Verset à verset Double colonne
Le deuxième Livre des Psaumes (42 à 72) ne comprend que des psaumes élohistes (voir l’introduction).
Il s’ouvre par un groupe de huit cantiques des fils de Koré. Cette famille de Lévites descendait de ce Koré qui s’éleva au désert contre Moïse et fut l’objet d’un terrible jugement de Dieu. Le livre des Nombres mentionne expressément le fait que ses fils ne périrent pas avec lui (Nombres 26.11). Eux et leurs descendants semblent avoir eu à cœur de faire oublier la faute de leur ancêtre par un redoublement de zèle au service de l’Éternel. Déjà au désert, les fils de Koré ont pour fonction de garder les portes du sanctuaire (1 Chroniques 9.19). Sous David, cette famille a une charge analogue (2 Chroniques 26.1-19). Mais c’est surtout dans l’organisation et la direction de la musique sacrée que les fils de Koré eurent un rôle important. Un d’entre eux, Héman, dont le nom figure en tête du psaume 88, fut un des trois maîtres chantres revêtus de cette fonction par David. Ses fils furent, avec ceux d’Asaph et de Jéduthun, à la tête des vingt-quatre classes de chantres et musiciens appelés à officier dans les solennités religieuses (2 Chroniques 6.33 ; 2 Chroniques 23.5). À l’époque de Josaphat, les fils de Koré sont encore parmi ceux qui dirigent les chœurs sacrés (2 Chroniques 20.19). À l’exception d’Héman, aucun des membres de cette famille n’est spécialement désigné, les fils de Koré semblent avoir été unis par un tel esprit de corps, que leurs œuvres étaient attribuées à la famille entière. Elles portent du reste toute l’empreinte commune d’une piété particulièrement intime, d’une entière fidélité au Roi céleste et d’un profond attachement à Jérusalem, la ville du sanctuaire.
Ces deux psaumes sont l’expression la plus pure du soupir de l’âme pieuse, privée des gages visibles de la présence de Dieu. L’auteur, qui ne connaît pas de plus grande joie que de servir Dieu dans le sanctuaire, a été violemment éloigné des lieux saints, où le ramènent sans cesse ses pensées et ses désirs. Faut-il penser ici à quelque homme pieux de la suite de David, fuyant avec lui devant Absalom ? Ou bien l’auteur ferait-il partie d’une troupe de déportés emmenés en captivité (voir Psaumes 42.11) ? Ou encore, ainsi que semblent l’indiquer le ton tout personnel de la complainte et l’absence d’allusion à l’ensemble du peuple, s’agirait-il de quelque Israélite persécuté par un roi impie (Psaumes 43.1) et banni, loin du temple, dans la contrée sauvage du Grand Hermon (Psaumes 42.7) ? Nous ne pouvons que poser ces questions, sans les résoudre, ce qui, d’ailleurs, est secondaire. Ce qui donne à ces deux psaumes leur accent pénétrant, ce qui fait qu’en tout temps les âmes pieuses y ont retrouvé leur propre soupir, c’est l’intensité du sentiment religieux qui s’y exprime. Ceux qui, comme le psalmiste, ont rencontré la face de Dieu (verset 3), ne peuvent s’habituer à vivre loin de lui. Ont-ils lieu de croire à l’éloignement de Dieu ? Rien ne peut les en consoler. Ils soupirent, ils appellent, ils luttent jusqu’à ce que, la foi triomphant des circonstances extérieures ou intérieures qui les ont jetés dans le désert, ils finissent par retrouver dans ce désert même la présence du Dieu vivant.
C’est une lutte de ce genre que nous trouvons ici. Dans une première strophe, le psalmiste exhale sa douleur ; mais une voix s’élève en lui, l’exhortant à espérer au Dieu du salut (versets 2 à 6). Avec une nouvelle strophe commence une nouvelle plainte, dans laquelle pourtant le psalmiste ne parle plus seulement du Dieu dont il est éloigné, mais lui parle à lui-même. Et pour la seconde fois, la voix consolatrice se fait entendre (versets 7 à 12). Le Psaume 43, qui est évidemment une troisième strophe du même cantique répète la même complainte et le même refrain final ; mais l’accent de la prière est déjà plus assuré, l’exaucement se fait pressentir ; le psalmiste, qui, dans la première strophe, parlait simplement de Dieu, qui, dans la seconde, l’appelait : le Dieu qui est ma vie, l’appelle maintenant : ma joie et mon allégresse
Nous ignorons ce qui a pu détacher du psaume complet cette dernière strophe. Constatons que, dans ce groupe de psaumes de Koré, le Psaume 43 est le seul qui ne porte pas de nom d’auteur, sans doute parce qu’on l’a toujours envisagé comme inséparable du précédent.
Ces deux psaumes, chers à tous les croyants, le furent particulièrement aux persécutés. Les Huguenots les chantaient avec prédilection. Le Psaume 42, si bien traduit en vers par Théodore de Bèze, est resté l’un des plus populaires dans nos Églises.
Méditation : voir Psaumes 32.1, note.
Comme une biche brame. Aucune image ne saurait mieux rendre la détresse de l’âme, pour laquelle le monde, sans Dieu, n’est qu’un immense désert.
Elle a soif du Dieu vivant. Ce qu’est l’eau vive, pour la contrée qu’elle renouvelle en l’arrosant, l’amour de Dieu le devient pour l’âme qui se place sous son influence. Le psalmiste, privé de tout ce qui rappelle la présence de Dieu, se sent comme plongé dans la mort.
Où est ton Dieu ? Ce qui augmente sa douleur, au point qu’il ne peut prendre aucune nourriture (comparez Psaumes 80.6), c’est que ses ennemis se font de sa misère un argument pour se moquer de Dieu lui-même en même temps que de la foi qu’il a en lui. Où est ton Dieu ? Demandait-on aux Huguenots en les faisant périr et c’est la question que l’on jette encore maintenant à la face des Stundistes de Russie, dans leur exil et leur martyre.
Je fonds en pleurs, littéralement : je répands mon âme sur moi.
Je conduisais le cortège. La tristesse de sa situation présente rappelle au psalmiste, par contraste, les fêtes auxquelles il prenait part, non seulement comme lévite, mais comme directeur de chœurs sacrés.
Pourquoi, mon âme…? Ce n’est pas une voix étrangère qui parle ici. Le psalmiste lui-même, obéissant aux impulsions de cette partie supérieure de lui-même, qui est plus particulièrement en rapport avec Dieu (l’esprit, dans le langage biblique), exhorte son âme à réagir contre les impressions qui l’abattent.
Il est mon salut. C’est précisement dans des situations qui semblent désespérées que le Dieu vivant montre ce qu’il peut faire. Notre traduction est celle des Septante et rétablit le refrain, tel que nous le trouvons verset 12 et Psaumes 43.5. Le texte hébreu donne le sens suivant : Le salut est devant sa face.
Il me souvient de toi. Déjà avec ce tu, commence la prière.
Dans ce pays du Jourdain. L’exilé se trouve dans la contrée montagneuse où le Jourdain prend sa source. Le nom de Mitsar (petite montagne) ne se retrouve pas ailleurs.
Des gouffres retentissants. Dans cette contrée sauvage, le psalmiste voit l’image des dévastations qui ont bouleversé son existence. Les torrents qui se précipitent des montagnes lui rappellent les coups terribles et répétés qui l’ont frappé.
Sa tristesse ne va pas jusqu’au découragement. Il constate même que si, jour et nuit, il se nourrit de ses larmes (verset 4), jour et nuit aussi, une force secrète, venant de la grâce de Dieu, le soutient.
Pourquoi m’as-tu oublié ? Ce n’est pas le pourquoi du doute ; c’est plutôt celui de la confiance. Le croyant demande au Dieu qui est son seul appui (mon rocher) la solution du problème qui l’angoisse : Pourquoi ce contraste entre la bonté, si connue de Dieu et les malheurs qui ont fondu sur lui ? (comparez Matthieu 27.46) Au reste, à ce pourquoi adressé à Dieu en succède bientôt un autre (verset 12), que le psalmiste s’adresse à lui-même.