouragement de savoir qu’un événement qu’ils déploraient, loin de nuire à l’Évangile, en avait hâté les progrès sous la main puissante de ce Dieu dont la sagesse sait tirer le bien du mal. Aussi est-ce par le récit de ce fait que Paul commence ces communications personnelles, ces épanchements pleins de confiance qui occupent une si large place dans notre épître (versets 12-26).
Par cette expression : Mes liens sont devenus manifestes en Christ, l’apôtre veut dire qu’il a été évident aux yeux de tous qu’il ne portait pas les chaînes d’un criminel, mais celles d’un témoin de Jésus-Christ et que c’était en Christ, dans une communion vivante avec lui qu’il endurait les humiliations et les souffrances de sa captivité. Ce fait avait contribué au progrès de l’Évangile plus que n’eussent pu le faire beaucoup de paroles.
Le prétoire était la caserne de la cohorte prétorienne. Il ne servait pas de prison à l’apôtre, mais c’étaient des soldats de ce corps qui le gardaient (Actes 28.16), et comme ils se relevaient sans cesse auprès de lui, ils eurent en grand nombre l’occasion d’entendre l’Évangile, que le fidèle apôtre ne manquait pas de leur annoncer.
Eux de leur côté répandaient partout ailleurs, dans toute la ville et jusque dans le palais de l’empereur, ce qui leur avait été enseigné (Philippiens 4.22).
C’est par les souffrances des ouvriers que les œuvres de Dieu s’établissent et s’affermissent. Les obstacles des hommes sont les moyens de Dieu : ce qui désole les gens charnels, est ce qui console les enfants de la foi. Saint Paul ne se glorifie point que son éloquence et ses talents soient célèbres à la cour, mais de ce que ses humiliations y sont connues. Quand Dieu veut faire connaître ceux qui sont à lui, il y fait servir ses plus grands ennemis. Laissons faire Dieu et suivons sa conduite
Grec : « Persuadés par mes liens », ce qui signifie qu’ils ont reçu, par la vue de ces liens mêmes, plus de foi et plus de courage. Cette expérience de Paul s’est renouvelée à toutes les époques.
Combien souvent le témoignage d’un martyr gagna-t-il à Christ des adversaires et des indifférents, ou enhardit-il des chrétiens timides qui se mirent à le suivre dans cette voie de douleurs !
Ceux qui prêchent Christ dans ces mauvais sentiments ne sont pas les mêmes que l’apôtre mentionne avec éloge au verset précédent ; c’est une nouvelle catégorie (quelques-uns aussi) qui vient s’ajouter à l’autre.
Leur envie et leur esprit de dispute tenaient certainement à une différence dans la doctrine et sans doute aussi à leur désir charnel d’attirer des disciples à eux en affaiblissant l’influence de l’apôtre (verset 17, note).
Grec : « Par bienveillance », de bon cœur, soit envers l’Évangile même, soit envers l’apôtre (verset 17).
Ces deux versets (versets 16 et 17), qui sont l’explication du verset 15, ont été intervertis par des copistes pour reprendre le même ordre qu’au verset 15.
Nous avons d’après les meilleurs manuscrits, rétabli l’ordre dans lequel Paul les a écrits. Il parle d’abord de ceux qui annoncent Christ par amour.
Ceux-ci en communion de cœur avec lui, voient en lui l’envoyé de Jésus-Christ et dans ses liens mêmes un sceau de son ministère. Mais les autres (ceux-là) prêchent Christ par de faux motifs et non avec pureté, parce qu’ils pensent susciter de l’affliction à mes liens (verset 17).
On se demande : comment leur prédication pouvait susciter une affliction à l’apôtre dans la position où il se trouvait ? On a fait à cette question bien des réponses ; il aurait fallu avant tout dire avec Calvin : « Les raisons nous en sont inconnues, parce que les circonstances de ces temps ne sont pas parvenues jusqu’à nous ».
Était-ce en provoquant par leur faux zèle des mesures plus sévères contre Paul de la part de l’autorité ? Était-ce en excitant contre lui la haine des Juifs, qui pouvaient lui nuire aussi en aggravant son accusation ? Était-ce enfin en lui faisant perdre la confiance et l’affection des chrétiens de Rome et en diminuant ainsi son influence ?
Toutes ces opinions ont été soutenues et d’autres encore. Mais cette question dépend en grande partie d’une autre qui a plus d’importance : Quels étaient ces hommes qui prêchaient Christ, mais qui le prêchaient par des motifs si répréhensibles ?
On s’accorde généralement à voir en eux des chrétiens judaïsants, les adversaires constants de l’apôtre. Ils avaient reçu l’Évangile, mais sans renoncer assez complètement au judaïsme pour admettre la grande doctrine de la justification par la foi que Paul annonçait. Ils entraient partout dans le champ de son travail, profitaient à Rome de sa captivité pour nuire à son influence et se mettaient eux-mêmes à l’abri de la persécution, en acceptant d’être confondus avec les Juifs. La loi romaine se montrait tolérante à l’égard de ces derniers, comme représentants d’une antique religion nationale, tandis qu’elle condamnait toute religion nouvelle (Actes 16.21 ; Actes 17.6 ; Actes 17.7 ; Galates 6.12 ; comparez Philippiens 3.2, note).
Quel oubli de soi-même ! quel amour exclusif pour son Maître ! quel support plein de charité pour ses adversaires !
Il paraît cependant que ceux-ci ne mêlaient pas des erreurs trop dangereuses à la prédication de Christ ; car, dans ce cas, Paul n’aurait pas pu se réjouir de leur œuvre. On sait comment il combat les faux docteurs, dans l’épître aux Galates par exemple (comparer ci-dessous Philippiens 3.2).
Même le chagrin que Paul éprouvait personnellement des intentions malveillantes de ses adversaires, devait contribuer à son bien spirituel, à son salut, en vertu de ce principe que lui-même a posé : « Toutes choses travaillent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu » (Romains 8.28).
Cependant il éprouve le besoin de s’assurer deux secours précieux : les prières de ses frères, qui le soutenaient dans ses plus rudes combats et la puissance de l’Esprit de Jésus-Christ, par le témoignage duquel il avait toujours la certitude de son adoption et de son triomphe final sur tout ce qui aurait pu lui nuire.
Dans mon corps signifie : par toute ma vie sur la terre, soit que cette vie se prolonge et que je serve encore mon Maître, soit qu’elle doive bientôt aboutir à la mort.
Dans l’un ou l’autre cas, Christ sera magnifié. En effet, glorifier son Sauveur, voilà la seule pensée de l’apôtre, celle qu’il oppose à être confus.
De quelque manière que cette glorification de Christ ait lieu par lui, quoi qu’il puisse lui en coûter, peu importe ! (verset 22) Celui qui, comme Paul, s’est offert à Dieu en sacrifice vivant et saint (Romains 12.1), n’a plus à choisir de quelle manière il glorifiera Dieu ; ce n’est pas son affaire.
Si l’apôtre n’a qu’une pensée, qu’un désir, qu’un but, au moins a-t-il une bien ferme assurance de l’atteindre ; il n’accumule pas moins de trois termes, les plus forts, les plus énergiques, pour exprimer cette assurance qui le console de tout : ferme attente, espérance, toute assurance.
Le verset suivant dit clairement la raison profonde et inébranlable de cette certitude.
Grec : « Car pour moi, vivre, c’est Christ et mourir un gain ».
L’assurance de Paul de glorifier son Sauveur, quoi qu’il arrive, par sa vie ou par sa mort, repose sur ce fait qu’il ne vit plus pour lui-même, mais pour Christ ; sa vie terrestre lui est consacrée au point que vivre ici-bas n’a plus de valeur, d’utilité, de but que pour Christ : « Si je vis encore je vivrai à Christ et mourir m’est un gain », parce que c’est être avec Christ (verset 23). Cette mort de martyr glorifiera Christ et jettera Paul dans les bras de son Sauveur (comparer Romains 14.7-9).
Tel est le sens de ce verset le plus conforme, d’une part, à la grammaire, et, de l’autre, au contexte, puisqu’il doit prouver ou expliquer (car) comment Paul glorifiera en tout cas son Maître. Cependant, on a laissé subsister dans le texte ci-dessus la version d’Ostervald (empruntée à Luther) : Christ est ma vie, d’abord parce qu’à la rigueur cette belle pensée n’est pas contraire aux termes de l’original et qu’ensuite elle peut, au fond, rendre compte aussi de la raison pour laquelle Paul glorifiera son Maître : « Christ est ma vie, ma vie réelle, spirituelle, impérissable ; si donc il prolonge mon existence, ce ne sera que pour sa gloire, sinon, la mort, qui n’a aucun empire sur cette vie-là, qui me mettra en possession de la plénitude de cette vie, m’est un gain ». On a ainsi la pensée profonde que Paul exprime souvent ailleurs (Romains 6.8-10 ; Galates 2.20 ; Colossiens 3.3 ; Colossiens 3.4).
Gerlach réunit les deux interprétations qui précèdent comme formant le sens complet du verset, ce qui n’est pas impossible. Enfin, il est une troisième signification proposée par Calvin, qui consiste à faire du nom de Christ le sujet des deux phrases et à traduire : « Pour moi, vivant ou mourant, Christ m’est un gain ». De là, la version de Martin : « Christ m’est gain à vivre et à mourir ». Cette traduction n’est pas soutenable.
Mais réaliser cette parole est encore plus important et plus difficile que de la comprendre.
Christ est ma vie :
Ô parole qui ne pouvait se trouver que dans la Parole de mon Dieu et dans la communion de Christ ! Heureux homme de Dieu ! que ne puis-je redire après toi cette Parole : ô Jésus, mon Sauveur et mon Dieu ! si tu étais seul ma vie, toi don de Dieu, seule lumière des âmes, leur paix, leur vie ! si tes pensées étaient mes pensées, tes voies, mes voies ! si mon esprit était pénétré de ton Esprit et que ton amour fût l’ardeur de mon âme ! Oui, tu le deviendras ; ton Esprit m’en rend témoignage et déjà c’est ton amour seul et ta fidélité qui supportent ma pauvre vie.
Grec : « Or, si vivre en la chair est pour moi un fruit de l’œuvre et ce que je dois choisir, je ne le fais pas connaître (je ne puis le dire) ».
Il faut entendre littéralement ce fruit de l’œuvre des résultats possibles de son activité apostolique au cas où sa vie en la chair serait prolongée et c’est bien l’idée du verset 24.
Dans l’hésitation de ses pensées et de ses désirs, il pense plus aux autres qu’à lui.
Paul n’use pas d’une vaine figure de rhétorique quand il parle comme si le choix lui était laissé entre vivre et mourir. En une certaine mesure, le serviteur de Christ peut choisir ; il a le droit d’exprimer ce qu’il préfère, en se soumettant bien entendu à la volonté du Seigneur et le Seigneur a égard à ces désirs exprimés par son serviteur ; nul croyant ne saurait en douter
Voilà les deux sentiments par lesquels il est pressé (littéralement : retenu) et qu’il avait déjà exprimés aux versets 21 et 22.
Pour lui, ce qu’il trouverait meilleur serait de partir, s’en aller (Grec : « délier », c’est-à-dire « lever l’ancre », ou détacher les cordes de la tente qui la fixaient à des pieux), pour être avec Christ, preuve évidente que Paul attendait ce bonheur immédiatement après sa mort (comparer 2 Corinthiens 5.1 ; 2 Corinthiens 5.8 ; Hébreux 12.23 et surtout Luc 23.43).
Mais, d’un autre côté, un lien bien fort le retient, le désir d’être encore utile à l’Église. Il sait que sa présence est nécessaire à celle-ci.
Désirer de quitter la terre pour aller à Dieu, c’est la perfection chrétienne : consentir d’y demeurer pour le salut des âmes, c’est le comble de la sainteté apostolique
Il est bien légitime de soupirer après la pleine délivrance ; mais que ceux qui éprouvent ce pressant besoin se demandent si c’est vraiment « pour être avec Christ » !
Grec : « Étant persuadé de ceci (de cette nécessité), je sais que je demeurerai et demeurerai avec vous tous pour votre avancement et pour la joie de votre foi ». On pourrait s’étonner d’entendre l’apôtre parler avec tant d’assurance d’un événement futur sur lequel il ne paraît point avoir eu de révélation, puisque bientôt après il en parle avec une sorte d’incertitude (Philippiens 2.17).
Mais, répond Calvin, les saints hommes de Dieu règlent toujours leurs espérances d’après sa Parole, en sorte qu’ils ne présument jamais plus en leur esprit qu’il ne leur a promis. Là où ils ont un témoignage certain de la volonté divine, là ils s’appuient sur une certitude qui exclut toute hésitation. Ainsi, quand il s’agit du pardon des péchés, du don du Saint-Esprit pour la persévérance, de la résurrection du corps. Telle encore fut la certitude des prophètes concernant les oracles de Dieu. En toutes les autres choses, ils n’espèrent rien que conditionnellement, de sorte qu’ils soumettent tous les événements à la providence de Dieu, à qui ils accordent de voir plus clair qu’eux-mêmes.
Il ne faut donc pas presser les termes par lesquels Paul exprime ici sa persuasion (comparer verset 25). Et du reste, pour ceux qui admettent une délivrance et une seconde captivité de l’apôtre, son attente fut justifiée par l’événement. On peut même dire que la comparaison de notre passage avec d’autres passages (2 Timothée 4.6), où Paul parle positivement de son prochain départ, est une preuve en faveur de sa double captivité.
Se glorifier en Christ signifie : louer Christ avec joie. Il était naturel que les Philippiens vissent dans la délivrance de leur apôtre bien-aimé et dans sa présence au milieu d’eux un tel sujet de louange et de joie.
Que la contemplation de ces voies de Dieu, qui tire le bien du mal et la perspective de mon prochain retour auprès de vous, vous inspire une conduite digne de l’Évangile, la fermeté et l’union pour le combat (27).
N’ayez aucune crainte des adversaires, qui ont en vous une preuve de leur perdition, parce que Christ vous fait la grâce de croire, de souffrir, de combattre, comme je le fais aussi (28-30).
L’apôtre a exprimé (versets 25 et 26) sa certitude de demeurer en cette vie et de revoir les Philippiens ; il indique maintenant, comme conclusion, la condition à laquelle (seulement) ce revoir pourra être une source de joie et la prolongation de son séjour ici-bas pourra contribuer au progrès du règne de Dieu : une conduite digne de l’Évangile, la fermeté dans l’unité.
Par un même esprit, les uns entendent l’Esprit de Dieu, source de force et d’union ; les autres, l’esprit des chrétiens, une même tendance, les mêmes principes.
Ce dernier sens paraît plus probable à cause de sa liaison avec cette autre expression : combattant d’une même âme ; ainsi c’est tout l’homme, avec toutes ses facultés, que Paul désire voir engagé énergiquement dans ce combat. Et il souhaite de le voir uni avec ses frères non seulement dans ses principes et ses tendances (l’esprit), mais dans ses sentiments naturels et dans les manifestations de son caractère individuel (l’âme).
Au lieu de pour la foi, on peut traduire par la foi de l’Évangile ; c’est alors le moyen, au lieu du but.
À quoi se rapportent ces mots : ce qui est une preuve, etc. ? À tout ce qui précède (verset 27).
La fermeté, l’unité des chrétiens dans le combat, le fait qu’ils ne sont point épouvantés en présence des dangers, constituent pour les adversaires une preuve de leur perdition, car ils peuvent voir, dans ces pauvres et faibles pécheurs, une marque de la puissance de Dieu à laquelle ils résistent ; c’est pour eux la pierre d’achoppement (Matthieu 21.44).
Mais c’est aussi pour les chrétiens et par la même raison, un signe de salut.
L’enfant de Dieu trouve dans chaque combat d’où il sort victorieux un nouveau sujet de force pour sa foi et de certitude quant à la pleine délivrance (Romains 8.17 ; 2 Timothée 2.12 ; 2 Thessaloniciens 1.5).
Cette preuve, pour les uns et pour les autres, est bien certaine, car elle est de la part de Dieu, qui en a ainsi ordonné conformément à sa vérité et à sa justice, d’une part et de l’autre, à sa fidélité et à son amour.
Ces belles paroles, incompréhensible paradoxe pour le monde, sont l’explication et la raison (parce que) de celles qui précèdent (voir la dernière note).
Croire et souffrir, c’est toute la vie chrétienne. L’un et l’autre est l’œuvre de la grâce en nous. La grâce de la souffrance est plus excellente que celle de la foi ; l’une conduit à l’autre et en est le principe. La foi en Jésus-Christ fait un chrétien ; la souffrance pour Jésus-Christ fait un martyr, c’est-à-dire un chrétien du premier ordre.
Ils l’ont vu à Philippes (Actes 16), et ils l’ont appris de Rome.
Grand encouragement pour eux d’être associés à l’apôtre dans le combat.