Verset à verset Double colonne
On lit dans le livre d’Esdras (Esdras 3.10-11) qu’au moment où l’on posa les fondements du temple de Jérusalem, après le retour de la captivité, les Lévites célébrèrent l’Éternel en s’entre-répondant et en disant : Louez et célébrez l’Éternel, car il est bon, car sa miséricorde dure à toujours sur Israël ! Ces paroles, que nous trouvons répétées comme un refrain dans les quatre premiers et dans le dernier verset de notre psaume, semblent par là même assigner à ce cantique, comme date de sa composition, le moment où fut posée la première pierre du temple, la deuxième année après le retour de Babylone. Mais les versets 19, 20 et 26, qui parlent du temple comme déjà construit, nous reportent, plutôt à l’époque de sa dédicace, quatre ans plus tard (Esdras 6.13 et suivants). L’auteur du psaume peut très bien avoir adapté à ce cantique le refrain qui avait été déjà chanté en d’autres occasions. Les mêmes paroles se trouvent d’ailleurs en tête des Psaumes 106 et 107 ; elles résumaient les sentiments d’actions de grâces du peuple pendant toute cette période de son histoire.
Nous trouvons dans le Psaume 118 l’expression de la joie d’Israël, lorsqu’il vit la maison de l’Éternel achevée, en dépit de la malveillance des nations voisines. Cette journée de dédicace (verset 24) lui apportait le témoignage du secours extraordinaire qu’il avait reçu de Dieu et le gage des bénédictions qu’il pouvait attendre encore pour l’avenir. De là l’encouragement qu’il a toujours apporté à l’Église.
Ce psaume est le mien, disait Luther en parlant du Psaume 118, qu’il traduisit et commenta à la Wartbourg ; il m’a tiré d’angoisses d’où ni empereur, ni roi, ni aucun homme sur la terre n’aurait pu me sortir.
Au commencement de la bataille de Coutras, où ils défirent l’armée de la Ligue, en 1587, les Huguenots entonnèrent la strophe commençant par ces mots : La voici, l’heureuse journée…
Au reste, ce psaume et spécialement la strophe dont nous venons de rappeler les premiers mots, était particulièrement cher aux protestants de France ; ils l’entonnaient jusque sur l’échafaud ou les bûchers. Le 18 février 1762, le pasteur Rochette, une des dernières victimes de la persécution, monta les degrés de la potence en chantant l’hymne des martyrs :
La voici, l’heureuse journée
Qui répond à notre désir !
Notre psaume clôt le Hallel, qui s’ouvrait au Psaume 113 (voir la note d’introduction de ce dernier).
Il est très probable que, lors de la dédicace du temple, il a été chanté par plusieurs chœurs s’entre-répondant. Voici la division qui nous semble la plus naturelle. Après l’invitation à louer l’Éternel, adressée peut-être par un maître choriste aux différentes parties du peuple (versets 1 à 4), nous entendons comme un dialogue. L’un des chœurs, représentant le peuple lui-même, raconte les expériences bénies qu’il vient de faire (versets 5 à 7 ; 10 à 14), exprimant son désir d’entrer dans les parvis de l’Éternel (versets 17 à 19). Après y avoir été admis, il fait entendre le cantique proprement dit de louange (versets 21 à 25). Le second chœur, celui des prêtres, répond aux chants du peuple ; il s’élève des faits que celui-ci vient de rappeler à des vues générales sur la sécurité que l’on trouve auprès de l’Éternel (versets 8 à 9, 15, 16, 20), puis il bénit les adorateurs de l’Éternel et les invite à s’approcher de l’autel avec les victimes qu’ils vont immoler (versets 26 et 27). Le psaume se termine par une dernière parole de louange (versets 28 et 29).
Israël…, maison d’Aaron…, ceux qui craignent l’Éternel : voir Psaumes 115.9-11, note. Sans doute, ces différentes parties du peuple répondaient à l’appel qui leur était adressé en prononçant le refrain : Oui, sa miséricorde… Le oui que nous mettons en tête de ce refrain, est, en hébreu, le même mot que le car du verset 1 ; il a essentiellement ici une valeur affirmative.
Chant du peuple : L’Éternel m’a délivré !
Du sein de la détresse. Ce n’est pas une détresse quelconque, mais, ainsi que l’indique l’article, celle à laquelle chacun pense, la captivité de Babylone.
L’Éternel…, l’homme. Ces deux mots, l’un commençant, l’autre terminant le verset, forment opposition l’un avec l’autre. Si puissant que soit l’homme, combien il est peu de chose à côté de l’Éternel ! On comprend quel encouragement une telle parole donnait à Luther, qui, dans sa retraite de la Wartbourg, savait que le pape et l’empereur unissaient leurs pouvoirs pour l’anéantir.
Le psalmiste, en écrivant ce verset avait évidemment à l’esprit les paroles de David dans Psaumes 56.5, Psaumes 56.10, Psaumes 56.12. Comparez Romains 8.31.
Il est de ceux qui m’aident. Voir Psaumes 54.6, note. Une autre réminiscence de ce même psaume apparaît dans la seconde partie du verset : Je me réjouis à la vue… (voir Psaumes 54.9, note. Comparez aussi Psaumes 92.12, note). Les détresses et les délivrances du peuple sont en quelque sorte la reproduction de celles de David. De là, dans notre psaume, ces fréquents échos de paroles du roi-prophète. Le livre d’Esdras (chapitres 1 à 6) raconte combien d’entraves furent apportées à la construction du temple par les voisins d’Israël, irrités de son retour. Plus les difficultés avaient été grandes, plus le peuple jouissait du résultat obtenu et de l’impuissance des envieux.
Les grands. On sait combien l’appui même du roi de Perse était vacillant et peu durable.
Chant du peuple, qui se sent plus que vainqueur, puisque sa force est en l’Éternel.
Les nations m’ont environné. C’est à la fois une allusion à un fait qui a réellement eu lieu et une sorte de défi jeté à ces mêmes nations pour l’avenir. Aussi plusieurs traduisent-ils : Que les nations m’environnent… Elles l’ont fait ; qu’elles le fassent encore, je les détruirai.
Comme des abeilles : en aussi grand nombre et avec le même acharnement (Deutéronome 1.44).
Comme un feu d’épines, qui brille un instant, mais pour s’éteindre subitement.
Tu m’avais poussé… Ici le peuple s’adresse au plus redoutable de ses ennemis, la puissance babylonienne, qui semblait lui avoir donné le coup de mort.
Ma force et mon chant de louange : citation textuelle du cantique de Moïse, après le passage de la mer Rouge (Exode 15.2).
Dans les tentes des justes : allusion aux chants qui s’élevèrent du camp d’Israël, après la grande délivrance que vient de rappeler le verset 14 ; les mêmes chants continuent à s’élever du sein du peuple, qui peut être appelé juste, tant qu’il marche dans la voie que Dieu lui trace.
Chant du peuple : Ouvrez-moi les portes de la justice !
Je ne mourrai pas. Au milieu de sa joie, Israël n’oublie pas qu’il a été tout près de la mort, que même maintenant tout danger n’est pas écarté ; mais il sait que Dieu le fera vivre, comme un témoin de ses œuvres. La note de l’humiliation se fait entendre dans la mention du châtiment (verset 18).
Les portes de la justice : les portes du sanctuaire, qui donnent accès auprès du Dieu de justice, en présence duquel Israël apprend à connaître et à pratiquer ce qui est juste. Il s’agit évidemment pour le peuple des portes du parvis, la seule partie du sanctuaire où il pût pénétrer.
Les justes voir versets 15 et 19, notes.
Chant de louange du peuple, admis dans le parvis. C’est ici que s’exprime la pensée principale du psaume.
La pierre qu’avaient rejetée… À la vue de l’édifice terminé, le peuple rappelle le découragement qu’avaient éprouvé plusieurs de ses chefs, au début de l’entreprise, en comparant les modestes matériaux du nouveau temple aux assises grandioses du temple de Salomon (Esdras 3.12). Ces matériaux méprisés n’en sont pas moins devenus les pierres angulaires d’un temple de l’Éternel. Cette remarque cependant n’a de valeur qu’en tant que le peuple voit dans ce fait une image de ce qui s’est passé pour lui-même. Il a passé pour la plus méprisable d’entre les nations, la moins capable de jouer un rôle dans le monde ; Dieu n’en a pas moins fait de lui le peuple auquel, un jour, l’humanité tout entière devra le salut. Nous ne pensons pas que, dans cette application de l’image, il faille donner une importance spéciale aux mots ceux qui bâtissaient. D’une manière générale, on peut y voir une désignation des maîtres du monde, à cette époque-là. Mais tout l’accent est ici sur le fait que ce qui semblait devoir être mis au rebut occupe la place d’honneur. Il est d’autant plus remarquable que les moindres détails de la comparaison trouvent une application frappante dans le rejet et l’élévation du Seigneur, ainsi qu’il l’a fait ressortir lui-même, à la suite de la parabole des vignerons (Matthieu 21.42-44). Rejeté par ceux qui bâtissaient (les chefs religieux du peuple) il est devenu la pierre de l’angle de l’édifice que Dieu construit, pour le remplir de sa présence (Éphésiens 2.20-21 ; Actes 4.11 ; 1 Pierre 2.7. Comparez Ésaïe 28.16).
La maîtresse pierre de l’angle, hébreu : la tête de l’angle.
La journée que l’Éternel a faite. Le relèvement du temple, image du relèvement d’un peuple qui semblait à jamais perdu, est un tel miracle, que la journée mise à part pour célébrer cet événement porte au plus haut degré le sceau divin. Ce qui est dit ici peut être à plus forte raison du jour de la résurrection du Seigneur, où l’on put voir relevé en trois jours le vrai temple de Dieu, détruit par les hommes (Jean 2.19-21), c’est avec raison que, dans l’Église anglicane, ce psaume est envisagé comme un cantique de Pâques.
Je te prie : même exclamation que Psaumes 116.4, Psaumes 116.16, voir la note de ce dernier verset. À la louange, le peuple joint la supplication humble et confiante, car, à vues humaines, sa position est encore bien précaire.
Délivre, hébreu : hoschiana. La particule na, qui renforce la supplication (daigne sauver !) a fini, dans le langage populaire, par se fondre avec le verbe, formant ainsi le hosanna, que, dans les grandes fêtes, surtout à celles des Tabernacles, des milliers de voix faisaient retentir comme une prière au Dieu du salut, en même temps que comme un hommage au Roi qu’Israël attendait. Au jour des Rameaux, les multitudes qui firent entendre cette exclamation en l’honneur de Jésus le désignaient par là même, aussi bien que par le titre de fils de David, comme le Messie (Matthieu 21.9).
Béni soit. C’est ici la réponse des sacrificateurs au peuple qui adore l’Éternel. Ces mots devinrent plus tard la salutation que les habitants de Jérusalem adressaient aux pèlerins qui venaient aux grandes fêtes. Le peuple, au jour des Rameaux, joignit tout naturellement cette salutation aux cris de : Hosanna ! Et c’est par ces mots que l’Israël converti des derniers temps accueillera son Messie (Matthieu 23.39).
De la maison de l’Éternel. On peut se représenter le peuple remplissant le parvis et les sacrificateurs se tenant à l’entrée du Lieu saint. C’est de ce sanctuaire, où Dieu réside, que découle pour Israël toute bénédiction. Comparez 1 Rois 8.30.
L’Éternel est Dieu, dans le plein sens du mot, et, au milieu de la profonde obscurité qui empêche les nations de le connaître comme tel, il a daigné éclairer Israël, en se révélant à lui. Le mot éclairer ne fait pas allusion seulement, comme on l’a cru, à la colonne de nuée, mais bien plutôt à tout l’ensemble des révélations, en œuvres et en paroles, accordées à Israël.
La victime de fête. Esdras énumère le nombre des victimes qui furent immolées le jour de la dédicace du second temple (Esdras 6.17).
Les cornes de l’autel sont mentionnées, parce que c’était sur elles que qu’on faisait aspersion du sang des victimes (Exode 29.12 ; Lévitique 8.15).