Verset à verset Double colonne
Le cinquième Livre des Psaumes contient, comme les précédents, des cantiques de nature fort diverse. Nous y trouvons un des grands psaumes messianiques (Psaume 111), un des psaumes de repentance les plus connus (Psaumes 130) ; mais c’est la louange qui domine de beaucoup dans ce recueil final. On a pu l’appeler le Livre des fêtes ou des solennités, à cause de l’usage que les Juifs faisaient, dans leurs fêtes religieuses, non seulement de tel psaume isolé, mais de collections entières de psaumes renfermés dans ce livre (voir Introduction). Nous résumons dans les lignes suivantes les remarques par lesquelles M. Félix Bovet (Les Psaumes des Maaloth, page 9) décrit, ce qu’il appelle l’architecture de ce livre. Comme prologue, nous trouvons un admirable psaume de louange (Psaume 107) ; comme épilogue, les cinq psaumes appelés par les Juifs le petit Hallel, qui commencent tous par Alléluia et semblent destinés à servir de doxologie aux cinq livres du Psautier. Au centre, à égale distance du prologue et de l’épilogue, sont les deux morceaux essentiels du livre : le Psaume 119, cantique de louange à l’honneur de la loi de l’Éternel et les cantiques des Maaloth (120 à 134). Entre le prologue et ces deux morceaux capitaux, il y a onze psaumes (trois attribués à David et huit anonymes) et entre ces deux morceaux et l’épilogue, il y a aussi onze psaumes (trois anonymes et huit portant le nom de David), symétrie qui mérite d’être relevée, bien qu’elle ne soit peut-être que fortuite.
L’accent de louange et de reconnaissance qui distingue le livre entier se fait entendre déjà avec force dans le premier des cantiques qu’on y trouve. Ce psaume est par excellence le chant des rachetés. Il se rattache étroitement par son début au dernier verset du Psaume 106. Là, nous avions la prière des captifs : Rassemble-nous du milieu des nations. Ici, nous entendons les rachetés de l’Éternel, qu’il a rassemblés de tous les pays (verset 3), parler des délivrances que Dieu accorde à ceux qui l’invoquent dans la détresse. En une série de tableaux, le psalmiste décrit les détresses diverses que le secours divin transforme en sujets de joie. Ce sont des voyageurs égarés dans le désert, qui crient à l’Éternel (versets 4 à 9), des prisonniers qui voient s’ouvrir les portes de leur cachot (versets 10 à 16), des mourants que l’Éternel guérit (versets 17 à 22), des marins près de sombrer, qui sont miraculeusement délivrés (versets 23 à 32). La dernière partie fait allusion, plus que le corps du psaume, à la situation du peuple revenu dans son pays et décrit comme déjà accomplies les transformations qui vont s’opérer dans toute la contrée, sous la bénédiction de l’Éternel (versets 33 à 43). Les quatre tableaux que nous venons d’indiquer sont complets en eux-mêmes ; rien n’indique, dans le texte, que le psalmiste leur ait donné un sens allégorique. Cependant, si nous tenons compte du début et de la fin du psaume, qui se rapportent évidemment à Israël revenu de l’exil, il nous semble difficile de ne pas voir dans cette grande délivrance nationale le vrai sujet du psaume. C’est bien Israël qui a été égaré, prisonnier, mourant, à cause de ses péchés, semblable enfin à un esquif près d’être englouti par les vagues puissantes qui apparaissent ailleurs encore comme, le type des forces du monde, soulevées contre le peuple de Dieu (Psaumes 46.4, Psaumes 46.7). Cette allusion, qui se laisse deviner, n’apparaît cependant nulle part de manière à empêcher le lecteur de contempler en eux-mêmes les tableaux successifs du psaume et d’en retirer l’impression qu’en tout danger il peut avec confiance recourir à l’Éternel.
Les quatre strophes qui décrivent les détresses diverses où l’Éternel apparaît comme Sauveur contiennent un double refrain (versets 6 et 8), qui donne au psaume entier une sorte de mouvement rythmique d’une grande beauté. Ce refrain ne se trouve pas dans la dernière strophe, qui n’a pas le caractère dramatique des précédentes et sert plutôt de conclusion au psaume entier. Nombre de passages ou d’expressions du psaume sont empruntés au livre de Job et surtout à la seconde partie d’Ésaïe.
Célébrez l’Éternel, car il est bon. Cette parole, déjà connue des anciens captifs (Psaumes 106.1), devient pour eux, après leur retour, le point de départ d’un nouveau cantique.
D’orient et d’occident… Comparez Ésaïe 43.5-6 ; Ésaïe 49.12, etc.
Du midi, hébreu : de la mer. La mer, comme terme géographique, désigne habituellement l’ouest. Mais, comme elle est opposée ici au nord, il faut entendre par là les contrées avoisinant l’Égypte. Le psalmiste pense non seulement aux captifs revenus des diverses provinces de l’empire babylonien, mais aussi aux nombreux Juifs réfugiés en Égypte ou dans les îles de la Méditerranée (l’occident) et qu’il voit déjà revenus ou sur le point de revenir en Palestine. Ces paroles, qu’il appliquait à ses contemporains, auront un accomplissement bien supérieur encore, quand Israël reviendra de sa dispersion actuelle (Romains 11.26 ; Zacharie 8.6 et suivants).
Plus d’une troupe d’Israélites s’acheminant de la Babylonie vers Jérusalem a pu faire l’expérience décrite en ces versets. Comparez Ésaïe 43.19-20.
Les ténèbres et l’ombre de la mort, telles qu’elles règnent dans un obscur cachot. Babylone tout entière était pour Israël comme une prison.
Pour avoir été rebelles… Une fausse indépendance les a menés à la servitude et un orgueilleux mépris du conseil du Très-Haut (de sa volonté sage) les a fait descendre dans l’ombre de la mort.
Il humilia… Ici commence, croyons-nous, une sorte de parenthèse, qui va jusqu’au verset 14. La phrase commençant au verset 10 : Ceux qui habitaient… est reprise au verset 15 : Qu’ils célèbrent…
Les portes d’airain…, les barres de fer. Ésaïe 45.2 emploie les mêmes expressions en parlant des villes fortes babyloniennes qui tombèrent au pouvoir de Cyrus.
Les insensés… Le psalmiste n’a pas en vue ici toute espèce de cas de maladie, mais les plus graves, au point de vue moral, ceux dans lesquels il faut reconnaître un châtiment mérité. Même dans des cas pareils, Dieu s’est plu souvent à délivrer.
Nous avons ici une construction de phrase analogue à celle de la strophe précédente : la phrase, interrompue du verset 18 au verset 20, est reprise au verset 21.
Toute nourriture répugnait… : réminiscence de Job 33.20-22.
Il envoya sa parole… Ici, comme dans le passage analogue Psaumes 147.18, la parole divine est représentée comme un agent tout-puissant, chargé d’exécuter les décrets de Dieu. Il y a de la part de l’Éternel un ordre donné et cet ordre intervient dans le cours de la maladie, pour le modifier.
Toute leur sagesse : leur savoir-faire, leur expérience de navigateurs.
Les vagues, littéralement : leurs vagues, celles qui les remplissaient d’effroi et dont ils allaient être la proie.
Dans l’assemblée du peuple : là où le peuple se rassemble, pour rendre à Dieu ce qui lui est dû (Psaumes 22.23).
Dans le conseil des Anciens : aux portes de la ville, où se rendait la justice et où se traitaient les affaires publiques.
Maintenant que les tempêtes sont passées et qu’Israël est arrivé au port désiré, le psalmiste jette un regard sur cette terre de son peuple, autrefois si fertile, aujourd’hui aride (verset 34), mais que Dieu va transformer de nouveau. Comme dans les strophes précédentes, tous les verbes sont ici au passé. Il semble que le psalmiste continue à raconter un événement déjà accompli. Et peut-être a-t-il en effet présent à l’esprit plus d’un épisode du séjour d’Israël en terre étrangère (voir versets 35 et 39, notes). Mais il nous semble évident que s’il les rappelle, c’est pour que chacun tire de ces événements la leçon qu’ils renferment pour le moment présent (verset 43). On comprend que la nature même de cette partie finale du psaume ne se prête pas au refrain des quatre strophes précédentes.
Il a changé les fleuves en désert : même expression Ésaïe 50.2. On sait combien l’aspect de la Palestine a varié, suivant les destinées du peuple de Dieu.
Le désert en étangs. Le pays inculte et désolé va redevenir fertile. Le psalmiste fait peut-être allusion à des expériences faites au pays de l’exil ; là, par la bonté de Dieu, favorisant, le travail des captifs, des contrées incultes sont devenues fertiles, des villes (verset 36) ont été fondées, suivant le conseil donné par Jérémie aux déportés, conseil dont les termes semblent reproduits ici par le psalmiste : Bâtissez des maisons et habitez-les ; plantez des jardins et mangez-en le fruit… multipliez-vous là et ne diminuez pas (Jérémie 29.5). Ce qui s’est produit en terre étrangère se produira à plus forte raison dans la patrie même du peuple de Dieu.
Ont-ils été diminués… Ici encore le psalmiste rappelle, semble-t-il, des expériences douloureuses faites dans les contrées où la prospérité renaissante d’Israël irritait ses vainqueurs et les poussait à l’oppression et à la spoliation. Que de fois, jusqu’à nos jours, ces procédés se sont reproduits envers le peuple de Dieu, mais pour aboutir au résultat indiqué versets 40 et 41.
Il a versé le mépris… Cette parole exprime l’indignation avec laquelle Dieu livre au mépris ceux qui ont méprisé le faible et l’affligé.
Il les a fait errer : image d’une situation désespérée et sans issue. La première partie de ce verset est tirée textuellement de Job 12.21 ; la seconde, de Job 12.24.
Qui est sage ? Conclusion semblable à celle du livre d’Osée (Osée 14.9).
Qu’il prenne garde à ces choses : à ce qui vient d’être dit du châtiment des oppresseurs, mais en même temps à tout ce qui a été dit des bontés de l’Éternel et de sa puissance pour délivrer et relever. Ce psaume a-t-on pu dire, est l’histoire de toutes les âmes angoissées et bienheureuses auxquelles s’est manifesté le Sauveur. Rien de plus divers que leurs existences. Mais au milieu de ces détresses si variées, tous ont senti une même chose : leur péché et leur impuissance ; tous ont poussé un même cri et tous ont obtenu un même salut. Comme ils ont été unis dans la ruine, qu’ils le soient aussi dans l’adoration (L. Meyer).