Verset à verset Double colonne
Discours de la Sagesse sur la haute valeur de ses enseignements, sur sa puissance et sur sa préexistence. Dans les chapitres précédents, sauf Proverbes 1.20-33, l’auteur avait parlé de la sagesse, source unique des biens durables, seule sauvegarde efficace contre les tentations. Ici, revenant à son point de départ, il la fait entrer en scène elle-même et l’on se trouve en face d’une personne pleine d’autorité, qui ne craint pas de parler de sa communion intime et unique avec Dieu et de témoigner d’elle-même. Quatre morceaux :
La Sagesse ne crie-t-elle pas ? Cette forme interrogative, est, en hébreu, un moyen d’affirmer fortement. La folie n’est pas la seule à appeler sur les rues. En face de la suprême erreur, qui plonge dans la mort, voici la suprême vérité, qui élève à la vie. Et la sagesse ne parle pas à voix basse et dans les ténèbres !
Eminences : non pas montagnes, mais, d’après Proverbes 9.3 ; Proverbes 9.14, parties les plus élevées de la ville, où l’on ne peut manquer de voir et d’entendre la sagesse.
À l’endroit où se croisent les chemins, littéralement : À la maison des chemins, là où ils semblent tendre comme à leur demeure commune.
La Sagesse choisit les lieux les plus propices pour atteindre la foule, les principaux (hommes) et tout le peuple (fils des hommes), mais spécialement les simples (verset 5), qui ont plus que tous les autres besoin de ses conseils, à cause de leur naïveté, qui les rend accessibles à toute influence, mauvaise et bonne et les insensés (fin du verset 5) qui ont déjà donné des preuves de dispositions fâcheuses.
Des choses excellentes, capitales. Nous rendons ainsi le pluriel du substantif naguid, prince, chef.
Mon palais. Voyez déjà Proverbes 5.3 et Job 6.30 le palais organe de la parole.
Profère. Le verbe employé ici indique soit le fait de méditer (Proverbes 15.28 ; Psaumes 1.2), soit celui d’exprimer le résultat de cette méditation intérieure, comme ici et Psaumes 35.28, par exemple.
Tous les discours de ma bouche sont selon la justice, droits, vrais, exprimant d’une manière parfaitement adéquate ma pensée, laquelle à son tour (fin du verset) répond absolument à la vérité et ne s’en éloigne en rien.
Clairs, littéralement : Allant droit devant eux, ou conduisant droit au but (Ésaïe 57.2), ne laissant place à aucun double sens, pour l’homme du moins qui possède le discernement du vrai et du faux. Les esprits retors y découvriront peut-être des arrière-pensées et prendront cette droiture pour des artifices dont il faut se méfier.
Pour ceux qui possèdent, littéralement : qui trouvent ou qui ont trouvé la connaissance. C’est avoir déjà obtenu la sagesse que d’être arrivé à en reconnaître la haute valeur (Matthieu 11.19).
Corail. Voir Proverbes 3.15.
Trésor, littéralement : chose désirable.
Moi, la Sagesse… Littéralement : Moi, la Sagesse, j’ai fixé ma demeure dans la vraie finesse ; c’est là mon élément. Sagesse et prudence sont inséparables. Je ne suis pas une sagesse abstraite, mais pratique. De là le grand bénéfice qu’on trouve à m’écouter.
Et je possède la science… développe la notion de la prudence : dans chaque cas particulier, je puis arriver à connaître le meilleur conseil à donner. Nous rendons ici par avis sensés le mot de mezimmoth, qui a toujours un sens favorable dans les neuf premiers chapitres de notre livre (Proverbes 1.4 ; Proverbes 3.21 ; Proverbes 5.2) et toujours un sens défavorable dans la suite (Proverbes 12.2, etc.).
Haïr le mal. Nous sommes bien en présence d’une sagesse pratique et non pas spéculative. Connaître Dieu, c’est posséder la sagesse et avoir pris vis-à-vis de tout ce qui est mal une position nettement hostile. Il y a entre ces trois choses une relation étroite, que le texte fait très bien saisir. La traduction par interjections : Craindre l’Éternel ! Haïr le mal ! ne tient pas compte de cette relation.
L’orgueil, l’arrogance : deux termes dérivant, dans l’original, de la même racine (gaah : être haut, hautain). Ce procédé est usité en hébreu quand il s’agit d’exprimer la totalité d’une notion et de la présenter sous toutes ses faces.
Ce qui est attribué à Dieu dans Job 12.13 ; Job 12.16, l’est ici à la Sagesse.
Le conseil, les sages décisions ; le succès, moyen de réussir dans l’exécution ; l’intelligence, dans l’administration ; la force, source de toute autorité. Trois de ces qualités sont présentées dans Ésaïe 11.2 comme l’apanage du rejeton d’Isaï.
La sagesse agit directement sur l’esprit des rois et des princes (grands dignitaires, diplomates ; Psaumes 2.2).
Ceux qui m’aiment. L’hébreu porte : Ceux qui l’aiment (la sagesse). La Sagesse personnifiée, qui parle ici, se distinguerait de la sagesse considérée comme qualité humaine. Il semble préférable de suivre les Massorètes, qui corrigent en qui m’aiment.
Auprès de moi, à ma libre disposition (verset 14 ; Proverbes 3.16). Voir 1 Rois 3.13.
Mon fruit. La sagesse a été appelée un arbre de vie (Proverbes 3.18). L’image du fruit est donc naturelle pour indiquer les avantages qui en découlent.
Pour mettre… Le sentier où marche la Sagesse étant celui du droit (verset 20), il en résulte pour ceux qui la prennent pour guide la garantie que tout ira bien pour eux.
L’Éternel m’a possédée. Nous avons rendu le verbe kana tantôt par fonder (Genèse 14.19), tantôt par établir (Deutéronome 32.6), tantôt par acquérir (Proverbes 4.7 ; Genèse 47.22 ; Ésaïe 11.14) ; par donner l’être (Genèse 4.1), on enfin par acheter (Genèse 25.10) ; mais jamais par créer. Si l’auteur avait voulu parler de la création de la Sagesse, il aurait employé le verbe bara. Cependant le verbe posséder, auquel nous avons eu recours, doit être entendu en ce sens que cette possession à été précédée par une acquisition : Dieu m’a préparée, m’a mise et m’a eue à sa disposition.
Comme prémices de ses voies, ou plus exactement : de sa voie, c’est-à-dire de son activité.
Comme première de ses œuvres, proprement : comme antérieure à ses œuvres.
Dès les temps anciens. Cette notion va être développée par le verset 23.
J’ai été établie : installée par Dieu pour gouverner le monde et faire régner l’ordre dans ce qui venait d’être créé.
Dès les temps éternels. Ceci transporte la pensée dans les temps qui ont précédé la création de toutes choses.
Dès le commencement. À l’aurore de la création j’étais là.
Ce verset rappellent Colossiens 1.15 et Apocalypse 3.14, sans que pour cela nous devions identifier la Sagesse avec la seconde personne de la Trinité.
Abîmes : réservoirs d’eau à l’intérieur de la terre, qui communiquent avec la surface, par des sources abondantes (Proverbes 3.20 ; Genèse 7.11).
La terre et les campagnes : les lieux habités et les vastes étendues désertes.
L’ensemble de la poussière du monde, de la matière première.
Quand il traça un cercle… Nous avons ici une allusion à la conception populaire des anciens, qui se représentaient la terre entourée d’eau comme d’une ceinture et la voûte céleste reposant sur le bord extrême des continents, limite au-delà de laquelle il n’y avait plus qu’eau et ténèbres, les astres fixés à la voûte céleste brillant tous au-dedans de cette limite. Job, qui savait pourtant que la terre gravite librement dans l’espace, ne se fait pas scrupule de parler tout à fait comme notre auteur (Job 26.7 ; Job 26.10).
Fixa les nuages : leur assigna pour demeure les hauteurs de l’atmosphère.
Les sources de l’abîme. Voir verset 24.
Son ouvrière, littéralement : ouvrière, tout court. Ce mot ne se retrouve plus que Jérémie 52.15 et signifie d’après son étymologie chef de métier, artisan habile. La sagesse serait représentée ici comme l’architecte de l’univers (Sapience 7.2). Comparez déjà Proverbes 3.19.
J’étais toute allégresse. Rapprochez de cette expression Psaumes 109.4 : Je suis prière, je suis tout entier à la prière. Ici la Sagesse veut dire, non pas qu’elle faisait la joie de Dieu, mais qu’elle était tout entière à la joie de l’œuvre accomplie. Nul effort mais satisfaction chaque jour renouvelée, ce qui revient aussi à dire que l’œuvre accomplie était bonne (Genéese 1.31).
Trouvant ma joie dans les fils des hommes. Cette terre n’était pas seulement belle en elle-même et richement dotée de tous les biens désirables, mais encore et surtout elle était le séjour de l’homme, et, à ce titre, elle revêtait un prix particulier aux yeux de la Sagesse qui allait exercer sur l’esprit et le cœur de l’homme son action bienfaisante (Jean 1.4).
Appel à tous ceux qui aspirent au vrai bonheur.
Et devenez sages. Il y a ici une promesse : Et vous deviendrez sages. Voir une tournure pareille dans Proverbes 4.4.
Le seuil de ma maison, littéralement : les poteaux de mes portes. Ces pluriels amplificatifs donnent quelque chose de plus imposant à l’image employée : la Sagesse habite un palais princier.
Mais qui me manque. Le verbe employé ici (chata) a pour sens premier celui de manquer un but (Juges 20.16). Il en est venu à désigner le fait de pécher, de s’écarter du but proposé à l’homme par Dieu. Celui qui passe à côté de la sagesse sans l’atteindre, sans l’acquérir, se condamne lui-même par sa propre faute à la ruine, car sagesse et vie sont une seule et même chose (Proverbes 3.18).