Verset à verset Double colonne
Ce psaume abonde en contrastes imprévus, que seule la connaissance exacte des circonstances dans lesquelles il a été composé, pourrait expliquer. On se demande parfois si le texte n’en a point été altéré, ce qui ne serait pas impossible si, datant de l’époque de Dayid, il a été tiré d’une longue obscurité à l’époque d’Esdras ou même plus tard. Le moment de la vie de David avec lequel il nous semble le mieux cadrer est le temps des persécutions de Saül. Après une première invocation (versets 1 et 2), le psalmiste demande d’être gardé du mal (versets 3 et 4). Déjà en demandant cela, il a en vue ces ouvriers d’iniquité contre lesquels éclate son indignation en une parole violente et terrible comme un coup de foudre (versets 5 et 6). Le psaume se termine par une touchante requête (versets 7 et 8) et une parole d’espoir (versets 9 et 10).
Accueille ma prière !
Comme l’encens…, comme l’oblation, plus littéralement : en lieu et place d’encens et d’oblation. Le psalmiste, privé, des moyens d’offrir à l’Éternel les sacrifices prescrits par la loi, demande que sa prière en tienne lieu. La mention de l’oblation du soir a fait adopter ce psaume par l’Église du moyen-âge comme cantique du soir (des vêpres), de même que la parole du Psaume 73 : Je t’invoque au point du jour, lui a assigné sa place comme cantique du matin.
Garde mes lèvres et mon cœur !
Mets une garde à ma bouche. Ici commence la prière qui vient d’être annoncée. Mais le psalmiste éprouve avant tout le besoin d’être gardé dans ses sentiments, comme dans ses paroles, en face de tout ce qui, dans sa position, est de nature à le pousser à quelque propos coupable. Comparez Psaumes 39.2-3.
Des choses mauvaises… Des paroles (verset 3) on passe vite aux actions. Un moment de défaillance suffirait pour que celui qui craint Dieu fût entraîné à faire cause commune avec les méchants et, de persécuté, devînt persécuteur.
Leurs délices. Le psalmiste sait qu’une concession coupable lui ferait échanger ses privations contre les faveurs des puissants.
Le psalmiste en vient à ce qui, dans sa position, lui est douloureux plus que toute autre chose : c’est, non pas d’être frappé, mais de l’être par des hommes iniques. Une répréhension venant d’un juste lui ferait l’effet d’une bénédiction, parce que la justice, même quand elle fait souffrir, est bienfaisante pour celui qui a le cœur droit.
De l’huile sur ma tête : allusion à la coutume d’oindre d’huile un hôte que l’on voulait honorer (Psaumes 23.5).
Car même en face de leurs méchancetés… Comment n’agirais-je pas ainsi envers le juste, puisque, même maintenant que je suis poursuivi par pure méchanceté, je n’emploie d’autre arme que la prière ? Tel est le sens le plus probable de cette phrase, que sa concision rend obscure. En voici la traduction littérale : Car encore, ma prière dans leurs méchancetés. Cette arme de la prière fut bien celle de David, en face des armées de Saül.
Que leurs chefs, littéralement : leurs juges, les hommes qui, en qualité de juges, détiennent le pouvoir.
Soient précipités… La prière dont il vient d’être parlé est parfois une arme terrible ; elle le devient en ce moment entre les mains du persécuté, qui subitement appelle sur les hommes criminels qu’il a en vue les jugements de Dieu. Si David a conservé envers Saül les sentiments d’un fils, il a laissé libre cours à son indignation contre les hommes jaloux et ambitieux qui exploitaient les faiblesses du roi, pour le jeter à la poursuite d’un innocent. Sur l’expression de sentiments semblables, voir Psaumes 5.11, note et l’introduction au Psaume 109.
Dans les fentes des rochers, littéralement : dans les mains du rocher. Ce genre de supplice, mentionné 2 Chroniques 25.12, est un exemple d’une fin soudaine et terrible, réservée à ceux qui ont voulu s’élever par l’injustice.
L’on écoutera… Une fois les calomniateurs réduits au silence, mes avis seront agréés.
Dans la mort nous regardons à toi !
Nos os sont dispersés… L’image que le psalmiste a devant les yeux semble être celle d’ossements que l’on disperse, en labourant un champ où ont été, longtemps auparavant, déposés des cadavres ; tant il est vrai que David fugitif et ses compagnons sont dès longtemps comme morts pour leur peuple. La poursuite dont ils sont l’objet a pour effet de les faire sortir un instant de l’obscurité, pour les jeter ailleurs, mais toujours comme des ossements appartenant au domaine du Schéol (voir Psaumes 6.6, note). L’image du labour, employée ici, a amené plusieurs interprètes à voir dans ce verset, au lieu d’une triste complainte, une parole d’espoir : On a beau jeter nos os en proie au sépulcre, ceux qui le font agissent (sans le savoir) comme des laboureurs qui jettent en terre une semence d’où sortira une glorieuse moisson. Il y aurait là une allusion à la résurrection, suprême consolation des martyrs. Dans ce sens, ce verset prépare très bien la parole de confiance du verset 8 : C’est une semence d’où tu feras sortir la vie, car c’est vers toi, Éternel, que se portent mes yeux. Néanmoins, l’idée de moisson n’étant nullement indiquée dans le texte, nous en restons au premier sens que nous avons exposé.
Car mes yeux… Avec le sens que nous avons adopté pour le verset précédent, ce car ne peut se rapporter qu’à une pensée sous-entendue : Aide-moi, car… On serait tenté de croire à une interversion des deux lignes de ce verset : Ne livre pas mon âme, car…
Dans leurs filets. Comparez Psaumes 7.6.