Verset à verset Double colonne
L’expérience religieuse dont nous trouvons ici le récit est d’une très grande importance. Un pécheur a vainement cherché la paix, aussi longtemps que, par une fraude cachée, il a refusé de reconnaître sa faute. Mais dès qu’il en est venu à une confession sincère, le pardon s’est trouvé là ; aussi est-ce par un cri d’allégresse (heureux… !) que sa conscience soulagée exprime sa joie. Alors même que la suscription n’attribuerait pas le psaume à David, les pensées du lecteur se porteraient sur le roi coupable qui, pendant toute une année, après sa grande chute, s’obstina à fermer les yeux sur sa faute, mais qui, repris par Nathan et préparé sans doute par de longs tourments intérieurs à accepter cette remontrance humiliante, n’hésita pas à s’écrier : J’ai péché (2 Samuel 12.13).
C’est ici le second des sept psaumes dits de pénitence (voir Psaume 6) et le premier des treize psaumes qui portent le nom de Maskil. Ce terme est un adjectif signifiant : intelligent. On a pensé qu’il était appliqué aux psaumes spécialement destinés à rendre le lecteur intelligent, à l’instruire sur quelque point important et qu’il pourrait être rendu par le mot : instruction. Mais si certains de ces psaumes, celui-ci entre autres, sont de vrais enseignements, d’autres, tels que le 142, n’ont point ce caractère. Peut-être le moi Maskil désigne-t-il un travail de réflexion, plutôt que d’instruction et pourrait-il se rendre par : méditation.
Les trois premières strophes développent la pensée centrale du psaume (versets 1 à 5). Les trois dernières exposent les conséquences de l’expérience qui vient d’être racontée (versets 6 à 11).
Après un premier cri de soulagement et de joie (versets 1 et 2), vient le récit de l’expérience du psalmiste.
Heureux. Comparez Psaumes 1.1. Cette joie n’est pas celle de l’homme léger qui ne se rend pas compte de la gravité de sa faute. Le péché est désigné ici sous ses différentes faces, comme transgression (acte coupable), comme dépravation intérieure ou péché proprement dit, enfin comme iniquité plaçant l’homme sous la condamnation. La transgression est enlevée (traduction littérale) ; le péché intérieur est couvert, rendu invisible, même aux yeux de Dieu ; il n’est plus tenu compte de l’iniquité. Le mot enlevé correspond à celui qu’emploie Jean-Baptiste, lorsqu’il dit : Voilà l’agneau de Dieu, qui ôte (emporte) le péché du monde (Jean 1.29).
Pas de fraude. C’est la condition du pardon qui va être développée dans les deux strophes suivantes.
Tant que je me suis tu, sur la seule chose qu’il y eût à dire. Le coupable peut gémir, crier, parler même à Dieu de beaucoup d’autres choses : c’est comme s’il ne disait rien, tant qu’il ne confesse pas sa faute.
Mes os se sont consumés. L’interdit caché ronge comme un feu intérieur.
Ta main s’appesantissait sur moi : par des châtiments proprement dits (1 Samuel 5.6), rendus plus douloureux par le malaise intérieur.
Ma vigueur, hébreu : la sève vitale.
Jeu d’instruments. Ici la musique rend plus complète l’impression de douloureux malaise qui vient d’être produite.
Je t’ai fait connaître… La grande résolution est prise et exécutée ; celle de l’enfant prodigue, qui dit : Je me lèverai et j’irai vers mon père et je lui dirai J’ai péché !
Je n’ai pas caché, hébreu : Je n’ai pas couvert ; c’est le même mot que verset 1. Tant que le pécheur couvre lui-même sa faute, il empêche Dieu de la couvrir par le pardon.
Et toi… L’action de Dieu, qui pardonne, suit immédiatement celle de l’homme, qui s’accuse. Saint Augustin a dit : La parole n’est pas plus tôt sur les lèvres, que la blessure est guérie dans le cœur. Il faut observer cependant que le pardon n’accompagne la confession que lorsqu’elle est un acte libre de confiance et d’abandon entre les mains de Dieu. Telle ne fut pas la confession de Judas (Matthieu 27.4).
L’iniquité de mon péché : sa culpabilité, qui attire le châtiment. Les épreuves qui frappèrent David dans la suite ne lui apparurent pas comme des signes de l’éloignement de Dieu. Voir Psaumes 3 et 4.
Au temps où l’on te trouve : pendant le temps de grâce, avant celui où Dieu ne se laisse plus trouver. Comparez Ésaïe 55.6.
De grandes eaux : image des jugements de Dieu. Comparez Ésaïe 8.8 ; Nahum 1.8.
Tu es pour moi un asile. À la pensée du danger, le psalmiste fait appel au sentiment intime qu’il a de sa communion avec Dieu.
Tu m’entoures de chants… Où qu’il regarde, il voit moins le danger que l’occasion que lui offrira le danger même de louer Dieu pour ses délivrances.
Dieu répond à la confiance du croyant, en promettant de l’éclairer pour qu’il ne retombe plus dans l’égarement où il a manqué périr.
Mon œil te guidera : il veillera sur toi, et, d’un signe, te dirigera. La conscience, affranchie du poids qui pesait sur elle, retrouve la délicatesse nécessaire pour discerner la volonté de Dieu. Comparez Romains 12.2.
Ne soyez pas… Après l’expérience douloureuse qu’il a faite, le psalmiste invite les fidèles à se laisser diriger par le moindre signe de l’amour divin, pour que Dieu ne soit pas obligé de les ramener sur le chemin de l’obéissance par la pression douloureuse du mors, ainsi que cela lui est arrivé à lui-même.
On le bride avec un frein…, littéralement : on le pare d’un frein. Le mors du cheval est sa parure, mais en même temps le signe et l’instrument de sa sujétion. Au reste le sens de ces mots est discuté. Plusieurs traduisent : On emmuselle sa bouche avec un frein, sans quoi il n’approcherait pas…, ou de peur qu’il ne s’approche. Le premier sens nous semble rentrer mieux dans l’idée générale du passage. Le cheval indompté s’éloigne de son maître, comme le pécheur de son Dieu.
Ces versets forment la conclusion du psaume.
Droits de cœur. Ce dernier mot correspond à la parole du début : pas de fraude (verset 2).